ARISTOTE
Métaphysique
LIVRE V
texte grec seul
table des matières de la métaphysique
LA MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE. LIVRE CINQUIÈME. SOMMAIRE DU LIVRE CINQUIÈME. Des diverses acceptions des termes philosophiques : 1. Principe. - II. Cause. - III. Élément. - IV. Nature. - V. Nécessaire. - VI. Unité. - VII. Être. - VIII. Substance. - IX. Identité, Hétérogénéité, Différence, Ressemblance. - X. Opposé et Contraire. - XI. Antériorité et Postériorité. - XII. Puissance. - XIII. Quantité. - XIV. Qualité. - XV. Relation. - XVI. Parfait. - XVII. Terme. - XVIll. En quoi ou Pourquoi. - XIX. Disposition. - XX. État. - XXI. Passion. - XXII. Privation. - XXIII. Possession. - XXIV. Être ou provenir de. - XXV. Partie. - XXVI. Tout. - XXVII. Tronqué. - XXVIII. Genre. - XXlX. Faux. - XXX. Accident. I. [1012b] Principe (01) se dit d'abord du point de départ de la chose : ainsi, le principe de la ligne, du voyage. C'est à l'une des extrémités que réside ce principe; un autre principe lui correspond, à l'extrémité opposée. [1013a] Principe se dit ensuite de ce par quoi chaque chose se fait le mieux; par exemple, le principe d'une science. En effet, il ne faut pas toujours commencer par la notion première et le commencement de la science, mais par ce qui peut faciliter l'étude (02). Le principe est encore la partie essentielle et première d'où provient une chose : ainsi, la carène est le principe du vaisseau, et le fondement celui de la maison; et le principe des animaux c'est, suivant les uns le cœur, suivant d'autres, le cerveau, suivant d'autres enfin, une autre partie quelconque du même genre (03). Autre principe : la cause extérieure qui produit un être, ce en vertu de quoi commence le mouvement ou le changement. Ainsi, l'enfant provient du père et de la mère, et la guerre [10] de l'insulte (04). Autre principe : l'être, selon la volonté duquel se meut ce qui se meut, et change ce qui change : tels sont, dans les États, les magistrats, les princes, les rois, les tyrans. On appelle encore principes, les arts, et, entre tous, les arts architectoniques (05). Enfin, ce qui adonné la première [15] connaissance d'une chose est dit aussi le principe de cette chose : les prémisses sont les principes des démonstrations. Les
causes se prennent sous autant d'acceptions que les principes (06),
car toutes les causes sont des principes. Ce qui est commun à tous les
principes, c'est qu'ils sont la source d'où dérive ou l'existence, ou la
naissance, ou la connaissance. Mais parmi les principes, les uns sont dans
les choses, les autres sont en dehors des [20] choses. Voilà pourquoi la
nature est un principe, ainsi que l'élément, la pensée, la volonté, la
substance. II. On appelle cause (07), ou bien la matière dont une chose se fait: [25] l'airain est la cause de la statue, l'argent celle de la coupe , et, en remontant plus haut, les genres auxquels appartiennent l'argent et l'airain; ou bien la forme et te modèle ainsi que leurs genres, c'est-à-dire, la notion de l'essence : la cause de l'octave (08), c'est le rapport de deux à un, et, en général, le nombre et les parties qui entrent dans la définition de l'octave. Cause se dit [30] encore du premier principe du changement ou du repos. Celui qui donne le conseil est une cause, et le père est la cause de l'enfant ; et, en général, ce qui fait est cause, de ce qui est fait, ce qui imprime le changement l'est de ce qui subit le changement. La cause est aussi le but, et j'entends par là ce en vue de quoi une chose se fait. La santé est la cause de la promenade. Pourquoi se promène-t-on? C'est pour se bien porter, répondons-nous; et, [35] en parlant ainsi, nous pensons avoir assigné la cause. Enfin on nomme causes, tous les intermédiaires entre le moteur et le but. [1013b] La macération, par exemple, la purgation, les remèdes, les instruments du médecin, sont des causes de la santé; car tous ces moyens sont employés en vue du but. Ces causes diffèrent toutefois entre elles, en ce qu'elles sont, les unes des instruments , les autres des opérations. Telles sont à peu près les diverses acceptions du mot cause. Il résulte de cette diversité [5] d'acceptions, que le même objet a plusieurs causes non-accidentelles : ainsi la statue a pour causes et l'art du statuaire et l'airain, non pas par son rapport à quelque autre objet, mais en tant qu'elle est une statue. Mais ces deux causes diffèrent l'une de l'autre; l'une est cause matérielle, l'autre, cause de mouvement. Les causes peuvent aussi être réciproques [10] l'exercice, par exemple, est cause de la bonne santé, et la bonne santé l'est de l'exercice; mais avec cette différence, que la bonne santé l'est comme but, et l'exercice, comme principe de mouvement. Enfin, la même cause peut quelquefois produire les contraires. Ce qui a été par sa présence cause de quelque chose, est dit souvent, par son absence, cause du contraire. Nous disons : Le pilote a, par son absence, causé le naufrage du vaisseau; parce que la présence du pilote eût été une cause de [15] salut. Mais dans ce cas les deux causes, la présence et la privation, sont l'une et l'autre causes de mouvement. Toutes les causes que nous venons d'énumérer, se réduisent aux quatre sortes de causes principales. Les éléments pour les syllabes, et la matière pour les objets travaillés, le feu, la terre et les principes analogues pour les corps, les [20] parties pour le tout, les prémisses pour la conclusion, sont des causes en tant qu'ils sont ce d'où proviennent les choses; et, parmi ces causes, les unes sont substantielles, les parties, par exemple, les autres essentielles, ainsi le tout, la composition et la forme. Pour ce qui est de la semence, du médecin, du conseiller, et en général de l'agent, toutes ces causes sont des principes de changement ou de stabilité. Les autres causes sont le but et le bien toutes choses : cause finale signifie, en effet, le bien par excellence et le but des autres êtres. Et qu'on dise que cette fin c'est le bien réel, ou que c'est seulement l'apparence du bien, peu importe. Tels sont les genres auxquels on peut réduire les causes. Les causes se présentent sous une multitude [30] d'aspects, mais on peut réduire ces modes aussi à un petit nombre. Entre des causes qui s'appliquent à des objets de même espèce, on distingue déjà diverses relations. Elles sont antérieures ou postérieures les unes aux autres : ainsi le médecin est antérieur à la santé, l'artiste à son œuvre, le double et le nombre le sont à l'octave; enfin, le général est toujours antérieur aux choses particulières qu'il