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table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

ARISTOTE

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES.

 

Relu et corrigé

 

 

PLAN GÉNÉRAL DES PREMIERS ANALYTIQUES.

 

 

 

PLAN GÉNÉRAL DES PREMIERS ANALYTIQUES

L'objet commun des deux Analytiques, c'est la place de la démonstration. Toute démonstration vient d'un syllogisme. La théorie du syllogisme doit toujours précéder la théorie de la démonstration. La théorie du syllogisme est l'objet spécial des Premiers Analytiques, comme la théorie de la démonstration est l'objet des Derniers.

LIVRE PREMIER

SECTION PREMIÈRE

FORMATION DU SYLLOGISME

Le syllogisme est une énonciation dans laquelle certaines propositions étant posées, on en conclut nécessairement quelque autre proposition différente de celles-là, par cela seul que celles-là sont posées. Le syllogisme est complet, lorsque la conséquence nécessaire ressort directement de ces données mêmes; il est incomplet, lorsque, pour obtenir la conclusion nécessaire, il faut faire subir quelque changement de forme aux propositions initiales. De même que le syllogisme se compose de deux propositions, de même la proposition se compose de deux termes : le sujet et l'attribut. La proposition affirme ou nie; elle est universelle ou particulière, selon que le sujet en est pris dans toute son extension ou dans une partie de son extension. Le sujet est d'ailleurs toujours compris dans la totalité ou l'extension de l'attribut, de même que l'attribut est renfermé dans la compréhension du sujet.

Pour ramener un syllogisme incomplet à être complet, on emploie la conversion. La conversion garde les deux termes de la proposition; mais du sujet elle fait l'attribut; et de l'attribut, elle fait le sujet. Tantôt elle change, tantôt elle conserve la quantité de la proposition. Ainsi, d'une proposition universelle affirmative, elle fait une particulière affirmative; et d'une proposition universelle négative, elle fait encore une universelle négative; de même que d'une particulière affirmative, elle fait aussi une proposition de semblable espèce. La conversion ne peut rien sur la proposition particulière négative.

La conversion ne s'applique pas seulement aux propositions absolues; elle s'applique aussi aux propositions modales. Parmi les modales, on ne distinguera que celles qui affectent l'existence d'un caractère de nécessité, et celles qui l'affectent d'un caractère de contingence. Pour les modales nécessaires, les règles sont entièrement les mêmes que pour les propositions absolues; pour les modales contingentes, les règles changent avec le sens même qu'on attache à contingent. Lorsque le contingent signifie ce qui n'est pas toujours, mais qui peut être ou ne pas être de telle ou telle façon, les propositions modales qu'il forme se convertissent à l'inverse des propositions absolues; c'est-à-dire que l'universelle négative se convertit en particulière, et que la particulière négative qui ne se convertissait pas se convertit en ses propres termes. Les affirmatives contingentes suivent d'ailleurs la règle générale.

Lorsque trois termes sont entre eux dans ce rapport que le premier contienne le second qui contient le troisième, ces trois termes forment un syllogisme de la première figure. Le premier terme se nomme le majeur, comme étant le plus étendu des trois; le second se nomme le moyen parce que son étendue tient le milieu entre celle du premier et celle du troisième ; enfin, celui-ci se nomme le mineur, parce que son étendue est moindre que celle des deux autres. Le premier et le dernier se nomment aussi les extrêmes. Comme toute proposition se compose de deux termes, et que l'attribut est plus étendu que le sujet, la proposition qui renfermera le majeur avec le moyen formera la majeure du syllogisme; la proposition qui renfermera le mineur avec le moyen, sera la mineure; enfin, la conclusion ne renfermera que le mineur et le majeur. Dans la première figure, où ces relations du moyen et des extrêmes devront toujours être conservées, certaines combinaisons des propositions pourront donner une conclusion; certaines autres n'en donneront pas. La majeure, avec les quatre formes diverses qu'elle peut recevoir en tant que proposition, et la mineure qui en reçoit autant qu'elle et au même titre, forment, réunies ensemble, seize combinaisons possibles. De ces seize combinaisons, douze ne donnent point de conclusions dans la première figure et sont inutiles; quatre donnent des conclusions; et ces quatre conclusions représentent les quatre formes possibles de la proposition : universelle affirmative, universelle négative, particulière affirmative, particulière négative. De plus, tous les syllogismes de la première figure sont complets ; car, pour obtenir la conclusion nécessaire et évidente, il n'est pas besoin de faire subir de changement aux propositions initiales.
Au lieu d'être intermédiaire aux deux termes, sujet du majeur et attribut du mineur, le moyen peut être placé en dehors des extrêmes. Quand il leur sert à tous deux d'attribut, c'est la seconde figure. Des seize combinaisons que la majeure et la mineure réunies peuvent encore ici former entre elles, douze sont inutiles, comme dans la première figure, attendu qu'elles ne donnent pas de conclusions; quatre donnent des conclusions ; et, de ces quatre conclusions, deux sont universelles négatives, et deux sont particulières négatives. Ainsi la seconde figure n'a point de conclusion affirmative. De plus, tous les syllogismes y sont incomplets; car, pour y rendre la conclusion évidente, il faut leur appliquer la conversion ou la réduction à l'absurde. La conversion les ramène alors aux modes utiles de même espèce de la première figure, modes qui, sans aucun changement des termes, portent avec eux l'évidence de leur conclusion.

Au lieu d'être attribut des extrêmes, le moyen peut être sujet des deux; c'est alors la troisième figure. Des seize combinaisons que peuvent former la majeure et la mineure, dix sont inutiles comme ne donnant pas de conclusion ; six sont utiles parce qu'ils en donnent. De ces six conclusions, trois soit particulières affirmatives, et trois sont particulières négatives. Ainsi, la troisième figure n'a point de conclusion universelle. De plus, tous les syllogismes y sont incomplets; et ils sont ramenés, comme ceux de la seconde, et par les mêmes procédés qu'eux, aux modes de même espèce de la première.

Dans aucune des trois figures, il n'y a de conséquence nécessaire, quand les deux propositions sont particulières. Il se peut dans certains modes, qui tous sont particuliers négatifs, que le mineur soit attribué au majeur. La conclusion est alors indirecte, puisqu'elle est opposée à la conclusion directe et régulière dans laquelle, au contraire, le majeur est attribué au mineur. Ces modes indirects se ramènent tous aux modes de même espèce de la première figure, par la conversion, soit de l'une des propositions, soit des deux; et de plus, par la transposition des prémisses. - Dans tous les syllogismes, la proposition indéterminée aura la même valeur que la proposition particulière. - Les syllogismes, quels qu'ils soient, peuvent toujours être ramenés aux syllogismes universels de la première figure, soit par la conversion, soit par la réduction à l'absurde. Les deux syllogismes particuliers de cette même figure, tout complets qu'ils sont par eux-mêmes, peuvent aussi être ramenés à ces deux modes universels, par la réduction à l'absurde dans la seconde. Donc, en résumé, tous les modes des trois figures peuvent être ramenés aux deux modes universels, affirmatifs et négatifs, de la première.

Après les syllogismes formés de propositions absolues, viennent les syllogismes formés de propositions modales; car ce sont là les deux seules espèces que l'on a distinguées dans la nature de la proposition. Lorsque, dans chacune des figures, les deux propositions sont modales nécessaires, les règles des syllogismes à propositions absolues leur sont applicables.

Mais l'une des propositions peut être absolue et l'autre nécessaire, dans la première figure. La conclusion alors est modale nécessaire, quand c'est la majeure qui est nécessaire, et la mineure, absolue. La conclusion au contraire est absolue, si la majeure est absolue, et la mineure, nécessaire.

Dans la seconde figure, la conclusion est modale nécessaire, lorsque celle des prémisses, qui est universelle négative, est aussi modale nécessaire. La conclusion est absolue, quand c'est la majeure affirmative, soit universelle, soit particulière, qui est nécessaire.
Enfin, dans la troisième figure, la conclusion est modale nécessaire et affirmative, quand la proposition universelle, soit majeure, soit mineure, est nécessaire ; elle est nécessaire négative, quand la proposition universelle et nécessaire est aussi négative.

En comparant l'absolu et le nécessaire, on voit que, de prémisses absolues, on ne peut tirer qu’une conclusion absolue, tandis qu'on peut obtenir une conclusion modale nécessaire, quand l'une des deux propositions seulement est modale nécessaire. Du reste, dans les conclusions de mode absolu ou de mode nécessaire, il faut toujours que l'une des deux propositions au moins soit pareille à la conclusion.
Les propositions modales contingentes ont ceci de particulier, qu'outre la conversion ordinaire, elles peuvent encore en recevoir une autre, par laquelle le mode ne change pas de qualité, tandis que le sujet du mode en change ; en d'autres termes, une proposition contingente peut passer de l'affirmative à la négative; et réciproquement. C'est qu'en effet l'idée de contingent implique l'idée de non-être, tout aussi bien que l'idée d'être. Le contingent est précisément tout ce dont la supposition n'implique aucune absurdité. Donc, n'étant pas nécessaire, il peut ne pas être tout aussi bien qu'il peut être.

