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table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

ARISTOTE

 

 

PROBLÈMES MUSICAUX

NOUVELLES OBSERVATIONS

 

 

NOTES SUR LES PROBLÈMES MUSICAUX

DITS D'ARISTOTE

 

Extrait de la Revue des Etudes Grecques, 1892/01 (T5, N17) --> 1892/03.

 

 

Les deux récentes traductions du xixe chapitre des Problèmes d'Aristote, par MM. Barthélémy Saint-Hilaire et Ruelle, nous ont fourni l'occasion de relire ensemble avec attention ce texte d'une importance si grande pour l'histoire de la musique dans l'antiquité. Nous avons cru devoir consigner ici le résultat de nos observations communes, notamment pour donner « date certaine » aux corrections assez nombreuses que nous sommes amenés à proposer au texte traditionnel. Nous serons heureux d'apprendre que nous nous sommes rencontrés sur quelques points avec MM. Gevaert, Wagener et Volgraff, qui doivent publier bientôt, nous assure-t-on, une nouvelle édition de ces Problèmes.[1]

 

I.

Observations générales.

 

Le texte des Problèmes musicaux — comme celui du recueil des Problèmes tout entier — nous est parvenu en fort mauvais état.

Les altérations qu'il a subies sont en partie de même nature que celles que l'on constate dans tous les ouvrages classiques de l'antiquité : répétitions, omissions, fautes d'itacisme, gloses marginales ou interlinéaires introduites dans le texte.[2] Mais il présente, en outre, des causes de corruption propres qui tiennent à la manière même dont l'ouvrage s'est constitué. Dans les recueils originaux qui ont servi de base à notre compilation, il est probable que les énoncés des problèmes étaient nettement distingués des solutions par quelque caractère graphique. Or, il est arrivé que les derniers compilateurs — ou les copistes — ont par étourderie omis certains énoncés, de telle sorte que la solution correspondante, restant en l'air, a été naturellement rattachée· par les éditeurs au problème précédent dont elle semblait faire partie. Un exemple bien net de ce genre de faute est offert par le problème 35. La première partie (jusqu'à la ligne 18 Didot) est consacrée à l'examen de la question : « Pourquoi l'octave est-elle la plus belle des consonances? » Puis, tout à coup, on aborde un sujet tout différent, une question de phonation et d'acoustique générale. Διὰ (?) παντὸς, τοῦ φερομένου ἡ κατὰ μέσον κίνησις, etc. Il est évident qu'on a ici la solution d'un problème nouveau dont l'énoncé est perdu. — Les choses se sont passées de même dans les problèmes 4, 7, 39, etc.

Dans les cas que nous venons de citer, la séparation des deux problèmes n'offre guère de difficultés, parce que la première question est non seulement posée, mais résolue en entier; aussi les lacunes des nos 35 et 4 ont-elles été déjà constatées par Septali et Bojesen. Mais quelquefois le « saut » du copiste a été plus étendu et par cela même plus difficile à apercevoir : il a passé de l’énoncé d'une question à la solution d'une question voisine; de là sont résultés des composés monstrueux, analogues aux monnaies « hybrides » des numismates, où le droit d'un coin monétaire se trouve associé avec le revers d'un autre coin. Bien entendu, tant qu'on n'avait pas reconnu la genèse de pareils rébus, leur explication littérale devait offrir des difficultés insurmontables. Les exemples de « problèmes hybrides » que nous avons relevés dans le chapitre xix sont les nos 16, 30, 43 et 47. Dans la suite de ce travail nous désignerons par des numéros bis tous les problèmes indûment rattachés aux problèmes qui les précèdent.

L'ordre, ou plutôt le désordre, dans lequel se succèdent les différents problèmes de chaque chapitre forme un grand obstacle à leur étude rationnelle. Cependant cet ordre n'est pas purement arbitraire. Il s'explique par la diversité des sources[3] où ont puisé les auteurs de notre compilation, et peut même servir à les révéler. Dans chaque section on trouve en effet de petits groupes de problèmes successifs qui se rattachent entre eux par un lien logique et portent incontestablement la marque, sinon d'un même auteur, du moins d'un même corps de doctrine. Ces problèmes se greffent souvent les uns sur les autres de la manière suivante. Dans la solution d'une question, l'auteur se trouve amené à s'appuyer sur un fait ou un principe considéré comme admis pour ne · pas compliquer la discussion. Mais, le problème terminé, il reprend ce fait ou ce principe dans une nouvelle question et en rend compte à son tour. Ce genre de connexion s'observe notamment dans les problèmes 3-4; 7-8; 18-19; 38-39. En se fondant sar ces relations, ainsi que sur les problèmes textuellement ou partiellement répétés, en considérant d'autre parties divergences de doctrine, les variations de style et de terminologie, il ne serait pas impossible d'accomplir sur les Problèmes un travail de dissection analogue à celui que les savants allemands ont entrepris sur l’Anthologie, où ils s'efforcent de dégager les fragments des recueils primitifs de Méléagre et de Philippe, confondus et brouillés dans la compilation ultime de Céphalas. Toutefois un travail de ce genre n'aurait d'intérêt et de chances de succès que s'il portait sur l'ensemble de l'ouvrage. Bornant notre étude à un seul chapitre, nous croyons plus utile et plus instructif de rétablir dans le chaos un arrangement par ordre de sujets, qui aura l'avantage de mieux faire ressortir les répétitions et les contradictions, et surtout de mieux dégager les principes qui dominent chaque matière.

Pour la facilité des recherches, nous donnons ici un tableau des paragraphes et des pages de notre étude où l'on trouvera examinés les divers numéros du chapitre xix. Dans chaque paragraphe nous avons autant que possible suivi l'ordre naturel des numéros ; cependant les problèmes répétés ont toujours été examinés conjointement.

 

N° du Probl.

Paragr.

Page.

N° du Probl.

Paragr.

Page.

N° du Probl.

Paragr.

Page.

1

VIII

42

18

VI

36

35 bis

II

27

2

II

26

19

VI

37

36

VII

41

3

111

29 '

20

VII

41

37

III

30

4

111

29

21

IV

31

38

VIII

45

5

VIII

42

22

IV

31

39

VI

37

6

VIII

42

23

V

33

39 bis

VI

37

7

IX

46

24

II

26

40

VIII

42

7 bis

III

30

25

IX

48

41

V

34

8

V

33

26

III

31

42

II

26

9

VIII

43

27

VIII

44

43

VU!

43

10

VIII

44

28

IX

50

44

IX

48

11

III

30

29

VIII

44

45

IV

31

12

VII

39

30

VIII

46

46

III

31

13

VI

36

30 bis

VIII

46

47

IX

46

14

VI

36

31

IX

50

47 bis

IX

49

15

IX

50

32

IX

49

48

VIII

45

16

VI

37

33

III

29

49

VII

40

16 bis

VIII

44

34

V

34

50

II

28

17

VI

36

35

VI

37

 

 

 

Nous rappelons aussi l'ordre et les noms des sons de la gamme grecque en commençant par l'aigu et en prenant comme type l'octave de Mi à Mi :

Nète....................................................      mi

Paranète.............................................      ré

Trite.....................................................     ut

Paramèse............................................       si

Mèse....................................................     la

Lichanos............................................. sol

Parhypate............................................... fa

Hypate................................................     mi

 

II.

Acoustique physique.

 

Prob. 2. « Pourquoi le même individu avec la même voix se fait-il entendre plus loin quand il chante ou cric avec d'autres que (lorsqu'il chante ou crie) seul? » Ce problème, qui serait mieux placé dans la section de la voix, n'est nullement identique, comme on l'a prétendu, au problème 52 du chapitre xi. Dans ce dernier, il n'est pas question de la portée des voix réunies, mais de leur intensité. L'auteur se demande pourquoi, dès que la distance est grande, cette intensité, quoique supérieure à celle de chaque voix isolée, n'est pas proportionnelle à leur nombre. Il l'explique par le fait que, au delà d'une certaine distance, une partie seulement des ondes atteint le but (l'oreille) : il en est de même quand plusieurs tireurs lancent des pierres sur un même but; plus le but est éloigné, moins il y aura de pierres qui l'atteindront.[4]

Dans notre problème 2, l'auteur a recours à une autre comparaison, singulièrement inexacte, empruntée à la géométrie et qui, prise au pied de la lettre, reviendrait à dire que la portée du son total est proportionnelle au carré du nombre des voix !

Prob. 24 42. « Pourquoi si, après avoir pincé (fait résonner) la nète, on l'arrête, l’hypate seule paraît-elle répondre? »

L'épigramme d'Agathias, rappelant un fait plus saillant, dit vice versa (Anth. Pal. XI, 352):