contient. Certaines causes sont marquées du caractère de l'accident, et cela à divers degrés. Polyclète est d'une façon, et le statuaire d'une autre façon, la cause de la statue ; ce n'est que par accident que le statuaire est Polyclète. [1014a] Puis il y a ce qui contient l'accident. Ainsi, l'homme, ou même en remontant plus haut, l'animal est la cause de la statue; parce que Polyclète est un homme, et que l'homme est un animal. Et parmi les causes accidentelles, les unes sont plus éloignées, les autres sont plus proches [5] . Admettons qu'on dise que la cause de la statue, c'est le blanc, c'est le musicien, et non plus Polyclète ou l'homme. Outre les causes proprement dites, et les causes accidentelles, on distingue encore les causes en puissance et les causes en acte; ainsi l'architecte constructeur d'édifices, et l'architecte construisant un édifice. [10] Les mêmes relations qu'on observe entre les causes, on les remarque aussi entre les objets auxquels elles s'appliquent. Il y a la cause de cette statue en tant que statue, et celle de l'image en général; la cause de cet airain en tant qu'airain, et en général la cause de la matière. De même pour les accidents. Enfin, et les causes accidentelles et les causes essentielles peuvent se trouver réunies dans la même notion ; lorsqu'on dit, par exemple, non plus Polyclète, non plus statuaire, [15] mais Polyclète statuaire. Les modes des causes sont, en somme, au nombre de six, et ces modes sont opposés deux à deux. La cause proprement dite est ou particulière ou générale; la cause accidentelle est aussi ou particulière ou générale; les unes et les autres peuvent être ou combinées ou simples. Enfin, toutes ces causes sont ou [20] en acte, ou en puissance. Mais il y a cette différence entre elles, que les causes en acte, ainsi que les cause particulière, commencent et finissent en même temps que les effets qu'elles produisent : ce médecin, par exemple, n'est guérissant qu'autant qu'il traite ce malade; et cet architecte n'est construisant qu'autant qu'il construit cette maison. Il n'en est pas toujours ainsi des causes en puissance; la maison et l'architecte ne périssent pas en [25] même temps. III. On nomme élément (09) la matière première qui entre dans la composition, et ne peut être divisée en parties hétérogènes (10) : ainsi, les éléments du son, c'est ce qui constitue le son, et les dernières parties dans lesquelles on le divise, parties qu'on ne peut plus diviser en d'autres sons [30] d'une espèce différente de la leur propre. Si on les divisait, leurs parties seraient de même espèce qu'elles-mêmes : une particule d'eau, par exemple, c'est de l'eau ; mais une partie de la syllabe n'est pas une syllabe. Ceux qui traitent des éléments des corps appellent aussi de ce nom les dernières parties dans lesquelles se divisent les corps, parties qu'on ne peut plus diviser en d'autres corps d'espèces différentes. C'est-là ce qu'ils appellent éléments, soit qu'ils n'admettent qu'un élément, [35] soit qu'ils en admettent plusieurs. Il en est à peu près de même pour ce qu'on nomme les éléments, dans la démonstration des propriétés des figures géométriques, et, en général, pour ceux des démonstrations; car les démonstrations premières, et qui se trouvent au fond de plusieurs démonstrations, [1014b] sont dites éléments des démonstrations: ce sont les syllogismes premiers, composés de trois termes dont l'un sert de moyen. De là,
par métaphore, on appelle encore élément ce qui étant un et petit sert à un
grand nombre de choses. [5] C'est pourquoi, ce qui est petit, simple,
indivisible est appelé élément. Par conséquent, les attributs les plus
universels sont des éléments. Chacun d'eux est un et simple, et existe dans
un grand nombre d'êtres, dans tous ou dans la plupart. Enfin l'unité et le
point sont, suivant quelques-uns, des éléments. IV. Nature (11) se dit d'abord de la génération de tout ce qui croît, par exemple lorsqu'on prononce longue, la première syllabe du mot grec (12) ; ensuite de la matière intrinsèque d'où provient ce qui naît; c'est en outre le principe du premier mouvement dans tout être physique, principe interne et [20] attaché à l'essence. Et l'on nomme croissance naturelle d'un être, l'augmentation qu'il reçoit d'un autre être soit par son adjonction (13) soit par sa connexion (14), soit, comme les embryons, par son adhérence (15) avec cet être. La connexion diffère de l'adjonction en ce que, dans ce dernier cas, il n'y a qu'un simple contact, tandis que dans l'autre cas, il y a dans les deux êtres quelque chose qui est un, et qui, au lieu d'un contact, produit leur connexion, et fait de ces deux êtres [25] une unité sous le rapport de la continuité et de la quantité, mais non pas cependant sous le rapport de la qualité. Nature se dit, de plus, de la substance brute, inerte et sans action sur elle-même, dont se compose ou dont est fait un être physique. Ainsi, l'airain est la nature de [30] la statue et des objets d'airain, et le bois celle des objets de bois; de même pour les autres êtres : c'est cela, c'est cette matière première et persistante qui constitue chacun d'eux. Par suite de cette considération, nature s'entend aussi des éléments des choses naturelles : ainsi s'expriment et ceux qui admettent pour élément ou le feu , ou la terre, ou l'air, ou l'eau, ou quelque principe analogue, et ceux qui admettent plusieurs de ces éléments, [35] ou tous ces éléments à la fois. Sous un autre point de vue enfin la nature c'est l'essence des choses naturelles. Telle est l'acception que lui donnent ceux qui disent que la nature est la composition primitive, [1015a] ou, avec Empédocle, ...
qu'aucun être n'a réellement une nature, C'est
pour cela, selon eux, que de tout objet qui est naturellement, ou qui déjà
devient, et qui possède en soi le principe naturel du devenir ou de l'être,
nous ne disons [5] pas qu'il a une nature, quand il n'a pas encore d'essence
et de forme. C'est donc la réunion de l'essence et de la matière qui est la
nature des êtres. Telle est celle des animaux, celle de leurs parties. Mais
il faut dire que la matière première est une nature, et qu'elle peut l'être
sous deux points de vue; car elle peut être ou première relativement à un
objet, ou absolument première. Ainsi, pour les objets dont la substance est
l'airain, c'est l'airain qui est premier relativement à ces objets ; mais
absolument, c'est l'eau [10] peut-être, s'il est vrai que l'eau est le
principe de tous les corps fusibles. Et il faut ajouter que la forme et
l'essence sont encore une nature, car elles sont le but de toute production.