Avec deux propositions contingentes dans la première figure, on obtient toujours une conclusion régulière contingente, en observant les règles de cette figure. On peut même, tout en les violant, c'est-à-dire, en admettant une mineure négative, obtenir encore une conclusion, au moyen de la conversion spéciale des contingentes; car la conversion peut rendre cette mineure affirmative.

Lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre absolue dans la première figure, on obtient une conclusion régulière contingente, pourvu que la majeure soit universelle ; on n'obtient point de conclusion, si la majeure est particulière, ou si c'est la mineure qui est universelle.

Lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre nécessaire dans la première figure, les règles sont les mêmes que lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre absolue. Seulement, avec une majeure absolue universelle négative et une mineure contingente, on n'obtient qu'une conclusion contingente ; avec une majeure nécessaire négative et une mineure contingente, la conclusion peut être soit contingente, soit absolue. Du reste, quand c'est la majeure qui est nécessaire, et la mineure, contingente, les conclusions sont indirectes; et elles se complètent par la conversion spéciale des contingentes.

Avec deux propositions contingentes, dans la seconde figure, on ne peut jamais obtenir de conclusion; car on ne pourrait ramener les syllogismes de ce genre à ceux de la première figure.

Lorsque l'une des propositions est absolue et l'autre contingente dans la seconde figure, le syllogisme est impossible, si la proposition absolue est affirmative ou particulière négative. Le syllogisme a lieu, si cette proposition est universelle et négative.
Lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre nécessaire dans la seconde figure, le syllogisme est possible, si la proposition négative est universelle et nécessaire. Il ne peut avoir lieu, si c'est l'affirmative qui est nécessaire.

Avec deux propositions contingentes dans la troisième figure, on peut obtenir la conclusion contingente dans les six modes de cette figure, pourvu que la majeure ne soit pas particulière; et si la mineure est négative, on peut encore obtenir une conclusion contingente, par la conversion spéciale des contingentes appliquée à cette mineure.

Lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre absolue dans la troisième figure, la conclusion est contingente dans les six modes de cette figure.

Lorsque l'une des propositions est contingente et l'autre nécessaire dans la troisième figure, le syllogisme ne peut avoir lieu, si la majeure est contingente et affirmative, et la mineure, nécessaire et négative.

Tous les syllogismes, quels qu'ils soient, se forment dans les trois figures, et sont ramenés, par conséquent, aux deux modes universels de la première. Ceci est vrai des syllogismes ostensifs, et l'est également pour les syllogismes hypothétiques. D'abord, pour le syllogisme ostensif, il faut supposer au moins une première proposition; car, sans proposition, pas de syllogisme. Il faut de plus que cette proposition soit différente de la conclusion ; car autrement on prouverait le même par le même; ce qui serait ne rien prouver. D'une seule proposition, il est impossible de tirer régulièrement une conclusion nécessaire; il faut donc au moins deux propositions. Ces propositions, pour être syllogistiques, doivent avoir un terme intermédiaire qui les unisse et enchaîne les attributions.

Soit, en effet, une conclusion à prouver; cette conclusion se composera nécessairement de deux termes. Si aucun de ces deux termes n'entre dans les propositions, il est évident que ces propositions ne se rapportent pas à la conclusion. Si l'un des deux termes seulement entre dans les propositions, il formera avec un troisième terme une proposition nouvelle; mais si cette proposition nouvelle ne se rapporte pas au second terme de la conclusion initiale, le premier terme ne sera pas joint syllogistiquement au second terme de cette conclusion. Le nouveau terme pourra bien, avec le premier, et d'autres encore, former un ou plusieurs syllogismes; mais ces syllogismes ne donneront jamais la conclusion cherchée qui renferme le premier terme joint au second. On ajouterait autant de termes qu'on voudrait, qu'on n'arriverait point encore à cette conclusion. Il faut donc que ce nouveau terme soit joint dans les propositions, non pas seulement à l'un des termes de la conclusion, mais qu'il soit joint aux deux; autrement, il n'y a pas de syllogisme. Or, il n'y a que trois rapports possibles du moyen aux extrêmes; ou il est sujet de l'un et attribut de l'autre : ou il est attribut des deux : ou il est sujet des deux. Il n'y a point de quatrième rapport possible ; et c'est là précisément la base des trois figures du syllogisme. Les syllogismes qui, au lieu de conclure ostensivement, concluent par réduction à l'absurde, sont en cela soumis à la même loi que les syllogismes ostensifs. C'est par un syllogisme ostensif qu'ils déduisent la conclusion absurde; et c'est seulement par hypothèse, qu'est prouvée la conclusion initiale. Les syllogismes par réduction à l'absurde, ne sont qu'une espèce du syllogisme hypothétique. Or, dans tout syllogisme hypothétique, la conclusion est prouvée par hypothèse, comme la conclusion initiale que doit prouver le syllogisme par réduction à l'absurde. Donc, les syllogismes hypothétiques se forment dans l'une des trois figures, tout comme les syllogismes par l'absurde, tout comme les syllogismes ostensifs. Donc, en résumé, tous les syllogismes se forment nécessairement par ces figures qui ne peuvent être plus de trois.

Une condition commune à tous les syllogismes sans exception, c'est qu'il faut de toute nécessité que l'un des termes soit affirmatif, et que l'un des termes soit universel ; autrement, il n'y a point de conclusion nécessaire, ni avec deux négatives, ni avec deux particulières. Pour obtenir une conclusion universelle, il faut que les deux propositions soient universelles. La conclusion particulière peut être tirée de propositions universelles. Enfin, la conclusion est toujours semblable, soit aux deux propositions, soit au moins à l'une d'elles. Quand la conclusion est affirmative, il faut que les deux propositions le soient comme elle ; quand la conclusion est négative, il suffit que l'une des propositions seulement soit négative.

Tout syllogisme se compose de trois termes et pas plus. Du moment qu'il y a plus de trois termes, il y a aussi plus d'un syllogisme; ce qui n'empêche pas qu'une même conclusion ne puisse s'obtenir par plusieurs moyens, et conséquemment par plusieurs syllogismes. Si donc il y a plus de trois termes, ceux qui seront en surnombre seront parfaitement inutiles. Ainsi, les termes sont toujours un de plus que les propositions. Les conclusions sont toujours la moitié des propositions. Dans les syllogismes composés, le nombre des termes dépassera toujours également de un celui des propositions ; mais le nombre des conclusions croîtra dans une progression beaucoup plus rapide. En effet, en ajoutant un nouveau terme, on ajoute une seule proposition nouvelle ; mais on ajoute autant aux conclusions qu'il y avait de termes avant ce dernier. Ainsi, en ajoutant un quatrième terme, on aura trois conclusions. Ce rapport reste le même, quel que soit d'ailleurs le nombre des termes qu'a ajoute.

On a pu remarquer que certaines espèces de conclusions étaient obtenues dans plusieurs figures. Ces conclusions seront d'autant plus faciles à établir syllogistiquement que le nombre des figures qui les donnent sera plus grand : et d'autant plus difficiles, qu'il sera plus petit. La conclusion universelle affirmative, qui ne s'obtient que dans un seul mode et une seule figure, sera la plus difficile à établir, et la plus facile à réfuter; et en général, l'universel est bien plus difficile à conclure que le particulier; l'affirmatif, que le négatif. L'universel affirmatif peut en effet être réfuté par son contraire, l'universel négatif; ou par son contradictoire, le particulier négatif; c'est-à-dire qu'il peut être réfuté dans neuf modes. L'universel négatif ne l'est que dans cinq; le particulier affirmatif ne l'est que dans trois ; le particulier négatif ne l'est que dans un seul, c'est-à-dire, dans l'universel affirmatif. C'est que le particulier ne peut être réfuté que par son contradictoire, attendu qu'il renferme dans son extension l'un des contraires aussi bien que l'autre. Ainsi, l'universel est très difficile à prouver et très facile à réfuter; le particulier tout au contraire. En général, il est toujours plus facile de réfuter que de prouver.

