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table des matières de l'œuvre d'ISOCRATE

 

ŒUVRES

COMPLÈTES

D'ISOCRATE

TRADUCTION  NOUVELLE

AVEC    TEXTE   EN   REGARD

LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE

(AIMÉ-MARIE-GASPARD)

Ancien Ministre de la guerre et de la marine

Ancien élève de l'École polytechnique

TOME DEUXIÈME

PARIS

LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,   FILS  ET Cie

Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56.

M  DCCC LXIII

 

DISCOURS PANATHÉNAÏQUE.

 

Παναθηναικός

 

ARGUMENT.

Athènes est supérieure à tous les autres États de la Grèce ; elle a été, pour ainsi dire, la bienfaitrice de tous les peuples ; elle a rendu, à elle seule, plus de services à la Grèce entière que toutes les autres villes réunies. Sparte, qu'on pourrait être tenté de lui opposer, a été la cause de tous ses revers, de toutes ses calamités. Sans doute, l'une et l'autre ont commis des fautes ; mais que sont les fautes d'Athènes comparées à celles de Sparte? Si l'on veut examiner les unes et les autres, on trouvera que celles d'Athènes sont beaucoup plus légères que celles de sa rivale, et qu'elles méritent l'indulgence, parce qu'elles ont été le résultat ou d'une nécessité ou d'une erreur, tandis que celles de Sparte ne peuvent être attribuées qu'à son ambition jalouse et à son insatiable cupidité. Ce peu de mots, si l'on y ajoute quelques considérations de l'orateur sur ce qui le regarde personnellement, résument toute la pensée du Panathénaïque.

Le sujet, on le voit, est le même que celui qui a été traité dans le Panégyrique ; mais, entre les deux discours, il y a une différence qu'Isocrate lui-même prend soin de nous faire connaître et qu'il nous paraît utile d'indiquer. Cette différence consiste en "ce que, dans le Panégyrique d'Athènes., Isocrate fait entrer divers sujets qui se rattachent à l'histoire de la Grèce, tandis que, dans le Panathénaïque, la grandeur d'Athènes l'occupe en quelque sorte spécialement. « Maintenant, dit Isocrate, je vais parler des bienfaits que ma patrie a répandus sur la Grèce, encore que déjà je lui aie donné, à cet égard, plus de louanges que tous les poètes et tous les orateurs; mais aujourd'hui je ne le ferai pas de la même manière : je la célébrais alors dans des discours qui traitaient aussi d'autres sujets; aujourd'hui elle va devenir le sujet même de mon discours. » Quant au titre de Panathénaïque donné à ce discours, l'opinion la plus généralement admise est qu'il vient de ce qu'il a été lu aux Panathénées. Ou pourrait ajouter aussi qu'il peut lui avoir été donné parce qu'Isocrate l'a publié à propos des calomnies débitées contre lui aux Panathénées par le sophiste dont il parle dans son exorde.

Il ne faut pas s'attendre à trouver ici cet ordre lumineux, cet enchaînement non interrompu de preuves qu'on remarque dans les belles productions d'Isocrate. Ce discours, composé par lui dans un âge avancé, renferme beaucoup de digressions et de retours sur lui-même. On y retrouve, en général, les qualités de l'auteur, mais ses défauts y sont beaucoup plus sensibles que dans ses autres discours. C'est ce que montre l'Argument d'Auger, auquel nous empruntons ce qui suit : « Avant d'entrer en matière, l'orateur, dans un long préambule, parle de ce qui le regarde personnellement. Il rappelle les sujets sur lesquels il s'est principalement exercé; il se plaint avec amertume, mais en reconnaissant lui-même l'injustice de ses plaintes, d'avoir manqué de hardiesse et de voix, de n'avoir jamais pu parler en public. Il se plaint du peuple, qui lui porte envie et qui ne lui a jamais rendu justice, quoiqu'il ait traité des questions importantes, des questions relatives à ses vrais intérêts. Il se plaint des sophistes qui se sont déclarés contre lui, et qui n'ont cessé de le calomnier. Il rapporte une circonstance particulière où ils lui avaient prêté des discours qu'il n'avait jamais tenus. A ce propos il explique fort un long ses vrais sentiments sur les études des sophistes et sur la science qu'il importe le plus d'acquérir.

« Après tous ces préliminaires, l'orateur entre enfin dans son sujet, et expose les motifs qui rengagent à le traiter. Il annonce qu'il louera la république d'Athènes en la comparant toujours à Lacédémone sa rivale. Dans leur» premières guerres. les Athéniens n'ont songé qu'à repousser et à affaiblir les Barbares, à sauver et à enrichir les Grecs ; les Lacédémoniens, au contraire, n'ont pensé qu'à étendre leur domination et à asservir leurs voisins. Dans la guerre contre Xerxès, les Athéniens ont fourni, eux seuls, les deux tiers des forces, et ont envoyé Thémistocle, qui, par sa sagesse et son activité, a sauvé la Grèce, qu'Eurybiade, général de Lacédémone, aurait perdue par ses lenteurs et par son imprudence. Possesseurs alternativement de l'empire de la mer, les Athéniens et les Lacédémoniens ont encouru de justes reproches; mais, au moins, les premiers ne cherchaient qu'à introduire dans les villes de leur dépendance la forme de gouvernement qu'ils avaient adoptée pour eux-mêmes ; les autres y ont établi dix gouverneurs, ou plutôt dix tyrans, dont les excès sont au-dessus de tout ce qu'on pourrait dire. Athènes a commandé dans la Grèce pendant soixante-cinq ans de suite, et a résisté pendant dix ans aux forces réunies des Grecs et des Barbares. Lacédémone n'a commandé que dix ans ; vaincue par les seuls Thébains, une seule défaite a renversé sa puissance sans qu'elle ait pu se relever de ce coup. Enfin les Athéniens ont imposé des lois aux Barbares et leur ont prescrit des limites; les Lacédémoniens leur ont abandonné les Grecs asiatiques, et leur ont permis de marcher, de naviguer où ils voudraient. De tout cela Isocrate conclut la supériorité de sa patrie.

« Il détruit les reproches faits à ses compatriotes sur les procès intentés aux alliés devant le peuple d'Athènes, sur la levée des contributions et sur la ruine de quelques villes grecques. Il s'arrête surtout au dernier reproche, et montre que les Lacédémoniens ont ruiné et asservi les villes les plus considérables et les plus célèbres de la Grèce, Messène, Lacédémone, Argos, dont ils ont chassé les légitimes possesseurs pour s'y établir.

«En parlant d'Argos et d'Agamemnon qui y avait régné, il se permet sur ce prince une longue digression, dans laquelle il prouve la supériorité de son mérite, et soutient qu'il doit être mis au dessus de beaucoup de héros qui ont joui d'une grande réputation sans avoir fait d'aussi grandes choses.

« Il revient à son sujet, rapporte les excès de Lacédémone à l'égard des Argiens, des Messéniens, des Platéens, et fait voir que les fautes qu'ont pu commettre les Athéniens dans l'administration des affaires générales doivent être imputées aux Lacédémoniens, qui leur en ont donné l'exemple, et qui les ont obligés d'agir contre leurs principes, pour se garantir de la domination de rivaux ambitieux. Il insiste sur ce qu'aucune considération n'a jamais pu engager la république d'Athènes à ménager les intérêts des Barbares aux dépens de ceux des Grecs, au lieu que Lacédémone a conclu avec le roi de Perse un traité aussi nuisible et aussi ignominieux pour les Grecs qu'utile et glorieux pour les Barbares.

«Il passe à l'article du gouvernement en se faisant faire une objection, et il prétend que sa république excelle dans cet objet-là même plus que dans les autres. Après avoir expliqué les motifs qui avaient engagé les Athéniens à préférer à l'ancien gouvernement, qu'il veut louer, le nouveau qu'il n'approuve pas, il vante la douceur, la modération et la sagesse qui les ont signalés dès leur origine ; de là un éloge des rois qui les ont gouvernés d'abord, et en particulier de Thésée, qui avait remis au peuple les rênes de l'administration. Quelques idées sur les trois sortes de gouvernement en général sont suivies d'un parallèle des abus du nouveau régime et des avantages de l'ancien ...

« Pour montrer les heureux effets qui sont résultés pour la Grèce de l'excellent régime d'Athènes, il oppose à l'imprudence des Athéniens et des Lacédémoniens de son temps la sagesse des ancêtres de sa république et les fruits que la nation a recueillis de cette sagesse.

« Pour donner une preuve de leur vertu guerrière, il rapporte le fait d'Adraste, mais avec des circonstances différentes que dans son Panégyrique. Avant de passer à leurs autres exploits, il annonce qu'il va commencer par ceux de Sparte, voulant finir par les actions les plus belles en même temps et les plus justes.

« Après avoir fait mention des troubles qui agitèrent d'abord Lacédémone, et de la cruauté avec laquelle les principaux qui eurent l'avantage opprimèrent le peuple, Isocrate devrait parler des guerres injustes qu'ils suscitèrent a leurs voisins; cependant il n'en dit pas un mot, ce qui prouve qu'il y a ici dans le texte un vide considérable.

«Au reste, l'orateur déclame avec force contre les violences et les usurpations des Lacédémoniens, et passe aux exploits des ancêtres d'Athènes, qui, dans toutes les guerres qu'ils ont eues à soutenir, n'ont eu pour but que de réprimer l'injustice et de faire le bien de la Grèce. Il dit peu de chose de ces guerres, et finit cette dernière partie du discours par exalter la modération des Athéniens qui ne se laissèrent pas enorgueillir par leurs succès, et ne s'écartèrent pas de la sagesse qui était le principe de leur élévation.

« Isocrate pourrait terminer ici sa harangue, mais il feint (car je pense que ceci n'est qu'une fiction) qu'un de ses anciens disciples, partisan et admirateur des Spartiates, lui donne occasion d'entrer dans de nouveaux détails à leur sujet. H fait donc venir cet ancien disciple, qu'il suppose être un homme considérable et d'un grand mérite, qui avait gouverné durant l'oligarchie ; il le fait venir avec quelques autres pour savoir son sentiment sur le Panathénaïque.

« Le disciple paraît satisfait de tout le reste du discours, mais non pas de ce qui a été dit de Lacédémone ; il avance que, quand les Grecs n'auraient pas d'autre obligation aux Lacédémoniens, ils leur étaient du moins redevables d'avoir imaginé et suivi les règles de la meilleure discipline, et d'en avoir donné l'exemple aux autres. Isocrate combat fortement cette proposition, et soutient qu'il est ridicule de prétendre que les Lacédémoniens aient imaginé les règles de la meilleure discipline, que ces règles aient été inconnues à tous les grands hommes qui les ont précédés, qu'elles aient été trouvées et suivies par un peuple qui se pique de n'être versé dans aucune des sciences les plus communes, dans aucun des arts les plus vulgaires, d'ignorer même l'écriture. Parmi les institutions des Lacédémoniens qu'il attaque, il s'élève surtout contre le vol qu'ils permettent à leurs enfants. L'ancien disciple réplique d'un ton modeste; il accorde à son maître une partie de ce 'qu'il vient de dire contre les Lacédémoniens ; mais il ne peut s'empêcher de les louer sur leur attention continuelle à fortifier leur courage, et sur l'union parfaite qui règne entre eux. Isocrate reprend, et, après un beau développement sur l'usage et l'abus de certaines qualités, il montre avec force que les Lacédémoniens ont abusé de leur union pour opprimer et ruiner plusieurs villes de la Grèce.

« Il raconte comment ceux qui assistaient à cette conférence applaudirent à la chaleur avec laquelle il avait disputé contre le partisan de Lacédémone et l'avait réduit au silence, les remords et les incertitudes qu'il éprouva lorsqu'il fut seul et qu'il relut son discours; combien il était mécontent de ce qu'il avait dit contre les Spartiates, au point qu'il balançait s'il supprimerait le discours; la détermination qu'il prit enfin de faire venir un plus grand nombre de ses anciens disciples avec le partisan de Sparte, et de délibérer avec eux sur le parti qu'il devait prendre.

« L'orateur expose donc, dans le conseil de ses amis, le sujet pour lequel il les a appelés; le discours est lu et reçoit les plus grands applaudissements ; celui qui avait déjà parlé dans une première conférence demande du silence et adresse la parole à Isocrate.

« Il lui fait quelques reproches, mais en y mêlant adroitement des louanges, sur le défaut de sincérité qu'il a cru apercevoir en lui; il ne croit pas que l'orateur soit aussi mécontent qu'il l'annonce de ce qu'il a dit des Lacédémoniens; il le loue sur la manière dont il a loué sa république ; quant aux Lacédémoniens, il pense que, tout en les blâmant, il a fait leur éloge, ce qu'il prouve par le détail. Il explique fort au long tout l'art du discours que l'auteur a caché, mais qu'il s'imagine avoir découvert, et qu'il juge à propos, contre le sentiment peut-être de celui qui l'a composé, de dévoiler à ceux qui voudront le lire. Selon lui, Isocrate doit surtout révéler le secret aux Lacédémoniens qui, à travers les reproches apparents et un peu durs qu'on a prodigués à leur république, verront les louanges réelles qu'on lui a données. Le disciple s'étend un peu sur ces louanges, et finit par assurer son ancien maître de l'immortalité que lui promettent sa sagesse et ses ouvrages, et que lui confirmera la manière adroite dont il u loué les deux premières républiques de la Grèce. Il lui conseille de publier son discours en y ajoutant les conversations qu'ils ont eues ensemble, de le publier pour plaire aux personnes instruites et pour mortifier ses envieux et ses ennemis.

« Isocrate parle des applaudissements que reçut le partisan de Lacédémone de la part des assistants, qui se rangèrent tous de son avis; il dit que lui-même, sans s'expliquer sur le reste, il le loua du zèle qu'il avait témoigné pour sa gloire.

«Le récit de quelques circonstances qui avaient rapport à la composition de l'ouvrage, quelques réflexions sur les différentes espèces de discours et sur les dispositions où doivent être les particuliers qui les lisent, terminent cette longue harangue.

« Isocrate nous apprend lui-même dans quel temps elle fut composée ; il la commença dans sa quatre-vingt-quatorzième année, et il fut obligé de l'interrompre pendant trois ans ; il devait donc avoir environ quatre-vingt-dix-huit ans quand elle fut achevée, et par conséquent elle dut paraître 339 ans avant J. C. »


SOMMAIRE.