Par métaphore enfin toute essence prend en général le nom de nature, à cause
de celle dont nous parlons, car la nature est, elle aussi, une sorte
d'essence. V. [20] On nomme nécessaire (18) la cause coopérante (19) sans laquelle il est impossible de vivre. Ainsi la respiration et la nourriture sont nécessaires à l'animal. Sans elles, il lui est impossible d'exister. Ce sont encore les conditions sans lesquelles le bien ne saurait ni être ni devenir, ou sans lesquelles on ne peut ni se garantir d'un mal, ni s'en délivrer. Il est nécessaire, par exemple, de boire le remède [25] pour n'être pas malade; de faire voile vers Égine, pour recevoir l'argent. C'est ensuite la violence et la force, c'est-à-dire ce qui nous empêche et nous arrête, malgré notre désir et notre volonté. Car la violence se nomme nécessité ; et par suite la nécessité est une chose qui afflige (20), comme le dit Événus (21) : Toute nécessité est une chose affligeante. Enfin la force est une nécessité ; écoutons Sophocle (22) : [31] C'est la force qui m'oblige nécessairement à agir ainsi. La nécessité présente l'idée de quelque chose d'inévitable ; et c'est avec raison, car elle est l'opposé du mouvement volontaire et réfléchi. De plus, quand une chose ne saurait être autrement qu'elle n'est, nous disons : II est nécessaire [35] qu'il en soit ainsi. Et cette nécessité est en quelque sorte la raison de tout ce qu'on appelle nécessaire. C'est en effet quand le désir ne peut atteindre son objet par suite de la violence, qu'on dit qu'il y a eu violence faite ou soufferte. [1015b] La nécessité est donc à nos yeux ce en vertu de quoi il est impossible qu'une chose soit autrement. Même observation pour les causes coopérantes de la vie, ainsi que pour le bien. Car c'est lorsqu'il y a impossibilité, soit pour le bien, soit pour la vie et l'être, d'exister sans certaines conditions, que ces conditions sont nécessaires, et que la cause coopérante est une nécessité. Enfin les démonstrations des vérités nécessaires, sont nécessaires, parce qu'il est impossible, si la démonstration est rigoureuse, que la conclusion soit autre qu'elle n'est. Les causes de cette impossibilité, ce sont ces propositions premières, qui ne peuvent être autres qu'elles ne sont , qui composent le syllogisme. Parmi [10] les choses nécessaires, les unes ont en dehors d'elles la cause de leur nécessité; les autres, au contraire, l'ont en elles-mêmes, et c'est d'elles que les premières tirent leur nécessité. De sorte que la nécessité première, la nécessité proprement dite est la nécessité absolue, car il est impossible qu'elle ait plusieurs modes d'existence. Elle est donc la nécessité invariable; autrement elle aurait plusieurs modes d'existence. Si donc il y a des titres éternels et immuables, [15] rien ne peut leur faire violence nu contrarier leur nature. VI. Il y a deux sortes d'unité (23) ; il y a ce qui est un par accident, et ce qui l'est dans son essence. Coriscus, et musicien, et Coriscus musicien sont une seule chose, car il y a identité entre les expressions Coriscus et musicien, et Coriscus musicien. Musicien et [20] juste, et Coriscus musicien juste, sont aussi une seule chose. Voilà ce qu'on nomme unité accidentelle. En effet, d'un côté juste et musicien sont les accidents d'une seule et même substance, de l'autre musicien et. Coriscus sont réciproquement accidents l'un de l'autre. De même le musicien Coriscus est, sous un point de vue, la même chose que Coriscus, car l'une des deux [25] parties de cette expression est l'accident de l'autre partie; musicien l'est, si l'on veut, de Coriscus. Et le musicien Coriscus et le juste Coriscus sont aussi une seule chose, parce que l'un des deux termes de chacune de ces expressions est l'accident du même être. Et il importe peu que musicien soit accident de Coriscus ou que Coriscus le soit de musicien. De même encore lorsque l'accident s'applique au genre ou à quelque chose d'universel. Admettons qu'homme et homme musicien [30] soient identiques l'un à l'autre. Ce sera ou bien parce que l'homme est une substance une qui a pour accident musicien, ou bien parce que l'un et l'autre sont les accidents d'un être particulier, de Coriscus par exemple. Toutefois, dans ce dernier cas, les deux accidents ne sont pas accidents de la même manière; l'un représente, pour ainsi dire, le genre, et existe dans l'essence; l'autre n'est qu'un état, une modification de la substance. Tout ce
[35] qu'on nomme unité accidentelle n'est unité que dans le sens que nous
venons de dire. Unité se prend encore dans un autre sens, l'homogénéité des parties du sujet. Il y a homogénéité, quand on ne peut marquer dans le sujet aucune division sous le rapport de la qualité. Et le sujet, [20] ce sera, ou bien le sujet immédiat, ou bien les derniers éléments auxquels on puisse le rapporter. On dit que le vin est un, et que l'eau est une, en tant qu'ils sont l'un et l'autre génériquement indivisibles; et que tous les liquides ensemble, l'huile, le vin, les corps fusibles, ne sont qu'une seule chose, parce qu'il y a identité entre les éléments primitifs de la matière liquide, car ce qui constitue tous les liquides, c'est l'eau et l'air. Même quand on peut marquer des [25] différences dans le genre, on attribue l'unité aux êtres qu'il contient. Et l'on dit que tous sont une seule chose, parce que le genre qui se trouve sous les différences est un. Le cheval, par exemple, l'homme, le chien, sont une seule chose, parce qu'ils sont des animaux. C'est à peu près comme dans le cas où il y a unité de matière. Tantôt, comme dans l'exemple que nous venons de citer, c'est au genre prochain qu'on rapporte l'unité, et tantôt, dans le cas où les genres immédiatement supérieurs aux objets identiques [30] seraient les dernières espèces du genre, c'est au genre le plus élevé (24). Ainsi, le triangle isocèle et l'équilatéral sont une seule et même figure, parce qu'ils sont triangles l'un et l'autre; mais ils ne sont pas les mêmes triangles. On attribue encore l'unité aux choses dont la notion essentielle ne peut se diviser en d'autres notions exprimant chacune l'essence de ces choses. De soi, en effet, [35] toute définition peut se diviser. Il y a unité entre ce qui augmente et ce qui décroît, parce qu'il y a unité dans la définition ; de la même manière, pour les plans la définition est une. [1016b] En général, tous les êtres dont l'idée, j'entends l'idée essentielle, est indivisible et ne peut être séparée ni dans le temps, ni dans l'espace, ni dans la définition; l'unité de ces êtres est l'unité par excellence. Les essences sont dans ce cas. En général, c'est en tant qu'ils ne peuvent être divisés, qu'on attribue l'unité aux objets qui ne peuvent l'être. Si, par exemple, [5] c'est en tant qu'homme qu'il n'y a pas de division possible, vous avez un seul homme; si en tant qu'animal, un seul animal ; si en tant que grandeur, une seule grandeur. L'unité est donc attribuée à la plupart des choses ou parce qu'elles produisent, ou parce qu'elles souffrent une autre unité, ou parce qu'elles sont en relation avec une unité. Les unités primitives sont les êtres dont l'essence est une; et l'essence peut être une soit par continuité, soit génétiquement, soit par définition, [10] car ce que nous comptons comme plusieurs, ce sont, ou bien les objets non continus, ou bien ceux qui ne sont pas du même genre, ou bien ceux qui n'ont pas l'unité de définition. Ajoutons que quelquefois nous disons qu'une chose est une par continuité, pourvu qu'elle ait quantité et continuité, mais que d'autres fois cela ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit un ensemble, c'est-à-dire qu'elle ait unité de forme. Ce ne serait pas pour nous une unité, que les parties de la chaussure que nous verrions rangées l'une auprès de l'autre d'une façon quelconque ; [15] c'est seulement quand il y a non pas simplement continuité, mais des parties rangées de telle sorte que ce soit une chaussure et qu'il y ait une forme déterminée : c'est alors, dis-je, qu'il y a véritablement unité. C'est pour cela aussi que la ligne du cercle est la ligne une par excellence ; elle est parfaite dans toutes ses parties. L'essence
de l'unité, c'est d'être le principe d'un nombre; car la mesure première
[20] de chaque genre d'êtres est un principe. C'est le principe par lequel
nous connaissons un genre d'êtres, qui est la mesure première de ce genre.
Le principe du reconnaissable dans chaque genre, c'est donc l'unité.