SECTION SECONDE

RECHERCHE DU TERME MOYEN

Dans toute conclusion deux termes sont donnés. Il s'agit donc uniquement de trouver, pour construire le syllogisme régulier, le troisième terme, destiné à unir les deux autres. Ce troisième terme est le moyen, qui fournira les deux propositions. Il ne suffit pas de connaître les formes du syllogisme, il faut encore savoir, au besoin, le former soi-même. Or, dans la nature il est des choses qui sont toujours et uniquement sujets, sans pouvoir jamais être attributs. D'autres, au contraire, sont toujours attributs, sans pouvoir jamais être sujets. D'autres, enfin, peuvent être à la fois et sujets et attributs. Les premières sont les individus, c'est-à-dire, tous les êtres qui tombent sous nos sens; les secondes sont les genres; et les troisièmes, les espèces. L'individu ne peut jamais être que sujet; car son extension est réduite à lui-même, et ne peut comprendre autre chose que lui. Le genre, placé à l'autre extrémité, renferme tous les termes inférieurs, et n'est lui-même renfermé par aucun, puisqu'il est le plus étendu de tous. Enfin, l'espèce renferme les individus et est renfermée elle-même par le genre. Ainsi, l'espèce est le moyen relativement aux deux extrêmes, qui sont le genre et l'individu. Le genre ne peut jamais être qu'attribut; l'espèce peut être attribut et sujet. C'est donc sur l'espèce que porteront presque toutes les recherches et les discussions de la dialectique. Deux termes donc étant donnés, qu'il s'agit d'unir, il faut regarder aux antécédents, aux conséquents, et aux répugnants de l'un et de l'autre. Les antécédents seront les sujets; les conséquents seront les attributs, car l'attribut ne peut venir qu'après le sujet; les répugnants sont les choses qui ne conviennent point à la chose en question, ou auxquelles cette chose ne convient point : ceci, du reste, revient au même, attendu que la proposition universelle négative se convertit en ses propres termes. Il faudra d'ailleurs distinguer avec soin les conséquents et les antécédents essentiels, des accidentels, comme les vrais, des probables. Il faudra de plus les prendre universels, parce qu'il n'y a pas de syllogisme sans universel; mais la marque d'universalité sera toujours placée au sujet de la proposition, et ne le sera jamais à l'attribut. Quand on ne pourra trouver, suivant la question, des conséquents et des antécédents d'existence perpétuelle, il faudra prendre au moins les plus habituels. On voit, en outre, qu'on ne pourra prendre les conséquents des deux termes de la question ; car alors on formerait un syllogisme irrégulier de la seconde figure, où les deux propositions seraient affirmatives.

Soit donc à prouver une conclusion universelle affirmative, c'est-à-dire, soit une proposition formée de deux termes, dont l'attribut doit être affirmé du sujet pris dans toute son extension. Le moyen sera un antécédent du majeur et un conséquent du mineur. Du moment donc qu'en examinant les antécédents et les conséquents des deux, on aura rencontré un terme identique, ce sera précisément le moyen cherché ; et l'on pourra construire le syllogisme dans le premier mode de la première figure. Soit ensuite à prouver une conclusion particulière affirmative. Il faut chercher parmi les antécédents des deux termes de la question ; et dès que parmi eux, on aura rencontré un terme identique de part et d'autre, ce terme sera le moyen. Le syllogisme se formera dans le premier mode de la troisième figure. Soit à prouver une conclusion universelle négative. On peut chercher, soit, parmi les conséquents du mineur et les répugnants du majeur, soit, à l'inverse, parmi les conséquents du majeur et les répugnants du majeur. Seulement, dans le premier cas, le syllogisme se forme dans le second mode de la première figure, ou dans le premier de la seconde; dans l'autre cas, le syllogisme se forme dans le second mode de la seconde. Enfin, soit à prouver une conclusion particulière négative. Il faut chercher parmi les antécédents du mineur et les répugnants du majeur un terme identique de part et d'autre; et ce sera le terme moyen qui donne le syllogisme dans la troisième figure. Ainsi, pour tout syllogisme, le moyen ne doit être cherché que dans les antécédents, les conséquents, et les répugnants, des deux termes de la question qui doit être prouvée. - On ne pourra établir de syllogisme, si l'on cherche entre les moyens et les extrêmes d'autres rapports que ceux qui viennent d'être indiqués. Il n'y a donc point de syllogisme, si le moyen est conséquent des deux extrêmes. Il n'y en a point, s'il est antécédent du majeur et répugnant du mineur; car alors le syllogisme, qui est formé dans la première figure, aurait sa mineure négative, ce qui est impossible. Il n'y a point de syllogisme, si le moyen est répugnant des deux termes; car alors les deux propositions sont négatives, ce qui ne donne de syllogisme dans aucun mode d'aucune figure. Si, au lieu d'un seul moyen entre les extrêmes, on en prenait plusieurs, il y aurait alors plus d'un syllogisme.
Cette théorie de la recherche du moyen est applicable, non seulement aux syllogismes ostensifs, mais aussi aux syllogismes par réduction à l'absurde, et en général aux syllogismes hypothétiques. Elle est applicable au syllogisme composé de propositions modales, comme elle l'est au syllogisme composé de propositions absolues.

On peut ajouter que cette méthode de recherche s'étend au-delà du syllogisme lui-même, et qu'il n'est pas un seul développement de l'esprit, soit dans les sciences, soit dans les arts, qui ne puisse en profiter. Les principes spéciaux de chaque science ne peuvent être donnés que par l'observation; mais ces principes une fois connus, c'est-à-dire, une fois les deux termes de la question donnés, la méthode s'applique à l'un et à l'autre ; et la démonstration syllogistique se charge d'en prouver les rapports.

La méthode de division dont on faisait usage antérieurement à celle qui vient d'être indiquée, n'en est qu'une bien faible partie. La méthode de division n'est, à vrai dire, qu'un syllogisme impuissant. D'abord, elle suppose toujours ce qui est à démontrer, c'est-à-dire qu'elle fait une hypothèse, et non point une démonstration. Elle conclut toujours un terme plus étendu que celui qu'il s'agit de conclure. Dans les démonstrations régulières, on descend toujours du majeur au moyen terme, qui est moins étendu que lui. La méthode de division, au contraire, prend toujours l'universel pour moyen. Si elle a, par exemple, à prouver que l'homme est mortel, elle établit d'abord que tout animal est mortel ou immortel; elle ajoute que tout homme est animal; et elle en conclut que l'homme est mortel ou immortel. Mais ce n'est point là ce qu'il vous faut prouver. L'homme est-il mortel? oui, répondrez-vous. Mais cette conclusion, ce n'est pas votre impuissant syllogisme qui vous l'a donnée : il vous a dit seulement que l'homme était mortel ou immortel. Qu'il soit mortel, ce n'est donc là qu'une hypothèse; ce n'est pas du tout une conclusion démontrée. Mortel ou immortel est plus étendu que mortel tout seul. Ainsi, vous concluez un terme plus général que celui qu'il s'agit de prouver. De plus, la méthode de division ne peut jamais donner de conclusion négative, puisque les deux propositions y sont toujours affirmatives;

car la différence est toujours affirmée du genre, comme le genre est affirmé de l'espèce. Ce n'est au fond qu'une pétition de principe. C'est bien cependant aussi une sorte de syllogisme, puisque si cette méthode ne prouve pas ce qui est à prouver, elle prouve du moins un terme supérieur, sous lequel est contenu le terme qu'elle cherche. Elle est tout à fait inapplicable dans les cas, du reste assez nombreux, où l'on ignore quel est celui des deux contraires qui appartient réellement à la chose. Enfin, cette méthode ne sert même pas beaucoup à la définition, à laquelle cependant elle semblerait convenir le mieux. précisément parce qu'elle fait une pétition de principe. et qu'elle ne donne pas toujours exactement la différence de l'espèce. Donc en définitive, la méthode des antécédents et des conséquents est bien la seule qui puisse fournir les éléments vrais de la démonstration.

SECTION TROISIÈME

ANALYSE DES SYLLOGISMES

Jusqu'ici l'on a étudié les syllogismes tout faits, soit dans leurs formes diverses, soit dans leur terne essentiel. Il s'agit maintenant de dégager les éléments du syllogisme, des éléments étrangers auxquels ils sont mêlés dans les discours et les raisonnements ordinaires. C'est là ce qui constitue, à proprement parler, l'analyse. D'abord donc, il faut chercher les deux propositions du syllogisme. Ces deux propositions une fois trouvées, il faut ruminer laquelle est la majeure, laquelle est la mineure. Il faut voir, en outre, quelle est l'universelle, et quelle est la particulière. Par ces recherches, on reconnaîtra la figure spéciale du syllogisme; car dans la première figure, par exemple, comme dans la seconde, la majeure est toujours universelle. Si. dans le discours qu'on analyse, l'une des deux propositions nécessaires au syllogisme a été omise, il faut la rétablir. Si, au contraire, on a donné plus de propositions qu'il n'en faut, on doit laisser de côté les propositions inutiles. Du reste, il faut bien prendre garde que toute conclusion nécessaire n'est pas, par cela seul, syllogistique; elle peut être nécessaire, sans que les formes régulières aient été observées. Le syllogisme qui, au fond, est la seule forme possible de raisonnement, est caché dans ce cas ; et alors la conclusion est nécessaire par la pensée même, sans l'être cependant par la forme. Les propositions une fois obtenues, il faut les analyser en leurs termes. Et d'abord, il faut voir, parmi ces termes, quel est le moyen. On le reconnaîtra sans peine en ce qu'il est répété dans les deux propositions, et ne fait point partie de la conclusion ; les deux extrêmes, au contraire, entrent dans la conclusion, et ne sont posés qu'une seule fois chacun dans les propositions. La position du moyen indiquera du reste la figure du syllogisme. Toute énonciation qui ne présentera point cette répétition d'un même terme devra, par cela seul, être considérée comme n'étant point syllogistique. Enfin, la forme même de la proposition indiquera, indépendamment du moyen, la figure où elle peut être obtenue en conclusion. Ainsi, la seconde figure ne peut jamais donner de proposition affirmative ; la troisième ne peut jamais donner de proposition universelle.