INTRODUCTION. — 1. Lorsque j'étais plus jeune, j'ornais d'un grand nombre de figures de rhétorique les discours que je composais, et principalement ceux qui avaient pour but l'utilité d'Athènes ou des Grecs en général ; mais, parvenu à l'âge de 90 ans, les ornements de cette nature ne peuvent plus me convenir : la simplicité, plus facile à atteindre, est mieux en harmonie avec ma vieillesse. Je prie donc mes lecteurs de ne. point chercher, dans ce discours, l'élégance qui brillait dans ceux que j'ai écrits autrefois, mais de considérer plutôt l'objet que je me suis proposé de traiter. — 2. Je parlerai des hauts faits accomplis par les Athéniens, et des vertus de nos ancêtres. — 3. Afin de réprimer toutefois la malignité de certains sophistes obscurs et méchants, que cependant j'ai blessés le moins qu'il m'a été possible, et de montrer à ceux qui ne me connaissent que par ma réputation, à quels soins, à quels travaux j'avais résolu de consacrer ma vie, je regarde comme nécessaire de dire d'avance quelque chose de moi et de mes calomniateurs. — 4. Je vais exposer avec franchise le mal comme le bien. J'ai été doué, dans un degré qui sort des limites ordinaires, des deux plus grands biens accordés à l'homme, la vigueur de l'esprit et la santé du corps; je n'ai jamais été privé de ce qui, sous le rapport de la fortune, m'était nécessaire, et de plus je ne suis pas sans avoir acquis quelque gloire ; cependant ma vieillesse plaintive, faible et chagrine, n'est point satisfaite de mon génie, impropre à la conduite des affaires et remplissant imparfaitement les conditions de l'éloquence par le manque d'audace et d'une voix énergique, deux choses qui exercent une grande puissance sur les Athéniens. — 5. Malgré cette défaveur, je ne me suis pas laissé entraîner par faiblesse de cœur à vivre entièrement obscur et sans gloire; je me suis réfugié vers l'étude de la sagesse, j'ai écrit ce que la réflexion me suggérait sur les intérêts des Grecs, sur ceux des rois, sur les affaires publiques; et, bien que l'intérêt personnel, auquel tendent avec ardeur tous les autres orateurs, me soit resté étranger à tel point que, dans les grandes nécessités, je sois venu en aide à la république dans une proportion supérieure à ma fortune et que, dans mes discours, je n'aie pas cessé d'avoir en vue l'utilité des Grecs, l'espoir que j'avais conçu d'être entouré d'un honneur toujours croissant a constamment été trompé.— 6. Le jugement du peuple sont remplis d'injustice, de trouble et de contradiction : en même temps qu'il blâme le caractère des autres orateurs, il les place à la tête de la république ; et, pendant qu'il loue mu discours, il m montre plein d'envie à mon égard à cause de ces mêmes discours. — 7. Mais comment pourrait-on s'étonner que le peuple soit dans cette disposition en ce qui me concerne, quand ceux qui se considèrent comme des hommes supérieurs sont plus hostiles pour moi que les ignorants ? C'est à peine s'ils peuvent vivre sans moi, ils prennent mes discours pour modèles, et néanmoins ils s'étudient constamment à me dénigrer. — 8. Je supporterais avec calme qu'ils maltraitassent mes discours, s'ils ne m'accablaient pas moi-même de leurs injures, et s'ils ne prétendaient pas, comme je l'ai appris récemment, que je ne tiens aucun compte de la science des autres, et que je méprise leur enseignement comparativement au mien. Personne, sans doute, ne le croît, puisque je montre partout la preuve du contraire; et pourtant je me sens blessé par le malheur qui n'a cessé de s'attacher à moi, malheur qui est l'ouvrage des hommes de cette espèce, et qui est la cause unique des jalousies et des calomnies qui me poursuivent. — 9. Il me serait facile, en les accusant de choses vraies, de repousser ces imposteurs ; mais, ne voulant tenir d'eux aucun compte, je m'efforcerai de les laisser de côté comme des envieux et d'apprendre aux autres que c'est à tort et contre toute justice qu'ils éprouvent de tels sentiments à mon égard. Et cependant ce parti me semble encore à rejeter, parce que, en tâchant de les apaiser à l'aide d'un discours qui peut-être ne serait pas écrit sans élégance, j'augmenterai leur irritation. D'un autre côté, les passer entièrement sous silence et aborder immédiatement mon discours, est une chose impossible, parce que l'introduction serait privée de fin, et que la discours manquerait d'exorde. Ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de continuer ce que j'ai commencé, et de dire ce que je pense sur la science et sur les poètes, afin que mes adversaires cessent d'inventer de nouveaux mensonges, et d'articuler sans pudeur tout ce qui leur vient à l'esprit. — 10. Par conséquent, dussent les sophistes s'indigner contre moi, je dis que les études auxquelles ils se livrent ne conviennent qu'aux jeunes gens, et qu'elles ne conviennent pas à ceux qui sont parvenus à l'âge viril. Ceux-ci doivent s'occuper de soins plus utiles, afin de ne pas se montrer, dans les affaires de la vie, plus ignorants que les esclaves, en même temps qu'ineptes et à peine tolérables dans les relations privées. — 11. Je méprise premièrement tout art, toute science, toute faculté dans les hommes qui ignorent les conditions de la vie commune. En second lieu, je méprise ceux qui manquent d'habileté dans l'art de traiter avec les hommes : troisièmement, ceux qui n'ont pas la puissance de se commander à eux-mêmes ; quatrièmement, enfin, ceux qui manquent de modération et de prudence. —12. Quant aux œuvres d'Homère et des autres poètes que l'on m'a reproché de mépriser, je désirerais eu parler ; mais je vois que déjà j'ai dépassé les bornes d'un avant-propos ; je remettrai donc cet objet à un autre temps et je traiterai maintenant des sujets plus graves.— 13. Je vais vous entretenir des bienfaits d'Athènes envers les Grecs ; mais je le ferai en suivant un système différent de celui du Panégyrique, car alors je ne l'ai fait que transitoirement ; et ici, je le ferai par suite d'un dessein arrêté ; quoique je sache très bien à quel point mon âge est avancé ; combien est grand le sujet que je m'efforce de traiter, et combien il est difficile d'élever les éloges à la hauteur de faits qui surpassent tous les autres par leur grandeur et leur éclat ; mais, d'une part, à cause des hommes qui se font les détracteurs de ma patrie, de l'autre, à cause de l'absence de talent dans ceux qui célèbrent ses louanges, et surtout à cause de ma vieillesse, qui me permet d'espérer une gloire plus grande si je réussis, une indulgence plus complète si je n'atteins pas mon but, je crois que je ne dois pas abandonner mon entreprise. — 14. Celui qui veut louer convenablement une ville doit la comparer à une autre qui soit en rapport avec elle, afin que sa supériorité apparaisse avec plus d'éclat. Or je dis que, si quelqu'un comparait notre ville et celle de Lacédémone, il la trouverait de beaucoup supérieure à sa rivale, et par sa puissance, et par les grandes choses qu'elle a faites, et par ses bienfaits envers les Grecs. Confirmation. — 15. Laissant de côté les anciennes luttes, je commencerai à l'époque où les Lacédémoniens se sont empares des contrées qu'ils ont ensuite habitées, afin que l'on puisse voir que les ancêtres des Athéniens ont conservé contre les Barbares les haines qu'ils avaient conçues à partir de la guerre de Troie. — 16. Et d'abord, les Athéniens ont enlevé aux Cariens les Cyclades, et les ont données à cultiver aux plus nécessiteux parmi les Grecs. Ils ont, de plus, après avoir chassé les barbares, étendu le territoire de la Grèce vers l'Ionie et vers la mer Égée, et fondé un grand nombre de villes considérables sur les deux rives. Les Lacédémoniens, au contraire, loin de s'emparer des pays occupés par les Barbares el de répandre des bienfaits sur les Grecs, négligeant même l'agriculture, l'industrie, les arts utiles, n'ont pas cessé un seul jour d'attaquer une à une, de tyranniser, de bouleverser les villes du Péloponnèse, en les détruisant toutes à l'exception d'Argos. Les Athéniens, par conséquent, ont accru la puissance de la Grèce, et les Lacédémoniens ont accru uniquement celle de leur patrie. Les Athéniens ont donné aux Grecs qui en étaient privés des contrées et des villes enlevées aux Barbares, et les Lacédémoniens n'ont pas rougi d'arracher aux Grecs les villes et les contrées qui leur appartenaient. — 17. La guerre de Perse ayant ensuite éclaté, et Xerxès ayant réuni une flotte de douze cents vaisseaux, en même temps qu'une armée de sept cent mille combattants, les Lacédémoniens, qui commandaient à tout le Péloponnèse, présentèrent seulement dix trirèmes au combat naval, taudis que nos pères, ayant abandonné leur ville mirent en ligne des vaisseaux en plus grand nombre, et montés par des troupes plus nombreuses, que tous les alliés réunis. Les Lacédémoniens nommèrent pour général Eurybiade; et nos pères choisirent Thémistocle, tous le commandement duquel tout réussit d'une manière si heureuse que, de leur propre mouvement, les alliés qui avaient pris part à la guerre retirèrent la suprématie aux Lacédémoniens et la donnèrent à nos pères. — 18. Plus tard, la ville de Lacédémone ayant obtenu l'empire du la mer, les Lacédémoniens, dans l'usage qu'ils en firent, ne te montrèrent pas moins inférieurs à nos ancêtres» (encore que je lie veuille pas entièrement louer ceux-ci) qu'ils ne l'avaient été dans les circonstances que j'ai déjà signalées. Nos pères, en effet, persuadèrent aux alliés d'adopter la forme de république dont eux-mêmes s'étaient constamment servis. Les Lacédémoniens, au contraire, les obligèrent à se soumettre à une forme nouvelle de gouvernement, en établissant, dans chaque ville, dix commissaires qui, par leur injustice et leur rapacité (c'est un fait constaté pour tout le monde), se sont non seulement perdus, eux, leurs amis, leur patrie, mais ont précipité Lacédémone elle-même dans les plus grandes calamités. — 19. De là il est résulté que les Athéniens ont conservé l'empire de la mer pendant soixante-cinq ans sans interruption, tandis que les Lacédémoniens l'ont à peine gardé dix ans ; ensuite les uns 'et les autres, étant devenus odieux aux Grecs à cause de ce même empire de la mer, tombèrent dans une série de troubles et de guerres ; mais notre patrie soutint pendant dix ans les efforts réunis des Grecs et des Barbares, tandis que les Lacédémoniens, vaincus dans un seul combat par les Thébains, se sont trouvés plongés dans des infortunes à peu près semblables aux nôtres : à quoi il faut ajouter que, dans un court espace de temps, nous sommes remontés au même degré d'honneur dont nous avions été précipités par la guerre, tandis que les Lacédémoniens sont encore en proie aux mêmes malheurs. — 20. Sous notre suprématie, les Barbares étaient contenus dans d'étroites limites sur terre et sur mer ; lorsque les Lacédémoniens ont été en possession du commandement, les Barbares ont agi en toute liberté, et un grand nombre de villes grecques sont passées sous leur domination. — 21. N'est-il pas juste que la ville qui a réprimé l'insolence des Barbares par un" traité et par des défaites, qui a répandu ses bienfaits sur les Grecs, qui a combattu pour son propre salut avec plus de valeur que celle dont la célébrité est surtout fondée sur la guerre, qui, enfin, a repoussé avec plus de promptitude les calamités qui l'avaient frappée, soit plus louée, plus honorée que celle qui lui a été inférieure sous tous ces rapports ? — 22. Bien qu'ils ne puissent réfuter ces faits, les partisans de Lacédémone osent cependant accuser notre ville et lui reprocher les jugements que nos alliés ont subis pendant notre suprématie, insistant principalement sur les infortunes des Méliens et des Scionéens.— 23. Pour moi, encore que je ne puisse me veuille repousser ces accusations, j'essayerai néanmoins de prouver que les Lacédémoniens ont été plus sévères, plus durs que nous dans les choses dont nous venons de' parler, et que ceux qui, pour les servir, nous insultent, sont de véritables insensés, puisqu'ils nous imputent ce dont les Lacédémoniens sont plutôt coupables que nous, et qu'ils nous offrent ainsi l'occasion de leur reprocher des crimes plus grands que ceux dont ils nous accusent. — 24, Qui serait maintenant assez stupide pour ne pas répondre que les Lacédémoniens ont mis à mort sans jugement plus de Grecs que nous n'en avons jugés depuis que nous occupons notre ville. — 25. Il en est de même à l'égard de la levée des tributs : nous avons pourvu au bien-être des villes tributaires avec plus de soin que les Lacédémoniens, puisque les contributions de ces villes étaient réglées par des arbitres dans leurs intérêts bien plus que dans les nôtres, et qu'elles nous remettaient seulement une faible partie des bienfaits qu'elles tenaient de notre générosité. — 26. Pour ce qui concerne les ruines et destructions que quelques personnes ne reprochent qu'à nous seuls, il convient de savoir que ces actes de violence ont été commis par nous envers des îles tellement petites que la plupart des Grecs ignorent leur existence ; tandis que les Lacédémoniens. au contraire, ont saccagé les plus grandes et les plus nobles villes du Péloponnèse : Messène, Lacédémone et Argos, dont les chefs, Nestor, Ménélas, Agamemnon, avaient attiré tous les regards dans la guerre de Troie par leurs vertus, comme on le verra dans ce qui suit avec plus d'évidence. — 27. J'ai lieu de craindre qu'une digression qui a pour but de louer Agamemnon ne me soit reprochée comme une faute ; ce pendant j'ai résolu de venir au secours de ce grand roi, parce qu'il lui est arrivé la même chose qu'à moi et à beaucoup d'autres, c'est-à-dire, d'être frustre delà renommée qui lui appartenait.— 28. Il a obtenu l'insigne honneur d'être seul élu chef de toute la Grèce ; investi de cette puissance, il u'a opprimé aucune des villes grecques; il a été si loin de le faire qu'il en a même délivré plusieurs de la guerre et des troubles qui les agitaient, et qu'après les avoir réconciliées entre elles, il les a conduites contre les Barbares. Or rien n'a été plus glorieux, plus utile pour la Grèce que cette expédition; et cependant Agamemnon a recueilli une renommée moins grande que celle qu'ont obtenue des hommes qui n'ont pas osé l'imiter. — 29. Et ce ne fut pas assez pour lui de s'être fait suivre par des soldats d'une condition privée, il persuada même à des rois de se placer sous ses ordres et de marcher contre les Barbares, en apparence pour Hélène, mais dans la réalité pour le salut de la Grèce. — 30. Il a contenu sous ses ordres, dix années entières, cette immense multitude, dans laquelle se trouvaient plusieurs héros fils des dieux, pleins d'impétuosité, de jalousie et d'amour effréné pour la gloire ; il l'a contenue non par la grandeur des émoluments dont il la faisait jouir, mais parce qu'il surpassait les autres chefs par sa prudence, qu'il savait assurer la subsistance des soldats avec les ressources du pays ennemi, et qu'il pour voyait au salut de tous mieux qu'ils ne l'eussent fait eux-mêmes ; enfin, il ne se retira que lorsqu'il eut réprimé l'insolence des Barbares et anéanti la patrie de celui qui avait osé insulter les Grecs. — 31, Je n'ignore pas que les choses que j'ai dites sur la vertu d'Agamemnon, bien qu'aucune ne soit blâmable en elle-même, seront cependant l'objet d'une improbation universelle à cause de leur prolixité. — 32, Et cependant j'ai pensé qu'il valait mieux paraître à quelques personnes n'avoir pas assez tenu compte du temps et des convenances que si, parlant d'un tel homme, je passais sous silence quelques-unes des louanges auxquelles il a droit. Ce qui sera nuisible pour moi servira à ion éloge, et alors, comme je l'ai fait partout, j'ai préféré la justice à mon intérêt, — 33. Mais où me laissé-je entraîner, en m'écartant si loin de mon sujet? Il ne me reste, après avoir demandé pardon de mon inadvertance et de ma prolixité, en faveur de ma vieillesse, qu'à revenir au point d'où je suis parti, pour tomber dans cette verbeuse digression. — 34. J'ai donc répondu à ceux qui nous reprochent les malheurs des Méliens et ceux d'autres petites villes semblables que, sans doute, les Athéniens avaient commis un acte répréhensible, mais que les Lacédémoniens avaient détruit un plus grand nombre de villes considérables, et qui avaient produit et forme des hommes auxquels on pourrait donner plus d'éloges et des éloges plus brillants encore que ceux que je leur ai donnés moi-même. Ces choses pourraient suffire, et cependant il ne faut pas que l'on puisse croire que cette circonstance soit la seule qui m'offre l'occasion de parler de la cruauté des Lacédémoniens ; car, — 35. non seulement ils ont agi avec injustice contre les villes et les hommes que j'ai cités, mais ils ont chassé du pays qu'ils habitaient les Messéniens, leurs compatriotes, leurs alliés, les compagnons de leurs périls dans l'occupation du Péloponnèse, et, dans ce moment encore, ils font la guerre aux. Argiens. Enfin, c'était sur le territoire de Platée, c'était avec les Platéens, qui seuls de tous les Béotiens les avaient secondés, c'était avec nous et avec les autres alliés, que les Lacédémoniens avaient sauvé, dans la guerre persique, la liberté de tous les Grecs, et ces mêmes Lacédémoniens, pour se rendre agréables aux Thébains, ont pris la ville de Platée, et mis à mort tous ses habitants, à l'exception d'un petit nombre ; tandis que notre ville a donné Naupacte pour l'habiter au reste des Messéniens, et admis au droit de citoyens ceux d'entre les Platéens qui s'étaient réfugiés à Athènes. — 36. Mais, de même qu'il y a peu d'instants j'étais tombé dans une sorte d'oubli, de même je sens que maintenant je suis entraîné par la sévérité, et que l'abondance des choses qui affluent vers ma pensée, m'a fait parler de celles que j'aurais voulu taire ; je vais donc, comme je l'ai déjà fait, rompre le silence sur les autres calamités des Grecs dont les Lacédémoniens, soit seuls, soit les premiers, ont été les auteurs. — 37. Beaucoup de personnes accusent Athènes et Lacédémone de s'être servies du prétexte qu'elles avaient combattu contre les Barbares pour le salut des Grecs, afin d'opprimer les villes grecques, comme si elles eussent été soumises et réduites en esclavage parla force des armes. — 38. Ce n'est pas nous qui sommes véritablement en cause dans cette accusation, mais ceux qui sont nos adversaires dans toutes les circonstances. Nos ancêtres n'ont jamais affecté l'empire sur aucune ville ; les Lacédémoniens, au contraire, depuis qu'ils se sont établis dans le Péloponnèse, n'ont pas fait autre chose que de chercher à imposer leur joug, sinon à tous les Grecs, du moins à tous les Péloponnésiens ; ils ont rempli presque toutes les villes de séditions et de meurtres, et introduit des changements dans leur administration.^ Or personne n'osera dire que notre ville, dans sa première suprématie, ait jamais rien fait de semblable à l'égard de ses alliés. 11 est vrai que, lorsque nous eûmes repris l'empire de la mer, après la victoire remportée par Conon dans les parages de Cnide, deux ou trois chefs athéniens ont pris des mesures acerbes à l'égard de quelques villes séditieuses ; et encore peuvent-ils être facilement excusés, comme ayant été séduits par l'exemple des Lacédémoniens. — 39. Mais ce qui est particulier aux Lacédémoniens, c'est que, sans être poussés par aucun autre motif que par un désir insatiable de domination, après avoir entraîné nos alliés à la défection par l'espoir de la liberté, ils les ont opprimés par la plus dure servitude ; qu'en même temps qu'ils faisaient avec le roi de Perse un traité d'amitié et d'alliance, ils persuadaient au jeune Cyrus, son frère, de lui disputer la couronne, les armes à la main ; qu'ayant réuni une armée, ils l'envoyèrent contre le roi de Perse sous la conduite de Cléarque ; et que, trompés dans leur espérance et connus alors pour ce qu'ils étaient, ils tombèrent dans les plus graves difficultés. Vaincus, enfin, dans un combat naval par Conon et par les Perses, ils ont conclu le traité si honteux qui porte le nom d'Antalcidas, par lequel ils ont livré aux Perses tous les Grecs qui habitaient l'Asie, avec le secours desquels ils nous avaient vaincus et avaient placé la Grèce sous leur domination; qu'ils ont gravé ce traité dans leurs temples, et qu'ils ont forcé leurs alliés à les imiter. — 40. Je crois que ces preuves sont suffisantes pour tout le monde; mais,pour moi, il me semble qu'il y manque encore des circonstances propres à démontrer la démence de ceux qui entreprendraient de réfuter mes paroles. — 41. Certainement les plus sages parmi ceux qui approuvent tous les actes des Lacédémoniens me donneront leur assentiment en ce qui concerne leur conduite envers les Grecs; mais les .plus insensés, ceux qui, ne pouvant rien dire de tolérable sur un sujet quel qu'il soit, élèvent les Lacédémoniens au-dessus de tous les peuples, lorsqu'ils verront qu'il leur est impossible de rien détruire de ce que j'ai avancé, feront en sorte de transporter la lutte sur le terrain de l'ordre public, et loueront surtout les Lacédémoniens à cause de la tempérance et de la discipline qui existent à Sparte dans toute leur énergie. — 42. Mais que peut-il y avoir, je le demande, de plus ridicule qu'une telle transposition? Mon intention n'a pas été d'établir la discussion sur les formes des républiques, j'ai seulement voulu montrer que notre ville avait mieux mérité des Grecs que celle de Lacédémone. — 43. Si je croyais, toutefois, que mes adversaires eussent la pensée de parler de la forme de notre république, je ne verrais aucune difficulté à aborder ce sujet, parce que j'aurais l'espoir de démontrer que notre patrie, sous ce rapport, a même plus de supériorité que dans les choses déjà brièvement indiquées. — 44. Mes paroles ne s'appliqueront qu'à la forme de gouvernement qui a existé sous nos ancêtres, et non pas à celle que nos pères, forcés par la nécessité des temps et changeant quelque peu l'ordre établi, ont adoptée comme plus utile à cause de l'empire de la mer ; car, encore qu'il parût évident que la discipline de l'ancienne république allait être détruite par l'affluence des gens de mer et des hommes de cette nature, en qu'en même temps nous perdrions la bienveillance de nos alliés, nos pères jugèrent plus à propos de s'engager dans toute espèce de. difficultés que de subir le joug des lacédémoniens ; et deux partis se présentant, entre lesquels il fallait choisir et dont aucun n'était digne d'être approuvé, ils peinèrent qu'il valait mieux commander aux autres sans en avoir le droit que d'accepter l'injuste domination de Sparte. — 45. Je vais parler maintenant des hauts faits accomplis par les Athéniens et de la vertu de nos ancêtres, en commençant à l'époque où les nations barbares, ainsi que toutes les villes grecques, obéissaient à des rois, afin que l'on voie que les hommes qui prétendent être loués pour leur vertu l'ont emporté de beaucoup dès les premiers moments sur les autres; et qu'après avoir parlé des peuples étrangers, on ne puisse m'accuser de me taire à l'égard de nos ancêtres, qui se sont montrés aussi supérieurs à ceux qui étaient investis de la puissance que les hommes les plus humains le sont à l'égard des animaux les plus féroces. — 46. En effet, dans les autres villes, particulièrement dans celles qui sont les plus grandes, les plus puissantes, et que l'on regarde comme telles, nous voyons en grand nombre des frères, des pères, des hôtes massacrés; nous trouvons des mères immolées, des incestes et une foule d'autres énormités de la même nature — 47. dont je n'ai pas fait mention, afin de montrer que rien de semblable n'a existé chez nos ancêtres, et qu'ils ont été supérieurs, dans tous les genres de vertu, tant aux hommes des temps anciens qu'à ceux de notre âge. — 48. Us administraient leurs propres intérêts avec autant de noblesse, de piété que les affaires de leur pays. Issus des dieux, ils avaient été les premiers fondateurs de leur ville ; ils obéissaient aux lois ; ils cultivaient la justice ; ils honoraient la divinité. Ils ne s'étaient mêlés à aucun autre peuple; ils n'étaient pas sortis d'une terre étrangère, et, seuls indigènes parmi les Grecs, ils chérissaient leur terre natale comme on chérit une mère. Ils étaient tellement amis des dieux que certaines familles, investies de l'autorité royale, la conservèrent pendant quatre ou cinq générations, comme la race d'Êrichthonius, qui a régné jusqu'à Thésée, nous en offre l'exemple. — 49. Quoique j'aie déjà parlé de Thésée, ce que je regrette aujourd'hui, il me reste cependant à faire connaître une preuve remarquable de sa sagesse et de sa prudence. — 50. Bien qu'il possédât la royauté la mieux affermie, la plus puissante, et qu'il eût fait un grand nombre d'actions éclatantes, il préféra la gloire qui s'acquiert par les travaux et les combats aux douceurs d'une vie oisive et heureuse, et cela, lorsqu'il était encore dans la fleur de son âge. Laissant au peuple l'administration intérieure de la République, il s'éloigna afin de chercher de nobles périls à braver pour sa patrie et pour la Grèce. — 51. Ceux qui reçurent de lui la mission de diriger la République, encore qu'ils fussent peu instruits des diverses formes de gouvernement, choisirent la démocratie unie avec l'aristocratie, mode de gouvernement que tout le monde regarde comme le plus utile et le plus doux, et que notre peuple désigne par le nom de timocratie (c'est-à-dire le gouvernement de ceux qui méritent d'être honorés). - 52. Quant à moi, je dis qu'il y a trois formes de gouvernement : la monarchie, l'oligarchie et la démocratie ; que l'on peut vivre heureux sous l'empire de chacune de ces formes, si les magistratures et les emplois sont confiés aux citoyens les meilleurs; que l'on est malheureux dans le cas contraire ; et qu'on est alternativement heureux ou malheureux, quand de bons ou de mauvais citoyens sont alternativement admis dans le conseil de l'Étal. — 53. Beaucoup de choses pourraient devenir, pour d'autres, l'objet de longues dissertations sur les formes de gouvernement ; mais je n'ai, quant à présent, à établir qu'une seule vérité : c'est que la république fondée par nos ancêtres remplit toutes les conditions de perfection, et qu'elle est en tout préférable au gouvernement de Lacédémone. — 54. Ce discours ne sera considéré, ni comme blessant, ni comme intempestif, par les hommes qui entendent avec plaisir disserter sur les matières graves; mais il paraîtra prolixe à ceux qui prennent plaisir aux invectives des orateurs, ou aux louanges données à des choses „ sans valeur. Je n'ai jamais, en ce qui me concerne, recherché de semblables auditeurs; j'ai préféré ceux qui, sans calculer l'étendue d'un discours, lisent la partie qu'ils veulent connaître, et surtout ceux qui se plaisent à entendre des éloges donnés aux hommes distingués, parce qu'en imitant leurs vertus, ils peuvent acquérir une noble gloire, et accroître le bonheur de leur patrie. — 55. On doit donc admettre comme une vérité incontestée, que la meilleure administration de notre ville doit être rapportée à l'époque des rois dont je viens de rappeler la mémoire, parce qu'ils formaient le peuple à tous les genres de vertu, et lui montraient, par leur exemple, que le gouvernement est comme l'Aine d'une ville, d'où dépend tout le bonheur des citoyens. — 56. Le changement qui s'est opéré dans le gouvernement n'a pas fait oublier au peuple l'ancien mode d'administration ; il repousse avec mépris les chefs sans probité qui s'occupent de leurs intérêts plus que de l'intérêt public, et dont les crimes" sont si nombreux que celui qui voudrait en faire l'énumération complète épuiserait ses forces en les écrivant. — 57. Pleins de haine pour tous les genres d'improbité, nos ancêtres ne choisissaient pas pour conseillers et pour magistrats des hommes pris au hasard, mais ils donnaient leurs suffrages aux plus sages, aux meilleurs citoyens, aux plus remarquables par l'intégrité de leur vie ; et, lorsqu'ils leur remettaient tous les emplois, ils espéraient que des hommes qui voulaient et pouvaient faire adopter les meilleurs conseils devant l'assemblée du peuple seraient animés des mêmes sentiments dan» tous les lieux et dans toutes les circonstances. — 58. Ils ne furent pas trompés dans leurs espérances : car ils virent en peu de jours des lois rédigées et enregistrées, peu nombreuses et faciles à comprendre, d'accord avec elles-mêmes, et justes en même temps qu'utiles. A la même époque, on élevait aux magistratures les hommes choisis par leurs concitoyens dans leurs propres tribus, et qui n'avaient rien à attendre du peuple, sinon l'honneur et l'estime lorsqu'ils s'acquittaient loyalement de leurs devoirs, le châtiment et l'ignominie dans le cas contraire. Il résultait delà qu'aucune rivalité n'existait pour arriver aux magistratures, qu'elles étaient plutôt redoutées que recherchées, et tout le monde approuvait cette démocratie qui, en affranchissant le peuple des devoirs publics, lui donnait le droit de choisir et la faculté de punir. — 59. On en trouve In preuve dans ce fait, que l« peuple, qui a pour habitude de renverser les formes de gouvernement qui lui déplaisaient, a persisté a garder celle-là plus de mille ans, c'est-à-dire, depuis l'époque où il l'accepta jusqu'à la tyrannie de Pisistrate. — 60. Si quelqu'un voulait, par hasard, refuser sa confiance à ces assertions, qu'il sache que je m'appuie sur l'autorité des auteurs qui ont rendu compte de nos anciennes institutions, et dont les ouvrages nous sont restés; que les hommes apprennent plus de choses par les oreilles que par les yeux ; et que, si, d'un côté, je ne crois pas devoir laisser de semblables objections absolument sans réponse, de l'autre, je ne veux pas m'arrêter plus longtemps à les réfuter. — 61. Après avoir exposé la forme du gouvernement de la république, il me reste à faire connaître les avantages qui en résultaient, afin que l'on comprenne mieux et la supériorité de la république à cette époque, et celle des hommes qui la dirigeaient. — 62. Mais, ici, un préambule est nécessaire, afin que l'on ne dise pas qu'en exposant les hauts faits de nos ancêtres et leur discipline militaire, je transcris les lois de Lycurgue observées encore aujourd'hui par les Spartiates. — 63. Sans doute, je vais rappeler beaucoup de choses qui sont admises à Lacédémone, mais Lycurgue n'a fait qu'imiter le système administratif adopté par nos ancêtres, en établissant dans son pays une démocratie tempérée par l'aristocratie, telle qu'elle existait parmi nous, en créant des magistratures élues à la pluralité des suffrages, et en donnant au sénat de Lacédémone une autorité semblable à celle de notre Aréopage.— 64. Quant à ce qui concerne la science militaire, je crois pouvoir démontrer, avec une évidence qui ne sera contestée par personne, que les Spartiates ne l'ont pas cultivée avant les Athéniens.— 65. Et, si quelqu'un disait que les villes d'Athènes et de Lacédémone ont répandu de nombreux bienfaits sur les Grecs, niais qu'après l'expédition de Xerxès, ces mêmes villes les ont accablés de calamités, il rappellerait un fait incontesté pour tous ceux qui connaissent l'histoire de cette époque. Car, après avoir combattu vaillamment contre Xerxès, les deux villes en sont venues à un tel point de démence que non seulement elles ont fait un traité à perpétuité avec ce roi, qui voulait les anéantir et qu'elles avaient si facilement vaincu, mais qu'enflammées d'une émulation coupable, elles n'ont pas cesse de se détruire elles-mêmes et de détruire les autres Grecs, jusqu'à ce qu'elles eussent donné à l'ennemi commun la faculté de mettre dans le plus grand danger Sparte avec le secours d'Athènes, Athènes avec l'appui de Sparte; et que maintenant elles n'ont pas honte de rivaliser d'adulation pour obtenir ses largesses, en lui envoyant séparément, bien qu'elles soient alliées ensemble, des députés dans l'espoir, apparemment, que celle qu'il favorisera aura l'empire de la Grèce. — 60. Les hommes qui gouvernaient autrefois notre ville ont suivi une ligne de conduite opposée. Ils s'abstenaient de toucher à ce qui appartenait aux villes grecques, comme on s'abstient de toucher aux offrandes déposées dans les temples. Ils regardaient comme la première, la plus juste et la plus nécessaire, la guerre que l'on fait aux bêtes féroces, et, immédiatement après, celle que les Grecs font aux Barbares, nos ennemis naturels, qui nous dressent perpétuellement des embûches. — 67. Ils s'attachaient à faire cesser, par des négociations et des conférences, les différends qui s'élevaient entre les autres villes, leur envoyant, comme ambassadeurs, les hommes qui jouissaient chez eux de la plus grande considération ; ceux-ci persuadaient aux hommes énergiques et pressés par le besoin de les suivre à la guerre; chassaient les Barbares, soit des îles, soit du littoral de l'un et de l'autre continent, établissant, à leur place, les Grecs privés de moyens d'existence, et nos ancêtres sont restes fidèles à ce système jusqu'au moment où, les Spartiates ayant commence à soumettre toutes les villes du Péloponnèse, ils se virent obligés de pourvoir à leur propre salut. — 68. Les guerres pour l'établissement des colonies eurent pour résultat, que les Grecs possédèrent avec plus d'abondance les choses nécessaires à la vie, que les Barbares furent expulsés, et que l'étendue de la Grèce fut doublée.— 69. Quoiqu'il soit difficile de rien trouver de plus grand qu'un semblable bienfait on peut cependant en présenter un autre non moins digne de louanges, et qui a plus de rapport avec les événements de la guerre. — 70. Les Thébains ayant refusé une trêve à Adraste et la permission d'enlever, pour leur donner la sépulture, les corps de ses soldats morts sur le champ de bataille, notre ville, dont il s'était fait le suppliant, envoya des ambassadeurs à Thèbes, et obtint que les corps des guerriers qui avaient succombe lui fussent remis pour être ensevelis.— 71. Je sais très bien que, dans mon discours panégyrique, j'ai écrit des choses qui semblent en opposition avec celles que je dis maintenant, mais les circonstances m'ont prouvé qu'il fallait agir ainsi ; et je crois que cela n'empêchera pas de voir avec évidence à quel point ma patrie l'emportait alors sur les autres villes en valeur militaire, puisque les chefs de Thèbes obtempérèrent aux paroles de nos ambassadeurs après avoir résisté aux lois établies par la divinité. — 72. Je pourrais citer encore un grand nombre de faits glorieux qui honorent nos ancêtres, mais je veux présenter les guerres et les combats des Spartiates avant les nôtres, afin que les hauts faits des Athéniens, plus éclatants et plus conformes à la justice, soient réservés pour la fin de la discussion. — 73. Les Doriens, après avoir conquis le Péloponnèse, ayant partagé les villes en trois paris, la troisième resta entre les mains de ceux que nous nommons aujourd'hui les Lacédémoniens, et, comme elles se trouvaient déchirées par des factions, les hommes qui se regardaient comme au-dessus du vulgaire étant restés vainqueurs, ne voulurent pas permettre que ceux de la faction opposée, c'est-à-dire le peuple, habitassent avec eux, dans une même ville; ils les établirent dans leurs environs, les accablèrent sous le poids de la servitude, et leur distribuèrent des terres en si petite quantité, et d'une qualité si inférieure, qu'à peine pouvaient-ils, par le plus laborieux travail, en retirer leur subsistance. Plus tard, ils renfermèrent dans un lieu très resserré la partie la plus pauvre et la plus infime de cette multitude, et, dans leur retirer toutefois le nom de citoyens, ils en firent (h réalité des colons. Il faut ajouter encore que l'usage était de les charger de travaux, de les exposer aux plus grands dangers, et, ce qui était par dessus tout odieux, il était permis aux Éphores d'en mettre à mort, sans jugement, autant qu'il leur convenait. — 74. J'ai exposé ces faits avec quelque étendue, afin de pouvoir demander aux défenseurs ardents des Lacédémoniens s'ils approuvent ces actes et d'autres semblables, commis uniquement dans le désir de s'enrichir, et par ceux qui prétendent à la véritable vertu, à celle qui est innée, avec la piété et la justice, dans les hommes loyaux et honnêtes. Or cette vertu est mise en oubli par ceux qui donnent des louanges aux hommes coupables des plus grands crimes, et qui ne s'aperçoivent pas qu'ils manifestent le fond de leur âme en célébrant ceux qui, dans leur désir de s'emparer du bien des autres, n'hésitent pas à sacrifier leurs amis les plus intimes. — 75. Je m'étonne qu'il puisse exister des hommes qui ne regardent pas les victoires injustes comme plus honteuses que les défaites encourues sans lâcheté, quand ils savent que des scélérats, qui combattent pour s'emparer du bien des autres, l'ont souvent emporté, soit par la puissance du nombre, soit par l'incurie des dieux, sur des hommes loyaux et honnêtes qui, comme les Spartiates aux Thermopyles, ne refusent pas de mourir pour leur patrie. Ils ignorent apparemment que rien de saint, rien d'honorable ne peut être dit, ne peut être fait, que d'accord avec la justice, dont jamais les Spartiates n'ont eu aucun souci. — 76. Nos ancêtres, dans tous les temps, n'ont rien eu plus à cœur que d'obtenir l'approbation des Grecs, et ils l'ont montré dans l'administration de la République, comme dans le soin qu'ils ont pris des intérêts de la Grèce ; car, sans parler de la guerre de Troie, ils ont tenu le premier rang dans trois guerres contre les Barbares. — 77. J'en ai dit assez sur la guerre contre Xerxès et sur celles que nos ancêtres ont faites aux nations barbares pour la fondation des colonies ; je parlerai maintenant, dans le moins de mots possible, de la guerre qui s'est allumée dans un temps où les autres villes de la Grèce étaient à peine bâties, et où la nôtre obéissait encore à des rois, en omettant toutefois un grand nombre de faits qui se sont passés à cette époque. — 78; Lorsqu'Eumolpus, qui s'arrogeait le droit de régner sur notre ville, et les Amazones, à cause d'Antiope, que Thésée avait faite prisonnière \ et qu'il avait épousée, firent la guerre à nos ancêtres, ils furent également vaincus et anéantis. Le même sort frappa Eurysthée, qui prétendait se faire livrer les enfants d'Hercule : ceux-ci s'étaient réfugiés vers nous à titre de suppliants, et Eurysthée fut si loin d'obtenir ce qu'il demandait que, vaincu dans un combat, il fut pris et mourut captif. Après ces événements, les Barbares envoyés par Darius pour dévaster la Grèce, éprouvèrent à Marathon une défaite si complète qu'ils prirent la fuite et abandonnèrent la Grèce entière. — 79. Tous ceux qui avaient osé attaquer notre ville à diverses époques ayant été vaincus, nos ancêtres cependant ne se laissèrent point enorgueillir parleurs succès, et ils placèrent plus de confiance dans leur courage et dans leur prudence que dans les combats qu'ils avaient livrés, parce qu'ils savaient que, si beaucoup d'hommes couverts de crimes peuvent être doués de valeur militaire, ils sont privés de la sagesse qui est utile partout. — 80, 81. Épilogue. Les autres orateurs terminent leurs discours par les faits les plus importants et les plus dignes de mémoire : je vais expliquer pourquoi je suis forcé de ne pas m'arrêter à cette limite. Mon discours était parvenu au point où nous nous trouvons, je le corrigeais avec quelques-uns de mes disciples, et il paraissait n'y manquer que la conclusion, lorsque l'un d'eux, qui était du nombre de ces hommes qui vantent avec exagération les Spartiates, après avoir fait l'éloge de mon discours, osa dire que, quand bien même les Lacédémoniens n'auraient été les auteurs d'aucun bienfait pour les Grecs, c'était une vérité acceptée et reconnue, qu'après avoir découvert les plus belles institutions et s'en être servis pour eux-mêmes, ils en avaient donné la connaissance aux autres peuples. — 82. Celle parole fut cause que je ne terminai pas mon discours à l'endroit où j'avais résolu de le faire, parce que je voulus montrer à mon interlocuteur, d'abord, que les Spartiates n'avaient pu être les inventeurs ni de la piété envers les dieux, ni de la justice envers les hommes, ni de la prudence dans les affaires, puisqu'un grand nombre d'hommes s'étaient rendus remarquables par ces vertus avant que les Spartiates se fussent établis dans les pays qu'ils occupent ; en second lieu, qu'il était plutôt vraisemblable que les enfants des dieu* s'étaient les premiers inspirés de ces vertus, et les avaient offertes à  l'imitation des hommes; troisièmement enfin, qu'il se contredisait lui-même, puisqu'il louait un discours dans lequel je reprenais sévèrement les Lacédémoniens, et que, d'un autre côté, il disait qu'il leur avait été donné de participer aux plus belles institutions. — 83. Je témoignai ensuite mon étonnement de ce qu'il ignorait que les ans, comme tout ce qui a été inventé, ont été découverts par des hommes d'un génie supérieur, ou qui avaient pu s'instruire de la plupart des inventions anciennes, en même temps qu'ils avaient eu la volonté d'appliquer leur esprit à faire de nouvelles découvertes ; tandis que les Lacédémoniens sont si loin de ces dispositions, qu'ils n'apprennent pas même les éléments des lettres à leurs enfants, et ne leur enseignent que ce qui peut les aider à nuire à leurs semblables. — 84. Parmi les moyens qu'ils emploient pour les former sous ce rapport, je n'en citerai qu'un seul : chaque jour, au sortir de leur lit, ils les envoient, en apparence pour chasser, mais, dans la réalité, pour commettre des larcins. Ceux qui sont découverts sont punis par une amende et un châtiment corporel; ceux qui savent cacher leurs vols se font une réputation parmi les autres enfants, et se préparent, à l'aide de celle habileté, la voie aux plus grands honneurs. Les Lacédémoniens ne devraient-ils pas rougir, quand les Grecs et les Barbares regardent les hommes qui s'adonnent au vol et au crime comme plus méprisables que les esclaves, de s'éloigner des lois communes, au point de récompenser ceux qui se livrent à une conduite aussi répréhensible? — 85. Lorsque mon interlocuteur eut entendu ces paroles, il convint qu'il ne donnait pas une approbation complète aux actes des Lacédémoniens, mais qu'accoutumé jusqu'ici i les louer, il éprouvait une peur sensible, après la lecture de mon discours de ne pouvoir rien répondre; que, lorsqu'il avait parlé des belles institutions de Sparte, sa penser, ne s'était pas portée vers la piété, la justice ou la prudence; mais qu'il avait entendu désigner les gymnases, les exercices destinés a développer le courage et la force corporelle, et, en général, le zèle avec lequel ils s'occupent de ce qui concerne la guerre, choses qui sont belles en elles-mêmes, et qui, de l'aveu de tout le monde, sont, chez eux, l'objet d'une application constante. — 86. J'acquiesçai à sa réponse, non qu'elle eût détruit aucun chef de l'accusation qu'il avait portée contre moi, mais parce qu'il s'exprimait dans sa défense avec plus de modestie et de sagesse qu'il n'en avait apporté dans son attaque. — 87. J'ajoutai que j'avais des motifs pour déverser, sur les choses qu'il venait de louer, encore plus de blâme que sur l'habitude du vol que les Spartiates donnent à leurs enfants; que, par cette habitude, leurs enfants seuls se trouvent corrompus, tandis que, par leurs institutions militaires, ils ont perdu les Grecs ; et cela, parce qu'ils se servent de leur expérience de la guerre, non contre des ennemis, mais contre des alliés et contre des hommes de la même origine qu'eux. — 88. Vous n'êtes pas le seul, lui dis-je, qui ignoriez quels sont les hommes qui savent bien user des choses ; la plupart des Grecs l'ignorent comme vous. Les choses ne sont pas louables en elles-mêmes, il faut toujours attendre qu'elles aient été expérimentées par l'usage : si le résultat est bon, la chose doit être considérée comme bonne; comme mauvaise, s'il est mauvais ; et, ce qui le prouve, c'est que les mêmes choses profitent aux uns et nuisent aux autres. — 89. Ceci s'applique à la concorde, qui a été, chez les Spartiates, un moyen de faire beaucoup de mal. Exaltés par la bonne intelligence qui régnait entre eux, ils se conduisirent, lorsqu'ils s'aperçurent que les Grecs étaient divisés, de manière que l'art de la rapine semblait être leur industrie spéciale ; ils s'introduisaient comme arbitres dans les villes divisées en factions,, et on pouvait assimiler leur concorde à celle des Triballes, qui leur sert à détruire non seulement leurs voisins, mais tous ceux chez lesquels ils peuvent pénétrer. Pour moi, je pense que l'on ne doit pas imiter ceux qui ne cherchent que leur propre bien, et que l'on doit prendre pour modèle la vertu qui, sans s'occuper d'elle-même, fait le bonheur des hommes dans le coeur desquels elle s'établit. — 90. Lorsque j'eus prononcé ces paroles, les jeunes gens qui avaient assisté à tout l'entretien me donnèrent des louanges et témoignèrent du mépris pour mon interlocuteur; mais ils se trompaient à l'égard de chacun de nous, car celui-ci s'était retiré de la discussion plus sage et connaissant mieux les Lacédémoniens ; et moi, je m'étais montré plus animé, plus ardent qu'il ne convenait à mon âge. — 91. On s'en aperçut immédiatement, car j'eus à peine respiré que, sans prendre aucun repos, je dictai à un jeune esclave les paroles que je venais de prononcer. Mais, peu de jours après, en relisant mon discours avec plus d'attention, je me sentis vivement affligé des choses hardies et trop acerbes que j'avais dites touchant les Lacédémoniens ; et déjà j'étais résolu à faire disparaître entièrement mon discours, lorsque je me sentis atteint de compassion pour ma vieillesse et pour le travail qu'il m'avait coûté. — 92. Je flottais au milieu de ces incertitudes, et j'avais plusieurs fois changé de sentiment, lorsqu'il me parut que ce qu'il y avait de plus sage était de délibérer avec quelques-uns de mes disciples, présents à Athènes, sur la question de savoir si je détruirais mon discours ou si je le publierais; je les appelai sur-le-champ, et le discours, lu devant eux, fut accueilli avec de grands applaudissements. — 93. Ensuite, et tandis que les autres discutaient sur les choses qu'ils avaient entendu lire, celui que, dès le commencement, j'avais admis à cette consultation, ayant pris la parole, s'exprima ainsi : « Vous ne me paraissez pas, dit-il, avoir songé à détruire votre discours, et nous avoir appelés dans le but que vous nous signalez, ni avoir écrit avec l'intention que l'on croirait pouvoir vous attribuer. Il me semble plutôt que vous avez voulu nous éprouver et voir si nous pourrions pénétrer votre véritable pensée et l'habileté de votre œuvre. — 94. Vous vous étiez proposé, dans le commencement, de célébrer les louanges d'Athènes d'une manière telle que, laissant de coté les fables auxquelles le vulgaire ajoute foi, vous fissiez mention uniquement des choses qui sont connues comme vraies par tout le monde, sans vous borner toutefois à un simple récit, mais en réunissant aux louanges de nos ancêtres la critique des Lacédémoniens, afin que votre discours pût aux yeux de quelques personnes obtenir une plus grande admiration, et néanmoins ne vous mit pas en désaccord avec vous-même. — 95. Ainsi donc, pour ne pas paraître vous contredire en accablant aujourd'hui les Lacédémoniens de vos injures, lorsque vous les avez autrefois exaltes par vos louanges, vous prenez la voie la plus habile, vous servant de paroles ambiguës, qui renferment des louanges pour les hommes intelligents, et qui, pour les hommes d'un esprit borné, contiennent des reproches qu'il est cependant permis d'adresser dans de telles circonstances, sans en mériter soi-même. Et en effet, après avoir loué les ancêtres des Athéniens, ne blâmez-vous pas les Lacédémoniens? — 96. Vous dites ensuite c|u'il existe cependant des hommes qui pourraient leur donner des louanges et convertir en éloges les injures qu'ils ont méritées, parce que l'orgueil que vous leur reprochez est uni à la magnanimité; que l'ardeur pour la guerre est préférable, sous beaucoup de rapports, à l'amour de la paix ; et qu'enfin le désir de se distinguer ne peut être regardé comme un crime pour personne, puisqu'il conduit à la renommée, c'est-à-dire, à la chose qui est recherchée par tous les hommes comme la plus désirable de toutes. — 97. Maintenant, passant sous silence les motifs pour lesquels vous feignez de nous avoir appelés à délibérer, il me reste à aller au-devant des objections que je prévois de votre part. Vous direz, saris doute, que par cette explication de votre véritable pensée je concilierai un grand nombre de lecteurs a votre discours, que vous aviez à dessein rendu difficile à comprendre, mais que j'ôterai à ceux qui aiment les difficultés tout moyeu de se faire louer pour leur sagacité. — 98. Or je demande la permission de répondre que j'éprouve un sentiment différent sur ce sujet; car, bien que mon intelligence doit de beaucoup inférieure a la votre, cependant, comme il arrive quelquefois que l'ignorant «perçoit mieux que l'homme d'expérience ce qu'il faut faire, je crois que, dans la circonstance actuelle, il y aurait pour vous plus d'avantage à manifester promptement la pensée cachée au fond de votre discours, qu'il n'y aurait d'honneur à laisser plus longtemps vos lecteurs dans l'incertitude sur le sens de vos paroles. Et ceci s'applique principalement aux Lacédémoniens, parce que, lorsqu'ils connaîtront ce que je viens de dire, étant peu exercés à la lecture, ils remarqueront immédiatement les éloges que vous donnez à leur patrie, et, négligeant les injures, ils éprouveront pour vous de la reconnaissance, puisque de cette manière vous aurez ajouté à leur renommée.— 99. C'est sous l'influence de telles pensées que, guidés par vous, ils rappelleront souvent dans leur mémoire les faits anciens pour lesquels vous avez vanté leurs ancêtres. Ainsi, ils se souviendront d'abord qu'étant Doriens et manquant de beaucoup de choses, ils ont soumis les principales villes du Péloponnèse, qu'ils les ont occupées et qu'ils en sont encore les maîtres. — 100. Ils se rappelleront ensuite qu'ayant partagé le pays avec les Argiens et les Messéniens, ils ont déployé, lorsqu'ils se sont établis séparément à Sparte, une telle grandeur d'âme que, bien qu'ils fussent de beaucoup les plus faibles par le nombre, ils se sont rendus maîtres de toutes les villes du Péloponnèse à l'exception d'Argos; ils se rappelleront qu'après s'être accrus et élevés par une telle accumulation de gloire et de puissance, ils ne se sont pas attribué moins de louanges pour n'avoir jamais suivi les enseignes d'une autre ville, pour n'avoir jamais dépendu que d'eux-mêmes, pour avoir été établis les chefs de tous les Grecs dans la guerre contre les Perses, pour n'avoir jamais été vaincus quand ils étaient commandés par leurs rois, et pour n'être jamais tombés dans les calamités qui ont coutume d'affliger les autres villes, telles que les massacres, les spoliations, etc.; et, comme vous avez réuni toutes ces choses dans votre discours, il est certain qu'ils éprouveront pour vous la plus grande reconnaissance. — 101. J'ai donc maintenant de vous une opinion différente de celle que j'avais auparavant. Je crois que, pendant toute votre vie, vous jouirez d'une gloire plus grande encore que celle qui vous environne aujourd'hui ; et qu'après votre mort l'immortalité sera acquise à votre nom, pour avoir loué noblement l'une et l'autre ville : l'une conformément à l'opinion de la multitude, qui doit' être estimée un grand prix ; l'autre, suivant le jugement des hommes auxquels il est donné d'arriver à la vérité par la force de leur raisonnement, ce qui est supérieur à tout le reste. 102. Laissant désormais de côté les choses que je pourrais ajouter, je vais faire connaître mon opinion sur les motifs pour lesquels vous dites m'avoir appelé. Je pense que vous ne devez ni livrer aux flammes ni détruire d'aucune autre manière le discours que nous avons entendu, mais qu'après y avoir ajouté les choses qui paraîtraient avoir été omises, vous devez y joindre les discussions dont il a été l'objet ; et, si vous voulez faire quelque chose d'agréable aux hommes distingués de la Grèce, en même temps qu'amer pour vos détracteurs, vous le communiquerez à quiconque éprouvera le désir de le lire. » — 103. Ces paroles ayant été accueillies, non pas avec des applaudissements, mais avec des cris d'enthousiasme, les assistants furent d'avis qu'il ne manquait rien au discours, excepté ce qui venait d'être dit; et moi, sauf les éloges que je donnai au génie et à la bienveillante disposition démon interlocuteur, je n'ajoutai rien sur la véritable pensée de mon discours. — 104. Qu'il me soit permis seulement de joindre ici quelques mots sur ce qui m'est arrivé dans la composition de ce discours. J'avais quatre-vingt-quatorze ans quand je le commençai, et j'y mis la dernière main dans la quatre-vingt-dix-septième aimée de mon âge. déterminé par les exhortations des autres plus que par mon propre sentiment, car une maladie contre laquelle j'avais lutté avec énergie pendant trois ans m'avait ôté mes forces et mon courage ; mais les exhortations de ceux qui avaient lu la partie terminée de ce discours furent telles que je ne pus leur résister. — 105. Je n'ai pas fait connaître ces circonstances pour solliciter 1'iudulgence en faveur de nies paroles ; mon principal but a été de donner des louanges aux auditeurs qui préfèrent les discours dans lesquels on peut reconnaître l'art et la science, aux discours qui sont composés pour l'ostentation et les concours publics ; les discours vrais aux discours qui trompent ; ceux qui donnent des avertissements à ceux qui ont pour but de flatter et de plaire. Je prie ceux de mes auditeurs qui ont une autre manière de voir de ne pas se fier au-delà de ce qui est raisonnable à leur jugement ou à celui des autres, mais de suspendre avec sagesse leur opinion jusqu'à ce qu'ils puissent se trouver d'accord avec des juges expérimentés sur ces sortes de choses, qui alors les considéreront non comme des insensés, mais comme des hommes réservés dans leurs appréciations. (LANGE.).