Seulement ce n'est pas la même unité pour tous les genres (25)
: ici c'est un demi-ton, là c'est la voyelle ou la consonne. La pesanteur a
une unité, le mouvement en a une autre encore. Mais, dans tous les cas,
l'unité est indivisible , soit sous le rapport dé la forme, soit sous celui
de la quantité. Il est évident aussi que la pluralité doit être mise en opposition avec l'unité. Il y a pluralité ou bien par le défaut de continuité, ou bien parce que la matière, [5] soit la matière du genre, soit les derniers éléments, peut se diviser par la forme, ou bien parce qu'il va pluralité de définitions exprimant l'essence. VII. L'être (26)
s'entend de ce qui est accidentellement, ou de ce qui est en soi. Il y a,
par exemple, être accidentel, quand nous disons : le juste est musicien;
l'homme est musicien; le musicien est [10] homme. De même à peu près que
quand nous disons que le musicien bâtit, c'est parce que l'architecte est
accidentellement musicien, ou le musicien architecte; car, une chose est
ceci ou cela, signifie que ceci ou cela est l'accident de cette chose ; de
même aussi, pour revenir à notre sujet , si l'on dit: l'homme est
musicien, ou : le musicien est homme ; ou bien : [15] le
musicien est blanc, ou : le blanc est musicien, c'est dans le
dernier cas, parce que l'un et l'autre sont les accidents du même être, et
dans le premier, parce que musicien est l'accident de l'être. Le musicien
n'est homme que parce que l'homme est accidentellement musicien. De même
encore on ne dit que le non-blanc est, que parce que l'objet dont il
est l'accident, est lui-même, Être, cela est, signifient encore qu'une chose est vraie; n'être pas, qu'elle n'est pas vraie, qu'elle est fausse, et cela, dans le cas de l'affirmation comme dans celui de la négation. Nous disons : Socrate est musicien, parce que cela est vrai; ou bien : Socrate est non-blanc, parce que cela est vrai encore. Mais nous disons [35] que le rapport de la diagonale au côté du carré n'est pas commensurable, parce qu'il est faux qu'il le soit. [1017b] Enfin, être et étant expriment tantôt la puissance, tantôt l'acte de ces choses dont nous avons parlé. Savoir, c'est tout à la fois et pouvoir se servir de la science et [5] s'en servir ; et l'inertie se dit et de ce qui est déjà en repos et de ce qui peut être en repos ; de même encore pour les essences. Nous disons, en effet : l'Hermès est dans la pierre ; la moitié de la ligne est dans la ligne; et : voilà du froment, quoique ce froment ne soit pas mûr encore. Mais dans quel cas l'être est-il, dans quel cas n'est-il pas encore en puissance? C'est ce que nous déterminerons ailleurs (32). VIII. [10]
Substance (33) se dit des corps simples tels
que la terre, le feu, l'eau et toutes les choses analogues; en général, des
corps, ainsi que des animaux, des êtres divins qui ont des corps, et des
parties de ces corps. Toutes ces choses sont appelées substances, parce
qu'elles ne sont pas les attributs d'un sujet, mais sont elles-mêmes sujets
des autres êtres. Sous un autre point [15] de vue, la substance est la cause
intrinsèque de l'existence des êtres qu'on ne rapporte pas à un sujet :
l'âme, par exemple, est la substance de l'être animé. On donne encore ce nom
aux parties intégrantes des êtres dont nous parions, parties qui les
limitent et déterminent leur essence, et dont l'anéantissement serait
l'anéantissement du tout. Ainsi, l'existence du corps, selon quelques
philosophes, dépend de celle du plan, l'existence du plan de celle de [20]
la ligne; et pour remonter plus haut, le nombre, d'après une autre doctrine,
est une substance; car, le nombre anéanti, il n'y a plus rien, et c'est lui
qui détermine toutes choses. Enfin, le caractère propre de chaque être (34),
caractère dont la notion est la définition de l'être, est l'essence de
l'objet, sa substance même. lX. Identité
(35). Il y a d'abord l'identité accidentelle;
ainsi, il y a identité entre le blanc et le musicien, parce qu'ils sont les
accidents du même être ; entre l'homme et le musicien, parce que l'un est
l'accident de l'autre. C'est parce que le musicien est l'accident de
l'homme, qu'on dit l'homme musicien. [30] Cette expression est identique à
chacune des deux autres, et chacune d'elles à celle-ci, puisque, pour nous,
homme et musicien sont la même chose qu'homme musicien, et réciproquement.
Aussi n'y a-t-il dans toutes ces identités aucun caractère universel. il
n'est pas vrai de dire que tout homme est la même chose que [35] musicien;
l'universel existe de soi, tandis que l'accident n'existe point par
lui-même, [1018a] mais
simplement comme attribut d'un être particulier. On admet l'identité de
Socrate et de Socrate musicien; c'est que Socrate n'est pas l'essence de
plusieurs êtres; aussi ne dit-on pas : Tout Socrate, comme on dit :
Tout homme. Différent (38) se dit des choses hétérogènes qui sont identiques sous quelque point de vue; non quand elles le sont seulement sous celui du nombre, mais quand elles le sont sous le point de vue de la forme, ou du genre, ou de l'analogie. Il se dit encore de ce qui appartient à des genres différents, des contraires et enfin de tout ce qui a dans l'essence [15] quelque diversité. Les
choses semblables (39) sont les choses sujettes
aux mêmes modifications, et celles qui ont le plus de rapport que de
différence, et celles qui ont la même qualité. Et quelques contraires que
puissent revêtir les choses, si le plus grand nombre des caractères, ou si
les caractères principaux se ressemblent, par cela seul il y a similitude. X. [20] L'opposé (40) se dit de la contradiction, des contraires, de la relation; de la privation et de la possession; des principes des êtres et des éléments dans lesquels ils se résolvent, c'est à-dire de la production et de la destruction. En un mot, dans tous les cas où un sujet ne peut admettre la coexistence de deux choses, nous (lisons que ces choses sont opposées, opposées en elles-mêmes, ou bien opposées quant à leurs principes (41). Le foncé et le blanc ne coexistent pas [25] dans le même sujet; aussi leurs principes sont-ils opposés. On appelle contraires (42) les choses de genres différents qui ne peuvent coexister dans le même sujet; et celles qui différent le plus dans le même genre; et celles qui diffèrent le plus dans le même sujet; et celles qui diffèrent le plus parmi les choses soumises à la même [30] puissance; enfin celles dont la différence est considérable, soit absolument, soit génériquement, soit sous le rapport de l'espèce. Les autres contraires sont appelés ainsi, les uns parce qu'ils ont en eux les caractères dont nous parlons, d'autres parce qu'ils admettent ces caractères, d'autres parce qu'ils ont produit ou subi, produisent ou subissent, parce qu'ils ont dépouillé ou pris, possèdent ou ne possèdent pas ces caractères et [35] ceux de même nature. Puisque l'unité et l'être s'entendent de plusieurs manières, il s'ensuit nécessairement que leurs modes sont dans le même cas; il faut bien alors que l'identité, l'hétérogénéité et le contraire varient selon les diverses manières d'envisager l'être et l'unité. On nomme
choses d'espèces différentes, celles qui, étant du même genre, ne peuvent
s'échanger mutuellement; [1018b]
et celles qui, étant dans le même genre, ont une différence; et celles dont
les essences sont contraires. Il y a aussi différence d'espèce dans les
contraires, soit dans tous les contraires, soit seulement dans les
contraires primitifs, et aussi dans les êtres qui ont la dernière [5] forme
du genre, lorsque leurs notions essentielles ne sont pas les mêmes. Ainsi
l'homme et le cheval sont bien indivisibles par le genre, mais il y a
différence dans leurs notions essentielles. Enfin les êtres dont l'essence
est la même, mais avec une différence, sont d'espèces différentes. XI. Antériorité et postériorité (43) s'entendent dans certains cas (44) de la relation à un objet considéré dans chaque genre [10] comme premier et comme principe ; c'est le plus ou moins de proximité d'un principe déterminé, soit absolument et par la nature même, soit relativement à quelque chose, soit dans quelque endroit, soit sous certaines conditions. Dans l'espace, par exemple, l'antérieur est ce qui est plus proche d'un lieu déterminé par la nature, comme le milieu ou l'extrémité, ou pris au hasard; et ce qui est plus éloigné de ce lieu est postérieur. Dans le temps, [15] l'antérieur est d'abord ce qui est plus éloigné de l'instant actuel. Il en est ainsi pour le passé. La guerre de Troie est antérieure aux guerres médiques, parce qu'elle est plus éloignée de l'instant actuel. C'est ensuite ce qui est le plus rapproché de ce même instant. L'avenir est dans ce cas. La célébration des jeux Néméens sera antérieure à celle des jeux Pythiques, parce qu'elle est plus rapprochée de l'instant actuel, l'instant actuel étant pris comme principe, comme chose première. [20] Par rapport au mouvement, l'antériorité appartient à ce qui est plus rapproché du principe moteur: l'enfant est antérieur à l'homme. Dans ce cas, le principe est déterminé de sa nature. Relativement à la puissance, ce qui a la priorité, c'est ce qui l'emporte en puissance, ce qui peut davantage. De ce genre est tout être à la volonté duquel un autre être, être inférieur, est forcé d'obéir, de telle façon que [25] celui-ci ne se mette pas en mouvement si l'autre ne le meut pas, et qu'il se meuve si le premier lui imprime le mouvement. Ici, c'est la volonté qui est principe. Pour l'ordre, l'antériorité et la postériorité s'entendent de la distance réglée relativement à un objet déterminé. Le danseur qui suit le coryphée (45) est antérieur à celui qui figure au troisième rang (46) ; et l'avant-dernière corde de la lyre (47) est antérieure à la dernière (48). Dans le premier cas, c'est le coryphée qui est principe; dans le second cas, c'est la corde du milieu (49). Voilà un point de vue de [30] l'antériorité. Il en est un autre, l'antériorité de connaissance, et cette antériorité est absolue. Mais il y a deux ordres de connaissance, la connaissance essentielle et la connaissance sensible. Pour la connaissance essentielle, c'est l'universel qui est antérieur; c'est le particulier pour la connaissance sensible. Dans l'essence encore, l'accident est antérieur [35] au tout : le musicien est antérieur à l'homme musicien ; car il n'y aurait pas de tout sans parties. Et pourtant l'existence du musicien n'est pas possible, s'il n'y a pas quelqu'un qui soit musicien. L'antériorité s'entend enfin des propriétés de ce qui est antérieur : la rectitude est antérieure au poli; car l'une est une propriété essentielle de la ligne, l'autre est une propriété de la surface.