Il faudra, du reste, ne pas confondre l'universel et l'indéterminé dans les termes. La proposition universelle et la proposition indéterminée sont séparées par une nuance à peine sensible; et cependant, si l'on néglige cette nuance, il peut arriver souvent qu'on croie avoir conclu syllogistiquement, tandis qu'au fond on n'a point obtenu de conclusion véritable.

Une autre nuance, également légère, entre les termes, pourrait mener à de nouvelles erreurs; ce serait de prendre des mots abstraits au lieu de mots concrets. La conclusion pourrait, dans ce cas, être fausse, bien que les propositions fussent vraies. Il faut toujours, dans l'analyse, substituer l'expression concrète à l'expression abstraite. Le syllogisme devient alors beaucoup plus évident, quelle que soit d'ailleurs la figure dans laquelle on le forme.

On ne doit pas croire non plus que les termes du syllogisme soient toujours exprimés en un mot unique et spécial. Parfois, le terme sera une proposition tout entière, une définition complète. En général, dans l'analyse, il faudra bien plus regarder à l'unité de pensée qu'à l'unité d'expression. Ceci concerne les trois termes en commun, mais surtout le terme moyen.

Les termes, quand l'analyse les considère isolément, sont toujours placés au cas direct, c'est-à-dire, au nominatif. Mais, dans les propositions, ils sont placés aux différents cas qu'exige la pensée. Parfois la majeure et la mineure ont leurs termes au même cas; parfois elles les ont à des cas différents. Ceci s'applique soit aux affirmatives, soit aux négatives. Quand les deux propositions sont au cas direct, la conclusion y est également. Et quand l'une des propositions est à un cas oblique, la conclusion est au même cas qu'elle. Quand les deux propositions sont à des cas obliques, la conclusion peut être à un cas direct ou à un cas oblique, selon la condition de l'attribut de la majeure.
Ici, du reste, il faut considérer avec soin les divers genres d'attributions possibles : attributions essentielles, attributions accidentelles, attributions absolues, attributions nécessaires ou contingentes, soit dans les propositions affirmatives, soit dans les positions négatives.

Lorsque, dans les propositions, se trouve quelque notion complexe, cette notion doit toujours être jointe au majeur, et jamais au moyen, et encore bien moins au mineur; autrement, les propositions seraient fausses, ou même elles formeraient des non-sens. Du reste, cette notion complexe peut toujours être regardée comme une sorte de limitation qui affecte et le moyen, et la conclusion elle-même.

Dans l'analyse, il faut toujours, aux termes obscurs, substituer des termes plus clairs; à une expression longue et difficile, une expression plus concise et plus simple. Ainsi, mettre un mot à la place d'un mot, une phrase à la place d'une phrase, mais surtout un mot à la place d'une phrase, ce sont là des ressources analytiques qui, selon le cas, pourront être fort utiles. On comprend d'ailleurs qu'il faut toujours conserver, dans ces permutations, le sens primitif, soit du mot, soit de la phrase.

Il faudra faire également la plus grande attention aux articles. Selon qu'on les oublie ou qu'on les exprime, la pensée peut être complètement modifiée.

Le signe de l'universalité joint, soit au sujet, soit à l'attribut, peut changer complètement aussi le sens de la proposition. La proposition universelle a toujours ce signe joint au sujet; c'est ce qui la distingue, et de la proposition particulière, et de la proposition indéterminée. On pourrait aisément se convaincre de ceci, en prenant des termes réels dans lesquels l'erreur ou la vérité des propositions, sous ces diverses formes, serait de toute évidence. Du reste, on peut dire ici, une fois pour toutes, que la justesse des règles indiquées ne dépend en rien des termes mêmes qu'on a choisis pour exemples. Les règles sont vraies, quels que soient d'ailleurs les termes qu'on emploie pour les exposer; et c'est en cela que les lettres, qui ne sont que des signes généraux, expriment parfaitement la généralité même des rapports qu'elles indiquent. On ne fait ici qu'imiter la méthode des géomètres. En réalité, les tracés géométriques n'ont aucune des qualités qu'on leur suppose. La ligne tracée pour la démonstration est supposée de telle longueur, tandis que, de fait, elle en a une toute différente. Les termes réels servent donc uniquement à rendre les règles plus claires et plus sensibles; ils ne les constituent pas.

L'analyse ne s'applique pas uniquement au syllogisme simple, elle peut s'appliquer aussi au syllogisme composé; car ces syllogismes eux-mêmes se divisent en plusieurs syllogismes simples. Mais il se peut que les prosyllogismes ne soient pas toujours ramenés à la même figure et au même mode que le syllogisme principal. Chacun de ces prosyllogismes sera donc ramené, selon la diversité des conclusions, tantôt à une figure, tantôt à une autre.

Quand l'analyse s'applique à une définition qu'il s'agit de discuter, il faut s'attacher uniquement à la partie contestée de la définition ; car l'analyse est d'autant plus facile que les termes sont moins nombreux.

Dans les syllogismes hypothétiques, on peut distinguer toujours deux espèces de conclusions: l'une, qui se fait par un syllogisme, que l'analyse peut ramener à l'une quelconque des figures; l'autre, qui résulte de l'hypothèse, et qui n'est pas, à proprement parler, syllogistique. Aussi, cette dernière conclusion ne peut-elle être ramenée à aucune figure. Dans les syllogismes par réduction à l'absurde, il en est à peu près de même. Le syllogisme qui conduit à l'absurde peut bien être ramené à un mode de l'une des trois figures ; mais la conclusion principale ne le peut, puisqu'elle n'est point obtenue par syllogisme, et puisqu'elle ne l'est que par hypothèse. En outre, les syllogismes hypothétiques diffèrent des syllogismes par réduction à l'absurde, en ce que, pour les premiers, il est besoin d'une convention préalable, tandis que, pour les seconds, l'absurdité même de la conclusion est tellement évidente qu'elle entraîne par cela seul l'assentiment des deux interlocuteurs. Du reste, les syllogismes hypothétiques sont par eux-mêmes assez importants pour mériter une théorie toute spéciale.
L'analyse, après avoir ainsi dégagé les propositions et les termes, et les avoir distingués au milieu de tous les éléments qui les lui cachent, peut chercher encore dans laquelle des figures elle placera la conclusion qui lui sera donnée. Il peut être avantageux, à plusieurs égards, d'obtenir une conclusion, tantôt dans une figure, tantôt dans une autre. Or, on a pu voir, dans les règles générales du syllogisme, que certaines conclusions étaient obtenues dans plusieurs figures ; ou, pour mieux dire, il n'y a ici qu'une seule exception, et c'est pour l'universelle affirmative qui ne peut être obtenue que dans la première figure. C'est au moyen de la conversion qu'on fera passer ainsi une conclusion d'une figure à une autre. Par exemple, les deux modes négatifs de la première figure pourront passer dans la seconde, par conversion simple de la majeure. Les deux particuliers passeront à la troisième, par conversion simple de la mineure. Les deux universels de la seconde passeront à la première. l'un, par la conversion simple de la majeure, l'autre, par la conversion simple de la mineure et de la conclusion, et par la transposition de la mineure à la place de la majeure. Des deux particuliers négatifs de la seconde, l'un passera à la première par conversion simple de la majeure; l'autre n'y pourra passer que par réduction à l'absurde. En outre, le premier de ces deux modes pourra passer aussi à la troisième figure par la conversion simple des deux propositions. Enfin, des modes de la troisième figure, les cinq premiers pourront passer à la première, soit par la conversion de la mineure en particulière, soit par la conversion simple de la mineure, soit par la conversion simple de la mineure, jointe à la transposition des prémisses. Deux des modes négatifs passeront à la première figure par la conversion particulière de la mineure, et par sa conversion simple; le troisième n'y passera que par réduction à l'absurde. Enfin, les deux premiers modes négatifs de la troisième figure pourront passer à la seconde, l'une par conversion simple de la majeure et conversion particulière de la mineure, l'autre, par conversion simple des deux propositions. En général, on peut dire que la seconde et la troisième figures dérivent de la première : la seconde, par conversion de la majeure; la troisième, par conversion de la mineure.