 

 

Παναθηναικός

[1] Νεώτερος μὲν ὢν προῃρούμην γράφειν τῶν λόγων οὐ τοὺς μυθώδεις οὐδὲ τοὺς τερατείας καὶ ψευδολογίας μεστούς, οἷς οἱ πολλοὶ μᾶλλον χαίρουσιν ἢ τοῖς περὶ τῆς αὑτῶν σωτηρίας λεγομένοις, οὐδὲ τοὺς τὰς παλαιὰς πράξεις καὶ τοὺς πολέμους τοὺς Ἑλληνικοὺς ἐξηγουμένους, καίπερ εἰδὼς δικαίως αὐτοὺς ἐπαινουμένους, οὐδ' αὖ τοὺς ἁπλῶς δοκοῦντας εἰρῆσθαι καὶ μηδεμιᾶς κομψότητος μετέχοντας, οὓς οἱ δεινοὶ περὶ τοὺς ἀγῶνας παραινοῦσι τοῖς νεωτέροις μελετᾶν, εἴπερ βούλονται πλέον ἔχειν τῶν ἀντιδίκων, [2] ἀλλὰ πάντας τούτους ἐάσας περὶ ἐκείνους ἐπραγματευόμην, τοὺς περὶ τῶν συμφερόντων τῇ τε πόλει καὶ τοῖς ἄλλοις Ἕλλησι συμβουλεύοντας, καὶ πολλῶν μὲν ἐνθυμημάτων γέμοντας, οὐκ ὀλίγων δ' ἀντιθέσεων καὶ παρισώσεων καὶ τῶν ἄλλων ἰδεῶν τῶν ἐν ταῖς ῥητορείαις διαλαμπουσῶν καὶ τοὺς ἀκούοντας ἐπισημαίνεσθαι καὶ θορυβεῖν ἀναγκαζουσῶν.

[3] Νῦν δ' οὐδ' ὁπωσοῦν τοὺς τοιούτους. Ἡγοῦμαι γὰρ οὐχ ἁρμόττειν οὔτε τοῖς ἔτεσι τοῖς ἐνενήκοντα καὶ τέτταρσιν, ἁγὼ τυγχάνω γεγονώς, οὔθ' ὅλως τοῖς ἤδη πολιὰς ἔχουσιν, ἐκεῖνον τὸν τρόπον ἔτι λέγειν, ἀλλ' ὡς ἅπαντες μὲν ἂν ἐλπίσειαν εἰ βουληθεῖεν, οὐδεὶς δ' ἂν δυνηθείη ῥᾳδίως πλὴν τῶν πονεῖν ἐθελόντων καὶ σφόδρα προσεχόντων τὸν νοῦν. [4] Τούτου δ' ἕνεκεν ταῦτα προεῖπον, ἵν' ἤν τισιν ὁ μέλλων δειχθήσεσθαι λόγος μαλακώτερος ὢν φαίνηται τῶν πρότερον διαδεδομένων, μὴ παραβάλλωσι πρὸς τὴν ἐκείνων ποικιλίαν, ἀλλὰ πρὸς τὴν ὑπόθεσιν αὐτὸν κρίνωσι τὴν ἐν τῷ παρόντι δεδοκιμασμένην.

[5] Διαλέξομαι δὲ περί τε τῶν τῇ πόλει πεπραγμένων καὶ περὶ τῆς τῶν προγόνων ἀρετῆς, οὐκ ἀπὸ τούτων ἀρξάμενος, ἀλλ' ἀπὸ τῶν ἐμοὶ συμβεβηκότων· ἐντεῦθεν γὰρ οἶμαι μᾶλλον κατεπείγειν.

Πειρώμενος γὰρ ἀναμαρτήτως ζῆν καὶ τοῖς ἄλλοις ἀλύπως, οὐδένα διαλέλοιπα χρόνον ὑπὸ μὲν τῶν σοφιστῶν τῶν ἀδοκίμων καὶ πονηρῶν διαβαλλόμενος, ὑπ' ἄλλων δέ τινων οὐχ οἷός εἰμι γιγνωσκόμενος, ἀλλὰ τοιοῦτος ὑπολαμβανόμενος οἷον ἂν παρ' ἑτέρων ἀκούσωσιν. [6] Βούλομαι οὖν προδιαλεχθῆναι περί τ' ἐμαυτοῦ καὶ περὶ τῶν οὕτω πρός με διακειμένων, ἵν' ἤν πως οἷός τε γένωμαι, τοὺς μὲν παύσω βλασφημοῦντας, τοὺς δ' εἰδέναι ποιήσω περὶ ἃ τυγχάνω διατρίβων· ἢν γὰρ ταῦτα τῷ λόγῳ δυνηθῶ διοικῆσαι κατὰ τρόπον, ἐλπίζω τὸν ἐπίλοιπον χρόνον αὐτός τε ἀλύπως διάξειν, καὶ τῷ λόγῳ τῷ μέλλοντι ῥηθήσεσθαι τοὺς παρόντας μᾶλλον προσέξειν τὸν νοῦν.

[7] Οὐκ ὀκνήσω δὲ κατειπεῖν οὔτε τὴν νῦν ἐγγιγνομένην ἐν τῇ διανοίᾳ μοι ταραχήν, οὔτε τὴν ἀτοπίαν ὧν ἐν τῷ παρόντι τυγχάνω γιγνώσκων, οὔτ' εἴ τι πράττω τῶν δεόντων. Ἐγὼ γὰρ μετεσχηκὼς τῶν μεγίστων ἀγαθῶν, ὧν ἅπαντες ἂν εὔξαιντο μεταλαβεῖν, πρῶτον μὲν τῆς περὶ τὸ σῶμα καὶ τὴν ψυχὴν ὑγιείας οὐχ ὡς ἔτυχον, ἀλλ' ἐναμίλλως τοῖς μάλιστα περὶ ἑκάτερον τούτων εὐτυχηκόσιν, ἔπειτα τῆς περὶ τὸν βίον εὐπορίας, ὥστε μηδενὸς πώποτ' ἀπορῆσαι τῶν μετρίων μηδ' ὧν ἄνθρωπος ἂν νοῦν ἔχων ἐπιθυμήσειεν, [8] ἔτι τοῦ μὴ τῶν καταβεβλημένων εἷς εἶναι μηδὲ τῶν κατημελημένων, ἀλλ' ἐκείνων περὶ ὧν οἱ χαριέστατοι τῶν Ἑλλήνων καὶ μνησθεῖεν ἂν καὶ διαλεχθεῖεν ὡς σπουδαίων ὄντων,--τούτων ἁπάντων μοι συμβεβηκότων τῶν μὲν ὑπερβαλλόντως τῶν δ' ἐξαρκούντως οὐκ ἀγαπῶ ζῶν ἐπὶ τούτοις, ἀλλ' οὕτω τὸ γῆράς ἐστι δυσάρεστον καὶ μικρολόγον καὶ μεμψίμοιρον, ὥστε πολλάκις ἤδη τήν τε φύσιν τὴν ἐμαυτοῦ κατεμεμψάμην, [9] ἧς οὐδεὶς ἄλλος καταπεφρόνηκε, καὶ τὴν τύχην ὠδυράμην, ταύτῃ μὲν οὐδὲν ἔχων ἐπικαλεῖν ἄλλο πλὴν ὅτι περὶ τὴν φιλοσοφίαν ἣν προειλόμην ἀτυχίαι τινὲς καὶ συκοφαντίαι γεγόνασι, τὴν δὲ φύσιν εἰδὼς πρὸς μὲν τὰς πράξεις ἀρρωστοτέραν καὶ μαλακωτέραν οὖσαν τοῦ δέοντος, πρὸς δὲ τοὺς λόγους οὔτε τελείαν οὔτε πανταχῇ χρησίμην, ἀλλὰ δοξάσαι μὲν περὶ ἑκάστου τὴν ἀλήθειαν μᾶλλον δυναμένην τῶν εἰδέναι φασκόντων, εἰπεῖν δὲ περὶ τῶν αὐτῶν τούτων ἐν συλλόγῳ πολλῶν ἀνθρώπων ἁπασῶν ὡς ἔπος εἰπεῖν ἀπολελειμμένην. [10] Οὕτω γὰρ ἐνδεὴς ἀμφοτέρων ἐγενόμην τῶν μεγίστην δύναμιν ἐχόντων παρ' ἡμῖν, φωνῆς ἱκανῆς καὶ τόλμης, ὡς οὐκ οἶδ' εἴ τις ἄλλος τῶν πολιτῶν· ὧν οἱ μὴ τυχόντες ἀτιμότεροι περιέρχονται πρὸς τὸ δοκεῖν ἄξιοί τινος εἶναι τῶν ὀφειλόντων τῷ δημοσίῳ· τοῖς μὲν γὰρ ἐκτίσειν τὸ καταγνωσθὲν ἐλπίδες ὕπεισιν, οἱ δ' οὐδέποτ' ἂν τὴν φύσιν μεταβάλοιεν.

[11] Οὐ μὴν ἐπὶ τούτοις ἀθυμήσας περιεῖδον ἐμαυτὸν ἄδοξον οὐδ' ἀφανῆ παντάπασι γενόμενον, ἀλλ' ἐπειδὴ τοῦ πολιτεύεσθαι διήμαρτον, ἐπὶ τὸ φιλοσοφεῖν καὶ πονεῖν καὶ γράφειν ἃ διανοηθείην κατέφυγον, οὐ περὶ μικρῶν τὴν προαίρεσιν ποιούμενος οὐδὲ περὶ τῶν ἰδίων συμβολαίων οὐδὲ περὶ ὧν ἄλλοι τινὲς ληροῦσιν, ἀλλὰ περὶ τῶν Ἐλληνικῶν καὶ βασιλικῶν καὶ πολιτικῶν πραγμάτων, δι' ἃ προσήκειν ᾠόμην μοι τοσούτῳ μᾶλλον τιμᾶσθαι τῶν ἐπὶ τὸ βῆμα παριόντων, ὅσῳ περ περὶ μειζόνων καὶ καλλιόνων ἢ κεῖνοι τοὺς λόγους ἐποιούμην. Ὧν οὐδὲν ἡμῖν ἀποβέβηκεν. [12] Καίτοι πάντες ἴσασι τῶν μὲν ῥητόρων τοὺς πολλοὺς οὐχ ὑπὲρ τῶν τῇ πόλει συμφερόντων, ἀλλ' ὑπὲρ ὧν αὐτοὶ λήψεσθαι προσδοκῶσι, δημηγορεῖν τολμῶντας, ἐμὲ δὲ καὶ τοὺς ἐμοὺς οὐ μόνον τῶν κοινῶν ἀπεχομένους μᾶλλον τῶν ἄλλων, ἀλλὰ καὶ τῶν ἰδίων εἰς τὰς τῆς πόλεως χρείας ὑπὲρ τὴν δύναμιν τὴν ἡμετέραν αὐτῶν δαπανωμένους, [13] ἔτι δὲ τοὺς μὲν ἢ λοιδορουμένους ἐν ταῖς ἐκκλησίαις περὶ μεσεγγυήματος σφίσιν αὐτοῖς ἢ λυμαινομένους τοὺς συμμάχους ἢ τῶν ἄλλων ὃν ἂν τύχωσι συκοφαντοῦντας, ἐμὲ δὲ τῶν λόγων ἡγεμόνα τούτων γεγενημένον, τῶν παρακαλούντων τοὺς Ἕλληνας ἐπί τε τὴν ὁμόνοιαν τὴν πρὸς ἀλλήλους καὶ τὴν στρατείαν τὴν ἐπὶ τοὺς βαρβάρους, [14] καὶ τῶν συμβουλευόντων ἀποικίαν ἐκπέμπειν κοινῇ πάντας ἡμᾶς ἐπὶ τοσαύτην χώραν καὶ τοιαύτην, περὶ ἧς ὅσοι περ ἀκηκόασιν ὁμολογοῦσιν ἡμᾶς τε, εἰ σωφρονήσαιμεν καὶ παυσαίμεθα τῆς πρὸς ἀλλήλους μανίας, ταχέως ἂν ἄνευ πόνων καὶ κινδύνων κατασχεῖν αὐτήν, ἐκείνην τε ῥᾳδίως ἂν ἅπαντας δέξασθαι τοὺς ἐνδεεῖς ἡμῶν ὄντας τῶν ἐπιτηδείων· ὧν πράξεις, εἰ πάντες συνελθόντες ζητοῖεν, οὐδέποτ' ἂν εὕροιεν καλλίους οὐδὲ μείζους οὐδὲ μᾶλλον ἅπασιν ἡμῖν συμφερούσας.