[1019a] II y a donc
l'antériorité et la postériorité accidentelles, et celles de nature et
d'essence. L'antériorité de nature n'a pas pour condition l'antériorité
accidentelle ; mais celle-ci ne peut jamais exister sans celle-là: telle est
la distinction que Platon a établie. D'ailleurs, l'être [5] a plusieurs
acceptions : ce qui est antérieur dans l'être, c'est-là le sujet ; aussi la
substance a-t-elle la priorité. XII. [15] Pouvoir ou Puissance (50) s'entend du principe du mouvement ou du changement placé dans un autre être, ou dans le même être, mais en tant qu'autre. Ainsi, le pouvoir de bâtir ne se trouve point dans ce qui est bâti ; le pouvoir de guérir, au contraire, peut se trouver dans l'être qui est guéri, mais non pas en tant que guéri. Pouvoir s'entend donc, soit du principe du mouvement ou du changement [20] placé dans un autre être, ou dans le même être en tant qu'autre; soit encore de la faculté d'être changé, mis en mouvement par autre chose, ou par soi-même en tant qu'autre : dans ce sens, c'est le pouvoir d'être modifié dans l'être qui est modifié. Ainsi, quelquefois nous disons qu'une chose a le pouvoir d'être modifiée quand elle peut éprouver une modification quelconque ; quelquefois aussi quand elle ne peut pas éprouver toute espèce de modifications, mais seulement les meilleures. Pouvoir, se dit encore de la faculté de bien faire quelque chose, ou de la faire en vertu de sa volonté. Ceux qui seulement marchent ou parlent, mais qui le font ou [25] mal ou autrement qu'ils le voudraient, on ne dit pas qu'ils ont le pouvoir de parler ou de marcher. Pouvoir, s'entend également dans ce sens de la faculté d'être modifié.
Ensuite, tous les états dans lesquels on ne peut éprouver absolument aucune
modification, aucun changement, ou dans lesquels on n'éprouve que
difficilement une modification en mal, sont des pouvoirs; car on est brisé,
broyé, courbé [30] , on est détruit, en un mot, non pas en vertu d'un
pouvoir, mais faute d'un pouvoir, et parce qu'on manque de quelque chose.
Les êtres à l'abri de ces modifications sont ceux qui ne peuvent être
changés que difficilement, que légèrement, parce qu'ils sont doués d'une
puissance, d'un pouvoir propre, d'un état particulier. L'Impuissance (52) est la privation de la puissance, le manque d'un principe comme celui que nous venons de signaler, manque absolu, ou manque pour un être qui devrait naturellement le posséder, ou bien encore à l'époque où il serait dans sa nature de le posséder. On ne dit point au même titre que l'enfant et l'eunuque sont impuissants à engendrer. De plus, à chaque [20] puissance est opposée une impuissance particulière, et à la puissance simplement motrices et à celle qui produit le bien. Impuissant (53) s'entend d'abord de l'impuissance de ce genre; il se prend encore dans un autre sens. II s'agit du Possible et de l'Impossible (54). L'impossible, c'est ce dont le contraire est nécessairement vrai. Ainsi, il est impossible que le rapport de la diagonale [25] au côté du carré soit commensurable, car il est faux qu'il le soit: non seulement le contraire est vrai, mais il est nécessaire que ce rapport soit incommensurable, et, par conséquent, non seulement il est faux que le rapport en question soit commensurable, mais cela est nécessairement faux. L'opposé de l'impossible, le possible est ce dont le contraire n'est pas nécessairement faux. Ainsi, il est possible que l'homme soit assis; car il n'est pas [30] nécessairement faux qu'il ne soit pas assis. Possible, dans un sens, signifie donc, comme nous venons de le dire, ce qui n'est pas nécessairement faux; dans un autre sens, c'est ce qui est vrai, ou bien encore ce qui peut être vrai.
Ce n'est que par métaphore qu'on se sert du mot puissance dans la Géométrie
(55); la puissance, dans ce cas, n'est pas un
pouvoir réel. Mais toutes les acceptions de puissance en tant que pouvoir,
se rapportent à la puissante première, [1020a]
c'est-à-dire au principe du changement placés dans un autre être en tant
qu'autre. XIII.
Quantité (56) s'entend de ce qui est divisible
en éléments constitutifs, dont l'un ou l'autre, ou chacun, est un et a, de
sa nature, une existence propre. La pluralité est une quantité lorsqu'elle
peut se compter ; la grandeur, lorsqu'elle peut se [10] mesurer. On appelle
pluralité ce qui est, en puissance, divisible en parties non continues;
grandeur, ce qui peut se diviser en parties continues. Une grandeur continue
dans un seul sens, s'appelle longueur; dans deux sens, largeur, et dans
trois, profondeur. Une pluralité finie, c'est le nombre; une longueur finie,
c'est la ligne. Ce qui a largeur déterminée, est un plan; profondeur
déterminée, un corps. Enfin, certaines [15] choses sont des quantités par
elles-mêmes, d'autres accidentellement. Ainsi, la ligne est par elle-même
une quantité; le musicien n'en est une qu'accidentellement. XIV.