Une dernière attention que doit toujours avoir l'analyse, c'est de ne point confondre l'attribut négatif déterminé et l'attribut affirmatif indéterminé. Les attributs indéterminés sont tout à fait distincts de la simple négation ; ils n'ont pas du tout le même sens qu'elle. L'analyse serait exposée à de graves erreurs, si elle les traitait les uns et les autres de la même manière. L'attribution indéterminée n'est point une négation, c'est une affirmation ; la preuve en est qu'elle ne forme point une contradiction avec l'affirmation primitive. Il y a quatre sortes d'attributions possibles : affirmation déterminée, négation déterminée, affirmation indéterminée et négation indéterminée. L'affirmation et la négation déterminées, ainsi que l'affirmation et la négation indéterminées, forment une contradiction, et ne peuvent, de part et d'autre, être vraies ou fausses toutes deux à la fois. La négation déterminée suit l'affirmation indéterminée; la négation indéterminée suit l'affirmation déterminée; mais non point réciproquement. L'affirmation déterminée ne peut exister en même temps que l'affirmation indéterminée; mais la négation déterminée et l'indéterminée peuvent exister toutes les deux à la fois. Ainsi donc, les syllogismes à négation déterminée et les syllogismes dont l'attribut est indéterminé, ne se résoudront point du tout dans les mêmes modes. Les derniers se rapporteront aux conclusions affirmatives ; les premiers, aux conclusions négatives, quelle que soit d'ailleurs la figure à laquelle ils appartiennent. Du reste, ce qu'on doit observer ici, c'est que jamais une affirmative ou une négative ne peut avoir plus d'une contradictoire.

On a donc vu quelles étaient les formes que le syllogisme pouvait revêtir; la méthode à employer pour découvrir le terme moyen; et enfin l'analyse des discours ordinaires en syllogismes.

LIVRE SECOND

SECTION PREMIÈRE

PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME

Un même syllogisme peut donner, sans changer en rien la forme des propositions, plusieurs conclusions différentes, soit par la conversion, soit par l'exposition des termes particuliers, renfermés dans la totalité du moyen ou dans celle du mineur. Ainsi, du moment qu'on a obtenu une conclusion universelle affirmative, on peut obtenir par la conversion de cette conclusion, une particulière affirmative qui sort des mêmes prémisses; car, d'après les règles antérieurement exposées, la particulière affirmative est une conséquence nécessaire de l'universelle affirmative convertie. Il n'y a d'exception ici que pour la particulière négative, qui ne se convertit pas. En second lieu, on peut obtenir une ou plusieurs conclusions différentes de la première, par la subsumption des termes particuliers, contenus sous un terme plus général. Ainsi, dans les conclusions universelles, l'attribut de la conclusion vaudra, non seulement pour le sujet auquel il est joint, mais encore pour tous les termes contenus sous le mineur et sous le moyen, dans la première figure, et sous le mineur seulement, dans la seconde. La conclusion particulière ne vaudra que pour les termes contenus sous le moyen. Ceci, du reste, s'applique tant aux affirmations qu'aux négations. C'est qu'en effet dans l'universel se trouvent toujours implicitement exprimés tous les cas particuliers.

Tous les syllogismes, sans exception, peuvent tirer une conclusion vraie de prémisses fausses, ce qui n'empêche pas que de prémisses fausses on ne puisse aussi tirer une conclusion fausse comme elles. Quand les deux prémisses sont vraies, on ne peut jamais en tirer qu'une conclusion vraie; mais il suffit que l'une d'elles soit fausse, pour que la conclusion puisse l'être aussi. Cette faculté d'obtenir une conclusion vraie de prémisses fausses se représente dans toutes les figures, et dans tous les modes. - Il se peut d'ailleurs que les prémisses soient fausses en totalité, ou fausses seulement en partie. La conclusion varie selon cette variation même des prémisses. Ainsi dans la première figure, on peut toujours, de deux prémisses fausses, tirer une conclusion vraie dans les modes universels, soit que les prémisses soient fausses en totalité ou en partie ; et dans les modes particuliers, soit que toutes les deux soient fausses, soit que la majeure seule le soit en tout ou en partie. Quand l'une des propositions seulement est fausse, on peut obtenir la conclusion vraie, dans les modes universels, si la majeure seule est fausse en partie, ou si c'est la mineure qui est fausse, soit en partie, soit en totalité; dans les modes particuliers, la conclusion est vraie avec une majeure fausse, soit en totalité, soit en partie. La mineure, étant particulière dans ces modes, ne peut jamais être fausse qu'en partie.

Dans la seconde figure, la conclusion vraie peut toujours être tirée de prémisses fausses, soit que d'ailleurs toutes les deux soit fausses, ou seulement l'une des deux ; soit que d'ailleurs elles soient fausses en totalité ou en partie, tant dans les modes universels que dans les modes particuliers. Dans la troisième figure, il en est absolument de même, ... à cet égard les règles générales pour les trois figures. De la fausseté de la conclusion, on peut déduire celle des prémisses; mais la vérité de la conclusion n'implique pas du tout la vérité des prémisses. C'est que l'existence du conséquent implique l'existence de l'antécédent; et la destruction de l'antécédent suit toujours la destruction du conséquent. A l'inverse, l'existence de l'antécédent ne suit pas nécessairement l'existence du conséquent; et la destruction du conséquent ne suit pas non plus la destruction de l'antécédent. Les propositions sont ici l'antécédent; et la conclusion forme le conséquent.

Tous les syllogismes, sans exception, peuvent rencontrer circulairement chacune des trois propositions qui les forment, c'est-à-dire que, tour à tour la conclusion peut remplacer la majeure ou la mineure, qui prennent alors tour à tour sa place. Pour que le cercle soit parfait, il faut que les trois formes du syllogisme soient d'extension égale et peuvent alors être pris réciproquement les uns pour les autres. La démonstration circulaire ne peut avoir lieu autrement; car si on prend un moyen différent de celui du premier syllogisme, on pourra toujours obtenir encore la même conclusion ; mais on ne pourra jamais obtenir pour conclusion l'une des prémisses. Il faut en outre que l'une des prémisses soit renversée en ses propres termes, dont la condition est d'être convertibles. Autrement, si les deux prémisses demeuraient telles qu'elles sont, on obtiendrait toujours le même syllogisme. Dans la première figure et dans le mode universel affirmatif, le cercle est complet, et il se compose de syllogismes au nombre de six ; car alors on peut conclure directement les trois propositions du premier syllogisme; et de plus, on peut les obtenir sous leur forme renversée. Pour le mode universel négatif, on peut conclure circulairement la majeure négative. La mineure, qui est universelle affirmative, ne peut être conclue directement, parce que les prémisses seraient toutes deux négatives; mais on l'obtient indirectement par hypothèse, c'est-à-dire, en lui donnant une forme qui de négative la rende affirmative. Pour les modes particuliers, on ne peut prouver la majeure, parce que deux prémisses particulières ne donnent pas de conclusion ; mais la mineure peut être conclue circulairement, pour le mode affirmatif; et hypothétiquement, pour le mode négatif. Dans la seconde figure, la prémisse universelle affirmative des modes universels ne peut être conclue circulairement, parce qu'il n'y a point de conclusion avec deux prémisses négatives; mais la prémisse négative universelle peut être conclue directement dans le second mode; et pour le premier, on obtient la proposition convertie. Pour les modes particuliers, la prémisse universelle ne peut être conclue circulairement; la prémisse particulière peut être obtenue directement dans le quatrième mode; et hypothétiquement, dans le troisième.

Dans la troisième figure, la démonstration circulaire ne peut avoir lieu pour les modes, où la conclusion particulière jointe à l'une des prémisses, ne donne point de forme syllogistique. Elle a lieu pour les quatre autres modes, soit directement, soit indirectement.
Les démonstrations circulaires des trois figures ont ceci de commun, que les démonstrations affirmatives de la première figure s'obtiennent toujours dans cette figure, tandis que les négatives s'obtiennent dans la troisième; que les démonstrations universelles de la seconde ont lieu, partie dans cette figure, partie dans la première; tandis que les particulières ont lieu, partie dans cette même figure, partie dans la troisième ; enfin que, pour les démonstrations circulaires de la troisième figure, la majeure particulière peut toujours être obtenue directement dans cette même figure. Les démonstrations circulaires de la seconde et de la troisième figure qui s'obtiennent par d'autres figures que celles-là mêmes, ne sont pas circulaires à proprement parler.