[15] Ἀλλ' ὅμως οὕτω πολὺ τῇ διανοία διεστώτων ἡμῶν, καὶ τοσούτῳ σπουδαιοτέραν ἐμοῦ πεποιημένου τὴν αἵρεσιν, οὐ δικαίως οἱ πολλοὶ περὶ ἡμῶν ὑπειλήφασιν, ἀλλὰ ταραχωδῶς καὶ παντάπασιν ἀλογίστως. Τῶν μὲν γὰρ ῥητόρων τὸν τρόπον ψέγοντες προστάτας αὐτοὺς τῆς πόλεως ποιοῦνται καὶ κυρίους ἁπάντων καθιστᾶσιν, ἐμοῦ δὲ τοὺς λόγους ἐπαινοῦντες αὐτῷ μοι φθονοῦσι, δι' οὐδὲν ἕτερον ἢ διὰ τούτους οὓς ἀποδεχόμενοι τυγχάνουσιν· οὕτως ἀτυχῶς φέρομαι παρ' αὐτοῖς.

[16] Καὶ τί δεῖ θαυμάζειν τῶν πρὸς ἁπάσας τὰς ὑπεροχὰς οὕτω διακεῖσθαι πεφυκότων, ὅπου καὶ τῶν οἰομένων διαφέρειν καὶ ζηλούντων ἐμὲ καὶ μιμεῖσθαι γλιχομένων τινὲς ἔτι δυσμενέστερον ἔχουσί μοι τῶν ἰδιωτῶν· ὧν τίνας ἄν τις εὕροι πονηροτέρους, εἰρήσεται γάρ, εἰ καί τισι δόξω νεώτερα καὶ βαρύτερα λέγειν τῆς ἡλικίας, οἵτινες οὔτε φράζειν οὐδὲν μέρος ἔχοντες τοῖς μαθηταῖς τῶν εἰρημένων ὑπ' ἐμοῦ, τοῖς τε λόγοις παραδείγμασι χρώμενοι τοῖς ἐμοῖς καὶ ζῶντες ἐντεῦθεν τοσούτου δέουσι χάριν ἔχειν τούτων, ὥστ' οὐδ' ἀμελεῖν ἡμῶν ἐθέλουσιν, ἀλλ' ἀεί τι φλαῦρον περὶ ἐμοῦ λέγουσιν;

[17] Ἕως μὲν οὗν τοὺς λόγους μου ἐλυμαίνοντο, παραναγιγνώσκοντες ὡς δυνατὸν κάκιστα τοῖς ἑαυτῶν καὶ διαιροῦντες οὐκ ὀρθῶς καὶ κατακνίζοντες καὶ πάντα τρόπον διαφθείροντες, οὐδὲν ἐφρόντιζον τῶν ἀπαγγελλομένων, ἀλλὰ ῥᾳθύμως εἶχον· μικρὸν δὲ πρὸ τῶν Παναθηναίων τῶν μεγάλων ἠχθέσθην δι' αὐτούς. [18] Ἀπαντήσαντες γάρ τινές μοι τῶν ἐπιτηδείων ἔλεγον ὡς ἐν τῷ Λυκείω συγκαθεζόμενοι τρεῖς ἢ τέτταρες τῶν ἀγελαίων σοφιστῶν καὶ πάντα φασκόντων εἰδέναι καὶ ταχέως πανταχοῦ γιγνομένων διαλέγοιντο περί τε τῶν ἄλλων ποιητῶν καὶ τῆς Ἡσιόδου καὶ τῆς Ὁμήρου ποιήσεως, οὐδὲν μὲν παρ' αὑτῶν λέγοντες, τὰ δ' ἐκείνων ῥαψῳδοῦντες καὶ τῶν πρότερον ἄλλοις τισὶν εἰρημένων τὰ χαριέστατα μνημονεύοντες· [19] ἀποδεξαμένων δὲ τῶν περιεστώτων τὴν διατριβὴν αὐτῶν ἕνα τὸν τολμηρότατον ἐπιχειρῆσαί με διαβάλλειν, λέγονθ' ὡς ἐγὼ πάντων καταφρονῶ τῶν τοιούτων, καὶ τάς τε φιλοσοφίας τὰς τῶν ἄλλων καὶ τὰς παιδεὶας ἁπάσας ἀναιρῶ, καί φημι πάντας ληρεῖν πλὴν τοὺς μετεσχηκότας τῆς ἐμῆς διατριβῆς· τούτων δὲ ῥηθέντων ἀηδῶς τινας τῶν παρόντων διατεθῆναι πρὸς ἡμᾶς. [20] Ὡς μὲν οὖν ἐλυπήθην καὶ συνεταράχθην ἀκούσας ἀποδέξασθαί τινας τοὺς λόγους τούτους, οὐκ ἂν δυναίμην εἰπεῖν· ᾤμην γὰρ οὕτως ἐπιφανὴς εἶναι τοῖς ἀλαζονευομένοις πολεμῶν καὶ περὶ ἐμαυτοῦ μετρίως διειλεγμένος, μᾶλλον δὲ ταπεινῶς, ὥστε μηδέν' ἄν ποτε γενέσθαι πιστὸν τῶν λεγόντων ὡς ἐγὼ τοιαύταις ἀλαζονείαις ἐχρησάμην. [21] Ἀλλὰ γὰρ οὐκ ἀλόγως ὠδυράμην ἐν ἀρχῇ τὴν ἀτυχίαν τὴν παρακολουθοῦσάν μοι πάντα τὸν χρόνον ἐν τοῖς τοιούτοις· αὕτη γάρ ἐστιν αἰτία καὶ τῆς ψευδολογίας τῆς περί με γιγνομένης καὶ τῶν διαβολῶν καὶ τοῦ φθόνου καὶ τοῦ μὴ δύνασθαί με τυχεῖν τῆς δόξης ἧς ἄξιός εἰμι, μηδὲ τῆς ὁμολογουμένης, μηδ' ἣν ἔχουσί τινες τῶν πεπλησιακότων μοι καὶ πανταχῇ τεθεωρηκότων ἡμᾶς. [22] Ταῦτα μὲν οὖν οὐχ οἷόν τ' ἄλλως ἔχειν, ἀλλ' ἀνάγκη στέργειν τοῖς ἤδη συμβεβηκόσι.

Πολλῶν δέ μοι λόγων ἐφεστώτων, ἀπορῶ πότερον ἀντικατηγορῶ τῶν εἰθισμένων ἀεί τι ψεύδεσθαι περί μου καὶ λέγειν ἀνεπιτήδειον τολμώντων· ἀλλ' εἰ φανείην σπουδάζων καὶ πολλοὺς λόγους ποιούμενος περὶ ἀνθρώπων οὓς οὐδεὶς ὑπείληφεν ἀξίους εἶναι λόγου, δικαίως ἂν μωρὸς εἶναι δοκοίην. [23] Ἀλλὰ τούτους ὑπεριδὼν ἀπολογῶμαι πρὸς τοὺς ἀδίκως μοι τῶν ἰδιωτῶν φθονοῦντας, καὶ πειρῶμαι διδάσκειν αὐτοὺς ὡς οὐ δικαίως οὐδὲ προσηκόντως περί μου ταύτην ἔχουσι τὴν γνώμην; Καὶ τίς οὐκ ἂν καταγνοίη μου πολλὴν ἄνοιαν, εἰ τοὺς μηδὲν δι' ἕτερον δυσκόλως πρός με διακειμένους ἢ διὰ τὸ δοκεῖν χαριέντως εἰρηκέναι περὶ τινων, τούτους οἰηθείην ὁμοίως διαλεχθεὶς ὥσπερ πρότερον παύσειν ἐπὶ τοῖς λεγομένοις λυπουμένους, ἀλλ' οὐ μᾶλλον ἀλγήσειν, ἄλλως τε κἂν φανῶ μηδὲ νῦν πω τηλικοῦτος ὢν πεπαυμένος παραληρῶν; [24] Ἀλλὰ μὴν οὐδ' ἐκεῖνο ποιεῖν οὐδεὶς ἄν μοι συμβουλεύσειεν, ἀμελήσαντι τούτων καὶ μεταξὺ καταβαλόντι περαίνειν τὸν λόγον, ὃν προῄρημαι βουλόμενος ἐπιδεῖξαι τὴν πόλιν ἡμῶν πλειόνων ἀγαθῶν αἰτίαν γεγενημένην τοῖς Ἕλλησιν ἢ τὴν Λακεδαιμονίων· εἰ γὰρ τοῦτ' ἤδη ποιοίην μήτε τέλος ἐπιθεὶς τοῖς γεγραμμένοις μήτε συγκλείσας τὴν ἀρχὴν τῶν ῥηθήσεσθαι μελλόντων τῇ τελευτῇ τῶν ἤδη προειρημένων, ὅμοιος ἂν εἶναι δόξαιμι τοῖς εἰκῇ καὶ φορτικῶς καὶ χύδην ὅ τι ἂν ἐπέλθῃ λέγουσιν· ἃ φυλακτέον ἡμῖν ἐστιν. [25] Κράτιστον οὖν ἐξ ἁπάντων τούτων, περὶ ὧν τὸ τελευταῖόν με διέβαλλον ἀποφηνάμενον ἃ δοκεῖ μοι, τότ' ἤδη λέγειν περὶ ὦν ἐξ ἀρχῆς διενοήθην· οἶμαι γάρ, ἢν ἐξενέγκω γράψας καὶ ποιήσω φανερὰν ἣν ἔχω γνώμην περὶ τε τῆς παιδείας καὶ τῶν ποιητῶν, παύσειν αὐτοὺς ψευδεῖς πλάττοντας αἰτίας καὶ λέγοντας ὅ τι ἂν τύχωσιν.

[26] Τῆς μὲν οὖν παιδείας τῆς ὑπὸ τῶν προγόνων καταλειφθείσης τοσούτου δέω καταφρονεῖν, ὥστε καὶ τὴν ἐφ' ἡμῶν κατασταθεῖσαν ἐπαινῶ, λέγω δὲ τήν τε γεωμετρίαν καὶ τὴν ἀστρολογίαν καὶ τοὺς διαλόγους τοὺς ἐριστικοὺς καλουμένους, οἷς οἱ μὲν νεώτεροι μᾶλλον χαίρουσι τοῦ δέοντος, τῶν δὲ πρεσβυτέρων οὐδεὶς ἔστιν ὅστις ἂν ἀνεκτοὺς αὐτοὺς εἶναι φήσειεν. [27] Ἀλλ' ὅμως ἐγὼ τοῖς ὡρμημένοις ἐπὶ ταῦτα παρακελεύομαι πονεῖν καὶ προσέχειν τὸν νοῦν ἅπασι τούτοις, λέγων ὡς εἰ καὶ μηδὲν ἄλλο δύναται τὰ μαθήματα ταῦτα ποιεῖν ἀγαθόν, ἀλλ' οὖν ἀποτρέπει γε τοὺς νεωτέρους πολλῶν ἄλλων ἁμαρτημάτων. Τοῖς μὲν οὖν τηλικούτοις οὐδέποτ' ἂν εὑρεθῆναι νομίζω διατριβὰς ὠφελιμωτέρας τούτων οὐδὲ μᾶλλον πρεπούσας· [28] τοῖς δὲ πρεσβυτέροις καὶ τοῖς εἰς ἄνδρας δεδοκιμασμένοις οὐκέτι φημὶ τὰς μελέτας ταύτας ἁρμόττειν. Ὁρῶ γὰρ ἐνίους τῶν ἐπὶ τοῖς μαθήμασι τούτοις οὕτως ἀπηκριβωμένων ὥστε καὶ τοὺς ἄλλους διδάσκειν, οὔτ' εὐκαίρως ταῖς ἐπιστήμαις αἷς ἔχουσι χρωμένους, ἔν τε ταῖς ἄλλαις πραγματείαις ταῖς περὶ τὸν βίον ἀφρονεστέρους ὄντας τῶν μαθητῶν· ὀκνῶ γὰρ εἰπεῖν τῶν οἰκετῶν. [29] Τὴν αὐτὴν δὲ γνώμην ἔχω καὶ περὶ τῶν δημηγορεῖν δυναμένων καὶ τῶν περὶ τὴν γραφὴν τὴν τῶν λόγων εὐδοκιμούντων, ὅλως δὲ περὶ ἁπάντων τῶν περὶ τὰς τέχνας καὶ τὰς ἐπιστήμας καὶ τὰς δυνάμεις διαφερόντων. Οἶδα γὰρ καὶ τούτων τοὺς πολλοὺς οὔτε τὰ περὶ σφᾶς αὐτοὺς καλῶς διῳκηκότας οὔτ' ἐν ταῖς ἰδίαις συνουσίαις ἀνεκτοὺς ὄντας, τῆς τε δόξης τῆς τῶν συμπολιτευομένων ὀλιγωροῦντας, ἄλλων τε πολλῶν καὶ μεγάλων ἁμαρτημάτων γέμοντας· ὥστ' οὐδὲ τούτους ἡγοῦμαι μετέχειν τῆς ἕξεως περὶ ἧς ἐγὼ τυγχάνω διαλεγόμενος.

[30] Τίνας οὖν καλῶ πεπαιδευμένους, ἐπειδὴ τὰς τέχνας καὶ τὰς ἐπιστήμας καὶ τὰς δυνάμεις ἀποδοκιμάζω; Πρῶτον μὲν τοὺς καλῶς χρωμένους τοῖς πράγμασι τοῖς κατὰ τὴν ἡμέραν ἑκάστην προσπίπτουσι, καὶ τὴν δόξαν ἐπιτυχῆ τῶν καιρῶν ἔχοντας καὶ δυναμένην ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ στοχάζεσθαι τοῦ συμφέροντος· [31] ἔπειτα τοὺς πρεπόντως καὶ δικαίως ὁμιλοῦντας τοῖς ἀεὶ πλησιάζουσι, καὶ τὰς μὲν τῶν ἄλλων ἀηδίας καὶ βαρύτητας εὐκόλως καὶ ῥᾳδίως φέροντας, σφᾶς δ' αὐτοὺς ὡς δυνατὸν ἐλαφροτάτους καὶ μετριωτάτους τοῖς συνοῦσι παρέχοντας· ἔτι τοὺς τῶν μὲν ἡδονῶν ἀεὶ κρατοῦντας, τῶν δὲ συμφορῶν μὴ λίαν ἡττωμένους, ἀλλ' ἀνδρωδῶς ἐν αὐταῖς διακειμένους καὶ τῆς φύσεως ἀξίως ἧς μετέχοντες τυγχάνομεν· τέταρτον, [32] ὅπερ μέγιστον, τοὺς μὴ διαφθειρομένους ὑπὸ τῶν εὐπραγιῶν μηδ' ἐξισταμένους αὑτῶν μηδ' ὑπερηφάνους γιγνομένους, ἀλλ' ἐμμένοντας τῇ τάξει τῇ τῶν εὖ φρονούντων, καὶ μὴ μᾶλλον χαίροντας τοῖς διὰ τύχην ὑπάρξασιν ἀγαθοῖς ἢ τοῖς διὰ τὴν αὑτῶν φύσιν καὶ φρόνησιν ἐξ ἀρχῆς γιγνομένοις. Τοὺς δὲ μὴ μόνον πρὸς ἓν τούτων ἀλλ' καὶ πρὸς ἅπαντα ταῦτα τὴν ἕξιν τῆς ψυχῆς εὐάρμοστον ἔχοντας, τούτους φημὶ καὶ φρονίμους εἶναι καὶ τελέους ἄνδρας καὶ πάσας ἔχειν τὰς ἀρετάς.

[33] Περὶ μὲν οὖν τῶν πεπαιδευμένων τυγχάνω ταῦτα γιγνώσκων. Περὶ δὲ τῆς Ὁμήρου καὶ τῆς Ἡσιόδου καὶ τῆς τῶν ἄλλων ποιήσεως ἐπιθυμῶ μὲν εἰπεῖν, οἶμαι γὰρ ἂν παῦσαι τοὺς ἐν τῷ Λυκείῳ ῥαψῳδοῦντας τἀκείνων καὶ ληροῦντας περὶ αὐτῶν, αἰσθάνομαι δ' ἐμαυτὸν ἔξω φερόμενον τῆς συμμετρίας τῆς συντεταγμένης τοῖς προοιμίοις. [34] Ἔστι δ' ἀνδρὸς νοῦν ἔχοντος μὴ τὴν εὐπορίαν ἀγαπᾶν, ἢν ἔχῃ τις περὶ τῶν αὐτῶν πλείω τῶν ἄλλων εἰπεῖν, ἀλλὰ τὴν εὐκαιρίαν διαφυλάττειν ὑπὲρ ὦν ἂν ἀεὶ τυγχάνῃ διαλεγόμενος· ὅπερ ἐμοὶ ποιητέον ἐστίν. Περὶ μὲν οὖν τῶν ποιητῶν αὖθις ἐροῦμεν, ἢ μή με προανέλῃ τὸ γῆρας, ἢ περὶ σπουδαιοτέρων πραγμάτων ἔχω τι λέγειν ἢ τούτων.

[35] Περὶ δὲ τῶν τῆς πόλεως εὐεργεσιῶν τῶν εἰς τοὺς Ἕλληνας ἤδη ποιήσομαι τοὺς λόγους, οὐχ ὡς οὐ πλείους ἐπαίνους πεποιημένος περὶ αὐτῆς ἢ σύμπαντες οἱ περὶ τὴν ποίησιν καὶ τοὺς λόγους ὄντες· οὐ μὴν ὁμοίως καὶ νῦν. Τότε μὲν γὰρ ἐν λόγοις περὶ ἑτέρων πραγμάτων ἐμεμνήμην αὐτῆς, νῦν δὲ περὶ ταύτης τὴν ὑπόθεσιν ποιησάμενος. [36] Οὐκ ἀγνοῶ δ' ἡλίκος ὢν ὅσον ἔργον ἐνίσταμαι τὸ μέγεθος, ἀλλ' ἀκριβῶς εἰδὼς καὶ πολλάκις εἰρηκὼς ὅτι τὰ μὲν μικρὰ τῶν πραγμάτων ῥᾴδιον τοῖς λόγοις αὐξῆσαι, τοῖς δ' ὑπερβάλλουσι τῶν ἔργων καὶ τῷ μεγέθει καὶ τῷ κάλλει χαλεπὸν ἐξισῶσαι τοὺς ἐπαίνους. [37] Ἀλλ' ὅμως οὐδὲν μᾶλλον ἀποστατέον αὐτῶν ἐστιν, ἀλλ' ἐπιτελεστέον, ἤν περ ἔτι ζῆν δυνηθῶμεν, ἄλλως τε καὶ πολλῶν με παροξυνόντων γράφειν αὐτόν, πρῶτον μὲν τῶν εἰθισμένων ἀσελγῶς κατηγορεῖν τῆς πόλεως ἡμῶν, ἔπειτα τῶν χαριέντως μὲν ἀπειροτέρως δὲ καὶ καταδεεστέρως ἐπαινούντων αὐτήν, [38] ἔτι δὲ τῶν ἑτέρων μᾶλλον εὐλογεῖν τολμώντων οὐκ ἀνθρωπίνως ἀλλ' οὕτως ὥστε πολλοὺς ἀντιτάττεσθαι πρὸς αὐτούς, πάντων δὲ μάλιστα τῆς ἡλικίας τῆς παρούσης, ἣ τοὺς ἄλλους πέφυκεν ἀποτρέπειν· ἐλπίξω γὰρ, ἢν μὲν κατορθώσω, μείζω λήψεσθαι δόξαν τῆς ὑπαρχούσης, ἢν δ' ἐνδεέστερον τύχω διαλεχθείς, πολλῆς συγγνώμης τεύξεσθαι παρὰ τῶν ἀκουόντων.

[39] Ἃ μὲν οὖ ἐβουλήθην καὶ περὶ ἐμαυτοῦ καὶ περὶ τῶν ἄλλων ὥπερ χορὸς πρὸ τοῦ ἀγῶνος προαναβαλέσθαι ταῦτ' ἐστίν. Ἡγοῦμαι δὲ χρῆναι τοὺς βουλομένους ἐγκωμιάσαι τινὰ τῶν πόλεων ἀκριβῶς καὶ δικαίως μὴ μόνον περὶ αὐτῆς ποιεῖσθαι τοὺς λόγους ἧς προῃρημένοι τυγχάνουσιν, ἀλλ' ὥσπερ τὴν πορφύραν καὶ τὸν χρυσὸν θεωροῦμεν καὶ δοκιμάζομεν ἕτερα παραδεικνύοντες τῶν καὶ τὴν ὄψιν ὁμοίαν ἐχόντων καὶ τῆς τιμῆς τῆς αὐτῆς ἀξιουμένων, [40] οὕτω καὶ ταῖς πόλεσι παριστάναι μὴ τὰς μικρὰς ταῖς μεγάλαις, μηδὲ τὰς πάντα τὸν χρόνον ὑφ' ἑτέραις οὔσας ταῖς ἄρχειν εἰθισμέναις, μηδὲ τὰς σώζεσθαι δεομένας πρὸς τὰς σώζειν δυναμένας, ἀλλὰ τὰς παραπλησίαν καὶ τὴν δύναμιν ἐχούσας καὶ περὶ τὰς αὐτὰς πράξεις γεγενημένας καὶ ταῖς ἐξουσίαις ὁμοίαις κεχρημένας· οὕτω γὰρ ἂν μάλιστα τῆς ἀληθείας τύχοιεν. [41] Ἢν δή τις ἡμᾶς τὸν τρόπον τοῦτον σκοπῆται καὶ παραβάλλῃ μὴ πρὸς τὴν τυχοῦσαν πόλιν ἀλλὰ πρὸς τὴν Σπαρτιατῶν, ἣν οἱ μὲν πολλοὶ μετρίως ἐπαινοῦσιν, ἔνιοι δέ τινες ὥσπερ τῶν ἡμιθέων ἐκεῖ πεπολιτευμένων μέμνηνται περὶ αὐτῶν, φανησόμεθα καὶ τῇ δυνάμει καὶ ταῖς πράξεσι καὶ ταῖς εὐεργεσίαις ταῖς περὶ τοὺς Ἕλληνας πλέον ἀπολελοιπότες αὐτοὺς ἢ 'κεῖνοι τοὺς ἄλλους.

[42] Τοὺς μὲν οὖν παλαιοὺς ἀγῶνας τοὺς ὑπὲρ τῶν Ἑλλήνων γεγενημένους ὕστερον ἐροῦμεν, νῦν δὲ ποιήσομαι περὶ ἐκείνων τοὺς λόγους ἀρξάμενος, ἐπειδὴ κατέσχον τὰς πόλεις τὰς Ἀχαιίδας καὶ πρὸς Ἀργείους καὶ Μεσσηνίους διείλοντο τὴν χώραν· ἐντεῦθεν γὰρ προσήκει διαλέγεσθαι περὶ αὐτῶν. Οἱ μὲν τοίνυν ἡμέτεροι πρόγονοι φανήσονται τήν τε πρὸς τοὺς Ἕλληνας ὁμόνοιαν καὶ τὴν πρὸς τοὺς βαρβάρους ἔχθραν, ἣν παρέλαβον ἐκ τῶν Τρωικῶν, διαφυλάττοντες καὶ μένοντες ἐν τοῖς αὐτοῖς.

[43] Καὶ πρῶτον μὲν τὰς Κυκλάδας νήσους, περὶ ἃς ἐγένοντο πολλαὶ πραγματεῖαι κατὰ τὴν Μίνω τοῦ Κρητὸς δυναστείαν, ταύτας τὸ τελευταῖον ὑπὸ Καρῶν κατεχομένας, ἐκβαλόντες ἐκείνους οὐκ ἐξιδιώσασθαι τὰς χώρας ἐτόλμησαν, ἀλλὰ τοὺς μάλιστα βίου τῶν Ἑλλήνων δεομένους κατῴκισαν εἰς αὐτάς· [44] καὶ μετὰ ταῦτα πολλὰς πόλεις ἐφ' ἑκατέρας τῶν ἠπείρων καὶ μεγάλας ἔκτισαν, καὶ τοὺς μὲν βαρβάρους ἀνέστειλαν ἀπὸ τῆς θαλάττης, τοὺς δ' Ἕλληνας ἐδίδαξαν ὃν τρόπον διοικοῦντες τὰς αὑτῶν πατρίδας καὶ πρὸς οὓς πολεμοῦντες μεγάλην ἂν τὴν Ἑλλάδα ποιήσειαν. [45] Λακεδαιμόνιοι δὲ περὶ τὸν αὐτὸν χρόνον τοσοῦτον ἀπέσχον τοῦ πράττειν τι τῶν αὐτῶν τοῖς ἡμετέροις καὶ τοῦ τοῖς μὲν βαρβάροις πολεμεῖν τοὺς δ' Ἕλληνας εὐεργετεῖν, ὥστ' οὐδ' ἡσυχίαν ἄγειν ἠθέλησαν, ἀλλ' ἔχοντες πόλιν ἀλλοτρίαν καὶ χώραν οὐ μόνον ἱκανήν, ἀλλ' ὅσην οὐδεμία πόλις τῶν Ἑλληνίδων, οὐκ ἔστερξαν ἐπὶ τούτοις, [46] ἀλλὰ μαθόντες ἐξ αὐτῶν τῶν συμβεβηκότων κατὰ μὲν τοὺς νόμους τάς τε πόλεις καὶ τὰς χώρας τούτων εἶναι δοκούσας, τῶν ὀρθῶς καὶ νομίμως κτησαμένων, κατὰ δὲ τὴν ἀλήθειαν τούτων γιγνομένας, τῶν τὰ περὶ τὸν πόλεμον μάλιστ' ἀσκούντων καὶ νικᾶν ἐν ταῖς μάχαις τοὺς πολεμίους δυναμένων, ταῦτα διανοηθέντες, ἀμελήσαντες γεωργιῶν καὶ τεχνῶν καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων, οὐδὲν ἐπαύοντο κατὰ μίαν ἑκάστην τῶν πόλεων τῶν ἐν Πελοποννήσῳ πολιορκοῦντες καὶ κακῶς ποιοῦντες, ἕως ἁπάσας κατεστρέψαντο πλὴν τῆς Ἀργείων. [47] Συνέβαινεν οὖν ἐξ ὧν μὲν ἡμεῖς ἐπράττομεν, αὐξάνεσθαί τε τὴν Ἑλλάδα καὶ τὴν Εὐρώπην κρείττω γίγνεσθαι τῆς Ἀσίας, καὶ πρὸς τούτοις τῶν μὲν Ἑλλήνων τοὺς ἀποροῦντας πόλεις λαμβάνειν καὶ χώρας, τῶν δὲ βαρβάρων τοὺς εἰθισμένους ὑβρίζειν ἐκπίπτειν ἐκ τῆς αὑτῶν καὶ φρονεῖν ἔλαττον ἢ πρότερον· ἐξ ὧν δὲ Σπαρτιᾶται, τὴν ἐκείνων μόνην μεγάλην γίγνεσθαι, καὶ πασῶν μὲν τῶν ἐν Πελοποννήσῳ πόλεων ἄρχειν, ταῖς δ' ἄλλαις φοβερὰν εἶναι καὶ πολλῆς θεραπείας τυγχάνειν παρ' αὐτῶν. [48] Ἐπαινεῖν μὲν οὖν δίκαιόν ἐστι τὴν τοῖς ἄλλοις πολλῶν ἀγαθῶν αἰτίαν γεγενημένην, δεινὴν δὲ νομίζειν τὴν αὑτῇ τὰ συμφέροντα διαπραττομένην, καὶ φίλους μὲν ποιεῖσθαι τοὺς ὁμοίως αὑτοῖς τε καὶ τοῖς ἄλλοις χρωμένους, φοβεῖσθαι δὲ καὶ δεδιέναι τοὺς πρὸς σφᾶς μὲν αὐτοὺς ὡς δυνατὸν οἰκειότατα διακειμένους, πρὸς δὲ τοὺς ἄλλους ἀλλοτρίως καὶ πολεμικῶς τὴν αὑτῶν διοικοῦντας. Τὴν μὲν οὖν ἀρχὴν ἑκατέρα τοῖν πολέοιν τοιαύτην ἐποιήσατο.