La Qualité (57) est d'abord la différence qui
distingue l'essence: ainsi l'homme est un animal qui a telle qualité, parce
qu'il est bipède ; le cheval, parce qu'il est quadrupède [35]. Le cercle est
une figure qui a aussi telle qualité : il n'a pas d'angles. Dans ce sens,
qualité signifie donc la différence qui distingue l'essence. Qualité peut
aussi se dire des êtres immobiles et des êtres mathématiques, des nombres
par exemple. Ainsi les nombres composés, et non ceux qui ont pour facteur
l'unité; en un mot, ceux qui sont des imitations [5] du plan, du solide,
c'est-à-dire les nombres carrés, les nombres cubes : et, en général,
l'expression qualité s'applique à tout ce qui, dans l'essence du nombre, est
autre que la quantité. L'essence du nombre c'est d'être le produit d'un
nombre multiplié par l'unité : l'essence de six, ce n'est point deux fois,
trois fois un nombre, mais une fois, car six, c'est une fois six. Qualité se
dit encore des attributs des substances en mouvement. Telles sont la chaleur
et le froid, [10] la blancheur et la noirceur, la pesanteur et la légèreté,
et tous les attributs de ce genre que peuvent revêtir tour à tour les corps
dans leurs changements alternatifs. Enfin cet expression s'applique à la
vertu et au vice, et en général, au mal et au bien. XV.
Relation (58) s'entend, ou bien du double par
rapport à la moitié, du triple par rapport au tiers, et en général du
multiple par rapport au sous-multiple, du plus par rapport au moins ; ou
bien c'est le rapport de ce qui échauffe à ce qui est échauffé, de ce qui
coupe à ce qui est [30] coupé, et en général de ce qui est actif à ce qui
est passif. C'est aussi le rapport du commensurable à la mesure, de ce
qui peut être su à la science; du sensible à la sensation. Les premières
relations sont les relations numériques, relations indéterminées, ou
relations de nombres déterminés entre eux, ou relations d'un nombre avec
l'unité. Ainsi, la relation numérique [35] de la pluralité à l'unité n'est
point déterminée : ce peut être tel ou tel nombre. [1021a]
La relation de un et demi avec un demi, est une relation de nombres
déterminés; la relation du nombre fractionnaire en général à la fraction,
n'est pas une relation de nombres déterminés : il en est pour elle comme
pour celle de la pluralité à l'unité. En un mot la relation du plus au moins
est une relation numérique compétemment indéterminée. [5] Le nombre
inférieur est, il est vrai, commensurable, mais on le compare à un nombre
incommensurable. En effet , le plus relativement au moins, c'est une fois le
moins et encore un reste; ce reste est indéterminé, il peut lui être ou ne
pas lui être égal. [1021b] Les choses qui, en elles-mêmes sont relatives, le sont, ou comme celles dont nous venons de parler, ou bien parce que les [5] genres dont elles dépendent sont relatifs de cette manière. La médecine, par exemple, rentre dans les choses relatives, parce que la science, dont elle est une espèce, semble elle-même une chose relative. On donne encore le nom de relatifs aux attributs en vertu desquels les êtres qui les possèdent sont dits relatifs : à l'égalité, parce que l'égal est relatif, à la similitude, parce que le semblable l'est aussi. Il y a enfin des relations accidentelles : ainsi l'homme est relatif, parce que accidentellement il est double, et que le double est une chose relative. [10] Le blanc aussi peut être relatif de la même manière, si le même être est accidentellement double et blanc. XVI. Parfait (59) se dit d'abord de ce en dehors de quoi il n'y a rien, pas-même une seule partie (60). Ainsi, telle durée déterminée est parfaite, lorsqu'en dehors de cette durée il n'y a pas quelque durée qui soit une partie de la première. On appelle [15] encore parfait ce qui, sous le rapport du mérite et du bien, n'est pas surpassé dans un genre particulier. On dit : Un médecin parfait, un parfait joueur de flûte, lorsqu'il ne leur manque aucune des qualités propres à leur art. Cette qualification, s'applique, par métaphore, même à ce qui est mauvais. On dit : Un parfait sycophante; un parfait [20] voleur; on leur donne bien le nom de bons: Un bon voleur, un bon sycophante. Le mérite d'un être est aussi une perfection. Chaque chose, chaque essence est parfaite lorsque dans le genre qui lui est propre, il ne lui manque aucune des parties qui constituent naturellement sa force et sa grandeur. On donne encore le nom de parfaites aux choses qui tendent à une bonne fin. Elles sont parfaites en tant qu'elles [25] ont une fin (61). Et comme la perfection est un point extrême, on applique métaphoriquement ce mot même aux choses mauvaises, et l'on dit: Cela est parfaitement perdu, parfaitement détruit, lorsqu'il ne manque rien à la destruction et au mal, lorsqu'ils sont arrivés au dernier terme. C'est pour cela que le mot parfait se dit métaphoriquement de la mort : l'un et l'autre sont le dernier terme. Enfin la raison pour laquelle [30] on fait une chose, est un but final, une perfection. Parfait en soi s'entend donc alors, ou de ce à quoi il ne manque rien de ce qui constitue le bien, de ce qui n'est point surpassé dans son genre propre, ou de ce qui n'a en dehors de soi absolument aucune partie. [1022a] D'autres choses, sans être parfaites par elles–mêmes, le sont en vertu de celles-là, ou parce qu'elles produisent la perfection, ou parce qu'elles la possèdent, qu'elles sont en harmonie avec elle, ou bien parce qu'elles soutiennent quelque autre espèce de rapport avec ce qui est proprement appelé parfait. XVII.
Terme (62) se dit de l'extrémité de chaque
chose, du point à partir duquel il n'y a plus rien [5], en deçà duquel est
tout. C'est aussi la limite des grandeurs, ou des choses qui ont grandeur,
enfin le but de chaque chose, j'entends le point où aboutit le mouvement,
l'action, et non pas le point de départ. Quelquefois néanmoins on donne
également ce nom, au point de départ, au point d'arrêt, à la cause finale, à
la substance de chaque être et à son essence; car ces principes sont le
terme de la connaissance, et comme terme [10] de la connaissance, ils sont
aussi le terme des choses. Évidemment, d'après cela, le mot terme a autant
d'acceptions que celui de principe, et plus encore : le principe est un
terme, mais le terme n'est pas toujours un principe.
En quoi ou Pourquoi (63) se prend sons
plusieurs acceptions. Dans un sens, il désigne la forme [15] , l'essence, de
chaque chose : ainsi, ce en quoi on est bon, c'est le bien en soi. Dans un
autre sens, il s'applique au sujet premier dans lequel s'est produit quelque
chose, ainsi au plan qui a reçu la couleur. En quoi ou pourquoi dans son
acception première signifie donc d'abord la forme, et en second lieu la
matière, la substance première de chaque chose, en un mot il a toutes les
acceptions du mot cause. En effet , on dit: [20] Pourquoi est-il venu ? tout
aussi bien que : Dans quel but est-il venu? Pourquoi a-t-on fait un
paralogisme ou un syllogisme? dans le sens de : Quelle a été la cause du
syllogisme ou du paralogisme ? Pourquoi et en quoi se dit encore de la
position : ce pourquoi l'on est debout, ce pourquoi l'on marche. Dan ces
deux cas il s'agit de la position et du lieu. XIX. La Disposition (65) est l'ordre de ce qui a des parties, ou par rapport au lieu, ou par rapport à la puissance, ou par rapport à la forme. Il faut bien, en effet, qu'il y ait là une certaine position, comme l'indique le nom même : disposition. XX. État (66), dans un sens, signifie l'activité ou la passivité en acte, par exemple l'action ou le mouvement, car entre l'être qui agit, et celui qui subit l'action, il y a toujours l'action. Entre l'être qui porte un habit et l'habit porté il y a toujours un intermédiaire, le port de l'habit. Évidemment, le port de l'habit, ce ne peut être l'état de l'habit porté; car on irait à l'infini, si l'on disait que l'état est l'état d'un [10] état. Dans un autre sens, état se prend pour disposition, situation bonne ou mauvaise d'un être, ou en soi, ou par rapport à un autre. Ainsi la santé est un état; car, elle est une disposition particulière. État s'applique encore aux différentes parties dont l'ensemble constitué la disposition : dans ce sens, la force ou la faiblesse des membres est un état des membres. XXI. [15] Passion (67) se dit d'abord des qualités que peut alternativement revêtir un être; ainsi le blanc et le noir, le doux et l'amer, la pesanteur et la légèreté, et toutes les autres qualités de ce genre. Dans un autre sens, c'est l'acte même de ces qualités, le passage de l'une à l'autre. Passion, dans ce dernier cas, se dit plutôt des qualités mauvaises : [20] c'est surtout aux tendances déplorables et nuisibles que ce nom s'applique. Enfin, on donne le nom de passion, à un grand, un cruel malheur. XXII.