Δεξιτέρην ὑπάτην ὁποτε πλήκτροισι δόνησας,

ἡ λαιὴ νήτη πάλλεται αὐτομάτως,

et l'on serait tenté d'après cela d'intervertir dans notre problème (comme au n° 23 infra) les mots νήτη et ὑπάτην; toutefois la solution détaillée du n° 42 ne permet pas cette correction, et d'ailleurs le fait constaté est vrai, quoique moins sensible que le phénomène inverse. La première explication proposée — que le son de la nète en s'éteignant devient le son de l'hypate[5] — est diamétralement opposée à la vérité, puisque les sons harmoniques d'une corde, qui vibrent, en effet, lorsqu'on éteint le son fondamental, sont plus aigus que le son principal. Le fait allégué comme preuve (qu'on peut chanter la nète d'après l'hypate) ne prouve rien; ensuite, nous ne comprenons pas les mots ὡς γὰρ οὔσης αὐτῆς δῆς νεάτης qui renferment une corruption. Nous en dirons autant de la phrase qui suit et qui propose une deuxième explication : Έπεὶ δὲ καὶ ἠχὼ δή τίς ἐστίν, ἀφή ἐστι φωνῆς τῆς νεάτης ληγούσης, ἦχος ν ὁ αὐτος τῷ τῆς ὑπάτης φθόγγῳ κινεῖ, εἰκότως τ ὁμοιότητι τὴν ὑπάτην ἡ νήτη δοκεῖ κινεῖν. On ne peut extraire un sens de ce galimatias qu'en recourant à des corrections assez violentes, par exemple : ἐπεὶ δὲ καὶ ἠχὼ ᾠδή, [καὶ] ἀφή [τίς] ἐστι φωνῆς τῆς νεάτης ληγούσης, [ἧς] ἦχος ὁ αὐτος τῷ τῆς ὑπάτης φθόγγῳ ... εἰκότως τὴν ὑπάτην ἡ νήτη δοκεῖ κινεῖν. Ensuite τὴν μὲν γὰρ νεάτην ἴσμεν [ὡς οὐ] (ms. οὐ) κινεῖται etc. La troisième explication, qui n'a été bien rendue par aucun des traducteurs français, est plus plausible, sinon plus exacte dans le détail : la nète étant fortement tendue, en la pinçant énergiquement on fait vibrer la traverse (ζυγόν) de la lyre et avec elle toutes les autres cordes; or parmi celles-ci l'hypate seul a un son apparenté à celui de la nète; ce son s'ajoute au son expirant de celle-ci et domine tous les autres. A la fin, nous adoptons l'excellente correction de Bojesen [ἄλλ] ὡς τε καὶ βραχείας κιν[ήσε]ως αὐταῖς γεγενημένης. Le n° 24 reproduit substantiellement cette dernière explication sans répéter l'erreur de l'identité du son mourant de la nète avec l'hypate. Il se contente de dire : ὅτι συμφυὴς[6] μάλιστα γίνεται τῷ φθόγγῳ ὁ ἀπὸ ταύτης ἦχος διὰ τὸ σύμφωνος εἶναι. Nous corrigeons en ἀντίφωνος, car les sons de la quinte et de la quarte sont aussi σύμφωνοι à celui de la nète.

Prob. 35 bis. Nous avons indiqué plus haut que ce problème, actuellement rattaché au n° 35, est, en réalité, tout à fait distinct de celui-ci. Il commence avec les mots (l. 18 Did.) Διὰ παντὸς τοῦ φερομένου, qu'on a traduits par « dans tout mobile ». Mais cela ne serait guère grec; le mot διὰ paraît être un débris du commencement de l'énoncé du problème qu'on pourrait restituer ainsi : διὰ [τί ἡ φωνὴ ἀνὰ μέσον ὀξυτάτη ; "Η ὅτι] παντός etc.

L'explication est que tout mouvement est plus rapide au milieu de la course (ce qui du moins pour un projectile n'est pas exact); or, à un mouvement plus rapide correspond un son plus aigu;[7] témoin les cordes qui rendent un son d'autant plus aigu qu'elles sont plus tendues et, par conséquent, vibrent plus vite (διὸ καὶ χορδαὶ ἐπιτεινόμεναι ὀξύτερον φθέγγονται θᾶττον γὰρ ἡ κίνησις γίνεται). Or la voix (Ή δὲ φωνή ; la correction de Bussemaker εἰ δὲ φωνή paraît inutile) est un transport d'air ou de tout autre milieu vibrant, donc, etc.

Prob. 50. « Pourquoi si de deux vases (πίθοι) égaux et semblables l'un est vide, l'autre à moitié plein, les résonances qu'ils produisent donnent-ils la consonance d'octave ? » Voici la réponse : "H ὅτι διπλασία γίνεται (supprimer καὶ) (scil. ἠχὼ) ἐκ τοῦ ἠμίσεως τῆς ἐκ τοῦ κενοῦ; il faut entendre par là que le son du vase à moitié plein est à l'octave aiguë de l'autre, car pour les péripatéticiens la nète est le double de l'hypate (cf. prob. 35 : ἐπεὶ γὰρ διπλασία ἡ νήτη τῆς ὑπάτης, οἶα ἡ νήτη δύο, ἡ ὑπάτη ἔν etc.)

La suite de l'explication confirme cette traduction : « l'air circule deux fois plus lentement dans un espace double (par conséquent dans le vase vide), et à un mouvement plus rapide correspond un son plus aigu. » D'ailleurs l'auteur ajoute : τί γὰρ διαφέρει τοῦτο ἡ ἐπὶ τῶν συριγγών; En effet, dans les syringes, comme on le verra plus loin (prob. 23), à un tuyau de longueur double correspond un son à l'octave grave.

Il est essentiel de remarquer que le son, dans l'expérience ici mentionnée, est obtenu non en frappant sur la paroi du vase (comme le croit M. Barthélémy Saint-Hilaire), mais en soufflant fortement à l'entrée : le πίθος était un vase très allongé en forme de fuseau. Dans le cas de percussion, en effet, le son serait produit par la vibration de la paroi et le résultat précisément l'inverse de celui qui est énoncé ici: plus le vase est plein, plus le son est grave.

 

III.

Acoustique physiologique.

 

Prob. 3. « Pourquoi la voix se soutient-elle avec peine (pour le sens de ἀπορρήγνυμι cf. XI, 12 et 46) en chantant la parhypate deuxième note de la gamme), non moins qu'en chantant la nète et les (autres) notes supérieures μετὰ δὲ διαστάσεως (lire διατάσεως, « effort » ; Polit. VII, 15, 6) πλείονος ; "H ὅτι χαλεπώτατα ταύτηνδουσιν < καὶ αὕτη ἀρχή . Les mots entre crochets n'ont point de sens.[8] A la dernière phrase de ce problème se rattache immédiatement le suivant.

Prob. 4. « Mais pourquoi chante-t-on difficilement celle-ci (la parhypate) et facilement l’hypate (fondamentale) » καίτοι δίεσις ἑκατέρας. L'emploi du mot ἑκατέρας indique que l'énoncé est incomplet ou elliptique; l'explication montre comment il faut le compléter.

ὅτι μετ' ἀνέσεως ἡ ὑπάτη καὶ ἅμα μετὰ τὴν σύστασιν (lire avec Ruelle σύντασιν, « forte tension ») ἐλαφρὸν τὸ ἄνω (lire κάτω) βάλλειν; Διὰ ταὐτὸ δ' ἔοικε καὶ τὰ < πρὸς μίαν λεγόμενα πρὸς ταύτην ἢ παρανήτην >.

Ces derniers mots sont misérablement corrompus; peut-être : τὰ λεγόμενα περί τὴν νήτην ἢ παρανήτην. Les dernières lignes de ce problème sont, comme l'a vu Bojesen, le fragment d'un problème tout différent, relatif à l'esthétique musicale; mais le texte en paraît corrompu sans remède. — Nous rattachons à ces deux problème le

Prob. 33. « Pourquoi est-il plus commode (εὐαρμοστότερον ; s. e. pour le chanteur) d'aller de l’aigu au grave que du grave à l'aigu? » Nous rétablissons ainsi la suite du problème : Πότερον ὃτι τὸ [μὲν] ἀπὸ τῆς άρχης γίνεται ἄρχεσθαι (?) < ἡ γὰρ μέση καὶ ἡγεμὼν ὀξυτάτη τοῦ τετραχόρδου >, τὸ δ' οὐκ ἀπ' ἀρχῆς, ἀλλ' ἀπὸ τελευτῆς; "Η ὃτι τὸ βαρὺ ἀπὸ τοῦ ὀξέος γενναιότερον καὶ εὐφωνότερον ; Les mots que nous avons mis entre crochets sont évidemment la glose d'un annotateur qui voulait expliquer pourquoi l'aigu est considéré comme le commencement naturel de la gamme. A supposer que cette glose soit réellement intercalée à sa place, l'explication consisterait à dire que dans le tétracorde inférieur la mèse est la note la plus aiguë, or la mèse a le caractère d'une note « directrice » (ἡγεμών), donc c'est bien l'aigu qui est le commencement. On pourrait aussi entendre ἡγεμών de la nète, qui est pareillement le commencement du tétracorde supérieur.

En se fondant sur ce problème 33, on est amené à croire que dans les problèmes 3 et 4, pour obtenir un sens satisfaisant, il faut rétablir ou suppléer l'idée suivante : « Pourquoi est-il plus facile de chanter l’hypate (après la parhypate) que la parhypate après l’hypate)? » — et de même : « la paranète (après la nète) que la nète (après la paranète) ? » Ce seraient des applications particulières du principe général posé au n° 33.

Prob. 11. Διὰ τί ἡ ἀπηχοῦσα ὀξύτερα; "Η ὃτι ἕλαττον, ἀσθενεστέρα γινομένη ; Après ἕλαττον il semble qu'il faille suppléer un verbe, peut-être κινεῖ τὸν ἀέρα (cf. XI, 3). En effet, le substantif qu'il faut sous-entendre après ἀπηχούσα n'est certainement pas χορδή, comme le veut Ruelle, mais φωνή. Le verbe ἀπηχεῖν signifie « détonner en parlant » comme ἀπάδειν (26 et 46) signifie « détonner en chantant ». Cf. XI, 6 : « Ceux qui veulent imiter des gens qui crient de très loin rendent des sons aigus comme ceux qui détonnent, » ὅμοιον τοῖς ἀπηχοῦσιν. M. B. Saint-Hilaire traduit bien à tort « une voix aiguë assez pareille à celle de l'écho ! »

Prob. 37. « Pourquoi, puisque les sons aigus de la voix correspondent à une petite quantité (d'air déplacé) et les sons graves à. une grande τὸ μὲν γὰρ βαρὺ διὰ τὸ πλῆθος βραδὺ (ms. βαρὺ) τὸ δ' ὀξὺ δι' ὀλιγότητα ταχύ est-il néanmoins plus difficile de chanter l'aigu que le grave? » L'auteur résout cette contradiction apparente par une subtilité qui se retrouve textuellement ailleurs (XI, 21) : autre chose est avoir la voix aiguë de nature, ce qui est un signe de faiblesse, puisque cela consiste à ne pouvoir remuer qu'une petite quantité d'air ; autre chose chanter l'aigu, ce qui est un signe de force, puisque cela consiste à remuer rapidement l'air et qu'un mouvement rapide atteste une impulsion énergique.[9]

La fin est mal ponctuée dans l'édition Didot. On écrira : Διὰ καὶ οἰ ἑκτικοὶ ὀξύφωνοι, καὶ ἔργον τὰ ἄνωδειν. « Voilà, pourquoi il est à la fois vrai que les gens étiques ont la voix aiguë, et qu'il est difficile de chanter les sons aigus. » Quant aux derniers mots τὰ δὲ βαρέα κάτω, ils sont visiblement altérés ; Ruelle change κάτω en ἧττον ; nous aimerions mieux écrire τὰ δὲ κάτω ἧττον (βαρέα serait une glose de κάτω).