[49] Χρόνῳ δ' ὕστερον γενομένου τοῦ Περσικοῦ πολέμου, καὶ Ξέρξου τοῦ τότε βασιλεύοντος τριήρεις μὲν συναγαγόντος τριακοσίας καὶ χιλίας, τῆς δὲ πεζῆς στρατιᾶς πεντακοσίας μὲν μυριάδας τῶν ἁπάντων, ἑβδομήκοντα δὲ τῶν μαχίμων, τηλικαύτῃ δὲ δυνάμει στρατεύσαντος ἐπὶ τοὺς Ἕλληνας, [50] Σπαρτιᾶται μὲν ἄρχοντες Πελοποννησίων εἰς τὴν ναυμαχίαν τὴν ποιήσασαν ῥοπὴν ἅπαντος τοῦ πολέμου δέκα μόνον συνεβάλοντο τριήρεις, οἱ δὲ πατέρες ἡμῶν ἀνάστατοι γενόμενοι καὶ τὴν πόλιν ἐκλελοιπότες διὰ τὸ μὴ τετειχίσθαι κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον πλείους ναῦς παρέσχοντο καὶ μείζω δύναμιν ἐχούσας ἢ σύμπαντες οἱ συγκινδυνεύσαντες· καὶ στρατηγὸν οἱ μὲν Εὐρυβιάδην, [51] ὃς εἰ τέλος ἐπέθηκεν οἷς διενοήθη πράττειν, οὐδὲν ἂν ἐκώλυεν ἀπολωλέναι τοὺς Ἕλληνας, οἱ δ' ἡμέτεροι Θεμιστοκλέα τὸν ὁμολογουμένως ἅπασιν αἴτιον εἶναι δόξαντα καὶ τοῦ τὴν ναυμαχίαν γενέσθαι κατὰ τρόπον καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων τῶν ἐν ἐκείνῳ τῷ χρόνῳ κατορθωθέντων. [52] Τεκμήριον δὲ μέγιστον· ἀφελόμενοι γὰρ Λακεδαιμονίους τὴν ἡγεμονίαν οἱ συγκινδυνεύσαντες τοῖς ἡμετέροις παρέδοσαν. Καίτοι τίνας ἄν τις κριτὰς ἱκανωτέρους ποιήσαιτο καὶ πιστοτέρους τῶν τότε πραχθέντων ἢ τοὺς ἐν αὐτοῖς τοῖς ἀγῶσι παραγενομένους; Τίνα δ' ἄν τις εὐεργεσίαν εἰπεῖν ἔχοι ταύτης μείζω, τῆς ἅπασαν τὴν Ἑλλάδα σῶσαι δυνηθείσης;

[53] μετὰ ταῦτα τοίνυν συνέβη κυρίαν ἑκατέραν γενέσθαι τῆς ἀρχῆς τῆς κατὰ θάλατταν, ἣν ὁπότεροι ἂν κατάσχωσιν, ὑπηκόους ἔχουσι τὰς πλείστας τῶν πόλεων. Ὅλως μὲν οὖν οὐδετέραν ἐπαινῶ· πολλὰ γὰρ ἄν τις αὐταῖς ἐπιτιμήσειεν· οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ περὶ τὴν ἐπιμέλειαν ταύτην οὐκ ἔλαττον αὐτῶν διηνέγκαμεν ἢ περὶ τὰς πράξεις τὰς ὀλίγῳ πρότερον εἰρημένας. [54] Οἱ μὲν γὰρ ἡμέτεροι πατέρες ἔπειθον τοὺς συμμάχους ποιεῖσθαι πολιτείαν ταύτην, ἥνπερ αὐτοὶ διετέλουν ἀγαπῶντες· ὃ σημεῖόν ἐστιν εὐνοίας καὶ φιλίας, ὅταν τινὲς παραινῶσι τοῖς ἄλλοις χρῆσθαι τούτοις, ἅπερ ἂν σφίσιν αὐτοῖς συμφέρειν ὑπολάβωσιν· Λακεδαιμόνιοι δὲ κατέστησαν οὔθ' ὁμοίαν τῇ παρ' αὑτοῖς οὔτε ταῖς ἄλλοθί που γεγενημέναις, ἀλλὰ δέκα μόνους ἄνδρας κυρίους ἑκάστης τῆς πόλεως ἐποίησαν, ὧν ἐπιχειρήσας ἄν τις κατηγορεῖν τρεῖς ἢ τέτταρας ἡμέρας συνεχῶς οὐδὲν ἂν μέρος εἰρηκέναι δόξειε τῶν ἐκείνοις ἡμαρτημένων. [55] Καθ' ἕκαστον μὲν οὖν διεξιέναι περὶ τῶν τοιούτων καὶ τοσούτων τὸ πλῆθος ἀνόητόν ἐστιν· ὀλίγα δὲ καθ' ἁπάντων εἰπεῖν, ἃ τοῖς ἀκούσασιν ὀργὴν ἀξίαν ἐμποιήσειεν ἂν τῶν πεπραγμένων, νεώτερος μὲν ὢν ἴσως ἂν ἐξεῦρον, νῦν δ' οὐδὲν ἐπέρχεταί μοι τοιοῦτον, ἀλλ' ἅπερ ἅπασιν, ὅτι τοσοῦτον ἐκεῖνοι διήνεγκαν ἀνομίᾳ καὶ πλεονεξίᾳ τῶν προγεγενημένων, ὥστ' οὐ μόνον αὑτοὺς ἀπώλεσαν καὶ τοὺς φίλους καὶ τὰς πατρίδας τὰς αὑτῶν, ἀλλὰ καὶ Λακεδαιμονίους πρὸς τοὺς συμμάχους διαβαλόντες εἰς τοιαύτας καὶ τοσαύτας συμφορὰς ἐνέβαλον, ὅσας οὐδεὶς πώποτ' αὐτοῖς γενήσεσθαι προσεδόκησεν.

[56] Μάλιστα μὲν οὖν ἐντεῦθεν ἄν τις δυνηθείη κατιδεῖν ὅσῳ μετριώτερον καὶ πραότερον ἡμεῖς τῶν πραγμάτων ἐπεμελήθημεν, δεύτερον δ' ἐκ τοῦ ῥηθήσεσθαι μέλλοντος· Σπαρτιᾶται μὲν γὰρ ἔτη δέκα μόλις ἐπεστάτησαν αὐτῶν, ἡμεῖς δὲ πέντε καὶ ἑξήκοντα συνεχῶς κατέσχομεν τὴν ἀρχήν. Καίτοι πάντες ἴσασι τὰς πόλεις τὰς ὑφ' ἑτέροις γιγνομένας, ὅτι πλεῖστον χρόνον τούτοις παραμένουσιν ὑφ' ὧν ἂν ἐλάχιστα κακὰ πάσχουσαι τυγχάνωσιν. [57] Ἐκ τούτων τοίνυν ἀμφότεραι μισηθεῖσαι κατέστησαν εἰς πόλεμον καὶ ταραχήν, ἐν ᾗ τὴν μὲν ἡμετέραν εὕροι τις ἄν, ἁπάντων αὐτῇ καὶ τῶν Ἑλλήνων καὶ τῶν βαρβάρων ἐπιθεμένων, ἔτη δέκα τούτοις ἀντισχεῖν δυνηθεῖσαν, Λακεδαιμονίους δὲ κρατοῦντας ἔτι κατὰ γῆν, πρὸς Θηβαίους μόνους πολεμήσαντας καὶ μίαν μάχην ἡττηθέντας, ἁπάντων ἀποστερηθέντας ὧν εἶχον, καὶ παραπλησίαις ἀτυχίαις χρησαμένους καὶ συμφοραῖς αἷσπερ ἡμεῖς, [58] καὶ πρὸς τούτοις τὴν μὲν ἡμετέραν πόλιν ἐν ἐλάττοσιν ἔτεσιν ἀναλαβοῦσαν αὑτὴν ἢ κατεπολεμήθη, Σπαρτιάτας δὲ μετὰ τὴν ἧτταν μηδ' ἐν πολλαπλασίῳ χρόνῳ δυνηθέντας καταστῆσαι σφᾶς αὐτοὺς εἰς τὴν αὐτὴν ἕξιν ἐξ ἧς περ ἐξέπεσον, ἀλλ' ὁμοίως ἔτι καὶ νῦν ἔχοντας.

[59] Τὰ τοίνυν πρὸς τοὺς βαρβάρους ὡς ἑκάτεροι προσηνέχθημεν, δηλωτέον· ἔτι γὰρ τοῦτο λοιπόν ἐστιν. Ἐπὶ μὲν γὰρ τῆς ἡμετέρας δυναστείας οὐκ ἐξῆν αὐτοῖς οὔτ' ἐντὸς Ἅλυος πεζῷ στρατοπέδῳ καταβαίνειν οὔτε μακροῖς πλοίοις ἐπὶ τάδε πλεῖν Φασήλιδος· ἐπὶ δὲ τῆς Λακεδαιμονίων οὐ μόνον τοῦ πορεύεσθαι καὶ πλεῖν ὅποι βουληθεῖεν ἐξουσίαν ἔλαβον, ἀλλὰ καὶ δεσπόται πολλῶν Ἑλληνίδων πόλεων κατέστησαν.

[60] Τὴν δὴ καὶ τὰς συνθήκας τὰς πρὸς βασιλέα γενναιοτέρας καὶ μεγαλοφρονεστέρας ποιησαμένην, καὶ τῶν πλείστων καὶ μεγίστων τοῖς μὲν βαρβάροις κακῶν τοῖς δ' Ἕλλησιν ἀγαθῶν αἰτίαν γεγενημένην, ἔτι δὲ τῆς Ἀσίας τὴν παραλίαν καὶ πολλὴν ἄλλην χώραν τοὺς μὲν πολεμίους ἀφελομένην τοῖς δὲ συμμάχοις κτησαμένην, [61] καὶ τοὺς μὲν ὑβρίζοντας τοὺς δ' ἀποροῦντας παύσασαν, πρὸς δὲ τούτοις ὑπὲρ αὑτῆς τε πολεμήσασαν ἄμεινον τῆς εὐδοκιμούσης περὶ τὰ τοιαῦτα καὶ τὰς συμφορὰς θᾶττον διαλυσαμένην τῶν αὐτῶν τούτων, πῶς οὐ δίκαιον ἐπαινεῖν καὶ τιμᾶν μᾶλλον ἢ τὴν ἐν ἅπασι τούτοις ἀπολελειμμένην; Περὶ μὲν οὖν τῶν πραχθέντων παρ' ἄλληλα καὶ τῶν κινδύνων τῶν ἅμα καὶ πρὸς τοὺς αὐτοὺς γενομένων ἐν τῷ παρόντι ταῦτ' εἶχον εἰπεῖν.

[62] Οἶμαι δὲ τοὺς ἀηδῶς ἀκούοντας τῶν λόγων τούτων τοῖς μὲν εἰρημένοις οὐδὲν ἀντερεῖν ὡς οὐκ ἀληθέσιν οὖσιν, οὐδ' αὖ πράξεις ἑτέρας ἕξειν εἰπεῖν περὶ ἃς Λακεδαιμόνιοι γενόμενοι πολλῶν ἀγαθῶν αἴτιοι τοῖς Ἕλλησι κατέστησαν, κατηγορεῖν δὲ τῆς πόλεως ἡμῶν ἐπιχειρήσειν, [63] ὅπερ ἀεὶ ποιεῖν εἰώθασι, καὶ διεξιέναι τὰς δυσχερεστάτας τῶν πράξεων τῶν ἐπὶ τῆς ἀρχῆς τῆς κατὰ θάλατταν γεγενημένων, καὶ τάς τε δίκας καὶ τὰς κρίσεις τὰς ἐνθάδε γιγνομένας τοῖς συμμάχοις καὶ τὴν τῶν φόρων εἴσπραξιν διαβαλεῖν, καὶ μάλιστα διατρίψειν περὶ τὰ Μηλλον πάθη καὶ Σκιωναίων καὶ Τορωναίων, οἰομένους ταῖς κατηγορίαις ταύταις καταρρυπανεῖν τὰς τῆς πόλεως εὐεργεσίας τὰς ὀλίγῳ πρότερον εἰρημένας.

[64] Ἐγὼ δὲ πρὸς ἅπαντα μὲν τὰ δικαίως ἂν ῥηθέντα κατὰ τῆς πόλεως οὔτ' ἂν δυναίμην ἀντειπεῖν οὔτ' ἂν ἐπιχειρήσαιμι τοῦτο ποιεῖν· καὶ γὰρ ἂν αἰσχυνοίμην, ὅπερ εἶπον ἤδη καὶ πρότερον, εἰ τῶν ἄλλων μηδὲ τοὺς θεοὺς ἀναμαρτήτους εἶναι νομιζόντων ἐγὼ γλιχοίμην καὶ πειρῴμην πείθειν ὡς περὶ οὐδὲν πώποτε τὸ κοινὸν ἡμῶν πεπλημμέληκεν· [65] οὐ μὴν ἀλλ' ἐκεῖνό γ' οἴομαι ποιήσειν, τήν τε πόλιν τὴν Σπαρτιατῶν ἐπιδείξειν περὶ τὰς πράξεις τὰς προειρημένας πολὺ πικροτέραν καὶ χαλεπωτέραν τῆς ἡμετέρας γεγενημένην, τούς θ' ὑπὲρ ἐκείνων βλασφημοῦντας καθ' ἡμῶν ὡς δυνατὸν ἀφρονέστατα διακειμένους καὶ τοῦ κακῶς ἀκούειν ὑφ' ἡμῶν τοὺς φίλους αὐτῶν αἰτίους ὄντας·

[66] ἐπειδὰν γὰρ τὰ τοιαῦτα κατηγορῶσιν, οἷς ἔνοχοι Λακεδαιμόνιοι μᾶλλον τυγχάνουσιν ὄντες, οὐκ ἀποροῦμεν τοῦ περὶ ἡμῶν ῥηθέντος μεῖζον ἁμάρτημα κατ' ἐκείνων εἰπεῖν. Οἷον καὶ νῦν, ἢν μνησθῶσι τῶν ἀγώνων τῶν τοῖς συμμάχοις ἐνθάδε γιγνομένων, τίς ἐστιν οὕτως ἀφυής, ὅστις οὐχ εὑρήσει πρὸς τοῦτ' ἀντειπεῖν ὅτι πλείους Λακεδαιμόνιοι τῶν Ἑλλήνων ἀκρίτους ἀπεκτόνασι τῶν παρ' ἡμῖν, ἐξ οὗ τὴν πόλιν οἰκοῦμεν, εἰς ἀγῶνα καὶ κρίσιν καταστάντων;

[67] Τοιαῦτα δὲ καὶ περὶ τῆς εἰσπράξεως τῶν φόρων ἤν τι λέγωσιν, ἕξομεν εἰπεῖν· πολὺ γὰρ ἐπιδείξομεν συμφορώτερα πράξαντας τοὺς ἡμετέρους ἢ Λακεδαιμονίους ταῖς πόλεσι ταῖς τὸν φόρον ἐνεγκούσαις. Πρῶτον μὲν γὰρ οὐ προσταχθὲν ὑφ' ἡμῶν τοῦτ' ἐποίουν, ἀλλ' αὐτοὶ γνόντες, ὅτε περ τὴν ἡγεμονίαν ἡμῖν τὴν κατὰ θάλατταν ἔδοσαν· [68] ἔπειτ' οὐχ ὑπὲρ τῆς σωτηρίας τῆς ἡμετέρας ἔφερον, ἀλλ' ὑπὲρ τῆς δημοκρατίας καὶ τῆς ἐλευθερίας τῆς αὑτῶν καὶ τοῦ μὴ περιπεσεῖν ὀλιγαρχίας γενομένης τηλικούτοις κακοῖς τὸ μέγεθος, ἡλίκοις ἐπὶ τῶν δεκαδαρχιῶν καὶ τῆς δυναστείας τῆς Λακεδαιμονίῶν. Ἔτι δ' οὐκ ἐκ τούτων ἔφερον ἐξ ὧν αὐτοὶ διέσωσαν, ἀλλ' ἀφ' ὧν δι' ἡμᾶς εἶχον· ὑπὲρ ὧν, [69] εἰ καὶ μικρὸς λογισμὸς ἐνῆν αὐτοῖς, δικαίως ἂν χάριν εἶχον ἡμῖν. Παραλαβόντες γὰρ τὰς πόλεις αὐτῶν τὰς μὲν παντάπασιν ἀναστάτους γεγενημένας ὑπὸ τῶν βαρβάρων, τὰς δὲ πεπορθημένας, εἰς τοῦτο προηγάγομεν, ὥστε μικρὸν μέρος τῶν γιγνομένων ἡμῖν διδόντας μηδὲν ἐλάττους ἔχειν τοὺς οἴκους Πελοποννησίων τῶν οὐδένα φόρον ὑποτελούντων.

[70] Περὶ τοίνυν τῶν ἀναστάτων γεγενημένων ὑφ' ἑκατέρας τῶν πόλεων, ὃ μόνοις τινὲς ἡμῖν ὀνειδίζουσιν, ἐπιδείξομεν πολὺ δεινότερα πεποιηκότας οὓς ἐπαινοῦντες διατελοῦσιν. Ἡμῖν μὲν γὰρ συνέπεσε περὶ νησύδρια τοιαῦτα καὶ τηλικαῦτα τὸ μέγεθος ἐξαμαρτεῖν, ἃ πολλοὶ τῶν Ἑλλήνων οὐδ' ἴσασιν, ἐκεῖνοι δὲ τὰς μεγίστας πόλεις τῶν ἐν Πελοποννήσῳ καὶ τὰς πανταχῇ προεχούσας τῶν ἄλλων ἀναστάτους ποιήσαντες αὐτοὶ τἀκείνων ἔχουσιν, [71] ἃς ἄξιον ἦν, εἰ καὶ μηδὲν αὐταῖς πρότερον ὑπῆρχεν ἀγαθόν, τῆς μεγίστης δωρεᾶς παρὰ τῶν Ἑλλήνων τυχεῖν διὰ τὴν στρατείαν τὴν ἐπὶ Τροίαν, ἐν ᾗ σφᾶς τε αὐτὰς παρέσχον πρωτευούσας καὶ τοὺς ἡγεμόνας ἀρετὰς ἔχοντας οὐ μόνον τὰς τοιαύτας ὧν πολλοὶ καὶ τῶν φαύλων κοινωνοῦσιν, ἀλλὰ κἀκείνας ὧν οὐδεὶς ἂν πονηρὸς ὢν δυνηθείη μετασχεῖν. [72] Μεσσήνη μὲν γὰρ Νέστορα παρέσχε τὸν φρονιμώτατον ἁπάντων τῶν κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον γενομένων, Λακεδαίμων δὲ Μενέλαον τὸν διὰ σωφροσύνην καὶ δικαιοσύνην μόνον ἀξιωθέντα Διὸς γενέσθαι κηδεστήν, ἡ δ' Ἀργείων πόλις Ἀγαμέμνονα τὸν οὐ μίαν οὐδὲ δύο σχόντα μόνον ἀρετάς, ἀλλὰ πάσας ὅσας ἂν ἔχοι τις εἰπεῖν, [73] καὶ ταύτας οὐ μετρίως ἀλλ' ὑπερβαλλόντως· οὐδένα γὰρ εὑρήσομεν τῶν ἁπάντων οὔτ' ἰδιωτέρας πράξεις μεταχειρισάμενον οὔτε καλλίους οὔτε μείζους οὔτε τοῖς Ἕλλησιν ὠφελιμωτέρας οὔτε πλειόνων ἐπαίνων ἀξίας. Καὶ τούτοις οὕτω μὲν ἀπηριθμημένοις εἰκότως ἄν τινες ἀπιστήσειαν, μικρῶν δὲ περὶ ἑκάστου ῥηθέντων ἅπαντες ἂν ἀληθῆ με λέγειν ὁμολογήσειαν.

[74] Οὐ δύναμαι δὲ κατιδεῖν, ἀλλ' ἀπορῶ ποίοις ἂν λόγοις μετὰ ταῦτα χρησάμενος ὀρθῶς εἴην βεβουλευμένος. Αἰσχύνομαι μὲν γάρ, εἰ τοσαῦτα περὶ τῆς Ἀγαμέμνονος ἀρετῆς προειρηκὼς μηδενὸς μνησθήσομαι τῶν ὑπ' ἐκείνου πεπραγμένων, ἀλλὰ δόξω τοῖς ἀκούουσιν ὅμοιος εἶναι τοῖς ἀλαζονευομένοις καὶ λέγουσιν ὅ τι ἂν τύχωσιν· ὁρῶ δὲ τὰς πράξεις τὰς ἔξω λεγομένας τῶν ὑποθέσεων οὐκ ἐπαινουμένας ἀλλὰ ταραχώδεις εἶναι δοκούσας, καὶ πολλοὺς μὲν ὄντας τοὺς κακῶς χρωμένους αὐταῖς, [75] πολὺ δὲ πλείους τοὺς ἐπιτιμῶντας. Διὸ δέδοικα μὴ καὶ περὶ ἐμὲ συμβῇ τι τοιοῦτον. Οὐ μὴν ἀλλ' αἱροῦμαι βοηθῆσαι τῷ ταὐτὸν ἐμοί τε καὶ πολλοῖς πεπονθότι, καὶ διημαρτηκότι τῆς δόξης ἧς προσῆκε τυχεῖν αὐτόν, καὶ μεγίστων μὲν ἀγαθῶν αἰτίῳ γεγενημένῳ περὶ ἐκεῖνον τὸν χρόνον, ἧττον δ' ἐπαινουμένῳ τῶν οὐδὲν ἄξιον λόγου διαπεπραγμένων.

[76] Τί γὰρ ἐκεῖνος ἐνέλιπεν, ὃς τηλικαύτην μὲν ἔσχε τιμήν, ἧς εἰ πάντες συνελθόντες μείζω ζητοῖεν, οὐδέποτ' ἂν εὑρεῖν δυνηθεῖεν; Μόνος γὰρ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος ἠξιώθη γενέσθαι στρατηγός. Ὁπότερον δέ, εἴθ' ὑπὸ πάντων αἱρεθεὶς εἴτ' αὐτὸς κτησάμενος, οὐκ ἔχω λέγειν. Ὁποτέρως δ' οὖν συμβέβηκεν, οὐδεμίαν ὑπερβολὴν λέλοιπε τῆς περὶ αὑτὸν δόξης τοῖς ἄλλως πως τιμηθεῖσιν. [77] Ταύτην δὲ λαβὼν τὴν δύναμιν οὐκ ἔστιν ἥν τινα τῶν Ἑλληνίδων πόλεων ἐλύπησεν, ἀλλ' οὕτως ἦν πόρρω τοῦ περί τινας ἐξαμαρτεῖν, ὥστε παραλαβὼν τοὺς Ἕλληνας ἐν πολέμῳ καὶ ταραχαῖς καὶ πολλοῖς κακοῖς ὄντας τούτων μὲν αὐτοὺς ἀπήλλαξεν, εἰς ὁμόνοιαν δὲ καταστήσας τὰ μὲν περιττὰ τῶν ἔργων καὶ τερατώδη καὶ μηδὲν ὠφελοῦντα τοὺς ἄλλους ὑπερεῖδε, στρατόπεδον δὲ συστήσας ἐπὶ τοὺς βαρβάρους ἤγαγεν. [78] Τούτου δὲ κάλλιον στρατήγημα καὶ τοῖς Ἕλλησιν ὠφελιμώτερον οὐδεὶς φανήσεται πράξας οὔτε τῶν κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον εὐδοκιμησάντων οὔτε τῶν ὕστερον ἐπιγενομένων. Ἃ 'κεῖνος πράξας καὶ τοῖς ἄλλοις ὑποδείξας οὐχ οὕτως εὐδοκίμησεν, ὡς προσῆκεν αὐτόν, διὰ τοὺς μᾶλλον ἀγαπῶντας τὰς θαυματοποιίας τῶν εὐεργεσιῶν καὶ τὰς ψευδολογίας τῆς ἀληθείας, ἀλλὰ τοιοῦτος γενόμενος ἐλάττω δόξαν ἔχει τῶν οὐδὲ μιμήσασθαι τολμησάντων αὐτόν.