Tous les syllogismes sans exception peuvent, et convertissant leur conclusion en une proposition opposée, soit contraire, soit contradictoire, et joignant cette conclusion convertie à l'une des prémisses, former une conclusion nouvelle qui est opposée à l'autre prémisse, soit comme contraire, soit comme contradictoire. Ainsi dans la première figure, et pour les modes universels, avec la contraire de la conclusion, on détruit la majeure du premier syllogisme contradictoirement dans la troisième figure ; et la mineure, contrairement dans la seconde. Avec la contradictoire de la conclusion, on détruit contradictoirement les deus prémisses dans les figures que l'on vient d'indiquer. Pour les modes particuliers, c'est toujours la contradictoire de la conclusion qu'on doit prendre, parce que si l'on prenait la contraire, les deux prémisses étant particulières, toute conclusion deviendrait impossible; et que d'ailleurs, pour les propositions particulières, les contraires peuvent être vrais tous les deux à la fois.

Dans la seconde figure, la conversion a lieu d'après les mêmes règles à peu près pour les modes universels. Le contraire de la conclusion ne détruit pas la majeure contrairement; mais elle la détruit contradictoirement dans la troisième figure, de même qu'elle détruit la mineure contrairement dans la première. La contradictoire de la conclusion détruit contradictoirement l'une et l'autre prémisse. Pour les modes particuliers, la contraire de la conclusion ne détruit pas les propositions, pour les causes qu'on en a dites; mais la contradictoire les détruit toujours toutes les deux.

Dans la troisième figure, la contraire de la conclusion ne peut non plus détruire aucune des deux propositions. Mais la contradictoire détruit la majeure dans la première figure, et la mineure, dans la seconde, contrairement pour les modes universels, contradictoirement pour les modes particuliers.

On voit donc en résumé que la conversion, pour les syllogismes de la première figure, détruit la mineure dans la seconde, et la majeure dans la troisième; que pour ceux de la seconde, elle détruit la mineure dans la première, la majeure dans la troisième; et qu'enfin pour les syllogismes de la troisième figure, elle détruit la mineure dans la seconde, et la majeure dans la première.

Tous les syllogismes, sans exception. peuvent prouver leur conclusion par réduction à l'absurde. Le syllogisme par l'absurde prend pour l'une de ses prémisses la contradictoire de la conclusion niée; il garde comme vraie l'une des prémisses du premier syllogisme ; et il obtient une conclusion absurde qui, étant en contradiction manifeste avec l'autre prémisse, implique, par cela même, la vérité de la conclusion initiale. Dans la conversion dont on vient de tracer les règles, on prenait l'opposé de la conclusion; et, la joignant à l'une des prémisses, on obtenait une conclusion nouvelle, opposée à l'autre prémisse. Dans la réduction à l'absurde, on prend la contradictoire de la conclusion; et, y joignant une proposition vraie, on obtient une conclusion évidemment erronée. La conversion exige donc que le syllogisme soit déjà tout fait; la réduction à l'absurde n'a besoin que d'une seule proposition, dont la vérité est prouvée par cela seul que sa contradictoire est absurde. Ainsi, la conversion emprunte, soit la contraire; soit la contradictoire de la conclusion ; la réduction à l'absurde n'a jamais recours qu'à la contradictoire. Dans la première figure, la conclusion universelle affirmative ne peut être prouvée par réduction à l'absurde, parce que sa contradictoire, qui est la particulière négative, ne peut être ni majeure ni mineure, dans la première figure où les prémisses n'ont jamais cette forme. La conclusion particulière affirmative peut être prouvée par la réduction à l'absurde, si l'on prend sa contradictoire pour majeure. La conclusion universelle négative peut l'être également, si l'on prend sa contradictoire pour mineure. Enfin, la conclusion particulière négative peut être conclue par réduction à l'absurde, en prenant sa contradictoire, soit pour majeure, soit pour mineure.

Dans la seconde figure, tous les modes peuvent être prouvés par réduction à l'absurde au moyen de la contradictoire de la conclusion, prise comme mineure, pour l'universel affirmatif; comme majeure ou comme mineure, pour le particulier affirmatif; comme mineure, pour l'universel négatif; comme majeure ou comme mineure, pour le particulier négatif.

Dans la troisième figure, on peut également prouver tous les modes par réduction à l'absurde, en prenant la contradictoire de la conclusion comme majeure dans tel mode, ou indifféremment comme majeure ou comme mineure dans tel autre.

On voit donc qu'en général, pour toutes les réductions à l'absurde dans les trois figures, c'est la contradictoire et non pas la contraire de la conclusion, qu'on doit prendre. Il faut ajouter, en outre, que l'on peut, de cette façon, prouver, dans la seconde figure, des conclusions affirmatives, de même qu'on peut prouver des conclusions universelles dans la troisième; ce qui serait impossible par la démonstration ostensive.

En comparant, du reste, ces deux espèces de démonstrations, on peut voir que l'une et l'autre partent également de deux prémisses accordées. Seulement, pour l'ostensive, ces deux prémisses sont vraies; pour la démonstration par l'absurde; l'une des deux seulement est vraie, l'autre est hypothétique, comme contradictoire à la question. Dans la démonstration ostensive, la vérité ou la fausseté de la conclusion n'est connue qu'après les prémisses posées. Dans la démonstration par l'absurde, on connaît la fausseté évidente de la conclusion, avant même qu'elle soit obtenue syllogistiquement. Du reste, les mêmes termes peuvent être employés dans l'une et l'autre espèce de démonstration. Seulement, si la démonstration par l'absurde a lieu dans la première figure, l'ostensive qui affirme a lieu dans la troisième; et l'ostensive qui nie, dans la seconde. Si la démonstration par l'absurde a lieu dans la seconde figure, l'ostensive se forme dans la troisième ou la première, selon la fausseté de la majeure ou de la mineure. Enfin, quand la démonstration par l'absurde a lieu dans la troisième figure, l'ostensive qui nie se produit, soit dans la première, soit dans la seconde, selon la fausseté de la majeure ou de la mineure. Comme les termes des deux espèces de démonstrations sont identiques, on peut employer au choix, tantôt l'une, tantôt l'autre; et il suffit alors de prendre la contradictoire avec la conclusion de l'une des prémisses. En général, toute conclusion peut être indifféremment prouvée de l'une ou l'autre manière.

Quelques syllogismes peuvent encore conclure, quand les deux propositions sont opposées l'une à l'autre, soit comme contraires, soit comme contradictoires. Ceci, du reste, ne peut avoir lieu dans la première figure ; car on n'y peut obtenir, ni de conclusion affirmative, laquelle ne s'obtient que par deux prémisses affirmatives, puisque, de toute nécessité, l'une des propositions est négative, ni conclusion négative, puisque, dans les propositions opposées, c'est toujours un même attribut qui est nié ou affirmé d'un même sujet. Or, ce n'est point là la disposition des prémisses dans la première figure. Dans la seconde, on peut conclure avec des propositions contraires dans les modes universels; et avec des contradictoires, dans les modes particuliers. Dans la troisième figure, il n'y a point, avec des propositions opposées, de syllogisme affirmatif, pour les causes qu'on a dites plus haut; mais il y en a de négatifs, avec des propositions contraires, dans un des modes négatifs, et avec des contradictoires, dans les deux autres. On peut voir qu'avec des propositions opposées, on ne doit jamais conclure que le faux ; car la conclusion, ainsi obtenue, nie toujours son propre sujet. Quand les prémisses sont fausses, sans être opposées entre elles, on peut encore en conclure le vrai, ainsi qu'on l'a vu. Du reste, cette conclusion, tirée de prémisses opposées, n'est guère en usage que parmi les sophistes, qui s'en servent souvent pour embarrasser leurs adversaires.