Nous venons de voir que les sons aigus sont plus difficiles à produire (pour une voix normale) ; cette idée est nettement contredite par le prob. 26 : « Pourquoi la plupart des chanteurs détonnent-ils vers l'aigu ? Est-ce parce qu'il est plus facile de chanter l'aigu que le grave ? Ou parce que l'aigu est moins bon que le grave (!) et que se tromper c'est faire ce qui est moins bon? » Le prob. 46, dont l'énoncé est identique, donne seulement comme réponse la première de ces deux explications.

 

IV.

Pratique du chant.

 

Prob. 21 « Pourquoi les fautes de chant (les fausses notes) se remarquent-elles plus dans le grave que dans l'aigu? » Réponse : πότερον ὅτι πλείων ὁ χρόνος ὁ τοῦ βαρέος, οὔτος δὲ μάλλον αἰσθητός.

Vient ensuite un "Η ὅτι qui semble inaugurer une explication nouvelle, tandis qu'elle ne fait guère que confirmer la première sous une autre forme.

Quant à la phrase qui suit l'énoncé —·ὁμοίως δὲ καὶ [ἐν] τῷ ῥυθμῷ οἱ ἐν τῷ βραδυτέρῳ (mss. βαρυτέρῳ) πλημμελοῦντες κατάδηλοι μᾶλλον —, elle ne paraît pas à sa place; on pourrait la reléguer à la fin du problème, comme une confirmation de la preuve alléguée ; mais il est plus probable qu'elle constitue une simple glose, comme toutes (ou presque toutes) les observations insérées ainsi entre un énoncé et une solution (voir les nos 9, 14, 18, 27).

Prob. 22 et 45 (énoncé identique). «Pourquoi un chœur composé d'exécutants nombreux garde-t-il mieux la mesure qu'un petit nombre? » Réponse : "Η ὅτι μᾶλλον πρὸς, ἕνα τε καὶ ἡγεμόνα βλέπουσι καὶ βραδύτερον ἄρχονται ὥστε ῥᾷον etc. Le mot ἄρχονται, quoiqu'il se trouve dans les deux textes, est inadmissible ; il ne s'agit pas de « commencer » lentement, mais de « chanter » lentement comme l'expliquent très bien les mots ἐν γὰρ τῷ τάχει ἡ ἁμαρτία. Nous avions songé à ἔρχονται, comme très voisin du texte, mais le sens figuré de ἔρχομαι aurait besoin d'être appuyé sur des exemples. Peut-être faut-il écrire ἄρχοντα et traduire : « un chef qui les conduit plus lentement. » Quant aux mots ῥᾷον τοῦ αὐτοῦ τυγχάνοοαιν il faut les traduire : « ils arrivent plus facilement ensemble » et non, comme le dit Ruelle, « au même mouvement ».

 

V.

Acoustique mathématique.

 

Rappelons ici les lois principales de l'acoustique mathématique.

I. — L'acuité d'un son dépend de la vitesse des vibrations du corps sonore qui le produit. Plus les vibrations sont rapides, plus le son est aigu.

II. — Les nombres qui expriment les vibrations de deux sons consonants entre eux sont dans les rapports simples de 2 :1 pour l'octave, 3 : 2 pour la quinte, 4 : 3 pour la quarte, etc.

III. — L'acuité, c'est-à-dire la vitesse des vibrations d'une corde sonore (fixée à ses extrémités) est :

1° Inversement proportionnelle à la longueur de la corde.

2° —                     —          à son épaisseur.

3° Directement    —          à la racine carrée du poids tenseur.

4° Inversement    —          à la racine carrée de la densité de la corde.

Nous verrons dans la suite de celte étude que les péripatéticiens connaissaient la loi III, 1°, et les rapports de longueur II qui en résultent pour les consonances (ces lois avaient été établies par Pythagore à l'aide du monocorde), lis avaient deviné également les lois I et III, 3°, sans être en état de leur donner une expression mathématique précise. Quant aux lois III, 2° et 4°, on ne les voit nulle part mentionnées.[10]

Prob. 8. Διὰ τί (en quel sens peut-on dire)[11] ἡ βαρεῖα (s. e. χορδή) τὸν τῆς ὀξείας ἰσχύει φθόγγον. Ce problème se rattache au problème 7 (voir infra p. 46), où pour expliquer un fait d'histoire musicale l'auteur s'était appuyé sur ce principe (ὅτι βαρυτέρα ἰσχύει τὸν τῆς ὀξυτέρας φθόγγον). Les traducteurs rendent ἰσχύει par « augmente, fortifie » (Ruelle, B. Saint-Hilaire) ou « équivaut », valet (trad. Didot). Mais ἰσχύω n'est jamais qu'un verbe neutre[12] qui signifie « être fort, devenir fort ». Il faut peut-être corriger ἰσχύει en ἴσχει, « contient » ou « équivaut». Cf. prob. 12 : ὅτι τὸ βαρὺ μέγα ἐστὶν ὤστε κρατερόν, καὶ ἔνεστιν ἐν τῷ μεγάλῳ τὸ μικρόν (voir aussi 13). C'est exactement la même théorie qu'ici, où le son aigu est comparé à un angle aigu, le son grave à un angle obtus, — comparaison sans valeur d'ailleurs et qui n'est qu'un jeu de mots.

Prob. 23. Διὰ τί διπλασία ἡ νήτη τῆς ὑπάτης ; Wagener corrige : Διὰ τί διπλασία ἡ ὑπάτη τῆς νήτης ; et nous croyons cette correction bonne, quoique dans un autre problème (n° 35) ainsi que dans un fragment d'Aristote conservé par Plutarque, De Musica, 23, on retrouve cette même formule διπλασία ἡ νήτη τῆς ὑπάτης; mais nous verrons que dans ces deux derniers cas elle a un sens différent qui se rapporte aux tensions ou à la vitesse des vibrations. Ici, au contraire, comme le prouve la suite du problème, il est question de longueurs de cordes et en ce sens il est vrai de dire que, toutes choses égales d'ailleurs, la corde qui donne l'octave est moitié de la corde qui donné le son fondamental. Dans la lyre ancienne les cordes étaient d'égale longueur ; elles ne différaient que par la tension et probablement l'épaisseur; le principe énoncé ne sautait donc pas aux yeux et l'auteur le justifie par des analogies : 1° une corde qu'on fait vibrer successivement dans toute sa longueur et dans la moitié de sa longueur, donne l'octave (lire συμφωνεῖ ou συμφωνοῦσι au lieu de συμφωνοῦσα) ; 2° dans les chalumeaux (syringes à un seul tuyau), le son produit en soufflant dans le trou du milieu est à l'octave (aiguë) de celui qu'on obtient en soufflant d'un bout à l'autre; 3° dans les flûtes (nous lisons avec Wagener αὔλοι; pour ἄλλοις), on obtient l'octave en doublant l'intervalle,[13] la quinte en l'augmentant de moitié (les mots ὁμοίω;... ἡμιολίῳ ont été à tort supprimés comme une dittographie par Bojesen ; ils doivent être suivis d'un point) ; 4° dans les flûtes de Pan (syringes polycalames; lire ἔτι, non ὅτι), on place le bouchon de cire à l'extrémité du tuyau pour l'hypate, et à mi-chemin du tuyau pour la nète ; semblablement pour la quinte et la quarte ; 5° dans les trigones et psaltérions (sortes de harpes; lire ἔτι ἐν, sans οἱ, qui provient d'une répétition étourdie du commencement de la phrase pénultième; puis τριγώνοις [καὶ] ψαλτηρίοις), à tension égale, les cordes de longueur simple et double sonnent l'octave.

Ce problème est important pour l'histoire des instruments anciens, non moins que celle des théories musicales; il montre que les péripatéticiens avaient étendu aux instruments à vent les lois découvertes par Pythagore pour les longueurs de cordes. On a déjà vu d'ailleurs que le problème 50 applique la même théorie au phénomène des vases sonores.

Prob. 34 = 41. (Ces problèmes suivent la terminologie pythagoricienne en désignant l'accord de quinte sous le nom de δί' ὀξειῶν, dont l'étymologie exacte nous échappe.) « Pourquoi la double quinte (neuvième) et la double quarte (septième) ne sont-elles pas des consonances, tandis que la double octave l'est?» La réponse (n° 41) est que, dans le cas de l'octave, on a une série de trois nombres dont la raison géométrique est 2 : alors le premier et le dernier sont dans un rapport simple, 4:1. Au contraire, dans le cas de la quinte, on a la série n : 3/2 n : 3/2 x 3/2 n. Les termes extrêmes (n et 9/4 n) ne sont dans aucun rapport simple entre eux, puisqu'ils ne sont ni multiples ni ἐπιμόριοι. (Deux nombres sont dits ἐπιμόριοι quand leur rapport est exprimé par une fraction dont les deux termes ne diffèrent que de l'unité : 3/2, 4/3, etc.). De même pour la double quarte (n : 4/3 n : 16/9 n). « Or la consonance consiste précisément dans l'existence d'un rapport simple entre deux Sons. » στ' ἐπεὶ συμφωνία λόγον (Bojesen ; ms. εὔλογον) ἐχόντων φθόγγων (ms. φθόγγον) πρὸς ἀλλήλους ἐστί. Le texte du n° 34 n'est qu'un abrégé informe de cette solution. Il faut lire en tout cas : ‘H ὅτι οὐδὲ δὶς δι' ὀξειῶν, οὐδὲ δὶς διὰ τεττάρων [ἀνὰ λόγον] ἐστίν, τὸ δὲ etc.

On remarque que dans ce problème l'auteur établit un rapport numérique entre les sons eux-mêmes et non pas entre les longueurs de cordes qui leur correspondent. Une théorie toute semblable est exposée d'après Aristote dans Plutarque, De mus. 23 ; là on assigne aux principales notes de la gamme les valeurs suivantes en unités (μονάδες) : hypate 6, mèse 8, paramèse 9, nète 12. Il est clair que si ces théoriciens avaient en vue les longueurs de cordes, ces nombres devraient être précisément inverses ; d'autre part, les tensions, mesurées par les poids tenseurs, (et il n'existe pas d'autre moyen rigoureux de les mesurer), sont proportionnelles, non à ces nombres, mais à leurs carrés. Il ne reste donc qu'une explication : c'est que les pythagoriciens et péripatéticiens avaient en vue les nombres de vibrations des différents sons, dont ils n'avaient pas pu déterminer les grandeurs absolues, mais dont ils avaient deviné les proportions exactes, en les considérant comme inverses des longueurs de cordes.