On dit qu'il y a Privation (68), ou bien quand
un être n'a pas quelque qualité qui ne doit point se trouver en lui, qu'il
n'est pas dans sa nature d'avoir : c'est dans ce sens qu'on dit qu'une
plante est privée d'yeux ; ou bien lorsque cette qualité devant [25]
naturellement se trouver en lui ou dans le genre auquel il appartient, il ne
la possède pas cependant. Ainsi l'homme aveugle est privé des yeux d'une
tout autre manière que la taupe; dans le dernier cas, la privation est un
fait général, dans l'autre, c'est un fait individuel. Il y a encore
privation lorsqu'un être devant naturellement avoir une qualité, et à une
époque déterminée, ne l'a pas, cette époque venue. La cécité est une
privation ; mais on ne dit point qu'un être est aveugle à un âge quelconque,
mais seulement s'il n'a pas la vue à l'âge où il doit naturellement l'avoir.
[30] Il y a également privation lorsqu'on n'a point telle faculté dans la
partie où l'on doit l'avoir, appliquée aux objets auxquels elle doit
s'appliquer, dans les circonstances et de la manière convenables. Le
suppression violente s'appelle encore privation. La Possession (70) s'exprime de plusieurs manières. D'abord elle indique ce qui imprime une action en vertu de sa nature ou d'un effet propre: ainsi on dit que [10] la fièvre tient l'homme, que le tyran tient la ville, que ceux qui sont vêtus ont leur vêtement. Elle s'entend aussi de l'objet qui subit l'action : par exemple, l'airain a la forme d'une statue, le corps a la maladie; puis de ce qui enveloppe par rapport à ce qui est enveloppé, car [15] l'objet qui en enveloppe un autre le contient. Nous disons : le vase contient le liquide, la ville contient les hommes, le vaisseau les matelots ; de même encore le tout contient les parties. Ce qui empêche un être de se mouvoir ou d'agir selon sa tendance, retient cet être. C'est dans ce sens que l'on dit que les colonnes soutiennent les masses qui les surmontent; [20] qu'Atlas, comme s'expriment les poètes, soutient le ciel. Sans soutien, il tomberait sur la terre, ainsi qu'on le prétend dans quelques systèmes de physique. C'est encore dans le même sens que l'on applique le mot tenir à ce qui retient les objets; sans cela ils se sépareraient en vertu de leur force propre. Enfin, le contraire de la possession s'exprime d'autant de manières que la possession, et qui correspondent aux expressions que nous [25] venons d'énumérer. XXIV.
Être ou Provenir de (71), s'applique dans un
sens à ce dont une chose est faite, ainsi la matière; et dans ce sens il y a
un double point de vue, la matière première ou bien telle espèce
particulière de matière. Exemple du premier : Ce qui est fusible provient de
l'eau. Second point de vue : La statue provient de l'airain. Dans un autre
sens il se dit du [30] principe du mouvement. D'où provient le combat, par
exemple? de l'insulte, parce qu'elle est le principe du combat. Il
s'applique aussi à l'ensemble de la matière et de la forme. Ainsi les
parties proviennent du tout, un vers, de l'Iliade; les pierres viennent de
la maison, car une forme est une fin, et ce qui a une fin est parfait (72).
[35] Sous un autre point de vue, le tout vient de la partie; ainsi , l'homme
vient du bipède, la syllabe de l'élément. Mais ils n'en viennent pas comme
la statue vient de l'airain; [1023b]
la substance composée vient de la matière sensible; l'espèce vient de la
matière de l'espèce. Outre ces exemples, l'expression dont il s'agit
s'applique aux choses qui proviennent de quelqu'une de ces manières, mais
proviennent seulement d'une partie déterminée. C'est dans ce sens qu'on dit
que l'enfant [5] vient du père et de la mère, que les plantes viennent de la
terre; parce qu'ils viennent de quelqu'une de leurs parties. XXV. Partie (76), dans un sens, se dit de ce en quoi on peut diviser une quantité quelconque. Car toujours ce qu'on retranche d'une quantité, en tant que quantité, s'appelle partie de cette quantité. Ainsi, deux peut être considéré comme partie de [15] trois. Dans un autre sens, on donne seulement ce nom à ce qui mesure exactement les quantités; de sorte que sous un point de vue, deux sera partie de trois, et sous l'autre, non. Ce en quoi peut se diviser un genre, le genre animal par exemple, autrement que sous le rapport de la quantité, s'appelle encore partie de ce genre. Dans ce sens les espèces sont des parties du genre. Partie se [20] dit aussi de ce en quoi peut se diviser un objet, ou de ce qui constitue le tout ou la forme, ou ce qui a la forme. L'airain, par exemple, est une partie de la sphère ou du cube d'airain, il est la matière qui reçoit la forme. L'angle est aussi une partie. Enfin, les éléments de la définition de chaque être particulier sont encore des parties du tout. De sorte que, sous ce point de vue, le genre peut être considéré comme partie de l'espèce; sous un autre, au contraire, l'espèce [25] est partie du genre. XXVI.
Tout (77), s'entend de ce à quoi il ne manque
aucune des parties qui constituent naturellement un tout; on bien de ce qui
embrasse d'autres êtres s'il a l'unité, et des êtres embrassés, s'ils
forment une unité. Sous ce dernier point de vue, deux cas se présentent : ou
bien chacun des êtres embrassés est un, ou bien l'unité résulte de leur
ensemble. Ainsi, pour le premier cas, l'universel, (car l'universel reçoit
le nom [30] de tout, comme désignant un ensemble,) l'universel est universel
parce qu'il embrasse plusieurs êtres, à chacun desquels il s'applique, et
que tous ces êtres particuliers forment une unité commune, par exemple,
homme, cheval, dieu, parce que ce sont tous des êtres vivants. Dans le
second cas, le continu déterminé; s'appelle tout ou ensemble, parce qu'il
est une unité résultant de plusieurs parties intégrantes, surtout lorsque
ces parties sont en puissance, quelquefois aussi lorsqu'elles sont en acte. [1024a] Ajoutons que les quantités ayant un commencement, un milieu et une fin, les choses pour lesquelles la position n'apporte aucun changement, sont appelées Tout; celles qui subissent un changement par la position sont appelées Ensemble. Celles qui peuvent réunir les deux caractères sont à la fois ensemble et tout (78). Telles sont celles dont la nature reste la même dans le déplacement des parties, mais dont la [5] forme varie : ainsi la cire, un habit. On applique à ces objets les expressions de tout et d'ensemble ; car ils ont les deux caractères. Mais l'eau, les corps liquides, les nombres, reçoivent seulement la dénomination de tout. Le mot ensemble ne s'applique ni aux nombres, ni à l'eau, si ce n'est par métaphore. L'expression Tous (79) s'applique aux choses que l'on appellerait tout, en les considérant comme unité; si on les considère comme divisées, on leur applique le pluriel : [10] tout ce nombre, toutes ces monades.