SECTION SECONDE

VICES DU SYLLOGISME

La pétition de principe consiste à prendre comme principe de démonstration la chose même qui est à démontrer. On pose alors, dans les prémisses, ce que l'on doit prouver dans la conclusion; et l'on ne démontre point. Il y a quatre manières diverses de ne point démontrer. D'abord, si l'on viole les règles essentielles des syllogismes, de manière à ne pas obtenir de conclusion légitime. En second lieu, si les prémisses sont moins connues que la conclusion elle-même. Ensuite, si l'on conclut l'antérieur par le postérieur. Enfin, et cette dernière manière est véritablement la pétition de principe, si l'on admet comme prouvée par elle-même une chose qui ne peut être directement connue par elle-même. Ainsi donc, dans la pétition de principe, on pose tout d'abord comme principe ce qui précisément est à conclure. La forme ordinaire de la pétition de principe est celle-ci : l'une des prémisses étant douteuse, l'autre, qu'on lui joint, est formée de termes identiques, ou seulement réciproques, ou dont l'un implique l'autre. La pétition de principe peut avoir lieu dans les trois figures. Elle peut avoir lieu, soit dans la majeure, soit dans la mineure. Lorsque le moyen terme et le mineur sont identiques, le sujet et l'attribut de la mineure sont les mêmes ou sont réciproques; la pétition de principe a lieu alors dans la majeure, qui, du reste, doit toujours être supposée moins connue que la conclusion; et, avec cette condition, on y fait encore pétition de principe, quand le mineur n'est qu'une espèce du moyen. Pour que la pétition de principe eût lieu dans la mineure, il faudrait que la mineure fût à la conclusion dans les mêmes rapports que l'était tout à l'heure la majeure, c'est-à-dire, qu'elle fût aussi inconnue que la conclusion ; et que, de plus, le majeur et le moyen fussent identiques ou réciproques, ou que le moyen ne fût qu'une espèce du majeur. Dans la seconde figure, la pétition de principe a lieu lorsque deux mêmes attributs sont attribués à un même sujet; dans la troisième figure, lorsque les deux termes de la mineure sont identiques ou réciproques, et qu'un seul terme est attribué aux deux. La pétition de principe peut se produire dans les syllogismes affirmatifs comme dans les négatifs. Dans les affirmatifs, elle est toujours affirmative, parce que les deux prémisses le sont elles-mêmes. Dans les syllogismes négatifs, elle est toujours négative, parce qu'elle a toujours lieu dans la prémisse qui est elle-même négative. Ainsi la pétition de principe affirmative ne pourra avoir lieu dans la seconde figure qui n'a point de conclusion affirmative; mais la pétition négative peut avoir lieu dans les trois figures.

La conclusion fausse, dans les syllogismes par réduction à l'absurde, est mal justifiée, lorsque l'absurdité n'en subsiste pas moins, soit qu'on enlève, soit qu'on garde l'hypothèse. Ce vice des syllogismes par l'absurde est tantôt évident, lorsque l'hypothèse n'a aucun rapport aux termes mêmes de la conclusion ; et tantôt caché, lorsque l'hypothèse est bien d'accord avec la conclusion, sans que cependant ce soit d'elle que la conclusion sorte nécessairement. La conclusion vient alors d'une proposition qui tient à l'hypothèse; et, pour trouver cette nouvelle proposition, il faut, tantôt descendre des termes supérieurs aux termes inférieurs, et tantôt remonter à l'inverse. Pour descendre des termes supérieurs, il faudra prendre le sujet même de l'hypothèse, et en faire l'attribut de la proposition nouvelle. Pour remonter au contraire des termes inférieurs aux termes supérieurs, il faudra prendre l'attribut de l'hypothèse, et en faire le sujet de la proposition. Pour que la conclusion absurde soit régulière et inattaquable, il faut que l'hypothèse s'accorde avec les termes de la conclusion, c'est-à-dire, que le sujet et l'attribut de l'une et de l'autre soient identiques. Rien n'empêche, du reste, qu'on puisse obtenir une seule et même conclusion absurde par plusieurs hypothèses fausses; mais alors il y a autant de syllogismes que d'hypothèses.

En général, la fausseté de la conclusion tient toujours à la fausseté, soit de l'une des prémisses, soit des deux prémisses. L'erreur admise dans les propositions descend à la conclusion même qu'elles forment; et, pour découvrir l'erreur primitive, il faut la chercher dans celle des prémisses, qui est le principe de toute la consécution syllogistique. Dans les syllogismes composés, c'est également l'erreur initiale qui est cause de toutes les erreurs suivantes; et c'est à elle aussi qu'il faut toujours remonter. Du moment que, dans le syllogisme principal, la conclusion est fausse, c'est que l'une des prémisses du premier syllogisme est fausse aussi; et la fausseté de cette prémisse tient à la fausseté même de l'une des propositions du prosyllogisme. Et, en remontant toujours ainsi, jusqu'à la fausseté initiale.

Le catasyllogisme a lieu, lorsque, dans une discussion, on accorde par inadvertance une donnée que l'adversaire emploie à réfuter syllogistiquement à l'interlocuteur qui la lui a accordée. Pour éviter le catasyllogisme, il faut ne jamais répéter deux fois un même terme; car alors il n'y aura pas de moyen terme ; et le syllogisme de la réfutation ne sera pas possible. Si l'on voit la conclusion que l'adversaire prépare, on s'y opposera en ne lui accordant, ni le rapport des termes, ni les propositions applicables à la figure où la conclusion qu'il cherche devrait se trouver. Si, au lieu d'éviter le catasyllogisme de la part de son adversaire, il s'agit de l'obtenir contre lui, il faut alors poser seulement les prémisses des prosyllogismes sans en tirer les conclusions. Si l'on a besoin, pour arriver au but qu'on se propose, de plusieurs termes moyens qui se suivent et se tiennent, il ne faut pas les prendre dans l'ordre régulier; il faut, au contraire, intervertir cet ordre, afin d'embarrasser les réponses de celui à qui l'on s'adresse. Si, au lieu de plusieurs termes moyens, un seul doit suffire ; il faut alors commencer le syllogisme par ce moyen lui-même; et aller ensuite, soit au mineur, soit au majeur. Dans la déduction habituelle, on part du majeur pour passer au moyen et arriver au mineur.

La Réfutation consiste à donner à son adversaire des propositions contradictoires à la thèse que l'on soutient soi-même. Quand on attaque, on obtiendra la réfutation, en forçant l'adversaire lui-même à donner des propositions syllogistiques contraires ou opposées à sa thèse. On évitera la réfutation en ne répondant que des propositions qui ne peuvent pas être mises en syllogisme, c'est-à-dire, en évitant toujours de donner des affirmatives et des universelles; car, sans affirmatif et sans universel, il n'y a pas de syllogisme ; et par conséquent, il n'y a pas de réfutation.

L'erreur peut, en général, tenir à deux causes. D'abord, il est possible que, relativement à une même chose, on ignore et l'on sache tout à la fois quelque chose. Ainsi, il est possible que pour une conclusion qui peut être obtenue par plusieurs termes moyens, on connaisse l'un de ces termes, et qu'on en ignore un autre. On peut savoir en outre, d'une manière générale, quelque chose, sans le savoir d'une manière spéciale ; ou réciproquement. On peut savoir la chose en puissance dans les prémisses, et l'ignorer effectivement dans la conclusion, tant que cette conclusion n'a pas été formulée syllogistiquement. Par exemple, on peut, dans les prémisses, savoir d'une manière universelle que la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits, et ignorer par conclusion que telle figure est un triangle. On sait donc en puissance que cette figure a ses trois angles égaux à deux droits ; mais on ne sait pas actuellement que cette figure est triangulaire. En ce sens, la théorie du Ménon est insoutenable : la science humaine tout entière n'est point réminiscence ; l'âme peut bien apporter avec elle la science de l'universel; mais il est impossible de soutenir qu'elle apporte la science du particulier. Aussi, quand on dit que, d'une même chose, on sait et l'on ignore à la fois quelque chose, on ne veut pas dire qu'on puisse avoir à la fois les deux contraires, l'erreur et la vérité; on veut dire uniquement que l'erreur seule est en acte et en réalité, tandis que la science demeure en simple puissance. Il est impossible que, sur une même chose, on ait à la fois les deux idées contraires, pas plus qu'il n'est possible de confondre l'essence du bien et l'essence du mal, quoiqu'une même chose, sous divers aspects, puisse sembler tantôt bonne et tantôt mauvaise.

SECTION TROISIÈME

RÉDUCTION DE TOUTES LES FORMES

DE RAISONNEMENT AU SYLLOGISME

Tout raisonnement qui conclut est au fond un raisonnement syllogistique; car c'est le syllogisme seul qui peut communiquer à un raisonnement quelconque la puissance nécessaire de conclusion. Il est possible que la forme soit défectueuse; mais un examen plus attentif découvrira toujours le syllogisme sous les irrégularités qui le dissimulent. Ces diverses anomalies que le raisonnement peut présenter à l'apparence, tiennent à plusieurs causes; et elles proviennent toutes du rapport des termes entre eux. Ainsi, dans la première figure, du moment que les extrêmes sont réciproques l'un à l'autre, il faut aussi que le moyen le soit aux deux; et alors, comme la proposition, sous sa forme directe ou sous sa forme renversée, est toujours également vraie, on peut prendre indifféremment l'une ou l'autre forme, dans les applications syllogistiques. De plus, si quatre termes opposés entre eux, deux à deux, sont tels que le premier soit réciproque au second comme le troisième l'est au quatrième, du moment que le premier et le troisième sont de toute nécessité l'un vrai et l'autre faux, il faut que le second et le quatrième soient dans le même rapport. Si c'est le premier et le second, le troisième et le quatrième qui sont ainsi entre eux, le premier sera réciproque au troisième, comme le second le sera au quatrième. Dans la seconde figure, lorsque le premier terme est au second et au troisième tout entiers exclusivement, du moment que le second est au troisième, il faut que le premier et le second soient réciproques entre eux. Il en résulte qu'avec une majeure réciproque, on peut même dans la seconde figure obtenir une conclusion régulière avec deux prémisses affirmatives. Dans la troisième figure, lorsque le premier et le second terme sont à tout le troisième, si le second et le troisième sont réciproques entre eux, il faudra que le premier soit aussi attribué au second. Alors on pourra, avec une mineure réciproque, obtenir dans la troisième figure une conclusion universelle tirée de prémisses universelles.