 

VI.

Théorie des consonances.

 

En lisant les problèmes suivants on n'oubliera pas que les anciens n'admettaient que trois consonances : l'octave (et ses multiples), la quinte et la quarte. Il faut aussi préciser le sens du mot antiphone que nous rencontrerons fréquemment. Un son est antiphone d'un autre lorsqu'il lui équivaut exactement pour l'oreille, sans toutefois lui être identique ; c'est un unisson apparent. L'expression a pour origine la pratique des-chœurs mixtes où les voix d'enfants et d'adultes chantaient la même mélodie, en apparence à l'unisson, en réalité à l'octave. On peut dire que, en fait, sons antiphones et sons à l'octave sont termes synonymes; mais l'origine des deux conceptions est toute différente et des traces de cette différence se retrouvent partout dans la théorie : il est probable que l'on chanta pendant longtemps des chœurs antiphones avant de se douter que les deux groupés de voix chantaient à l'octave l'un de l'autre.

Prob. 13. « Pourquoi dans la consonance d'octave le son grave est-il antiphone de l'aigu et non pas l'aigu du grave ? » Réponse : ἢ ὅτι μάλιστα μὲν ἐν ἀμφοῖν ἐστι τὸ ἀμφοῖν μέλος, εἰ δὲ μή, ἐν τῷ βαρεῖ; μεῖζον γὰρ. Cette théorie, sans valeur d'ailleurs, que le son grave est « plus grand » que l'aigu, se rencontre dans tout un groupe de problèmes (7, 8, 12).[14]

Prob. 14. « Pourquoi la consonance d'octave n'est-elle pas perceptible et se confond-elle pour l'oreille avec l'unisson (δοκεΐ όμόφωνον είναι), soit dans le phénikion, soit dans la voix humaine ?» Nous lisons ensuite : < τὰ γὰρ ἐν τοῖς ὀξέσιν [καὶ βαρέσιν] ὄντά οὐχ ὁμόφωνα, ἀλλ' ἀνὰ λογὸν ἀλλήλοις διὰ πασῶν.[15] > Η ὅτι < ὥσπερ ὁ αὐτὸς εἶναι δοκεῖ φθόγγος > διὰ τὸ ἀνάλογον ἰσοτής [τίς έστι] (ms. ἐπὶ) φθόγγων, τὸ δ' ἴσον τοῦ ἑνός (cf. Métaph. IX, 3, p. 1054 b 3 : ἔν τισιν ἰσότης ἑνότης). Les mots placés entre crochets sont une glose de δοκεῖ ὁμόφωνον εἶναι dans l'énoncé. L'omission de τις après ἰσότης (ἰσοτις) et la confusion de ἐστὶ avec ἐπὶ se justifient paléographiquement sans peine.

Prob. 17. Le texte de ce problème est corrompu. Nous le restituons à peu près ainsi : Διὰ τι [έν τψ διὰ] πέντε οὐκδουσιν ἀντίφωνα; ὅτι οὐχ ἡ αὐτὴ ἡ σύμφωνος (s. e. χοδ) [δοκεῖ] < τ συμφωνί > ὥσπερ ἐν τῷ διὰ πασῶν; ἐκείνη γὰρ ἐν τῷ βαρεῖ ἀνὰ λόγον ὡς ἡ ὀξεῖα ἐν τῷ ὀξεῖ, ὥσπερ οὖν ἡ αὐτή ἐστιν ἀνὰ καὶ ἄλλη αἱ δ'ἐν τῷ διὰ πέντε καὶ διὰ τεττάρων οὐκ ἔχουσιν οὕτως, ὥστ' οὐκ ἐμφαίνεται (?) ὁ τῆς ἀντιφώνου φθόγγος οὐ γάρ ἐστιν ὁ αὐτός. — Τ συμφωνία est une glose de ἐν τῷ διὰ πέντε. On remarquera la définition des sons antiphones : « ils sont les mêmes tout en étant différents. »

Prob. 18. « Pourquoi dans le chant (à deux voix ou avec accompagnement) n'emploie-t-on que la consonance d'octave ? »

Les mots qui suivent — μαγαδίζουσι γὰρ ταύτην, ἄλλην δ' οὐδεμίαν — semblent être une glose marginale : l'auteur de cette glose voulait simplement rapprocher de l'énoncé un fait analogue dans la musique instrumentale ; nous reviendrons sur ce point à propos du problème 39 bis. Ici, il n'est question que du chant antiphone (voix contre voix), ou du chant avec accompagnement de flûte à l'octave. Nous ayons des doutes sur μελωδεῖται à la dernière ligne; on attendrait plutôt δεται.

La réponse au problème 18 (où il faut lire ἐν δὲ τοῖς ἀντιφώνοις, non τοῖς) est fondée sur l'équivalence des sons antiphones qui composent l'octave, « Quand on chante l'un, c'est comme si l'on chantait l'accord entier. » Le prob. 19 demande pourquoi ce phénomène n’a lieu que dans les sons antiphones (à intervalle d'octave). Réponse : "H ὅτι μόναι ἴσον ἀπέχουσι τῆς μέσης; On a peine à croire qu'une pareille ineptie puisse être attribuée même à un disciple ; le problème tout entier doit être la glose d'un grammairien totalement étranger à la musique. La suite est altérée : Ή οὖν μεσότης (sans doute ἰσότης Comme au n° 14) ὁμοιότητά τινα ποιεῖ τῶν φθόγγων, καὶ ἔοικεν ἡ ἀκοὴ λέγειν ὅτι ἡ αὐτὴ καὶ ὅτι ἀμφότεραι ἔσχατα. Ces derniers mots n'ont pas de sens ; peut-être : ὅτι ἡ αὐτὴ ἀμφότεραι ἔσχαται « que les deux sons extrêmes sont identiques ».

Prob. 35. « Pourquoi l'octave est-elle la plus belle des consonances? »

La réponse est tirée de considérations mathématiques tout à fait pythagoriciennes : c'est que le quotient des nombres qui expriment les sons limites de l'octave est un nombre entier 2, tandis que dans la quinte et la quarte ce rapport est fractionnaire (3/2, 4/3).[16] Le texte a subi plusieurs altérations. Nous lisons : Τῆς δὲ μέσης (s. e. νήτη ἐστὶν) ἡμιόλια τὸ δ' ἡμιόλιον (mss. : τὸ γὰρ διὰ πέντε ἡμιόλιον, glose évidente) οὐκ ἐν ὅλοις άριθμοῖς ἐστινὅσον (ms. οἴον) γὰρ < ἓν. >τὸ ἔλαττον, τὸ μείζον τοσοῦτον τε (sic Bekker; ms. δὲ) καὶ ἔτι τὸ ἥμισυ... ὁμοίως δὲ καὶ ἐν τῷ διὰ τεττάρων ἔχει · τὸ γὰρ ἐπίτριτόν έστιν ὅσον τὸ μεῖον (Bojesen ; mss. : τεμεῖν ὅ) καὶ ἔτι ἕν τῶν τρίων (mss. : τεττάρων) < ἐπίτριτόν ἐστιν glose >. La fin de ce problème, qui constitue en réalité un problème distinct (35 bis), a déjà été étudiée. Une question toute semblable est posée par le prob. 16 : Διὰ τὶ ἥδιον τὸ ἀντίφωνον τοῦ συμφώνου; Mais la réponse n'a aucun rapport avec-la question; c'est un nouveau problème dont l'énoncé est perdu et que nous étudierons sous la rubrique esthétique musicale (16 bis).

Prob. 39 et 39 bis. Διὰ τί ἥδιον ἐστι τὸ ἀντίφωνον (sic la plupart des commentateurs depuis Gaza au lieu du σύμφωνον des mss.) τοῦ ὁμοφώνου; "H ὅτι (mss. καὶ) τὸ μὲν ἀντίφωνον σύμφωνον ἐστι διὰ πασών ἐκ παίδων γὰρ [καὶ] νέων καὶ (peut-être ) ἀνδρων γίνεται τὸ ἀντίφωνον, etc. Le καὶ omis par un premier copiste et rajouté dans l'interligne aura été déplacé par le second copiste.

La fin de ce problème, à partir de Μαγαδίζουσι, forme une question distincte (39 bis), dont l'énoncé est perdu ou plutôt altéré. Nous le rétablissons ainsi : [Διὰ τί] μαγαδίζουσιν < δ' > ἐν τ διὰ πασών συμφωνία; [Ή] ὅτι, etc., (la magadis est un instrument à cordes qui embrassait plusieurs octaves; on touchait toujours ensemble deux cordes correspondantes de deux octaves consécutives : en un mot, le jeu consistait en « suites d'octaves »).[17] La réponse est intéressante.