Tronqué (80) se dit des quantités, mais non
point de toutes au hasard ; il faut, non seulement qu'elles puissent être
divisées, mais encore qu'elles forment un ensemble : le nombre deux n'est
pas tronqué si l'on retranche une des deux unités, car la partie enlevée par
mutilation n'est jamais égale à ce qui reste de l'objet. Il en est de même
de tous les nombres. Pour qu'il y ait mutilation, il faut [15] que l'essence
persiste : quand une coupe est mutilée, c'est encore une coupe. Or, le
nombre, après le retranchement, ne reste pas le même. Il ne suffit pas
toutefois, pour qu'il y ait mutilation, que les parties de l'objet soient
différentes. Il y a des nombres dont les parties différent : ces parties
peuvent être deux et trois. En général, il n'y a pas de mutilation pour les
choses dans lesquelles l'arrangement des parties est indifférent, telles que
le feu et l'eau ; [20] il faut, pour qu'il y ait mutilation, que
l'arrangement des parties tienne à l'essence même de l'objet. Genre ou Race (82) s'emploie d'abord pour exprimer la génération continue des [30] êtres qui ont la même forme (83). Ainsi , on dit : Tant que subsistera le genre humain, pour dire : Tant qu'il y aura génération non-interrompue des hommes. Il se dit aussi par rapport à ce dont les êtres dérivent, au principe qui les a fait passer à l'être : les Hellènes, les Ioniens. Ces noms désignent des races, parce que ce sont des êtres qui ont les uns Hellen, les autres Ion, pour premier auteur de leur existence. Race se dit plutôt par rapport au générateur que par rapport à la matière. Toutefois le genre vient aussi de la femme; ainsi , on dit : la race de Pyrrha.
[1024b] Dans un autre
sens du mot genre, le plan est le genre des figures planes, le solide des
figures solides; car chaque figure est ou tel plan, ou tel solide : le plan
et le solide en général sont les sujets qui se différencient dans les cas
particuliers. Dans les définitions, on donne [5] le nom de genre à la notion
fondamentale et essentielle, dont les qualités sont les différences (84). XXIX.
Faux (85) s'entend, d'une manière, de la
fausseté dans les choses (86), et alors il y a
fausseté , ou parce que les choses ne sont pas réellement, ou parce qu'il
est impossible qu'elles soient ; comme si l'on disait, par exemple, que le
rapport de la diagonale [20] au côté du carré est commensurable, ou que vous
êtes assis : l'un est absolument faux, l'autre l'est accidentellement; car,
dans l'un et l'autre cas, le fait affirmé n'est pas. XXX.
Accident (90) se dit de ce qui appartient à un
être et peut en être affirmé avec vérité, mais n’est pourtant ni nécessaire
ni constant : par exemple, si en creusant une fosse pour planter un arbre,
on trouve un trésor. C’est par accident que celui qui creuse la fosse trouve
un trésor, car un de ces faits n’est ni la suite nécessaire, ni la
conséquence de l’autre, et il n’est pas constant qu’en plantant un arbre on
trouve un trésor. [20] Un homme cultivé peut être blanc ; mais comme cela
n'est pas nécessaire ou habituel, nous l'appelons un accident. Ainsi
puisqu'il ce sont des attributs et des objets, et des attributs qui
s'appliquent à leurs objets seulement à un certains endroit et et à un
certain moment, tout attribut qui s'applique à un objet, non pas parce que
c'était un objet particulier ou un temps ou un endroit particulier, sera un
accident. il n'y a pas de cause définie pour un accident, mais
uniquement le hasard, c.-à-d. une cause indéfinie. C'était par accident que
X est allé à Egine : il est arrivé là non parce qu'il avait l'intention d'y
aller mais parce qu'il y a été amené par une tempête, ou parce qu'il a été
capturé par des pirates. L'accident s'est produit ou existe, mais en vertu
non de lui-même mais d'une autre chose ; c'était la tempête qui était la
cause pour laquelle il était arrivé à un endroit qu'il ne voulait pas, à
savoir Egine.
(60) Le mot propre, ici, serait plutôt complet ; mais nous avons dû employer le mot parfait à cause de ce qui suit. (61) Τέλος, τέλειον et plus loin τελευτή : ces analogies manquent dans notre langue. De là, nécessairement, quelque chose de forcé dans la traduction, tandis que tout se tient et s'enchaîne admirablement dans l'original. Ce n'est pas la première fois que nous aurions pu faire une pareille remarque. (62) Πέρας. (63) Καθ’ ὅ. (64) Καθ’ αὑτό. (65) Διάθεσις. (66) Ἕξις. Voyez précédemment le chapitre de la qualité, et plus bas celui de la possession, ἔχειν. (67) Πάθος. Aristote ne fait qu'une courte remarque dans les Catégories au sujet de l'action et de la passion, c'est qu'elles sont entre elles dans un rapport de contrariété, et qu'elles sont susceptibles de plus ou de moins. Categ., 9. Bekk., p. 11. (68) Στέρεσις. (69) Le texte : Αἱ ἀπὸ τοῦ Α στερήσεις. Nous avons été obligés d'ajouter quelque chose, à cause de l'impossibilité de trouver un équivalent de ἄπουν, commençant par la particule in, et aussi parce que plusieurs autres particules, telles que mé, dé, etc. jouent dans notre langue le même rôle que l'α privatif en grec. (70) Ἔχειν. Aristote n'énumère dans les Catégories, que les acceptions les plus usuelles de ce mot. Il dit lui-même qu'il n'a probablement pas épuisé la question. Et en effet, plusieurs des exemples qu'il va citer, ne s'y rencontrent pas. Voyez Categ., 15. Sub. fin. Bekk., p. 15. (71) Ἔκ τινος εἶναι . (72) Voyez plus haut, ch. 16. (73) Fêtes en l'honneur d'Apollon et de Diane. (74) Fêtes de Bacchus. (75) Voyez livre II, 2. (76) Μέρος. (77) Ὅλον. (78) Καὶ ὅλα καὶ πᾶν . (79) Πάντα. (80) Κολοβόν. (81) Des expériences ont prouvé que ce viscère n'était pas absolument indispensable à la vie. (82) Γένος. (83) Voyez Porphyre, Introduction aux Catégories, ch. 2, dans la collection de Brandis. Schol., p. 1. (84) Aristote a consacré au genre, considéré sous ce point de vue, un livre tout entier du traité des Topiques. Voyez Topic., IV. Bekk.. p. 120 sqq. (85) Ψεῦδος. (86) Voyez Métaph. IX, 10. (87) Quand on définit un genre par la notion d'un autre genre, une espèce par celle d'une autre espèce, un individu par celle d'un autre individu. (88) Quand on donne à l'individu la définition de l'espèce, à l'espèce celle du genre. (89) Platon, Hippias mineur, IV, p. 365, et XVI, p. 374, jusqu'à la fin du dialogue. (90) Συμβεβηκός. (91) On ne définit pas le triangle, une figure dont les trois angles sont égaux à deux angles droits ; c'est là une propriété qu'on tend évidente seulement par la démonstration. (92) Aux ch. 4, 5, 6 du IIe livre de la Physique, Bekk., p. 195 sq.; et au liv. 1, 30 des Deuxièmes Analytiques, Bekker, p. 87. Voyez aussi plus bas, VI, 3, et XI, 8.
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