[79] Οὐ μόνον δ' ἐπὶ τούτοις ἄν τις ἐπαινέσειεν αὐτόν, ἀλλὰ καὶ ἐφ' οἷς περὶ τὸν αὐτὸν χρόνον ἔπραξεν. Εἰς τοῦτο γὰρ μεγαλοφροσύνης ἦλθεν, ὥστ' οὐκ ἀπέχρησεν αὐτῷ λαβεῖν στρατιώτας τῶν ἰδιωτῶν ὁπόσους ἐξ ἑκάστης ἐβουλήθη τῆς πόλεως, ἀλλὰ τοὺς βασιλεῖς τοὺς ποιοῦντας ἐν ταῖς αὑτῶν ὅ τι βουληθεῖεν καὶ τοῖς ἄλλοις προστάττοντας, τούτους ἔπεισεν ὑφ' αὑτῷ γενέσθαι, καὶ συνακολουθεῖν ἐφ' οὓς ἂν ἡγῆται, καὶ ποιεῖν τὸ προσταττόμενον, καὶ βασιλικὸν βίον ἀφέντας στρατιωτικῶς ζῆν, [80] ἔτι δὲ κινδυνεύειν καὶ πολεμεῖν οὐχ ὑπὲρ τῆς σφετέρας αὐτῶν πατρίδος καὶ βασιλείας, ἀλλὰ λόγῳ μὲν ὑπὲρ Ἑλένης τῆς Μενελάου γυναικός, ἔργῳ δ' ὑπὲρ τοῦ μὴ τὴν Ἑλλάδα πάσχειν ὑπὸ τῶν βαρβάρων μήτε τοιαῦτα μήθ' οἷα πρότερον αὐτῇ συνέπεσε περὶ τὴν Πέλοπος μὲν ἁπάσης Πελοποννήσου κατάληψιν, Δαναοῦ δὲ τῆς πόλεως τῆς Ἀργείων, Κάδμου δὲ Θηβῶν· ὧν τίς ἄλλος φανήσεται προνοηθείς, ἢ τίς ἐμποδὼν καταστὰς τοῦ μηδὲν ἔτι γενέσθαι τοιοῦτον, πλὴν τῆς ἐκείνου φύσεως καὶ δυνάμεως;

[81] Τὸ τοίνυν ἐχόμενον, ὃ τῶν μὲν προειρημένων ἔλαττόν ἐστι, τῶν δὲ πολλάκις ἐγκεκωμιασμένων μεῖζον καὶ λόγου μᾶλλον ἄξιον· στρατόπεδον γὰρ συνεληλυθὸς ἐξ ἁπασῶν τῶν πόλεων, τοσοῦτον τὸ πλῆθος ὅσον εἰκός, ὃ πολλοὺς εἶχεν ἐν αὑτῷ τοὺς μὲν ἀπὸ θεῶν τοὺς δ' ἐξ αὐτῶν τῶν θεῶν γεγονότας, οὐκ ὁμοίως διακειμένους τοῖς πολλοῖς οὐδ' ἴσον φρονοῦντας τοῖς ἄλλοις, ἀλλ' ὀργῆς καὶ θυμοῦ καὶ φθόνου καὶ φιλοτιμίας μεστούς, [82] ἀλλ' ὅμως τὸ τοιοῦτον ἔτη δέκα κατέσχεν οὐ μισθοφοραῖς μεγάλαις οὐδὲ χρημάτων δαπάναις, αἷς νῦν ἅπαντες δυναστεύουσιν, ἀλλὰ τῷ καὶ τῇ φρονήσει διαφέρειν καὶ δύνασθαι τροφὴν ἐκ τῶν πολεμίων τοῖς στρατιώταις πορίζειν, καὶ μάλιστα τῷ δοκεῖν ἐκεῖνον ἄμεινον ὑπὲρ τῆς τῶν ἄλλων βουλεύεσθαι σωτηρίας ἢ τοὺς ἄλλους περὶ σφῶν αὐτῶν. [83] Τὸ τοίνυν τέλος, ὃ πᾶσι τούτοις ἐπέθηκεν, οὐδενὸς ἧττον προσήκει θαυμάζειν· οὐ γὰρ ἀπρεπὲς οὐδ' ἀνάξιον τῶν προειρημένων φανήσεται ποιησάμενος, ἀλλὰ λόγῳ μὲν πρὸς μίαν πόλιν πολεμήσας, ἔργῳ δ' οὐ μόνον πρὸς ἅπαντας τοὺς τὴν Ἀσίαν κατοικοῦντας ἀλλὰ καὶ πρὸς ἄλλα γένη πολλὰ τῶν βαρβάρων κινδυνεύων οὐκ ἀπεῖπεν οὐδ' ἀπῆλθε, πρὶν τήν τε πόλιν τοῦ τολμήσαντος ἐξαμαρτεῖν ἐξηνδραποδίσατο καὶ τοὺς βαρβάρους ἔπαυσεν ὑβρίζοντας.

[84] Οὐκ ἀγνοῶ δὲ τὸ πλῆθος τῶν εἰρημένων περὶ τῆς Ἀγαμέμνονος ἀρετῆς, οὐδ' ὅτι τούτων καθ' ἓν μὲν ἕκαστον εἴ τινες σκοποῖντο τί ἂν ἀποδοκιμάσαιεν, οὐδεὶς ἂν οὐδὲν αὐτῶν ἀφελεῖν τολμήσειεν, ἐφεξῆς δὲ ἀναγιγνωσκομένων ἅπαντες ἂν ἐπιτιμήσαιεν ὡς πολὺ πλείοσιν εἰρημένοις τοῦ δέοντος.

Ἐγὼ δ' εἰ μὲν ἔλαθον ἐμαυτὸν πλεονάζων, [85] ᾐσχυνόμην ἄν, εἰ γράφειν ἐπιχειρῶν περὶ ὧν μηδεὶς ἂν ἄλλος ἐτόλμησεν, οὕτως ἀναισθήτως διεκείμην· νῦν δ' ἀκριβέστερον ᾔδειν τῶν ἐπιπλήττειν μοι τολμησόντων, ὅτι πολλοὶ τούτοις ἐπιτιμήσουσιν· ἀλλὰ γὰρ ἡγησάμην οὐχ οὕτως ἔσεσθαι δεινόν, ἢν ἐπὶ τοῦ μέρους τούτου δόξω τισὶ τῶν καιρῶν ἀμελεῖν, ὡς ἢν περὶ ἀνδρὸς τοιούτου διαλεγόμενος παραλίπω τι τῶν ἐκείνῳ τε προσόντων ἀγαθῶν κἀμοὶ προσηκόντων εἰπεῖν. [86] ᾬμην δὲ καὶ παρὰ τοῖς χαριεστάτοις τῶν ἀκροατῶν εὐδοκιμήσειν, ἢν φαίνωμαι περὶ ἀρετῆς μὲν τοὺς λόγους ποιούμενος, ὅπως δὲ ταύτης ἀξίως ἐρῶ μᾶλλον σπουδάζων ἢ περὶ τὴν τοῦ λόγου συμμετρίαν, καὶ ταῦτα σαφῶς εἰδὼς τὴν μὲν περὶ τὸν λόγον ἀκαιρίαν ἀδοξότερον ἐμὲ ποιήσουσαν, τὴν δὲ περὶ τὰς πράξεις εὐβουλίαν αὐτοὺς τοὺς ἐπαινουμένους ὠφελήσουσαν· ἀλλ' ὅμως ἐγὼ τὸ λυσιτελὲς ἐάσας τὸ δίκαιον εἱλόμην. [87] Οὐ μόνον δ' ἂν εὑρεθείην ἐπὶ τοῖς νῦν λεγομένοις ταύτην ἔχων τὴν διάνοιαν, ἀλλ' ὁμοίως ἐπὶ πάντων, ἐπεὶ καὶ τῶν πεπλησιακότων μοι φανείην ἂν μᾶλλον χαίρων τοῖς ἐπὶ τῷ βίω καὶ ταῖς πράξεσιν εὐδοκιμοῦσιν ἢ τοῖς περὶ τοὺς λόγους δεινοῖς εἶναι δοκοῦσιν. Καίτοι τῶν μὲν εὖ ῥηθέντων, εἰ καὶ μηδὲν συμβαλοίμην, ἅπαντες ἂν ἐμοὶ τὴν αἰτίαν ἀναθεῖεν, τῶν δ' ὀρθῶς πραττομένων εἰ καὶ πάντες εἰδεῖέν με σύμβουλον γεγενημένον, οὐδεὶς ὅστις οὐκ ἂν αὐτὸν τὸν μεταχειριζόμενον τὰς πράξεις ἐπαινέσειεν.

[88] Ἀλλὰ γὰρ οὐκ οἶδ' ὅποι τυγχάνω φερόμενος· ἀεὶ γὰρ οἰόμενος δεῖν προστιθέναι τὸ τῶν προειρημένων ἐχόμενον, παντάπασι πόρρω γέγονα τῆς ὑποθέσεως. Λοιπὸν οὖν ἐστιν οὐδὲν ἄλλο, πλὴν αἰτησάμενον τῷ γήρᾳ συγγνώμην ὑπὲρ τῆς λήθης καὶ τῆς μακρολογίας, τῶν εἰθισμένων παραγίγνεσθαι τοῖς τηλικούτοις, ἐπανελθεῖν εἰς τὸν τόπον ἐκεῖνον ἐξ οὗπερ εἰσέπεσον εἰς τὴν περιττολογίαν ταύτην.

[89] Οἶμαι δ' ἤδη καθορᾶν ὅθεν ἐπλανήθην· τοῖς γὰρ ὀνειδίζουσιν ἡμῶν τῇ πόλει τὰς Μηλίων καὶ τὰς τῶν τοιούτων πολιχνίων συμφορὰς ἀντέλεγον, οὐχ ὡς οὐχ ἡμαρτημένων τούτων, ἀλλ' ἐπιδεικνύων τοὺς ἀγαπωμένους ὑπ' αὐτῶν πολὺ πλείους πόλεις καὶ μείζους ἡμῶν ἀναστάτους πεποιηκότας, ἐν οἷς καὶ περὶ τῆς ἀρετῆς τῆς Ἀγαμέμνονος καὶ Μενελάου καὶ Νέστορος διελέχθην, ψεῦδος μὲν οὐδὲν λέγων, πλείω δ' ἴσως τῶν μετρίων. [90] Τοῦτο δ' ἐποίουν ὑπολαβὼν οὐδενὸς ἔλαττον ἁμάρτημα τοῦτο δόξειν εἶναι τῶν τολμησάντων ἀναστάτους ποιῆσαι τὰς πόλεις τὰς γεννησάσας καὶ θρεψάσας τοιούτους ἄνδρας, περὶ ὧν καὶ νῦν ἔχοι τις ἂν πολλοῖς καὶ καλοῖς χρήσασθαι λόγοις. Ἀλλὰ γὰρ ἴσως ἀνόητόν ἐστι περὶ μίαν πρᾶξιν διατρίβειν, ὥσπερ ἀπορίας οὔσης τί ἂν ἔχοι τις εἰπεῖν περὶ τῆς ὠμότητος καὶ χαλεπότητος τῆς Λακεδαιμονίων, ἀλλ' οὐ πολλῆς ἀφθονίας ὑπαρχούσης.

[91] Οἷς οὐκ ἐξήρκεσε περὶ τὰς πόλεις ταύτας καὶ τοὺς ἄνδρας τοὺς τοιούτους ἐξαμαρτεῖν, ἀλλὰ καὶ περὶ τοὺς ἐκ τῶν αὐτῶν ὁρμηθέντας καὶ κοινὴν τὴν στρατείαν ποιησαμένους καὶ τῶν αὐτῶν κινδύνων μετασχόντας, λέγω δὲ περὶ Ἀργείων καὶ Μεσσηνίων. Καὶ γὰρ τούτους ἐπεθύμησαν ταῖς αὐταῖς συμφοραῖς περιβαλεῖν αἷσπερ ἐκείνους· καὶ Μεσσηνίους μὲν πολιορκοῦντες οὐ πρότερον ἐπαύσαντο, πρὶν ἐξέβαλον ἐκ τῆς χώρας, Ἀργείοις δ' ὑπὲρ τῶν αὐτῶν τούτων ἔτι καὶ νῦν πολεμοῦσιν. Ἃ τοίνυν περὶ Πλαταιᾶς ἔπραξαν, [92] ἄτοπος ἂν εἴην, εἰ ταῦτ' εἰρηκὼς ἐκείνων μὴ μνησθείην· ὧν ἐν τῇ χώρᾳ στρατοπεδευσάμενοι μεθ' ἡμῶν καὶ τῶν ἄλλων συμμάχων, καὶ παραταξάμενοι τοῖς πολεμίοις, καὶ θυσάμενοι τοῖς θεοῖς τοῖς ὑπ' ἐκείνων ἱδρυμένοις, [93] οὐ μόνον ἠλευθερώσαμεν τῶν Ἑλλήνων τοὺς μεθ' ἡμῶν ὄντας ἀλλὰ καὶ τοὺς ἀναγκασθέντας γενέσθαι μετ' ἐκείνων, καὶ ταῦτ' ἐπράξαμεν Πλαταιέας λαβόντες μόνους Βοιωτῶν συναγωνιστάς· οὓς οὐ πολὺν χρόνον διαλιπόντες Λακεδαιμόνιοι, χαριζόμενοι Θηβαίοις, ἐκπολιορκήσαντες ἅπαντας ἀπέκτειναν πλὴν τῶν ἀποδρᾶναι δυνηθέντων. Περὶ οὓς ἡ πόλις ἡμῶν οὐδὲν ὁμοία γέγονεν ἐκείνοις· [94] οἱ μὲν γὰρ περὶ τε τοὺς εὐεργέτας τῆς Ἑλλάδος καὶ τοὺς συγγενεῖς τοὺς αὑτῶν τὰ τοιαῦτ' ἐξαμαρτάνειν ἐτόλμησαν, οἱ δ' ἡμέτεροι Μεσσηνίων μὲν τοὺς διασωθέντας εἰς Ναύπακτον κατῴκισαν, Πλαταιέων δὲ τοὺς περιγενομένους πολίτας ἐποιήσαντο καὶ τῶν ὑπαρχόντων αὐτοῖς ἁπάντων μετέδοσαν. Ὥστ' εἰ μηδὲν εἴχομεν ἄλλο περὶ τοῖν πολέοιν εἰπεῖν, ἐκ τούτων ῥᾴδιον εἶναι καταμαθεῖν τὸν τρόπον ἑκατέρας αὐτῶν, καὶ ποτέρα πλείους πόλεις καὶ μείζους ἀναστάτους πεποίηκεν.

[95] Αἰσθάνομαι δὲ πάθος μοι συμβαῖνον ἐναντίον τοῖς ὀλίγῳ πρότερον εἰρημένοις· τότε μὲν γὰρ εἰς ἄγνοιαν καὶ πλάνον καὶ λήθην ἐνέπεσον, νῦν δ' οἶδα σαφῶς ἐμαυτὸν οὐκ ἐμμένοντα τῇ πραότητι τῇ περὶ τὸν λόγον, ἣν εἶχον ὅτ' ἠρχόμην γράφειν αὐτόν, ἀλλὰ λέγειν τ' ἐπιχειροῦντα περὶ ὧν οὐκ ᾤμην ἐρεῖν, θρασύτερόν τε διακείμενον ἢ κατ' ἐμαυτόν, ἀκρατῆ τε γιγνόμενον ἐνίων ὧν λέγω διὰ τὸ πλῆθος τῶν εἰπεῖν ἐπιρρεόντων. [96] Ἐπειδή περ οὖν ἐπελήλυθέ μοι τὸ παρρησιάζεσθαι, καὶ λέλυκα τὸ στόμα, καὶ τοιαύτην τὴν ὑπόθεσιν ἐποιησάμην ὥστε μήτε καλὸν εἶναί μοι μήτε δυνατὸν παραλιπεῖν τὰς τοιαύτας πράξεις, ἐξ ὧν οἷόν τ' ἐστὶν ἐπιδεικνύναι πλέονος ἀξίαν τὴν πόλιν ἡμῶν γεγενημένην περὶ τοὺς Ἕλληνας τῆς Λακεδαιμονίων, οὐ κατασιωπητέον οὐδὲ περὶ τῶν ἄλλων κακῶν τῶν οὔπω μὲν εἰρημένων ἐν δὲ τοῖς Ἕλλησι γεγενημένων, ἀλλ' ἐπιδεικτέον τοὺς μὲν ἡμετέρους ὀψιμαθεῖς αὐτῶν γεγενημένους, Λακεδαιμονίους δὲ τὰ μὲν πρώτους τὰ δὲ μόνους ἐξαμαρτόντας.

[97] Πλεῖστοι μὲν οὖν κατηγοροῦσιν ἀμφοῖν τοῖν πολέοιν, ὅτι προσποιούμεναι κινδυνεῦσαι πρὸς τοὺς βαρβάρους ὑπὲρ τῶν Ἑλλήνων οὐκ εἴασαν τὰς πόλεις αὐτονόμους εἶναι καὶ διοικῆσαι τὰ σφέτερ' αὐτῶν ὅπως ἑκάστῃ συνέφερεν, ἀλλ' ὥσπερ αἰχμαλώτους εἰληφυῖαι διελόμεναι κατεδουλώσαντο πάσας αὐτάς, καὶ παραπλήσιον ἐποίησαν τοῖς παρὰ μὲν τῶν ἄλλων τοὺς οἰκέτας εἰς ἐλευθερίαν ἀφαιρουμένοις, σφίσι δ' αὐτοῖς δουλεύειν ἀναγκάζουσιν.

[98] Τοῦ δὲ λέγεσθαι ταῦτα καὶ πολὺ πλείω καὶ πικρότερα τούτων οὐχ ἡμεῖς αἴτιοι γεγόναμεν, ἀλλ' οἱ νῦν μὲν ἐν τοῖς λεγομένοις ἡμῖν ἀντιτεταγμένοι, τὸν δ' ἄλλον χρόνον ἐν τοῖς πραττομένοις ἅπασιν. Τοὺς μὲν γὰρ ἡμετέρους προγόνους οὐδεὶς ἂν ἐπιδείξειεν ἐν τοῖς ἐπέκεινα χρόνοις τοῖς ἀναριθμήτοις οὐδεμιᾶς πόλεως οὔτε μείζονος οὔτ' ἐλάττονος ἄρχειν ἐπιχειρήσαντας· Λακεδαιμονίους δὲ πάντες ἴσασιν, ἀφ' οὗ περ εἰς Πελοπόννησον εἰσῆλθον, οὐδὲν ἄλλο πράττοντας οὐδὲ βουλευομένους πλὴν ὅπως μάλιστα μὲν ἁπάντων ἄρξουσιν, εἰ δὲ μή, Πελοποννησίων. [99] Ἀλλὰ μὴν καὶ τὰς στάσεις καὶ τὰς σφαγὰς καὶ τὰς τῶν πολιτειῶν μεταβολάς, ἃς ἀμφοτέροις τινὲς ἡμῖν ἐπιφέρουσιν, ἐκεῖνοι μὲν ἂν φανεῖεν ἁπάσας τὰς πόλεις πλὴν ὀλίγων μεστὰς πεποιηκότες τῶν τοιούτων συμφορῶν καὶ νοσημάτων, τὴν δ' ἡμετέραν πόλιν οὐδεὶς ἂν οὐδ' εἰπεῖν τολμήσειε πρὸ τῆς ἀτυχίας τῆς ἐν Ἑλλησπόντῳ γενομένης ὡς τοιοῦτον ἐν τοῖς συμμάχοις τι διαπραξαμένην. [100] Ἄλλ' ἐπειδὴ Λακεδαιμόνιοι κύριοι καταστάντες τῶν Ἑλλήνων πάλιν ἐξέπιπτον ἐκ τῶν πραγμάτων, ἐν τούτοις τοῖς καιροῖς στασιαζουσῶν τῶν ἄλλων, πόλεων δύ' ἢ τρεῖς τῶν στρατηγῶν τῶν ἡμετέρων, οὐ γὰρ ἀποκρύψομαι τἀληθές, ἐξήμαρτον περί τινας αὐτῶν ἐλπίζοντες, ἢν μιμήσωνται τὰς Σπαρτιατῶν πράξεις, μᾶλλον αὐτὰς δυνήσεσθαι κατασχεῖν. [101] Ὥστε δικαίως ἂν ἐκείνοις μὲν ἅπαντες ἐγκαλέσειαν ὡς ἀρχηγοῖς γεγενημένοις καὶ διδασκάλοις τῶν τοιούτων ἔργων, τοῖς δ' ἡμετέροις, ὥσπερ τῶν μαθητῶν τοῖς ὑπὸ τῶν ὑπισχνουμένων ἐξηπατημένοις καὶ διημαρτηκόσι τῶν ἐπίδων, εἰκότως ἂν συγγνώμην ἔχοιεν.

[102] Τὸ τοίνυν τελευταῖον, ὃ μόνοι καὶ καθ' αὑτοὺς ἔπραξαν, τίς οὐκ οἶδεν ὅτι κοινῆς ἡμῖν τῆς ἔχθρας ὑπαρχούσης, τῆς πρὸς τοὺς βαρβάρους καὶ τοὺς βασιλέας αὐτῶν, ἡμεῖς μὲν ἐν πολέμοις πολλοῖς γιγνόμενοι καὶ μεγάλαις συμφοραῖς ἐνίοτε περιπίπτοντες καὶ τῆς χώρας ἡμῶν θαμὰ πορθουμένης καὶ τεμνομένης οὐδεπώποτ' ἐβλέψαμεν πρὸς τὴν ἐκείνων φιλίαν καὶ συμμαχίαν, ἀλλ' ὑπὲρ ὧν τοῖς Ἕλλησιν ἐπεβούλευσαν μισοῦντες αὐτοὺς διετελέσαμεν μᾶλλον ἢ τοὺς ἐν τῷ παρόντι κακῶς ἡμᾶς ποιοῦντας· [103] Λακεδαιμόνιοι δ' οὔτε πάσχοντες κακὸν οὐδὲν οὔτε μέλλοντες οὔτε δεδιότες εἰς τοῦτ' ἀπληστίας ἦλθον, ὥστ' οὐκ ἐξήρκεσεν αὐτοῖς ἔχειν τὴν κατὰ γῆν ἀρχήν, ἀλλὰ καὶ τὴν κατὰ θάλατταν δύναμιν οὕτως ἐπεθύμησαν λαβεῖν, ὥστε κατὰ τοὺς αὐτοὺς χρόνους τούς τε συμμάχους τοὺς ἡμετέρους ἀφίστασαν, ἐλευθερώσειν αὐτοὺς ὑπισχνούμενοι, καὶ βασιλεῖ περὶ φιλίας διελέγοντο καὶ συμμαχίας, παραδώσειν αὐτῷ φάσκοντες ἅπαντας τοὺς ἐπὶ τῆς Ἀσίας κατοικοῦντας, [104] πίστεις δὲ δόντες τούτοις ἀμφοτέροις καὶ καταπολεμήσαντες ἡμᾶς, οὓς μὲν ἐλευθερώσειν ὤμοσαν, κατεδουλώσαντο μᾶλλον ἢ τοὺς Εἵλωτας, βασιλεῖ δὲ τοιαύτην χάριν ἀπέδοσαν ὥστ' ἔπεισαν τὸν ἀδελφὸν αὐτοῦ Κῦρον ὄντα νεώτερον ἀμφισβητεῖν τῆς βασιλείας, καὶ στρατόπεδον αὐτῷ συναγαγόντες καὶ στρατηγὸν Κλέαρχον ἐπιστήσαντες ἀνέπεμψαν ἐπ' ἐκεῖνον· [105] ἀτυχήσαντες δ' ἐν τούτοις καὶ γνωσθέντες ὧν ἐπεθύμουν, καὶ μισηθέντες ὑπὸ πάντων, εἰς πόλεμον καὶ ταραχὰς τοσαύτας κατέστησαν ὅσας εἰκὸς τοὺς καὶ περὶ τοὺς Ἕλληνας καὶ τοὺς βαρβάρους ἐξημαρτηκότας. Περὶ ὧν οὐκ οἶδ' ὅ τι δεῖ πλείω λέγοντα διατρίβειν, πλὴν ὅτι καταναυμαχηθέντες ὑπό τε τῆς βασιλέως δυνάμεως καὶ τῆς Κόνωνος στρατηγίας τοιαύτην ἐποιήσαντο τὴν εἰρήνην, [106] ἧς οὐδεὶς ἂν ἐπιδείξειεν οὔτ' αἰσχίω πώποτε γενομένην οὔτ' ἐπονειδιστοτέραν οὔτ' ὀλιγωροτέραν τῶν Ἑλλήνων οὔτ' ἐναντιωτέραν τοῖς λεγομένοις ὑπό τινων περὶ τῆς ἀρετῆς τῆς Λακεδαιμονίων· οἵ τινες, ὅτε μὲν αὐτοὺς ὁ βασιλεὺς δεσπότας τῶν Ἑλλήνων κατέστησεν, ἀφελέσθαι τὴν βασιλείαν αὐτοῦ καὶ τὴν εὐδαιμονίαν ἅπασαν ἐπεχείρησαν, ἐπειδὴ δὲ καταναυμαχήσας ταπεινοὺς ἐποίησεν, οὐ μικρὸν μέρος αὐτῷ τῶν Ἑλλήνων παρέδωκαν ἀλλὰ πάντας τοὺς τὴν Ἀσίαν οἰκοῦντας, διαρρήδην γράψαντες χρῆσθαι τοῦθ' ὅ τι ἂν αὐτὸς βούληται, [107] καὶ οὐκ ᾐσχύνθησαν τοιαύτας ποιούμενοι τὰς ὁμολογίας περὶ ἀνδρῶν, οἷς χρώμενοι συμμάχοις ἡμῶν τε περιεγένοντο καὶ τῶν Ἑλλήνων κύριοι κατέστησαν καὶ τὴν Ἀσίαν ἅπασαν ἤλπισαν κατασχήσειν, ἀλλὰ τὰς τοιαύτας συνθήκας αὐτοί τ' ἐν τοῖς ἱεροῖς τοῖς σφετέροις αὐτῶν ἀνέγραψαν καὶ τοὺς συμμάχους ἠνάγκασαν.

[108] Τοὺς μὲν οὖν ἄλλους οὐκ οἴομαι πράξεων ἑτέρων ἐπιθυμήσειν ἀκούειν, ἀλλ' ἐκ τῶν εἰρημένων ἱκανῶς μεμαθηκέναι νομιεῖν ὁποία τις τοῖν πολέοιν ἑκατέρα περὶ τοὺς Ἕλληνας γέγονεν· ἐγὼ δ' οὐχ οὕτω τυγχάνω διακείμενος, ἀλλ' ἡγοῦμαι τὴν ὑπόθεσιν ἣν ἐποιησάμην ἄλλων τε πολλῶν προσδεῖσθαι λόγων, καὶ μάλιστα τῶν ἐπιδειξόντων τὴν ἄνοιαν τῶν ἀντιλὲγειν τοῖς εἰρημένοις ἐπιχειρησόντων· οὓς οἴομαι ῥᾳδίως εὑρήσειν.