De même, dit l'auteur, que les pieds rythmiques (plus exactement, les parties d'un pied, l’arsis et la thesis) ont entre eux un rapport simple — 1 : 1, 2 : 1, etc., — οὕτω καὶ οἱ ἐν τ συμφωνία φθόγγοι λόγον ἔχουσι κινήσεως πρὸς αὑτούς. (Ce passage est, à notre connaissance, le seul où il soit clairement dit que les rapports numériques des sons sont des rapports de vitesse, c'est-à-dire de vibration.) Ce qui suit est difficile : Τῶν μὲν οὖν ἄλλων συμφωνιῶν ἀτελεῖς αἱ θατέρου καταστροφαί εἰσιν, εἰς ἥμισυ [ἢ τριτόν] τελευτῶσαι. Le sens général est évidemment (comme au prob. 33) que dans les autres consonances le rapport des vibrations est jusqu'au bout fractionnaire, incomplet (ἀτελής), 1 1/2 ou 1 1/3 (le supplément ἢ τριτόν nous paraît indispensable). Le mot καταστροφαί s'explique par le καταστρέφωσιν de la l. 39 Didot : il s'agit de la terminaison du son, de la dernière résonance. Dans la quinte et la quarte, les « terminaisons » de deux sons ne sont pas dans un rapport entier. Continuons : διὸ τ δυνάμει οὐκ ἴσαι εἰσίν οὖσαι δ' ἄνισοι, διαφορὰ τ ἀισθήσει, καθάπερ ἐν τοῖς χοροῖς ἐν τῷ καταλύειν (?) μεῖζον ἄλλων φθεγγομένων (mss. φθεγγομένοις) ἐστίν. "Ετι δ' ὑπάτ (on s'attendait plutôt à ἐν δὲ τ διὰ πασών τ νήτῃ καὶ τ ὑπάτῃ) συμδαίνει τὴν αὐτὴν τελευτήν τῶν ἐν τοῖς φθόγγοις περιόδων ἔχειν[18] · ἡ γὰρ δευτέρα τῆς νεάτης πληγὴ τοῦ ἀέρος ὑπάτη ἐστίν. C'est la théorie que nous avons déjà rencontrée (nos 24 et 42). L'auteur tire ici de cette théorie une conséquence extraordinairement subtile : la nète et l'hypate, quoique différentes pendant leur vibration première, se confondent dans leur terminaison et réjouissent d'autant plus l'oreille ; car rien ne la charme plus que l'unité succédant à la diversité, τῷ < τό > ἐκ διαφόρων τὸ κοινὸν ἥδιστον < ἐκ τοῦ διὰ πασῶν > (glose de ἐξ ἐναντίων φωνῶν à la ligne suivante) γίνεσθαι. Ici, une comparaison tirée de l'accompagnement de la voix par la flûte : l'instrument se sépare de la voix pendant le cours du morceau pour retrouver l'unisson à la terminaison, εἰς ταὐτὸν καταστρέφωσιν. Pendant tout ce développement il a été constamment question de l'effet de l'octave, jamais de la magadis. L'auteur y revient en concluant : τὸ δὲ μαγαδίζειν ἐξ ἐναντίων φωνῶν (sans doute φθόγγων ; cf. l’ἀντίφθογγος ψαλμός de Pindare) διὰ ταῦτα ἐν τῇ διὰ πασών μαγαδίζουσιν.

Ce problème, malgré les obscurités et les subtilités qu'il renferme, est certainement un des plus instructifs et des plus ingénieux du recueil ; on nous pardonnera d'y avoir si longuement insisté, puisqu'il était inintelligible dans les traductions antérieures.

 

VII.

De la mélodie.

 

Prob. 12. « Pourquoi la plus grave des (deux) cordes prend-elle toujours le chant ? » C'est la même question posée (mais non résolue) par Plutarque, Quaest. conviv. IX, 9 (p. 904 Did.). Διά τί τῶν συμφώνων ὁμοῦ κρουομένων τοῦ βαρύτερου γίνεται τὸ μέλος (cf. aussi Praec. conjug. 11 = p. 163 Did.).

Il s'agit, on le voit, d'un duo instrumental. La réponse est que le grave est plus fort que l'aigu et le contient en quelque sorte, principe que nous avons déjà plusieurs fois rencontré (7, 8, 13), mais qui n'est guère ici à sa place ; nous avons déjà dit que les solutions du n° 12 et du n° 13 doivent probablement être interverties.

Entre l'énoncé.et la solution, c'est-à-dire à une place qui, nous l'avons déjà dit, dénote presque toujours une interpolation, on lit

Ces mots gravement corrompus : ἂν γὰρ δέηταισαιτήν παραμέσην σὺν ψιλῇ τῇ μέσῃ γίνεται τὸ μέσον οὐθὲν ἧττον ἐὰν δὲ τὴν μέσην, δέον ἄμφω ψιλά, οὐ γίνεται. Le sens de cette glose, destinée à illustrer l'énoncé par un exemple, doit être : si l'on accompagne une note par une note plus aiguë, la mélodie (de la grave) est perçue néanmoins; si on l'accompagne par une note plus grave, elle ne l'est pas. On rétablira donc ainsi le premier membre de phrase : ἂν γὰρ τὴν πάραμέσην συμψήλῃ (sous entendu τις) τῇ μέσῃ, γίνεται τὸ μέλος οὐθὲν ἧττον. Les corrections συμψήλῃ (συμψιλι) pour σὺν ψιλῇ et μέλος pouf μέσον nous paraissent certaines, quoique le verbe συμψάλλω ne se soit pas encore rencontré; mais il est régulièrement formé comme συνδω et l'on connaît σύμψαλμα (Scol. Pind. 01. III, 11). Le second membre est plus maltraité ; nous proposons à titre de simple Conjecture : ἐὰν δὲ τὴν μέσην [τῇ παραμέσῃ], οὐ γίνεται. Les mots δέηταισαι, δέον ἄμφω ψιλά sont des interpolations d'origine marginale, dont nous ne nous expliquons pas bien exactement le sens.

On s'étonnera peut être que le glossateur ait imaginé comme exemple un accord cacophonique à la seconde; nous savons, cependant par Plutarque (De musica, 19) que cet intervalle se rencontrait dans la pratique musicale : τῇ νήτῃ ἐχρῶντο καὶ πρὸς παρανήτην διαιρώνως καὶ πρὸς μέσην συμιρώνως. Espérons, à l'honneur de l'oreille musicale des Grecs, que cette diaphonie n'était employée qu'accidentellement, dans un « passage ». Une question assez semblable est traitée dans le prob. 49 :

Διὰ τί τῶν τὴν συμφωνίαν ποιούντων φθόγγων ἐν τῷ βαρυτέρω τὸ μαλακώτερον (on a proposé μελικώτερον). Il ne faut pas interpréter ce texte comme se rapportant à un accord unique, mais à un chant en partie double, à intervalles consonants, par exemple, une suite de quintes ou de quartes : c'est ce qu'expriment bien les mots (l. 14 Did.) τῶν ταὐτὸ μέλος ἐχόντων (φθόγγων) qui n'auraient pas de sens dans le cas d'un accord isolé. L'explication est que la mélodie est de sa nature chose douce, le son grave aussi, tandis que l'aigu est κινητικός ; donc, de deux parties ayant même mélodie, c'est la partie grave qui est la plus douce (ici encore on a lu μελικώτερος), puisque c'est elle qui donnait à la mélodie sa douceur (?). Les mots ἐν ταὐτῷ μέλει μᾶλλον paraissent une glose de ταὐτὸ μέλος ἐχόντων.

Prob. 20 = 36. « Pourquoi si un musicien, après avoir accordé les autres cordes de la lyre, dérange la seule mèse (dans le n° 20 ἡμῶν doit sans doute être corrigé en μόνην) et qu'il joue de son instrument, éprouverons-nous un sentiment de peine et de discordance non seulement lorsqu'il touchera la mèse, mais encore dans le reste de la mélodie; tandis que s'il avait dérangé la lichanos (tierce) ou tout autre son, cette impression ne se produirait que lorsqu'il se servirait de la corde faussée ? »

La réponse est que la mèse est la note qui revient le plus souvent dans les airs bien construits et qu'elle joue le rôle de la conjonction dans le langage. A la fin, nous croyons avec M. H. Weil qu'il faut lire οὕτω καὶ τῶν φθόγγων (parmi les sons) ἡ μέση ὥσπερ σύνδεσμός ἐστι καὶ μάλιστα τῶν μελῶν (ms. καλῶν) en prenant καὶ μάλιστα dans le sens de quam maxime, « éminemment. »

Le texte du n° 36 est fort altéré. On peut le restaurer, soit en supposant des lacunes, soit en corrigeant certains mots, par exemple ainsi : Διὰ τί, ἐὰν μὲν ἡ μέση ·κινηθῇ καὶ (etiam) αἱ ἄλλαι χορδαὶ [ἀπ]ηχοῦσι (ce sens de ἀπηχεῖν est indiqué par les dictionnaires, cf. d'ailleurs n° 11) φθεγγόμεναι, ἐὰν δ' αὖ ἡ μὲν μένῃ, τῶν δ' ἄλλων τις κινηθ, [] κινηθεῖσα (s. e. ἀπηχεῖ) μόνη < φθέγγεται, glose >. Les corrections φθειρόμεναι, φθείρεται, proposées par Stark sont inadmissibles. Ensuite : "H ὅτι τὸ ἡρμόσθαι ἐστίν ἀπάσαις... καὶ ἡ τάσις (mss. τάξις) ἑκάστης ἤδη δι ἐκείνην (l'auteur veut dire que la mèse sert de base pour l'accord des autres cordes; elle donne le la). A la fin : μιᾶς δ' ἀνάρμοστου οὔσης... εὐλόγως τὸ κατ' αὐτὴν ἐκλείπει μόνον (mss. ἐκλειπόμενον; mais ἐκλείπω a ici, comme si souvent, le sens de deficere). Ces deux problèmes sont très importants pour l'histoire de la mélopée antique ; ils attribuent à la mèse un rôle assez analogue à celui qui, dans la cadence des mélodies modernes, est joué par la tonique.

 

VIII.

Questions d'esthétique musicale.

 

Prob. 1. « Pourquoi ceux qui se donnent du mal aussi bien que ceux qui se donnent du plaisir (« font la fête ») se font-ils jouer de la flûte?» Le sens moyen de αὐλοῦμαι se trouve chez Platon, Lois, VII, 791 a.

Prob. 5 = 40. « Pourquoi a-t-on plus de plaisir à entendre chanter un air qu'on connaît déjà qu'un air inconnu? » Le n° 5 donne trois raisons :

Première raison. On constate mieux que le chanteur (et non le compositeur, comme le dit Ruelle) atteint son but (τυγχάνων ὥσπερ σκόπου) : la connaissance qu'on a du morceau fournit, en effet, un moyen de contrôle. Nous verrons une explication toute semblable au n° 9.

Deuxième raison. Le texte altéré doit être rétabli ainsi : Ἢ ὅτι ἡδὺ [μᾶλλον τὸ ἐπίστασθαι ou, avec Bojesen, τὸ θεωρεῖν[19] ] τὸ μανθάνειν. Τούτου δ' αἴτιον ὅτι τὸ μὲν (scil. μανθάνειν) λαμβάνειν τὴν ἐπιστήμην, τὸ δὲ χρῆσθαι καὶ ἀναγνωρίζειν ἐστίν.