Cette dernière règle s'applique directement à l'induction, qui est un syllogisme où le majeur est conclu du moyen par le mineur, tandis que, dans le syllogisme ordinaire, le majeur est conclu du mineur par le moyen. La conclusion n'est ici possible qu'à cette seule condition qu'on prendra pour moyen la collection de tous les cas particuliers contenus sous le mineur. Le syllogisme fournit alors une conclusion universelle dans la troisième figure. L'induction donne donc une proposition immédiate, c'est-à-dire, qui n'a pas besoin de moyen pour être conclue. Le syllogisme, au contraire, ne donne jamais qu'une proposition médiate. En soi et par nature, le syllogisme est plus clair que l'induction, et il lui est supérieur. L'induction est plus claire pour nous, et provient plus des sens que de l'intelligence.

L'exemple est une sorte d'induction. Seulement, au lieu de conclure le majeur du moyen par le mineur, il le conclut par un terme semblable au mineur. L'exemple peut, du reste, employer un ou plusieurs de ces termes semblables. Il faut donc préalablement, pour se servir de l'exemple, savoir que le moyen est au mineur, et le majeur, au terme semblable. On obtient ainsi un prosyllogisme, et un syllogisme. Dans le prosyllogisme, on connaît les deux prémisses; dans le syllogisme principal, on ne connaît que la mineure : la conclusion du prosyllogisme devient la majeure du syllogisme; et c'est ainsi qu'on peut obtenir la conclusion principale. L'exemple diffère et du syllogisme et de l'induction. Le syllogisme descend de l'universel au particulier ; l'exemple procède d'un cas particulier plus connu à un cas particulier moins connu, mais renfermé dans le même genre que le premier. L'induction part de tous les cas particuliers pour conclure universellement le majeur du moyen, sans avoir besoin d'un autre syllogisme concluant le majeur du mineur. L'exemple part d'un cas particulier, ou tout au plus de quelques cas particuliers, pour conclure d'abord le majeur du moyen, et ensuite, le majeur du mineur par le moyen. Ainsi, le syllogisme va du tout à la partie; l'induction va de la partie au tout; l'exemple va de la partie à la partie.

L'abduction a lieu dans les syllogismes dont la majeure est évidente, mais dont la mineure, toute vraie qu'elle peut être, a cependant encore besoin d'être confirmée. Il faut alors, avant de tirer la conclusion, démontrer cette mineure; et l'on fait ainsi un pas de plus vers la science que la conclusion doit donner. Pour qu'il y ait quelque avantage à prouver ainsi la mineure, il faut qu'elle soit plus croyable, ou tout au moins, aussi croyable que la conclusion. En second lieu, il vaut mieux prouver la mineure que la conclusion, lorsque cette mineure peut être prouvée par un nombre moindre de termes moyens. Si la mineure est aussi inconnue que la conclusion, ou si la majeure elle-même avait besoin de preuve, ces propositions ne pourraient conduire à la science. Si la mineure était une proposition immédiate, l'abduction serait parfaitement inutile pour elle; car alors cette mineure serait un principe de démonstration.

L'objection est la proposition, soit contraire, soit contradictoire, que l'on oppose à la proposition de l'adversaire. Dans le syllogisme à conclusion universelle, la proposition est toujours universelle; mais l'objection peut être, soit universelle, soit particulière; car l'universel peut être détruit, soit par l'universel, soit par le particulier.

L'objection, étant opposée à la proposition, ne pourra jamais se produire que dans la première et dans la troisième figures, les seules qui renferment des conclusions opposées. Quand l'objection est universelle négative, elle se produit dans la même figure; quand elle est particulière, elle se forme dans la troisième. En effet, dans le premier cas, le moyen est antécédent du majeur et conséquent du mineur; et, dans le second, le moyen est antécédent des deux extrêmes. C'est qu'il faut toujours que, dans l'objection, l'attribut soit le même que dans la proposition qu'elle attaque ; or, dans la seconde figure, le majeur est sujet du moyen. L'objection universelle vient se placer entre le sujet et l'attribut de la proposition initiale ; elle prend un terme plus général que le sujet et qui le renferme, mais qui lui-même est renfermé dans l'attribut de la proposition. L'objection particulière prend, au contraire, un terme qui est sujet à la fois, et du sujet, et de l'attribut de la proposition, contre laquelle elle est formée. Ainsi d'abord, c'est la première figure ; ensuite, c'est la troisième. Telle est la véritable objection logique. L'on peut encore faire des objections que l'on tire, soit des contraires, soit des semblables, soit des opinions reçues; mais ce sont là des formes d'objection qui appartiennent à la rhétorique.

Reste enfin l'enthymème, dernière espèce de raisonnement, qui peut être ramenée au syllogisme, tomme toutes celles qui précèdent, l'enthymème est un syllogisme complet, comme tous les autres, qui se fonde pour conclure sur la vraisemblance ou sur le signe indicateur de la chose qui est conclue. La forme de l'enthymème peut être tout à fait pareille à celle du syllogisme ; mais ordinairement, on n'y exprime qu'une seule des deux propositions. Il faudrait, du reste, se garder de croire que c'est là le caractère spécial de l'enthymème. L'induction, l'exemple, etc. n'ont le plus souvent, comme l'enthymème, qu'une seule des deux propositions exprimée. Le caractère vrai de l'Enthymème, c'est de fonder la nécessité de sa conclusion sur le vraisemblable ou sur le signe. Le signe est toujours ici le moyen ; et par conséquent, il peut recevoir autant de positions que le moyen lui-même, soit dans la première, soit dans la seconde, soit dans la troisième figure. Seulement, dans la première figure, le syllogisme, formé par le signe, est parfaitement régulier; et la conclusion est universelle. Dans la troisième figure, la conclusion est vraie; mais elle n'est pas obtenue régulièrement, et elle est toujours particulière. Enfin, l'enthymème de la seconde figure est tout à fait irrégulier, parce que les deux prémisses y sont affirmatives; et par conséquent la conclusion n'est pas prouvée. - La théorie des signes pourrait être utilement appliquée à l'étude de la nature, en admettant les trois hypothèses suivantes : 1° que les qualités naturelles affectent le corps en même temps qu'elles affectent l'âme; 2° que chaque qualité se révèle par un signe extérieur unique; 3° que l'on peut connaître dans les êtres animés, et la qualité spéciale à chaque espèce, et le signe de cette qualité. Ceci admis, du moment qu'un signe apparaîtra dans un être, il révélera en lui la qualité spéciale qui revêt ce signe. Par exemple, si les fortes extrémités du lion sont un signe de son courage, tous les animaux qui auront de fortes extrémités seront courageux. Nulle difficulté pour les genres qui n'ont qu'une seule qualité et qu'un seul signe. Quand il y a plusieurs qualités et plusieurs signes dans le genre d'êtres qu'on étudie, il faut donc observer d'autres genres où l'une quelconque de ces qualités sera seule, et accompagnée, par conséquent, d'un seul signe. - Cette espèce de syllogisme, que l'on pourrait appeler syllogisme physiognomonique, se construit dans la première figure. La majeure est alors une proposition réciproque, c'est-à-dire que le signe peut être pris pour la qualité, comme la qualité pour le signe; le signe est d'ailleurs plus étendu que le mineur. Par exemple, tous les animaux qui ont de fortes extrémités sont courageux : or, le lion a de fortes extrémités; donc le lion est courageux.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL

On a donc étudié, dans les Premiers Analytiques. le syllogisme sous toutes ses faces : 1° dans sa formation; 2° dans son élément essentiel, le moyen: 3° dans ses éléments dégagés de la confusion des raisonnements ordinaires; 4° dans ses propriétés; 5° dans ses vices ; 6° dans ses rapports avec les autres formes de raisonnement, au fond desquelles il est toujours caché, et qui, sans lui, n'auraient pas la puissance de conclure.

Le Syllogisme ainsi connu, il faut passer à la Démonstration.