[109] Τῶν γὰρ ἀποδεχομένων ἁπάσας τὰς Λακεδαιμονίων πράξεις, τοὺς μὲν βελτίστους αὐτῶν ἡγοῦμαι καὶ πλεῖστον νοῦν ἔχοντας τὴν μὲν Σπαρτιατῶν πολιτείαν ἐπαινέσεσθαι καὶ τὴν αὐτὴν γνώμην ἕξειν περὶ αὐτῆς ἥνπερ πρότερον, περὶ δὲ τῶν εἰς τοὺς Ἕλληνας πεπραγμένων ὁμονοήσειν τοῖς ὑπ' ἐμοῦ λεγομένοις, [110] τοὺς δὲ φαυλοτέρους οὐ μόνον τούτων ὄντας ἀλλὰ καὶ τῶν πολλῶν, καὶ περὶ ἄλλου πράγματος οὐδενὸς ἂν οἵους τε γενομένους ἀνεκτῶς εἰπεῖν, περὶ δὲ Λακεδαιμονίων οὐ δυναμένους σιωπᾶν, ἀλλὰ προσδοκῶντας, ἢν ὑπερβάλλοντας τοὺς ἐπαίνους περὶ ἐκείνων ποιῶνται, τὴν αὐτὴν λήψεσθαι δόξαν τοῖς ἁδροτέροις αὐτῶν καὶ πολὺ βελτίοσιν εἶναι δοκοῦσι· τοὺς δὴ τοιούτους, [111] ἐπειδὰν αἴσθωνται τοὺς τόπους ἅπαντας προκατειλημμένους καὶ μηδὲ πρὸς ἓν ἀντειπεῖν ἔχωσι τῶν εἰρημένων, ἐπὶ τὸν λόγον οἶμαι τρέψεσθαι τὸν περὶ τῶν πολιτειῶν, καὶ παραβάλλοντας τἀκεῖ καθεστῶτα τοῖς ἐνθάδε, καὶ μάλιστα τὴν σωφροσύνην καὶ πειθαρχίαν πρὸς τὰς παρ' ἡμῖν ὀλιγωρίας, ἐκ τούτων ἐγκωμιάσειν τὴν Σπάρτην.

[112] Ἢν δὴ τοιοῦτον ἐπιχειρῶσί τι ποιεῖν, προσήκει τοὺς εὖ φρονοῦντας ληρεῖν νομίζειν αὐτούς. Ἐγὼ γὰρ ὑπεθέμην οὐχ ὡς περὶ τῶν πολιτειῶν διαλεξόμενος, ἀλλ' ὡς ἐπιδείξων τὴν πόλιν ἡμῶν πολὺ πλείονος ἀξίαν Λακεδαιμονίων περὶ τοὺς Ἕλληνας γεγενημένην. Ἢν μὲν οὖν ἀναιρῶσί τι τούτων, ἢ πράξεις ἑτέρας κοινὰς λέγωσι περὶ ἃς ἐκεῖνοι βελτίους ἡμῶν γεγόνασιν, εἰκότως ἂν ἐπαίνου τυγχάνοιεν· ἢν δὲ λέγειν ἐπιχειρῶσι περὶ ὧν ἐγὼ μηδεμίαν μνείαν ποιησαίμην, δικαίως ἂν ἅπασιν ἀναισθήτως ἔχειν δοκοῖεν.

[113] Οὐ μὴν ἀλλ' ἐπειδή περ αὐτοὺς οἴομαι τὸν λόγον τὸν περὶ τῶν πολιτειῶν εἰς τὸ μέσον ἐμβαλεῖν, οὐκ ὀκνήσω διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν· οἶμαι γὰρ ἐν αὐτοῖς τούτοις τὴν πόλιν ἡμῶν ἐπιδείξειν πλέον διενεγκοῦσαν ἢ τοῖς ἤδη προειρημένοις.

[114] Καὶ μηδεὶς ὑπολάβῃ με ταῦτ' εἰρηκέναι περὶ ταύτης, ἣν ἀναγκασθέντες μετελάβομεν, ἀλλὰ περὶ τῆς τῶν προγόνων, ἧς οὐ καταφρονήσαντες οἱ πατέρες ἡμῶν ἐπὶ τὴν νῦν καθεστῶσαν ὥρμησαν, ἀλλὰ περὶ μὲν τὰς ἄλλας πράξεις πολὺ σπουδαιοτέραν ἐκείνην προκρίναντες, περὶ δὲ τὴν δύναμιν τὴν κατὰ θάλατταν ταύτην χρησιμωτέραν εἶναι νομίζοντες, ἣν λαβόντες καὶ καλῶς ἐπιμεληθέντες οἷοί τ' ἐγένοντο καὶ τὰς ἐπιβουλὰς τὰς Σπαρτιατῶν ἀμύνασθαι καὶ τὴν Πελοποννησίων ἁπάντων ῥώμην, ὧν κατήπειγε τὴν πόλιν περὶ ἐκεῖνον τὸν χρόνον μάλιστα περιγενέσθαι πολεμοῦσαν. [115] Ὥστ' οὐδεὶς ἂν δικαίως ἐπιτιμήσειε τοῖς ἑλομένοις αὐτήν· οὐ γὰρ διήμαρτον τῶν ἐλπίδων, οὐδ' ἠγνόησαν οὐδὲν οὔτε τῶν ἀγαθῶν οὔτε τῶν κακῶν τῶν προσόντων ἑκατέρᾳ τῶν δυνάμεων, ἀλλ' ἀκριβῶς ᾔδεσαν τὴν μὲν κατὰ γῆν ἡγεμονίαν ὑπ' εὐταξίας καὶ σωφροσύνης καὶ πειθαρχίας καὶ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων μελετωμένην, τὴν δὲ κατὰ θάλατταν δύναμιν οὐκ ἐκ τούτων αὐξανομένην, [116] ἀλλ' ἔκ τε τῶν τεχνῶν τῶν περὶ τὰς ναῦς καὶ τῶν ἐλαύνειν αὐτὰς δυναμένων καὶ τῶν τὰ σφέτερα μὲν αὐτῶν ἀπολωλεκότων, ἐκ δὲ τῶν ἀλλοτρίων πορίζεσθαι τὸν βίον εἰθισμένων· ὧν εἰσπεσόντων εἰς τὴν πόλιν οὐκ ἄδηλος ἦν ὅ τε κόσμος ὁ τῆς πολιτείας τῆς πρότερον ὑπαρχούσης λυθησόμενος, ἥ τε τῶν συμμάχων εὔνοια ταχέως ληψομένη μεταβολήν, ὅταν οἷς πρότερον χώρας ἐδίδοσαν καὶ πόλεις, τούτους ἀναγκάζωσι συντάξεις καὶ φόρους ὑποτελεῖν, ἵν' ἔχωσι μισθὸν διδόναι τοῖς τοιούτοις οἵους ὀλίγῳ πρότερον εἶπον. [117] Ἀλλ' ὅμως οὐδὲν ἀγνοοῦντες τῶν προειρημένων ἐνόμιζον τῇ πόλει τῇ τηλικαύτῃ μὲν τὸ μέγεθος, τοιαύτην δ' ἐχούσῃ δόξαν, λυσιτελεῖν καὶ πρέπειν ἁπάσας ὑπομεῖναι τὰς δυσχερείας μᾶλλον ἢ τὴν Λακεδαιμονίων ἀρχήν· δυοῖν γὰρ πραγμάτοιν προτεινομένοιν μὴ σπουδαίοιν, κρείττω τὴν αἵρεσιν εἶναι τοῦ δεινὰ ποιεῖν ἑτέρους ἢ πάσχειν αὐτοὺς καὶ τοῦ μὴ δικαίως τῶν ἄλλων ἄρχειν μᾶλλον ἢ φεύγοντας τὴν αἰτίαν ταύτην ἀδίκως Λακεδαιμονίοις δουλεύειν. [118] Ἅπερ ἅπαντες μὲν ἂν οἱ νοῦν ἔχοντες ἕλοιντο καὶ βουληθεῖεν, ὀλίγοι δ' ἄν τινες τῶν προσποιουμένων εἶναι σοφῶν ἐρωτηθέντες οὐκ ἂν φήσαιεν. Αἱ μὲν οὖν αἰτίαι δι' ἃς μετέλαβον τὴν πολιτείαν τὴν ὑπό τινων ψεγομένην ἀντὶ τῆς ὑπὸ πάντων ἐπαινουμένης, διὰ μακροτέρων μὲν αὐτὰς διῆλθον, αὗται δ' οὖν ἦσαν.

[119] Ἤδη δὲ περὶ ἧς τε ὑπεθέμην καὶ τῶν προγόνων ποιήσομαι τοὺς λόγους, ἐκείνων τῶν χρόνων ἐπιλαβόμενος ὅτ' οὐκ ἦν οὔτ' ὀλιγαρχίας οὔτε δημοκρατίας ὄνομά πω λεγόμενον, ἀλλὰ μοναρχίαι καὶ τὰ γένη τὰ τῶν βαρβάρων καὶ τὰς πόλεις τὰς Ἑλληνίδας ἁπάσας διῴκουν. [120] Διὰ τοῦτο δὲ προειλόμην πορρωτέρωθεν ποιήσασθαι τὴν ἀρχήν, πρῶτον μὲν ἡγούμενος προσήκειν τοῖς ἀμφισβητοῦσιν ἀρετῆς εὐθὺς ἀπὸ γενεᾶς διαφέροντας εἶναι τῶν ἄλλων, ἔπειτ' αἰσχυνόμενος εἰ περὶ ἀνδρῶν ἀγαθῶν μὲν οὐδὲν δέ μοι προσηκόντων πλείω διαλεχθεὶς τῶν μετρίων περὶ τῶν προγόνων τῶν τὴν πόλιν κάλλιστα διοικησάντων μηδὲ μικρὰν ποιήσομαι μνείαν, [121] οἳ τοσοῦτον βελτίους ἐγένοντο τῶν τοιαύτας δυναστείας ἐχόντων, ὅσον περ ἄνδρες οἱ φρονιμώτατοι καὶ πραότατοι διενέγκοιεν ἂν θηρίων τῶν ἀγριωτάτων καὶ πλείστης ὠμότητος μεστῶν.

Τί γὰρ οὐκ ἂν εὕροιμεν τῶν ὑπερβαλλόντων ἀνοσιότητι καὶ δεινότητι πεπραγμένον ἐν ταῖς ἄλλαις πόλεσι, καὶ μάλιστ' ἐν ταῖς μεγίσταις καὶ τότε νομιζομέναις καὶ νῦν εἶναι δοκούσαις; Οὐ φόνους ἀδελφῶν καὶ πατέρων καὶ ξένων παμπληθεῖς γεγενημένους; [122] Οὐ σφαγὰς μητέρων καὶ μίξεις καὶ παιδοποιίας ἐξ ὧν ἐτύγχανον αὐτοὶ πεφυκότες; Οὐ παίδων βρῶσιν ὑπὸ τῶν οἰκειοτάτων ἐπιβεβουλευμένην; Οὐκ ἐκβολὰς ὧν ἐγέννησαν, καὶ καταποντισμοὺς καὶ τυφλώσεις καὶ τοσαύτας τὸ πλῆθος κακοποιίας, ὥστε μηδένα πώποτε ἀπορῆσαι τῶν εἰθισμένων καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτὸν εἰσφέρειν εἰς τὸ θέατρον τὰς τότε γεγενημένας συμφοράς;

[123] Ταῦτα δὲ διῆλθον οὐκ ἐκείνους λοιδορῆσαι βουλόμενος, ἀλλ' ἐπιδεῖξαι παρὰ τοῖς ἡμετέροις οὐ μόνον οὐδὲν τοιοῦτον γεγενημένον· τοῦτο μὲν γὰρ ἂν σημεῖον ἦν οὐκ ἀρετῆς ἀλλ' ὡς οὐχ ὅμοιοι τὰς φύσεις ἦσαν τοῖς ἀνοσιωτάτοις γεγενημένοις· δεῖ δὲ τοὺς ἐπιχειροῦντας καθ' ὑπερβολήν τινας ἐπαινεῖν μὴ τοῦτο μόνον ἐπιδεικνύναι, μὴ πονηροὺς ὄντας αὐτούς, ἀλλ' ὡς ἁπάσαις ταῖς ἀρεταῖς καὶ τῶν τότε καὶ τῶν νῦν διήνεγκαν. Ἅπερ ἔχοι τις ἂν καὶ περὶ τῶν προγόνων τῶν ἡμετέρων εἰπεῖν.

[124] Οὕτω γὰρ ὁσίως καὶ καλῶς καὶ τὰ περὶ τὴν πόλιν καὶ τὰ περὶ σφᾶς αὐτοὺς διῴκησαν, ὥσπερ προσῆκον ἦν τοὺς ἀπὸ θεῶν μὲν γεγονότας, πρώτους δὲ καὶ πόλιν οἰκήσαντας καὶ νόμοις χρησαμένους, ἅπαντα δὲ τὸν χρόνον ἠσκηκότας εὐσέβειαν μὲν περὶ τοὺς θεοὺς δικαιοσύνην δὲ περὶ τοὺς ἀνθρώπους, ὄντας δὲ μήτε μιγάδας μήτ' ἐπήλυδας, ἀλλὰ μόνους αὐτόχθονας τῶν Ἑλλήνων, [125] καὶ ταύτην ἔχοντας τὴν χώραν τροφὸν ἐξ ἧς περ ἔφυσαν, καὶ στέργοντας αὐτὴν ὁμοίως ὥσπερ οἱ βέλτιστοι τοὺς πατέρας καὶ τὰς μητέρας τὰς αὑτῶν, πρὸς δὲ τούτοις οὕτω θεοφιλεῖς ὄντας, ὥσθ' ὃ δοκεῖ χαλεπώτατον εἶναι καὶ σπανιώτατον, εὑρεῖν τινας τῶν οἴκων τῶν τυραννικῶν καὶ βασιλικῶν ἐπὶ τέτταρας ἢ πέντε γενεὰς διαμείναντας, [126] καὶ τοῦτο συμβῆναι μόνοις ἐκείνοις. Ἐριχθόνιος μὲν γὰρ ὁ φὺς ἐξ Ἡφαίστου καὶ Γῆς παρὰ Κέκροπος ἄπαιδος ὄντος ἀρρένων παίδων τὸν οἶκον καὶ τὴν βασιλείαν παρέλαβεν· ἐντεῦθεν δ' ἀρξάμενοι πάντες οἱ γενόμενοι μετ' ἐκεῖνον, ὄντες οὐκ ὀλίγοι, τὰς κτήσεις τὰς αὑτῶν καὶ τὰς δυναστείας τοῖς αὑτῶν παισὶ παρέδοσαν μέχρι Θησέως.

Περὶ οὗ πρὸ πολλοῦ ἂν ἐποιησάμην μὴ διειλέχθαι πρότερον περὶ τῆς ἀρετῆς καὶ τῶν πεπραγμένων αὐτῷ· πολὺ γὰρ ἂν μᾶλλον ἥρμοσεν ἐν τῷ λόγῳ τῷ περὶ τῆς πόλεως διελθεῖν περὶ αὐτῶν. Ἀλλὰ γὰρ χαλεπὸν ἦν, [127] μᾶλλον δ' ἀδύνατον, τὰ κατ' ἐκεῖνον ἐπελθόντα τὸν χρόνον εἰς τοῦτον ἀποθέσθαι τὸν καιρόν, ὃν οὐ προῄδειν ἐσόμενον. Ἐκεῖνα μὲν οὖν ἐάσομεν, ἐπειδὴ πρὸς τὸ παρὸν αὐτοῖς κατεχρησάμην, μιᾶς δὲ μόνον μνησθήσομαι πράξεως, ᾗ συμβέβηκε μήτ' εἰρῆσθαι πρότερον μήτε πεπρᾶχθαι μηδ' ὑφ' ἑνὸς ἄλλου πλὴν ὑπὸ Θησέως, σημεῖον δ' εἶναι μέγιστον τῆς ἀρετῆς τῆς ἐκείνου καὶ φρονήσεως.

[128] Ἔχων γὰρ βασιλείαν ἀσφαλεστάτην καὶ μεγίστην, ἐν ᾗ πολλὰ καὶ καλὰ διαπεπραγμένος ἦν καὶ κατὰ πόλεμον καὶ περὶ διοίκησιν τῆς πόλεως, ἅπαντα ταῦθ' ὑπερεῖδεν, καὶ μᾶλλον εἵλετο τὴν δόξαν τὴν ἀπὸ τῶν πόνων καὶ τῶν ἀγώνων εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον μνημονευθησομένην ἢ τὴν ῥᾳθυμίαν καὶ τὴν εὐδαιμονίαν τὴν διὰ τὴν βασιλείαν ἐν τῷ παρόντι γιγνομένην. [129] Καὶ ταῦτ' ἔπραξεν οὐκ ἐπειδὴ πρεσβύτερος γενόμενος ἀπολελαυκὼς ἦν τῶν ἀγαθῶν τῶν παρόντων, ἀλλ' ἀκμάζων, ὡς λέγεται, τὴν μὲν πόλιν διοικεῖν τῷ πλήθει παρέδωκεν, αὐτὸς δ' ὑπὲρ ταύτης τε καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων διετέλει κινδυνεύων.

[130] Περὶ μὲν οὖν τῆς Θησέως ἀρετῆς νῦν μὲν ὡς οἷόν τ' ἦν ἀνεμνήσαμεν, πρότερον δ' ἁπάσας αὐτοῦ τὰς πράξεις οὐκ ἀμελῶς διήλθομεν· περὶ δὲ τῶν παραλαβόντων τὴν τῆς πόλεως διοίκησιν, ἣν ἐκεῖνος παρέδωκεν, οὐκ ἔχω τίνας ἐπαίνους εἰπὼν ἀξίους ἂν εἴην εἰρηκὼς τῆς ἐκείνων διανοίας. Οἵτινες ἄπειροι πολιτειῶν ὄντες, οὐ διήμαρτον αἱρούμενοι τῆς ὑπὸ πάντων ἂν ὁμολογηθείσης οὐ μόνον εἶναι κοινοτάτης καὶ δικαιοτάτης, ἀλλὰ καὶ συμφορωτάτης ἅπασι καὶ τοῖς χρωμένοις ἡδίστης. [131] Κατεστήσαντο γὰρ δημοκρατίαν οὐ τὴν εἰκῇ πολιτευομένην, καὶ νομίζουσαν τὴν μὲν ἀκολασίαν ἐλευθερίαν εἶναι, τὴν δ' ἐξουσίαν ὅ τι βούλεταί τις ποιεῖν εὐδαιμονίαν, ἀλλὰ τὴν τοῖς τοιούτοις μὲν ἐπιτιμῶσαν, ἀριστοκρατίᾳ δὲ χρωμένην· ἣν οἱ μὲν πολλοὶ χρησιμωτάτην οὖσαν ὥσπερ τὴν ἀπὸ τῶν τιμημάτων ἐν ταῖς πολιτείαις ἀριθμοῦσιν, οὐ δι' ἀμαθίαν ἀγνοοῦντες, ἀλλὰ διὰ τὸ μηδὲν πώποτ' αὐτοῖς μελῆσαι τῶν δεόντων.

[132] Ἐγὼ δὲ φημὶ τὰς μὲν ἰδέας τῶν πολιτειῶν τρεῖς εἶναι μόνας, ὀλιγαρχίαν, δημοκρατίαν, μοναρχίαν, τῶν δ' ἐν ταύταις οἰκούντων ὅσοι μὲν εἰώθασιν ἐπὶ τὰς ἀρχὰς καθιστάναι καὶ τὰς ἄλλας πράξεις τοὺς ἱκανωτάτους τῶν πολιτῶν καὶ τοὺς μέλλοντας ἄριστα καὶ δικαιότατα τῶν πραγμάτων ἐπιστατήσειν, τούτους μὲν ἐν ἁπάσαις ταῖς πολιτείαις καλῶς οἰκήσειν καὶ πρὸς σφᾶς αὐτοὺς καὶ πρὸς τοὺς ἄλλους· [133] τοὺς δὲ τοῖς θρασυτάτοις καὶ πονηροτάτοις ἐπὶ ταῦτα χρωμένους, καὶ τῶν μὲν τῇ πόλει συμφερόντων μηδὲν φροντίζουσιν, ὑπὲρ δὲ τῆς αὑτῶν πλεονεξίας ἑτοίμοις οὖσιν ὁτιοῦν πάσχειν, τὰς δὲ τούτων πόλεις ὁμοίως οἰκήσεσθαι ταῖς τῶν προεστώτων πονηρίαις· τοὺς δὲ μήθ' οὕτω μήθ' ὡς πρότερον εἶπον, ἀλλ' ὅταν μὲν θαρρῶσι, τούτους μάλιστα τιμῶντας, τοὺς πρὸς χάριν λέγοντας, ὅταν δὲ δείσωσιν, ἐπὶ τοὺς βελτίστους καὶ φρονιμωτάτους καταφεύγοντας, τοὺς δὲ τοιούτους ἐναλλὰξ τοτὲ μὲν χεῖρον τοτὲ δὲ βέλτιον πράξειν.

[134] Αἱ μὲν οὖν φύσεις καὶ δυνάμεις τῶν πολιτειῶν οὕτως ἔχουσιν, ἡγοῦμαι δὲ ταῦτα μὲν ἑτέροις πολὺ πλείους λόγους παρέξειν τῶν νῦν εἰρημένων, ἐμοὶ δ' οὐκέτι περὶ ἁπασῶν αὐτῶν εἶναι διαλεκτέον, ἀλλὰ περὶ μόνης τῆς τῶν προγόνων· ταύτην γὰρ ὑπεσχόμην ἐπιδείξειν σπουδαιοτέραν καὶ πλειόνων ἀγαθῶν αἰτίαν οὖσαν τῆς ἐν Σπάρτῃ καθεστηκυίας.

[135] Ἔσται δ' ὁ λόγος τοῖς μὲν ἡδέως ἂν ἀκούσασι πολιτείαν χρηστὴν ἐμοῦ διεξιόντος οὔτ' ὀχληρὸς οὔτ' ἄκαιρος, ἀλλὰ σύμμετρος καὶ προσήκων τοῖς πρότερον εἰρημένοις, τοῖς δὲ μὴ χαίρουσι τοῖς μετὰ πολλῆς σπουδῆς εἰρημένοις, ἀλλὰ τοῖς ἐν ταῖς πανηγύρεσι μάλιστα μὲν λοιδορουμένοις, ἢν δ' ἀπόσχωνται τῆς μανίας ταύτης, ἐγκωμιάζουσιν ἢ τὰ φαυλότατα τῶν ὄντων ἢ τοὺς παρανομωτάτους τῶν γεγενημένων, τούτοις δ' αὐτὸν οἶμαι δόξειν πολὺ μακρότερον εἶναι τοῦ δέοντος. [136] Ἐμοὶ δὲ τῶν μὲν τοιούτων ἀκροατῶν οὐδὲν πώποτ' ἐμέλησεν, οὐδὲ τοῖς ἄλλοις τοῖς εὖ φρονοῦσιν, ἐκείνων δὲ τῶν ἅ τε προεῖπον πρὸ ἅπαντος τοῦ λόγου μνημονευσόντων, τῷ τε πλήθει τῶν λεγομένων οὐκ ἐπιτιμησόντων, οὐδ' ἢν μυρίων ἐπῶν ᾖ τὸ μῆκος, ἀλλ' ἐφ' αὑτοῖς εἶναι νομιούντων τοσοῦτον ἀναγνῶναι μέρος καὶ διελθεῖν ὁπόσον ἂν αὐτοὶ βουληθῶσιν, πάντων δὲ μάλιστα τῶν οὐδενὸς ἂν ἥδιον ἀκουόντων ἢ λόγου διεξιόντος ἀνδρῶν ἀρετὰς καὶ πόλεως τρόπον καλῶς οἰκουμένης, [137] ἅπερ εἰ μιμήσασθαί τινες βουληθεῖεν καὶ δυνηθεῖεν, αὐτοί τ' ἂν ἐν μεγάλῃ δόξῃ τὸν βίον διαγάγοιεν καὶ τὰς πόλεις τὰς αὑτῶν εὐδαίμονας ποιήσειαν. Οἵους μὲν οὖν εὐξαίμην ἂν εἶναι τοὺς ἀκουσομένους τῶν ἐμῶν, εἴρηκα, δέδοικα δὲ μὴ τοιούτων γενομένων πολὺ καταδεέστερον εἴπω τῶν πραγμάτων περὶ ὧν μέλλω ποιεῖσθαι τοὺς λόγους. Ὅμως δ' οὕτως ὅπως ἂν οἷός τ' ὦ πειράσομαι διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν.

[138] Τοῦ μὲν οὖν διαφερόντως τῶν ἄλλων οἰκεῖσθαι τὴν πόλιν ἡμῶν κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον δικαίως ἂν ἐπενέγκοιμεν τὴν αἰτίαν τοῖς βασιλεύσασιν αὐτῆς, περὶ ὧν ὀλίγῳ πρότερον διελέχθην. Ἐκεῖνοι γὰρ ἦσαν οἱ παιδεύσαντες τὸ πλῆθος ἐν ἀρετῇ καὶ δικαιοσύνῃ καὶ πολλῇ σωφροσύνῃ, καὶ διδάξαντες ἐξ ὧν διῴκουν, ἅπερ ἐγὼ φανείην ἂν ὕστερον εἰρηκὼς ἢ κεῖνοι πράξαντες, ὅτι πᾶσα πολιτεία ψυχὴ πόλεώς ἐστι, τοσαύτην ἔχουσα δύναμιν ὅσην περ ἐν σώματι φρόνησις· αὕτη γάρ ἐστιν ἡ βουλευομένη περὶ ἁπάντων, καὶ τὰ μὲν ἀγαθὰ διαφυλάττουσα, τὰς δὲ συμφορὰς διαφεύγουσα, καὶ πάντων αἰτία τῶν ταῖς πόλεσι συμβαινόντων.