Troisième raison. L'habituel est plus agréable que le non-habituel.

L'autre rédaction (prob. 40) reproduit la première raison et en ajoute une seconde : « L'auditeur éprouve les mêmes sentiments que le chanteur quand il entend un air connu; l'a preuve en est qu'il chantonne avec l'exécutant. » Les mots qui suivent (δει δὲ τὰς γεγηθὼς ο μὴ διά τινα ἀνάγκην ποιῶν τοῦτο) paraissent être en tout ou en partie une glose postérieure.

Prob. 6. « Pourquoi la paracatalogé dans (ou parmi?) les chants a-t-elle quelque chose de tragique? » Le fait est expliqué par l'irrégularité ou inégalité (ἀνωμαλία) de cette sorte de chant. La paracatologé était, suivant les uns, une déclamation parlée avec accompagnement instrumental, suivant les autres un récitatif chanté affranchi des règles rigoureuses de la mesure; dans nos opéras les récitatifs pathétiques sont ainsi souvent accompagnés de la mention ad libitum et l'orchestre est invité à se conformer aux mouvements du chanteur (segue il canto).[20]

Prob. 9. « Pourquoi entendons-nous avec plus de plaisir un solo de chant lorsqu'il est accompagné de la flûte ou de la lyre, alors même que l'accompagnement est à l'unisson! » (πρὸς χορδάς; peut-être mieux πρόσχορδα, cf. Platon, Lois, VII, 812 D : ἀποδιδόντας πρόσχορδα τὰ φθέγματα τοῖς φθέγμασι). Quant aux mots καὶ (sans doute καίτοι) τὸ αὐτὸ μέλος etc., ils nous semblent être une glose de πρόσχορδα. La réponse est ici, comme dans le cas du problème 5, que l'auditeur est plus à même de constater que le chanteur atteint son but, lorsqu'il peut contrôler son chant par celui de l'instrument. En revanche, lorsqu'il y a plusieurs flûtes ou lyres, l'impression n'est pas agréable parce que les instruments étouffent la voix. Entre l'énoncé et la solution de ce problème, par conséquent à une place suspecte (voir plus haut la note sur le n° 14), se trouvent insérés des mots corrompus qu'on peut tenter de restituer ainsi : εἰ γὰρ ὅτι (ms. ἔτι) [ἡδὺ] μᾶλλον τὸ αὐτὸ πλέον [ὄν], ἔδει πρὸς πολλοὺς αὐλητάς καὶ (?)ἔτι ἥδιον εἶναι. « Si la raison du plaisir (que cause l'accompagnement) était qu'un même chant répété (doublé) est d'autant plus agréable, il faudrait alors que le chant accompagné de plusieurs flûtes fût encore plus agréable (ce qui n'est pas). »

Prob. 43. L'énoncé de ce problème est identique à celui du problème 9 que nous venons d'étudier. (Διὰ τί ἥδιον τῆς μονῳδίας ἀκούομεν ἐάν τις πρὸς αὐλὸν ἢ λύραν ἄδῃ.) Mais la solution suppose une question différente qui serait ainsi posée : « Pourquoi l'accompagnement de la voix par la flûte est-il plus agréable que par la lyre? » Il faut donc ou supposer que l'auteur de, la solution n'a pas compris l'énoncé, ou que cet énoncé est corrompu (on pourrait après suppléer ἐάν πρὸς), ou enfin que le copiste, a sauté, comme dans d'autres cas, de l'énoncé d'un problème à la solution d'un problème voisin; la similitude apparente des deux énoncés serait ici une sorte d'excuse.

Quoi qu'il en soit, la question que nous venons de rétablir est résolue par trois raisons, dont le texte a besoin de retouches. Nous lisons :

ὅτι πᾶν τὸ ἥδίον[ι] μιγθὲν ἥδίον <ιεν> ἐστίν; ὁ δ' αὐλὸς ἡδίων τῆς λύρας, etc. ;

2° Ἐπεὶ [δὲ] τὸ μεμιγμένον τοῦ ἀμίκτου ἥδιόν ἐστιν, ἐὰν ἀμφοῖν ἅμα (simultanément, non successivement) τὴν αἴσθησίν τις λαμβάνῃ (suit une comparaison avec le vin et les grenades vineuses qui forme une sorte de parenthèse), ἡ μὲν οὖν ᾠδὴ καὶ ὁ αὐλὸς μίγνυνται αὑτοῖς δι' ὁμοιότητα..., ὁ δὲ τῆς λύρας φθόγγος, ἐπειδὴ οὐ πνεύματι γίνεται ἢ ἧττον αισθητός (mss. αἰσθητὸν) ἢ ὁ τῶν αὐλῶν, etc. ;

3° La flûte dissimule mieux les imperfections du chant que la lyre, dont les sons plus grêles καθ' ἑαυτοὺς θεωρούμενοι < καὶ ὄντες αὑτοῖς > [21] συμφανῆ ποιοῦσι τὴν τῆς ᾠδῆς ἁμαρτίαν, καθάπερ κανόνες ὄντες αὐτῆς (mss. αὐτῶν).

Prob. 10. « Pourquoi, étant admis que la voix humaine est plus agréable (que les instruments), les chants sans paroles, par exemple les vocalises, ne sont-ils pas aussi agréables que la flûte ou la lyre? » La solution est très elliptique : ἤ οὐδ' ἐκεῖ, ἐὰν μὴ μιμῆται, ὁμοίως ἡδύ. Le mot ἐκεῖ dans nos Problèmes signifie parfois « dans ce cas là » (cf. XI, 52) ; ici il se rapporte au cas sous entendu où l'on chante μετὰ λόγου. A la fin, nous croyons avec Egger qu'il faut corriger : διὰ ἥδιον κρούειν (ms. ἀκούειν) ἢ τερετίζειν.

Prob. 16 bis. Nous avons déjà remarqué que la solution du problème 16 n'a aucun rapport avec la question. Il faut rétablir un énoncé ainsi conçu : « Pourquoi est-il plus agréable d'entendre un chant avec accompagnement d'une seule partie instrumentale qu'avec un accompagnement à deux parties? » La réponse est ingénieuse, mais concise. En voici une paraphrase : « Parce que, dans ce dernier cas, il faut, de toute nécessité, qu'une des deux parties instrumentales soit à l'unisson du chant; alors le son ainsi doublé étouffe le troisième qui est isolé, et la consonance est moins sensible que dans le premier cas. »

Ce problème, qui dans les traductions précédentes, était inintelligible, offre un grand intérêt pour l'histoire de l'accompagnement instrumental dans l'antiquité.

Prob. 27-29. « Pourquoi les sensations auditives sont-elles les seules qui aient un caractère moral (θος)? » La réponse (développée seulement au n° 27) est que ces sensations sont les seules qui comportent un mouvement, non pas le mouvement que produit en nous le bruit — car un mouvement analogue existe dans les autres

Sensations — ἀλλὰ τῆς ἑπομένης τῷ τοιούτω ψόφῳ ἀισθανόμεθα κινήσεως· αὕτη δ' ἔχει ὁμοιότητα [τοῖς ἤθεσιν] (sic Ruelle) ἐν τε τοῖς ῥυθμοῖς etc., Cp. Polit. VIII, S, 7 : συμβέβηκε... τῶν αἰσθητῶν ἐν μὲν τοῖς ἄλλοις μηδὲν ὑπάρχειν ὁμοίωμα τοῖς ἤθεσιν, etc. On remarquera que le problémiste n'attribue l’éthos qu'au rythme et à la mélodie, et le refuse à l'harmonie.

Prob. 38. « Pourquoi tout le monde prend-il plaisir au rythme, à la mélodie et aux consonances? » ‘H ὅτι [ὅλως] (ce mot avait émigré de cette phrase dans l'énoncé) ταῖς κατὰ φύσιν κινήσεσι χαίρομεν κατὰ φύσιν ; Le premier κατὰ φύσιν semble tout d'abord une dittographie; cependant il peut s'autoriser de la l. 11-12 (Didot) : αἱ γὰρ νόσοι τῆς τοῦ σώματος οὐ κατὰ φύσιν τάξεως κινήσεις εἰσίν, où l'on préférerait lire τῆς τοῦ σ. τάξεως οὐ κ. φ. κινήσεις. Outre l'explication générale par « le plaisir du mouvement » (qui ne s'applique d'ailleurs qu'au rythme et à la mélodie) l'auteur donne trois raisons particulières : nous aimons les genres divers de mélodie (τρόποι μελῶν) διὰ τὸ ἔθος (peut-être θος?); le rythme, parce qu'il est un mouvement ordonné et que l'ordre est conforme à notre nature ; enfin la consonance, parce qu'elle est un mélange de contraires (de sons contraires) ayant entre eux un rapport simple ; or un rapport simple (λόγος) c'est l'ordre, conforme à notre nature, et le mélange est plus agréable que ce qui n'est pas mélangé ἄλλως τε κἂν αἰσθητὸν ὄν ἀμφοῖν τοῖν ἄκροιν ἐξ ἴσου τὴν δονάμιν ἔχοι, « surtout lorsqu'étant sensible il réunit les composants à puissance égale » (?). Cette dernière observation semblerait ne bien s'appliquer qu'à la consonance d'octave (cf. n° 39 bis). Quant aux derniers mots du problème ἐν τῇ συμφωνία ὁ λόγος, nous ne pouvons y voir qu'une glose maladroite.

Prob. 48. « Pourquoi les chœurs de la tragédie ne chantent-ils, ni dans le mode hypodorien, ni dans l'hypophrygien ? » (gammes de la et de sol). Ή ὅτι μέλος (sans doute comme plus bas μέλος καὶ θος) ἥκιστα ἔχουσιν αὖται αἱ ἁρμονίαι οὖ δεῖ μάλιστα τῷ χορῷ ; Pour corriger la suite il faut comparer les passages parallèles de la Politique (VIII, 5, 8 et 7, 10-11 Did.) ainsi que Plutarque, De. musica, 16 (texte d'origine péripatéticienne), où sont définies les principales modalités : Je mixolydien est qualifié de ὀδυρτικωτέρως, παθητική ; le phrygien ἐνθουσιαστικός, ὀργιαστικός, παθητικός. Nous ne trouvons pas d'autre définition de l'hypophrygien et de l'hypodorien; mais ce dernier doit se rapprocher du dorien qui est qualifié de στασιμώτατον, μεγαλοπρεπές. En rapprochant ces épithètes on se convainc de l'excellence de la correction de Vincent, que nous croyons devoir compléter. Aristote vient de dire que l'hypophrygien, à cause de son caractère « pratique », l'hypodorien, à cause de son caractère solide et majestueux, conviennent aux héros de la scène plutôt qu'aux simples mortels qui forment les chœurs, lesquels exigent un θος tranquille et plaintif; ἀνθρωπικὰ γάρ. Il poursuit : ταῦτα δ' ἔχουσιν αἱ ἄλλαι ἁρμονίαι, ἣκιστα δ' αὐτῶν ἡ < ὑπο > φρυγιστί ἐνθουσιαστικὴ γὰρ καὶ βακχική (ce sont les termes mêmes de la Politique) ; [μάλιστα δὲ ἡ μιξολυδιστί παθητικὴ γὰρ καὶ ὀδυρτική] (nous ajoutons ces quatre mots) κατὰ μὲν οὖν, etc.

Le prob. 30 reproduit la même question que le 48, mais la solution, — ἢ ὅτι οὐκ ἔχει ἀντίστροιρον ; ἀλλ' ἀπὸ σκηνῆς μιμητικὴ γάρ — n'a aucun rapport avec l'énoncé, comme le prouve déjà l'emploi du féminin, sinon qu'il s'agit dans les deux cas de la tragédie. Nous supposons que l'énoncé perdu se rapportait à l'emploi de quelque forme de mélopée; l'auteur se demandait pourquoi elle n'était employée que dans les monodies chantées sur la scène et non pas dans les chants choraux, et il en trouvait l'explication dans le fait que ce genre de mélopée : 1° ne comporte pas d'antistrophe; 2° a un caractère éminemment expressif.[22]

 

IX.

Histoire de la gamme.

 

Prob. 7 = 47. « Pourquoi les anciens qui employaient des gammes de 7 notes y conservaient-ils l'hypate et non la nète ? » (Le sens de καταλείπω n'est pas douteux; M. B. Saint-Hilaire s'y est trompé;) On savait, au temps d'Aristote, que la très ancienne lyre n'avait eu que sept cordes au lieu de huit; mais on ne savait plus bien comment ces cordes étaient accordées. Il y avait à cet égard plusieurs opinions. Dans l’une on supposait que l'ancien heptacorde n'embrassait pas l'octave et, ceci admis, on croyait généralement que la note la plus grave de cet heptacorde était la même que celle de l'octocorde moderne, tandis que la note la plus élevée coïncidait avec la septième : c'est ce qu'on exprimait en disant que les anciens « conservaient l'hypate et supprimaient la nète ». Dans une autre opinion, qui nous paraît préférable, on admettait, au contraire, que dans l'heptacorde, comme dans l'octocorde, les sons extrêmes embrassaient l'octave ; il fallait alors de toute nécessité qu'un des sons intermédiaires de la gamme moderne fît défaut : selon les uns c'était la trite (sixte),[23] selon d'autres la paramèse (quinte); cette dernière hypothèse est bien invraisemblable, si l'on pense à l'importance capitale de la quinte dans toute gamme ; il se peut même qu'elle ne doive son origine qu'à un malentendu, tenant à ce que dans l'ancienne gamme heptacorde les noms de trite et de paramèse étaient synonymes, ou que la trite de l'heptacorde (si) devint la paramèse de l'octocorde. Le schéma suivant donne la construction de la gamme heptacorde dans les trois hypothèses (nous prenons pour type le ton de mi) :

Nous verrons tout à l'heure (n° 32) une quatrième hypothèse.

Ceci compris, la solution du problème 7 n'offre plus de difficulté : ou bien, dit l'auteur, cette opinion (qu'on supprimait la nète) est fausse, et on laissait subsister la nète et l'hypate, en retranchant la trite ; ou bien cette opinion est vraie et alors elle s'explique par la considération que le son grave équivaut (lire peut-être ἴσχει comme au n° 8) au son aigu qui en est l'octave, de sorte que l'hypate à elle seule rendait plutôt l'effet de l'antiphone (accord d'octave) que ne l'eût fait la nète seule. C'est la théorie de la supériorité du grave et de la nature de l'antiphone que nous avons rencontrée déjà tant de fois (cf. notamment 12 et 13). Quant aux derniers mots du problème, — ἐπεὶ τὸ ὀξὺ δυνάμεως (sous entendre ou rétablir σημεῖον) μᾶλλον, τὸ δὲ βαρὺ ῥᾷον ψφέγξασΟαι, — ils n'ont aucun rapport avec l'énoncé et sont un fragment de la solution d'un problème conçu à peu près comme le n° 37.

Le problème 47 a un énoncé identique au n° 7, mais dans la solution il faut écrire avec Bojesen et Wagener : ἢ οὐ τὴν νήτην (mss. ὑπάτην) ἀλλὰ τὴν νῦν παραμέσην καλουμένην ἀφῄρουν καὶ τὸ τονιαῖον διάστημα. Cette solution se rapporte au type que nous avons désigné par le n° 3 : ils supprimaient la paramèse (si) et l'intervalle d'un ton entier (si-la) qui suit. Le texte continu : ἐρχῶντο δὲ τῇ σχάτῃ < μέσῃ > τοῦ ἐπὶ τὸ ὀξὺ πυκνοῦ. Il s'agit de la note la qui « termine » le pycnon (c'est-à-dire la tierce mineure) située à l'aigu (ut-la). Le mot μέστι est une glose, exacte d'ailleurs ; mais les mots qui

Suivent : διὸ καὶ μέσην αὐτὴν προσηγόρευσαν, etc., sont altérés et représentent le commencement d'un nouveau problème, d'ailleurs étroitement rattaché au précédent, mais que nous étudierons mieux conjointement avec les nos 23 et 44.

Prob. 25 = 44. « Pourquoi dans la gamme (une note) est-elle appelée mèse, quoique le nombre huit n'ait pas de milieu (de terme moyen)? » Dans l'énoncé du n° 44 les mots τῶν μὲν ἑπτά doivent être effacés ou remplacés par τῶν χορδῶν. La réponse est que l'ancienne gamme ayant sept cordes comportait un « milieu » (le la) et que ce nom est resté attaché à cette corde, même lorsqu'il n'a plus été justifié. L'auteur du n° 44 ne se contente pas de cette raison si simple et si juste; il se lance dans une explication embrouillée dont la substance est que la mèse est la seule note située entre les extrêmes qui soit un « commencement », à savoir le commencement du tétracorde inférieur (la-mi), « l'autre tétracorde » (θατέρου τετραχόρδου). Mais cette observation banale est noyée sous un déluge de mots où nous renonçons à nous débrouiller. A titre de simple conjecture on pourrait écrire : "Ετι ἐπειδὴ τῶν μεταξὺ τῶν ἄκρων τὸ μέσον (pour ἡ μέση) μόνον αρχή τίς ἐστιν[24] ἔστι' γὰρ τῶν [εἰς] θάτερον τῶν ἄκρων νευόντων ἔν τινι διαστήματι ἀνὰ μέσον < ὄν > ἀρχή τοῦτ' ἔσται μέσον ἐπεὶ δ' ἔσχατα < μέσον > ἐστίν ἁρμονίας νεάτη καὶ ὑπάτη, τούτων δὲ ἀνὰ μέσον οἱ λοιποὶ φθόγγοι, ὧν ἡ μέση καλουμένη, etc.

Le prob. 47 bis, dont il faut rétablir l'énoncé ainsi : Δι[ὰ τί] (ms. διὸ καὶ) μέσην αὐτὴν (c'est-à-dire la note inférieure de la tierce ut-la) προσηγόρευσαν, donne une troisième explication qui ne s'entend, comme la première, que sous le régime de l'heptacorde : la note appelée mèse était (ἧν) la fin du tétracorde supérieur et l'origine du tétracorde inférieur ; en outre, elle avait une tension moyenne proportionnelle entre celle des sons extrêmes (καὶ μέσον εἶχεν λόγον τόνῳ [25] τῶν ἄκρων). Cette dernière remarque n'est vraie que si l'auteur a adopté pour type de l'ancien heptacorde le n° 1 de notre schéma : en ce cas il est parfaitement exact que la mèse (la) étant la quarte aiguë de l'hypate (mi) et la quarte grave de la septième (ré), sa tension est moyenne proportionnelle entre celles de ces deux sons, car les poids tenseurs sont exprimés par les nombres p, (4/3)2 p et (4/3)4 p. Nous ne croyons cependant pas qu'on puisse déduire de ce passage la preuve certaine que les péripatéticiens avaient eu l'idée de mesurer exactement les poids tenseurs et avaient reconnu la proportionnalité inverse des longueurs de cordes aux racines carrées de ces poids tenseurs (loi harmonique III, 3°, supra). Nous sommes, en effet, ici dans un cas particulier où l'on arriverait au même résultat en adoptant pour les tensions les nombres n, 4/3 n, (4/3)2 n, c'est-à-dire les inverses des longueurs de cordes, au lieu des carrés de ces inverses.

Prob. 32. « Pourquoi la consonance d'octave est-elle appelée διὰ πασῶν et non, d'après le nombre, δί ὀκτώ, comme on dit διὰ τεττάρων (quarte) et διὰ πέντε (quinte)? » La réponse est que l'ancienne gamme avait sept notes, Terpandre supprima la trite et ajouta la nète; la consonance hypate-nète s'appela alors diapason, car on ne pouvait l'appeler diocto, puisqu'il n'y avait toujours que sept cordes. Dans cette explication on suppose que la gamme a traversé successivement les types 1 et 2 du schéma.[26] On suppose aussi que dans cette période intermédiaire le nom de dihepta était resté attaché à l'intervalle dissonant mi-ré, quoiqu'il ne comprît plus que six cordes ; sans cela il n'y aurait pas eu de raison de ne pas appeler le « diapason » dihepta.

 

X.

Questions diverses sur l'histoire de la musique.

 

Prob. 15. « Pourquoi les nomes n'étaient-ils pas composés en forme antistrophique, tandis que les autres chants choriques l'étaient ? » L'explication est que les nomes étaient exécutés par des chanteurs de profession et les autres chœurs par des hommes libres, auxquels il fallait faciliter la tâche : πολλοὺς οὖν ἀγωνιστικῶςδειν χαλεπὸν ἧν, ὥστ' ἐναρμόνια μέλη ἐνδον. — On ne voit pas ce que viennent faire ici des chants enharmoniques ou suivant la correction de Chabanon (ἐν μί ἁρμονία) des chants en un seul mode; M. Weil nous propose εὐάρμοστα que nous avons vu ailleurs dans le sens de facile à chanter (prob. 33). Le mot ἐνδον doit être également altéré, sans doute μόνον ᾗδον. Plus loin nous croyons qu'on peut conserver et expliquer la leçon des manuscrits : ἀριθμὸς γὰρ ἐστι (l'antistrophe) καὶ ἑνὶ μετρεῖται.

Prob. 28. « Pourquoi certains chants sont-ils appelés nomes ? » La raison, certainement erronée, est que les anciennes lois (νόμοι) étaient chantées, avant l'invention de l'écriture. Καὶ τῶν ὑστέρων οὖν ᾠδῶν τὰς πρώτας τὸ αὐτὸ ἐκάλεσαν ὅπερ τὰς πρώτας: Ces derniers mots ne peuvent être conservés ; on peut soit corriger τὰς πρ. en τοὺς νόμους, soit supprimer les trois derniers mots et n'y voir qu'une glose de τὸ αὐτὸ.

Prob. 31. « Pourquoi Phrynichos et les tragiques de son temps étaient-ils plus compositeurs (de musique) (que ceux d'aujourd'hui) ? » Parce qu'à cette époque la tragédie renfermait beaucoup plus de morceaux chantés (μέλη) que de vers simplement déclamés (μέτρα).

 

 

Eugène d'Eichthal. — Théodore Reinach.

 

Post-scriptum. Notre éminent collègue M. Paul Tannery, à qui nous nous sommes adressés pour savoir exactement l'état des connaissances des anciens sur la relation entre les tensions des cordes et la hauteur des sons musicaux, a bien voulu rédiger, en réponse à notre question, la note ci-après et nous autoriser à l'imprimer à la suite de notre étude. Nous lui en exprimons ici tous nos remerciements.

E. d'E. — T. R.

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Je ne connais pas, sur les expériences que les anciens ont pu faire touchant les relations numériques entre les dimensions, poids, etc., des corps sonores (en dehors des longueurs de cordes) de passage plus important que celui qui se trouve dans Théon de Smyrne (Theonis Smyrnaei platonici eorum quae in mathematicis ad Plalonis lectionem utilia sunt expositio. — Éd. Boulliau, Paris, 1644; éd. Hiller, chez Teubner, Leipzig, 1878), de Musica, ch. xii et xiii. Ces passages sont, au moins en partie, empruntés par Théon à Adraste (Ier siècle ap. J.-C).

On y attribue en particulier à Lasos d'Hermione l'expérience sur des vases semblables, l'un vide, l'autre rempli à moitié, à laquelle se rapporte le problème d'Aristote XIX, 50.

En ce qui concerne les poids de tension; il est dit formellement (ch. xii) qu'on étudie leurs rapports en suspendant à deux cordes pareilles des poids dans les relations précitées [ce qui littéralement signifie la proportionnalité et est donc inexact] et en opérant comme pour l'étude des accords suivant la longueur.

Ch. xiii. Adraste, dans une discussion assez obscure, dit nettement: « Ainsi, prenons deux cordes d'égale longueur, d'égale épaisseur, d'ailleurs identiques; le poids le plus fort produisant la plus grande tension correspondra au son le plus aigu. »

Ch. xii. La tension de cordes au moyen de poids est déjà attribuée à Pythagore comme plus commode pour obtenir un effet bien déterminé qu'au moyen de chevilles.

En résumé, il ne me paraît pas douteux que la relation des poids tenseurs n'ait été étudiée par les anciens, et si la proportionnalité à la racine carrée n'est nullement énoncée dans les documents qui nous restent, il me semble incontestable qu'elle a dû être reconnue ; car la question était simplement de reconnaître si l'accord d'octave s'obtenait avec les poids 1 et 2 ou 1 et 4, et l'accord de quinte avec les poids 1 et 3/2 ou 1 et 9/4.

Ces expériences ont dû en fait être poursuivies par l'école pythagoricienne avant Aristote (en dehors de Lasos, on cite Hippasos, mais on doit surtout penser aux écrits d'Archytas et d'Eudoxe). Après Aristote, les recherches expérimentales furent abandonnées et on se contenta de notions vagues et inexactes en admettant en principe l'existence de relations numériques simples.

 

Paul Tannery.

 


 

[1] La partie exégétique de ce commentaire est notre œuvre commune; la critique et la correction du texte ont été principalement la tâche de l'un de nous (Th. Reinach). Notre travail achevé, M. Henri Weil a bien voulu revoir avec nous quelques problèmes et nous faire bénéficier de ses précieuses, observations.

[2] Les interpolations de ce genre étaient particulièrement favorisées par la nature du sujet, la forme des-questions et l'extrême concision des réponses clans les plus anciennes rédactions.

[3] Ces sources seraient au nombre de quatre d'après le plus récent travail sur le sujet (E. Kichter, De Aristotelis problematis, Bonn, 1885. Diss.).

[4] Ce texte exige deux corrections. Nous croyons que les mots εἰς τὸ πόρρω ont été reculés trop loin ; on pourrait les placer après φθεγγομένων. Puis dans la phrase de la comparaison nous lisons : οὔτε γὰρ... οὐθὲν ἀφίξεται βέλος ἢ (sans οὐ) κατὰ λόγον.

[5] On la retrouve au problème 39 bis : γρ δευτέρα τς νεάτης πληγ το έρος πάτη στίν.

[6] Agathias, dans l'épigramme citée, se moque agréablement de cette « parenté des boyaux ».

[7] Ce dernier principe, éminemment aristotélicien, est rappelé un grand nombre de fois (De anima, II, 8, 8; éd. Did. III, 755; Prob. XI, 3, 6, 20 etc., XIX, 21, 37 etc.)

[8] Peut-être proviennent-ils d'une glose sur παρυπάτη ainsi conçue: καίτοι αὕτη ἐν ἀρχῇ..

[9] La dernière ligne du problème 7, qui est un fragment d'un problème perdu, reproduit en ternies identiques la théorie du 37 : ἐπεὶ τὸ ὀζὺ δυνάμεως [σημεῖον?] μᾶλλον, τὸ δὲ βαρὺ ῥᾷον φθέγξασθαι.

[10] Voir cependant la note de M. Tannery à la fin de cet article.

[11] Les mots Διὰ τί doivent souvent être traduits ainsi.

[12] Chez Polybe V, 26, 13, certains éditeurs lisent il est vrai τάλαντον ἰσχύουσιν (valoir un talent), d'autres corrigent en ἴσχουσιν.

[13] Nous ne savons pas bien ce que c'est que ce διάστημα.

[14] La réponse du pr. 13 semblerait mieux convenir au pr. 12 (infra) et vice versa. Il n'est pas impossible qu'il y ait eu interversion des deux réponses.

[15] Glose. Voir l'observation sur le n° 21 supra.

[16] Ici encore ces chiffres n'ont de sens que s'ils se rapportent à la vitesse des vibrations.

[17] Cf. Pindare chez Aristoxène F. H. G. II, 286 (= Athénée XIV, 36 ; p. 635 B) qui appelle la magadis ψαλμός ἀντίφθογγος, διὰ τὸ... διὰ πασῶν ἔχειν τὴν συνῳδίαν ἀνδρῶν τε καὶ παίδων. L'étendue de cet instrument correspondait à celle des voix humaines. L’ἀντίφθογγον instrumental répond à l’ἀντίφωνον vocal.

[18] L'expression τῶν ἐν τοῖς φθόγγοις περιόδων est énigmatique, mais le sens est clair : il s'agit des vibrations secondaires des sons.

[19] En acceptant la lecture de Bojesen, on peut supposer que les mots τοῦτο δ' ἡδὺ θεωρεῖν qui terminent la première raison sont inutiles et proviennent en réalité du membre de phrase suivant (ἡδὺ μᾶλλον τὸ θεωρεῖν).

[20] Sur cette question de la paracatalogé, voir notamment Christ, dans les Mémoires de l'Acad. de Munich, ΧIII (1875), p. 153; Zielinski, Altattische Komœdie, p. 313, et Gevaert, II, 75.

[21] On peut rendre compte de ces mots ainsi. Le premier copiste avait écrit par erreur κανόνες ὅντες αὐτῶν à l'avant-dernière ligne, le reviseur aura noté en marge κανόνες ὅντες αὐτῆς (ou αυτις). Ces mots auront été insérés à une fausse place par un second copiste et sont devenus κανόνες ὅντες αὐτοῖς ; finalement καὶ été substitué à κανόνες (peut-être écrit en abrégé) pour faire un semblant de sens.

[22] Comparer ce qui est dit au n° 15 (infra) du dithyrambe nouveau. Il n'est pas impossible que dans notre 30 bis il ne fût question du même sujet; il faudrait alors corriger μιμητική en μιμητικός.

[23] Cette opinion est confirmée par le fait que dans le nome spondiaque, qui avait conservé les vieilles traditions, on n'employait pas la trite (Plut., De mus., 19).

[24] Il est probable que tout ce qui suit ces mots se compose de gloses interpolées.

[25] Nous ne pensons pas qu'on puisse donner ici à τόνος un autre sens que le sens étymologique où il équivaut à τάσις (cp. n° 39, l. 4). A la vérité, le mot pourrait être l'effet d'une corruption ou d'une glose, auquel cas la proposition mentionnée s'appliquerait simplement aux vibrations. Τόνῳ pourrait en effet résulter d'une répétition fautive de τῶν ou τοῖν.

[26] La trite, dont on attribue la suppression à Terpandre, est-elle la trite ancienne (si) ou la trite moderne (ut) ? L'auteur ne le dit pas clairement. Dans la première hypothèse il faudrait dire que la gamme heptacorde a eu successivement les formes 1 et 3.