[139] Ἃ μαθὼν ὁ δῆμος οὐκ ἐπελάθετο διὰ τὴν μεταβολήν, ἀλλὰ μᾶλλον τούτω+ͅ προσεῖχεν ἢ τοῖς ἄλλοις, ὅπως λήψεται τοὺς ἡγεμόνας δημοκρατίας μὲν ἐπιθυμοῦντας, τὸ δ' ἦθος τοιοῦτον ἔχοντας οἷόν περ οἱ πρότερον ἐπιστατοῦντες αὐτῶν, καὶ μὴ λήσουσι σφᾶς αὐτοὺς κυρίους ἁπάντων τῶν κοινῶν καταστήσαντες οἷς οὐδεὶς ἂν οὐδὲν τῶν ἰδίων ἐπιτρέψειεν, [140] μηδὲ περιόψονται πρὸς τὰ τῆς πόλεως προσιόντας τοὺς ὁμολογουμένως ὄντας πονηρούς, μηδ' ἀνέξονται τὴν φωνὴν τῶν τὰ μὲν σώματα τὰ σφέτερ' αὐτῶν ἐπονειδίστως διατιθεμένων, συμβουλεύειν δὲ τοῖς ἄλλοις ἀξιούντων ὃν τρόπον τὴν πόλιν διοικοῦντες σωφρονοῖεν ἂν καὶ βέλτιον πράττομεν, μηδὲ τῶν ἃ μὲν παρὰ τῶν πατέρων παρέλαβον εἰς αἰσχρὰς ἡδονὰς ἀνηλωκότων, ἐκ δὲ τῶν κοινῶν ταῖς ἰδίαις ἀπορίαις βοηθεῖν ζητούντων, μηδὲ τῶν πρὸς χάριν μὲν ἀεὶ λέγειν γλιχομένων, εἰς πολλὰς δ' ἀηδίας καὶ λύπας τοὺς πειθομένους ἐμβαλλόντων, [141] ἀλλὰ τούς τε τοιούτους ἅπαντας ἀπείργειν ἀπὸ τοῦ συμβουλεύειν ἕκαστος οἰήσεται δεῖν, καὶ πρὸς τούτοις ἐκείνους, τοὺς τὰ μὲν τῶν ἄλλων κτήματα τῆς πόλεως εἶναι φάσκοντας, τὰ δὲ ταύτης ἴδια κλέπτειν καὶ διαρπάζειν τολμῶντας, καὶ φιλεῖν μὲν τὸν δῆμον προσποιουμένους, ὑπὸ δὲ τῶν ἄλλων ἁπάντων αὐτὸν μισεῖσθαι ποιοῦντας, καὶ λόγῳ μὲν δεδιότας ὑπὲρ τῶν Ἑλλήων, [142] ἔργῳ δὲ λυμαινομένους καὶ συκοφαντοῦντας καὶ διατιθέντας αὐτοὺς οὕτω πρὸς ἡμᾶς, ὥστε τῶν πόλεων τὰς εἰς τὸν πόλεμον καθισταμένας ἥδιον ἂν καὶ θᾶττον ἐνίας εἰσδέξασθαι τοὺς πολιορκοῦντας ἢ τὴν παρ' ἡμῶν βοήθειαν. Ἀπείποι δ' ἄν τις γράφων, εἰ πάσας τὰς κακοηθείας καὶ πονηρίας ἐξαριθμεῖν ἐπιχειρήσειεν.

[143] Ἃς ἐκεῖνοι μισήσαντες καὶ τοὺς ἔχοντας αὐτάς, ἐποιοῦντο συμβούλους καὶ προστάτας οὐ τοὺς τυχόντας ἀλλὰ τοὺς βελτίστους καὶ φρονιμωτάτους καὶ κάλλιστα βεβιωκότας, καὶ τοὺς αὐτοὺς τούτους στρατηγοὺς ᾑροῦντο καὶ πρέσβεις, εἴ που δεήσειεν, ἔπεμπον, καὶ πάσας τὰς ἡγεμονίας τὰς τῆς πόλεως αὐτοῖς παρεδίδοσαν, νομίζοντες τοὺς ἐπὶ τοῦ βήματος βουλομένους καὶ δυναμένους καὶ δυναμένους τὰ βέλτιστα συμβουλεύειν, τούτους καὶ καθ' αὑτοὺς γενομένους ἐν ἅπασι τοῖς τόποις καὶ περὶ ἁπάσας τὰς πράξεις τὴν αὐτὴν γνώμην ἕξειν· ἅπερ αὐτοῖς συνέβαινεν.

[144] Διὰ γὰρ τὸ ταῦτα γιγνώσκειν ἐν ὀλίγαις ἡμέραις ἑώρων τούς τε νόμους ἀναγεγραμμένους, οὐχ ὁμοίους τοῖς νῦν κειμένοις, οὐδὲ τοσαύτης ταραχῆς καὶ τοσούτων ἐναντιώσεων μεστοὺς ὥστε μηδέν ἂν δυνηθῆναι συνιδεῖν μήτε τοὺς χρησίμους μήτε τοὺς ἀχρήστους αὐτῶν, ἀλλὰ πρῶτον μὲν ὀλίγους, ἱκανοὺς δὲ τοῖς χρῆσθαι μέλλουσι καὶ ῥᾳδίους συνιδεῖν, ἔπειτα δικαίους καὶ συμφέροντας καὶ σφίσιν αὐτοῖς ὁμολογουμένους, καὶ μᾶλλον ἐσπουδασμένους τοὺς περὶ τῶν κοινῶν ἐπιτηδευμάτων ἢ τοὺς περὶ τῶν ἰδίων συμβολαίων, οἵους περ εἶναι χρὴ παρὰ τοῖς καλῶς πολιτευομένοις. [145] Περὶ δὲ τοὺς αὐτοὺς χρόνους καθίστασαν ἐπὶ τὰς ἀρχὰς τοὺς προκριθέντας ὑπὸ τῶν φυλετῶν καὶ δημοτῶν, οὐ περιμαχήτους αὐτὰς ποιήσαντες οὐδ' ἐπιθυμίας ἀξίας, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον λειτουργίαις ὁμοίας ταῖς ἐνοχλούσαις μὲν οἷς ἂν προσταχθῶσι, τιμὴν δέ τινα περιτιθείσαις αὐτοῖς· ἔδει γὰρ τοὺς ἄρχειν αἱρεθέντας τῶν τε κτημάτων τῶν ἰδίων ἀμελεῖν, καὶ τῶν λημμάτων τῶν εἰθισμένων δίδοσθαι ταῖς ἀρχαῖς ἀπέχεσθαι μηδὲν ἧττον ἢ τῶν ἱερῶν  (ἃ τίς ἂν ἐν τοῖς νῦν καθεστῶσιν ὑπομείνειεν) ; [146] καὶ τοὺς μὲν ἀκριβεῖς περὶ ταύτας γιγνομένους μετρίως ἐπαινεθέντας ἐφ' ἑτέραν ἐπιμέλειαν τάττεσθαι τοιαύτην, τοὺς δὲ καὶ μικρὸν παραβάντας ταῖς ἐσχάταις αἰσχύναις καὶ μεγίσταις ζημίαις περιπίπτειν· ὥστε μηδένα τῶν πολιτῶν ὥσπερ νῦν διακεῖσθαι πρὸς τὰς ἀρχάς, ἀλλὰ μᾶλλον τότε ταύτας φεύγειν ἢ νῦν διώκειν, [147] καὶ πάντας νομίζειν μηδέποτ' ἂν γενέσθαι δημοκρατίαν ἀληθεστέραν μηδὲ βεβαιοτέραν μηδὲ μᾶλλον τῷ πλήθει συμφέρουσαν τῆς τῶν μὲν τοιούτων πραγματειῶν ἀτέλειαν τῷ δήμῳ διδούσης, τοῦ δὲ τὰς ἀρχὰς καταστῆσαι καὶ λαβεῖν δίκην παρὰ τῶν ἐξαμαρτόντων κύριον ποιούσης, ἅπερ ὑπάρχει καὶ τῶν τυράννων τοῖς εὐδαιμονεστάτοις.

[148] Σημεῖον δὲ μέγιστον ὅτι ταῦτ' ἠγάπων μᾶλλον ἢ 'γὼ λέγω· φαίνεται γὰρ ὁ δῆμος ταῖς μὲν ἄλλαις πολιτείαις ταῖς οὐκ ἀρεσκούσαις μαχόμενος καὶ καταλύων καὶ τοὺς προεστῶτας αὐτῶν ἀποκτείνων, ταύτῃ δὲ χρώμενος οὐκ ἐλάττω χιλίων ἐτῶν, ἀλλ' ἐμμείνας ἀφ' οὗ περ ἔλαβε μέχρι τῆς Σόλωνος μὲν ἡλικίας Πεισιστράτου δὲ δυναστείας, ὃς δημαγωγὸς γενόμενος καὶ πολλὰ τὴν πόλιν λυμηνάμενος καὶ τοὺς βελτίστους τῶν πολιτῶν ὡς ὀλιγαρχικοὺς ὄντας ἐκβαλών, τελευτῶν τόν τε δῆμον κατέλυσε καὶ τύραννον αὑτὸν κατέστησεν.

[149] Τάχ' οὖν ἄν τινες ἄτοπον εἶναί με φήσειαν, οὐδὲν γὰρ κωλύει διαλαβεῖν τὸν λόγον, ὅτι τολμῶ λέγειν ὡς ἀκριβῶς εἰδὼς περὶ πραγμάτων οἷς οὐ παρῆν πραττομένοις. Ἐγὼ δ' οὐδὲν τούτων ἄλογον οἶμαι ποιεῖν. Εἰ μὲν γὰρ μόνος ἐπίστευον τοῖς τε λεγομένοις περὶ τῶν παλαιῶν καὶ τοῖς γράμμασι τοῖς ἐξ ἐκείνου τοῦ χρόνου παραδεδομένοις ἡμῖν, εἰκότως ἂν ἐπιτιμῴμην· νῦν δὲ πολλοὶ καὶ νοῦν ἔχοντες ταὐτὸν ἐμοὶ φανεῖεν ἂν πεπονθότες. Χωρὶς δὲ τούτων, [150] εἰ κατασταίην εἰς ἔλεγχον καὶ λόγον, δυνηθείην ἂν ἐπιδεῖξαι πάντας ἀνθρώπους πλείους ἐπιστήμας ἔχοντας διὰ τῆς ἀκοῆς ἢ τῆς ὄψεως, καὶ μείζους πράξεις καὶ καλλίους εἰδότας ἃς παρ' ἑτέρων ἀκηκόασιν ἢ 'κείνας αἷς αὐτοὶ παραγεγενημένοι τυγχάνουσιν. Ἀλλὰ γὰρ οὔτ' ἀμελεῖν καλῶς ἔχει τῶν τοιούτων ὑπολήψεων, τυχὸν γὰρ μηδενὸς ἀντειπόντος λυμήναιντ' ἂν τὴν ἀλήθειαν, οὔτ' αὖ πολὺν χρόνον ἀντιλέγοντας διατρίβειν ἐν αὐταῖς, ἀλλ' ὅσον ὑποδείξαντας μόνον τοῖς ἄλλοις ἐξ ὧν ληροῦντας ἂν αὐτοὺς ἐπιδείξαιεν, πάλιν ἐπανελθόντας περαίνειν καὶ λέγειν ὅθεν ἀπέλιπον· ὅπερ ἐγὼ ποιήσω.

[151] Τὸ μὲν οὖν σύνταγμα τῆς τότε πολιτείας, καὶ τὸν χρόνον ὅσον αὐτῇ χρώμενοι διετέλεσαν, ἐξαρκούντως δεδηλώκαμεν· λοιπὸν δ' ἡμῖν τὰς πράξεις τὰς ἐκ τοῦ καλῶς πολιτεύεσθαι γεγενημένας διελθεῖν. Ἐκ τούτων γὰρ ἔτι μᾶλλον ἔσται καταμαθεῖν ὅτι καὶ τὴν πολιτείαν εἶχον ἡμῶν οἱ πρόγονοι βελτίω τῶν ἄλλων καὶ σωφρονεστέραν, καὶ προστάταις καὶ συμβούλοις ἐχρῶντο τοιούτοις οἵοις χρὴ τοὺς εὖ φρονοῦντας.

[152] Οὐ μὴν οὐδὲ ταῦτά μοι πρότερον λεκτέον ἐστί, πρὶν ἂν μικρὰ προείπω περὶ αὐτῶν. Ἢν γὰρ ὑπεριδὼν τὰς ἐπιτιμήσεις τὰς τῶν οὐδὲν ἄλλο ποιεῖν ἢ τοῦτο δυναμένων ἐφεξῆς διηγῶμαι περί τε τῶν ἄλλων τῶν πεπραγμένων καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων τῶν περὶ τὸν πόλεμον, οἷς οἱ πρόγονοι χρώμενοι τῶν τε βαρβάρων περιεγένοντο καὶ παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εὐδοκίμησαν, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ φήσουσί τινές με διεξιέναι τοὺς νόμους οὓς Λυκοῦργος μὲν ἔθηκε, Σπαρτιᾶται δ' αὐτοῖς χρώμενοι τυγχάνουσιν.

[153] Ἐγὼ δ' ὁμολογῶ μὲν ἐρεῖν πολλὰ τῶν ἐκεῖ καθεστώτων, οὐχ ὡς Λυκούργου τι τούτων εὑρόντος ἢ διανοηθέντος, ἀλλ' ὡς μιμησαμένου τὴν διοίκησιν ὡς δυνατὸν ἄριστα τὴν τῶν προγόνων τῶν ἡμετέρων, καὶ τήν τε δημοκρατίαν καταστήσαντος παρ' αὐτοῖς τὴν ἀριστοκρατίᾳ μεμιγμένην, ἥπερ ἦν παρ' ἡμῖν, καὶ τὰς ἀρχὰς οὐ κληρωτὰς ἀλλ' αἱρετὰς ποιήσαντος, [154] καὶ τῶν γερόντων αἵρεσιν τῶν ἐπιστατούντων ἅπασι τοῖς πράγμασι μετὰ τοσαύτης σπουδῆς ποιεῖσθαι νομοθετήσαντος, μεθ' ὅσης πέρ φασι καὶ τοὺς ἡμετέρους περὶ τῶν εἰς Ἄρειον πάγον ἀναβήσεσθαι μελλόντων, ἔτι δὲ καὶ τὴν δύναμιν αὐτοῖς περιθέντος τὴν αὐτήν, ἥνπερ ᾔδει καὶ τὴν βουλὴν ἔχουσαν τὴν παρ' ἡμῖν.

[155] Ὅτι μὲν οὖν τὸν αὐτὸν τρόπον τἀκεῖ καθέστηκεν ὥσπερ εἶχε τὸ παλαιὸν καὶ τὰ παρ' ἡμῖν, παρὰ πολλῶν ἔσται πυθέσθαι τοῖς εἰδέναι βουλομένοις· ὡς δὲ καὶ τὴν ἐμπειρίαν τὴν περὶ τὸν πόλεμον οὐ πρότερον ἤσκησαν οὐδ' ἄμεινον ἐχρήσαντο Σπαρτιᾶται τῶν ἡμετέρων, ἐκ τῶν ἀγώνων καὶ τῶν πολέμων τῶν ὁμολογουμένων γενέσθαι κατ' ἐκεῖνοι τὸν χρόνον οὕτως οἶμαι σαφῶς ἐπιδείξειν, ὥστε μήτε τοὺς ἀνοήτως λακωνίζοντας ἀντειπεῖν δυνήσεσθαι τοῖς ῥηθεῖσι, μήτε τοὺς τὰ ἡμέτερα ἅμα τε θαυμάζοντας καὶ βασκαίνοντας καὶ μιμεῖσθαι γλιχομένους.

[156] Ποιήσομαι δὲ τὴν ἀρχὴν τῶν λεχθησομένων ἀκοῦσαι μὲν ἴσως τισὶν ἀηδῆ, ῥηθῆναι δ' οὐκ ἀσύμφορον. Εἰ γάρ τις φαίη τὼ πόλεε τούτω πλείστων ἀγαθῶν αἰτίας γεγενῆσθαι τοῖς Ἕλλησι καὶ μεγίστων κακῶν μετὰ τὴν Ξέρξου στρατείαν, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐκ ἀληθῆ δόξειεν ἂν λέγειν τοῖς εἰδόσι τι περὶ τῶν τότε γεγενημένων. [157] Ἠγωνίσαντό τε γὰρ ὡς δυνατὸν ἄριστα πρὸς τὴν ἐκείνου δύναμιν, ταῦτά τε πράξασαι, προσῆκον αὐταῖς καὶ περὶ τῶν ἐχομένων βουλεύσασθαι καλῶς, εἰς τοῦτ' ἦλθον οὐκ ἀνοίας ἀλλὰ μανίας, ὥστε πρὸς μὲν τὸν ἐπιστρατεύσαντα καὶ βουληθέντα τὼ μὲν πόλεε τούτω παντάπασιν ἀνελεῖν, τοὺς δ' ἄλλους Ἕλληνας καταδουλώσασθαι, [158] πρὸς μὲν τὸν τοιοῦτον, κρατήσασαι ῥᾳδίως ἂν αὐτοῦ καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλατταν, εἰρήνην εἰς ἅπαντα συνεγράψαντο τὸν χρόνον ὥσπερ πρὸς εὐεργέτην γεγενημένον, φθονήσασαι δὲ ταῖς ἀρεταῖς ταῖς αὑτῶν, εἰς πόλεμον καταστᾶσαι πρὸς ἀλλήλας καὶ φιλονεικίαν, οὐ πρότερον ἐπαύσαντο σφᾶς τε αὐτὰς ἀπολλύουσαι καὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας, πρὶν κύριον ἐποίησαν τὸν κοινὸν ἐχθρὸν τὴν τε πόλιν τὴν ἡμετέραν εἰς τοὺς ἐσχάτους καταστῆσαι κινδύνους διὰ τῆς δυνάμεως τῆς Λακεδαιμονίων, καὶ πάλιν τὴν ἐκείνων διὰ τῆς πόλεως τῆς ἡμετέρας. [159] Καὶ τοσοῦτον ἀπολειφθέντες τῆς τοῦ βαρβάρου φρονήσεως, οὔτ' ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις ἤλγησαν ἀξίως ὧν ἔπαθον οὐδ' ὡς προσῆκεν αὐτούς, οὔτε νῦν αἱ μέγισται τῶν Ἑλληνίδων πόλεων αἰσχύνονται διακολακευόμεναι πρὸς τὸν ἐκείνου πλοῦτον, ἀλλ' ἡ μὲν Ἀργείων καὶ Θηβαίων Αἴγυπτον αὐτῷ συγκατεπολέμησεν, ἵν' ὡς μεγίστην ἔχων δύναμιν ἐπιβουλεύῃ τοῖς Ἕλλησιν, ἡμεῖς δὲ καὶ Σπαρτιᾶται, συμμαχίας ἡμῖν ὑπαρχούσης, ἀλλοτριώτερον ἔχομεν πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς ἢ πρὸς οὓς ἑκάτεροι πολεμοῦντες τυγχάνομεν. [160] Σημεῖον δ' οὐ μικρόν· κοινῇ μὲν γὰρ οὐδὲ περὶ ἑνὸς πράγματος βουλευόμεθα, χωρὶς δ' ἑκάτεροι πρέσβεις πέμπομεν ὡς ἐκεῖνον, ἐλπίζοντες, ὁποτέροις ἂν οἰκειότερον διατεθῇ, κυρίους τούτους γενήσεσθαι τῆς ἐν τοῖς Ἕλλησι πλεονεξίας, κακῶς εἰδότες ὡς τοὺς μὲν θεραπεύοντας αὑτὸν ὑβρίζειν εἴθισται, πρὸς δὲ τοὺς ἀντιταττομένους καὶ καταφρονοῦντας τῆς ἐκείνου δυνάμεως ἐκ παντὸς τρόπου διαλύεσθαι πειρᾶται τὰς διαφοράς.

[161] Ταῦτα δὲ διῆλθον οὐκ ἀγνοῶν ὅτι λέγειν τινὲς τολμήσουσιν ὡς ἔξω τῆς ὑποθέσεως τοῖς λόγοις τούτοις ἐχρησάμην. Ἐγὼ δ' οὐδέποτ' ἂν οἶμαι τοῖς προειρημένοις οἰκειοτέρους λόγους ῥηθῆναι τούτων, οὐδ' ἐξ ὧν ἄν τις σαφέστερον ἐπιδείξειε τοὺς προγόνους ἡμῶν φρονιμωτέρους ὄντας περὶ τὰ μέγιστα τῶν τήν τε πόλιν τὴν ἡμετέραν καὶ τὴν Σπαρτιατῶν μετὰ τὸν πόλεμον τὸν πρὸς Ξέρξην διοικησάντων. [162] Αὗται μὲν γὰρ ἂν φανεῖεν ἐν ἐκείνοις τε τοῖς χρόνοις πρὸς μὲν τοὺς βαρβάρους εἰρήνην ποιησάμεναι, σφᾶς δ' αὐτὰς καὶ τὰς ἄλλας πόλεις ἀπολλύουσαι νῦν τε τῶν μὲν Ἑλλήνων ἄρχειν ἀξιοῦσαι, πρὸς δὲ τὸν βασιλέα πρέσβεις πέμπουσαι περὶ φιλίας καὶ συμμαχίας· οἱ δὲ τότε τὴν πόλιν οἰκοῦντες οὐδὲν τούτων ἔπραττον, [163] ἀλλὰ πᾶν τοὐναντίον· τῶν μὲν γὰρ Ἑλληνίδων πόλεων οὕτως αὐτοῖς ἀπέχεσθαι σφόδρα δεδογμένον ἦν ὥσπερ τοῖς εὐσεβέσι τῶν ἐν τοῖς ἱεροῖς ἀνακειμένων, τῶν δὲ πολέμων ὑπελάμβανον ἀναγκαιότατον μὲν εἶναι καὶ δικαιότατον τὸν μετὰ πάντων ἀνθρώπων πρὸς τὴν ἀγριότητα τῶν θηρίων γιγνόμενον, δεύτερον δὲ τὸν μετὰ τῶν Ἑλλήνων πρὸς τοὺς βαρβάρους τοὺς καὶ φύσει πολεμίους ὄντας καὶ πάντα τὸν χρόνον ἐπιβουλεύοντας ἡμῖν.

[164] Τοῦτον δ' εἴρηκα τὸν λόγον οὐκ αὐτὸς εὑρών, ἀλλ' ἐκ τῶν ἐκείνοις πεπραγμένων συλλογισάμενος. Ὁρῶντες γὰρ τὰς μὲν ἄλλας πόλεις ἐν πολλοῖς κακοῖς καὶ πολέμοις καὶ ταραχαῖς οὔσας, τὴν δ' αὑτῶν μόνην καλῶς διοικουμένην, οὐχ ἡγήσαντο δεῖν τοὺς ἄμεινον τῶν ἄλλων φρονοῦντας καὶ πράττοντας ἀμελεῖν οὐδὲ περιορᾶν τὰς τῆς αὐτῆς συγγενείας μετεχούσας ἀπολλυμένας, ἀλλὰ σκεπτέον εἶναι καὶ πρακτέον ὅπως ἁπάσας ἀπαλλάξουσι τῶν κακῶν τῶν παρόντων. [165] Ταῦτα δὲ διανοηθέντες τῶν μὲν ἧττον νοσουσῶν πρεσβείαις καὶ λόγοις ἐξαιρεῖν ἐπειρῶντο τὰς διαφοράας, εἰς δὲ τὰς μᾶλλον στασιαζούσας ἐξέπεμπον τῶν πολιτῶν τοὺς μεγίστην παρ' αὐτοῖς δόξαν ἔχοντας, οἳ περί τε τῶν παρόντων πραγμάτων αὐταῖς συνεβούλευον καὶ συγγιγνόμενοι τοῖς τε μὴ δυναμένοις ἐν ταῖς αὑτῶν ζῆν καὶ τοῖς χεῖρον γεγονόσιν ὧν οἱ νόμοι προστάττουσιν, οἵπερ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ λυμαίνονται τὰς πόλεις, ἔπειθον μεθ' αὑτῶν στρατεύεσθαι καὶ βίον ζητεῖν βελτίω τοῦ παρόντος. [166] Πολλῶν δὲ γιγνομένων τῶν ταῦτα βουλομένων καὶ πειθομένων, στρατόπεδα συνιστάντες ἐξ αὐτῶν, τούς τε τὰς νήσους κατέχοντας τῶν βαρβάρων καὶ τοὺς ἐφ' ἑκατέρας τῆς ἠπείρου τὴν παραλίαν κατοικοῦντας καταστρεφόμενοι, καὶ πάντας ἐκβαλόντες, τοὺς μάλιστα βίου δεομένους τῶν Ἑλλήνων κατῴκιζον. Καὶ ταῦτα πράττοντες καὶ τοῖς ἄλλοις ὑποδεικνύοντες διετέλουν, ἕως ἤκουσαν Σπαρτιάτας τὰς πόλεις τὰς ἐν Πελοποννήσῳ κατοικούσας, ὥσπερ εἶπον, ὑφ' αὑτοῖς πεποιημένους· μετὰ δὲ ταῦτα τοῖς ἰδίοις ἠναγκάζοντο προσέχειν τὸν νοῦν.

[167] Τί οὖν ἐστὶ τὸ συμβεβηκὸς ἀγαθὸν ἐκ τοῦ πολέμου τοῦ περὶ τὰς ἀποικίας καὶ πραγματείας; Τοῦτο γὰρ οἶμαι μάλιστα ποθεῖν ἀκοῦσαι τοὺς πολλούς. Τοῖς μὲν Ἕλλησιν εὐπορωτέροις γενέσθαι τὰ περὶ τὸν βίον καὶ μᾶλλον ὁμονοεῖν τοσούτων τὸ πλῆθος καὶ τοιούτων ἀνθρώπων ἀπαλλαγεῖσι, τοῖς δὲ βαρβάροις ἐκπίπτειν ἐκ τῆς αὑτῶν καὶ φρονεῖν ἔλαττον ἢ πρότερον, τοῖς δ' αἰτίοις τούτων γεγενημένοις εὐδοκιμεῖν καὶ δοκεῖν διπλασίαν πεποιηκέναι τὴν Ἑλλάδα τῆς ἐξ ἀρχῆς συστάσης.

[168] Μεῖζον μὲν οὖν εὐεργέτημα τούτου καὶ κοινότερον τοῖς Ἕλλησι γεγενημένον παρὰ τῶν προγόνων τῶν ἡμετέρων οὐκ ἂν δυναίμην ἐξευρεῖν· οἰκειότερον δὲ τῇ περὶ τὸν πόλεμον ἐπιμελεία καὶ δόξης οὐκ ἐλάττονος ἄξιον καὶ πᾶσι φανερώτερον ἴσως ἕξομεν εἰπεῖν.

Τίς γὰρ οὐκ οἶδεν, ἢ τίς οὐκ ἀκήκοε τῶν τραγῳδοδιδασκάλων Διονυσίοις, τὰς Ἀδράστῳ γενομένας ἐν Θήβαις συμφοράς, [169] ὅτι κατάγειν βουληθεὶς τὸν Οἰδίπου μὲν υἱὸν αὑτοῦ δὲ κηδεστὴν παμπληθεῖς μὲν Ἀργείων ἀπώλεσεν, ἅπαντας δὲ τοὺς λοχαγοὺς ἐπεῖδε διαφθαρέντας, αὐτὸς δ' ἐπονειδίστως σωθείς, ἐπειδὴ σπονδῶν οὐχ οἷός τ' ἦν τυχεῖν οὐδ' ἀνελέσθαι τοὺς τετελευτηκότας, ἱκέτης γενόμενος τῆς πόλεως, ἔτι Θησέως αὐτὴν διοικοῦντος, ἐδεῖτο μὴ περιιδεῖν τοιούτους ἄνδρας ἀτάφους γενομένους μηδὲ παλαιὸν ἔθος καὶ πάτριον νόμον καταλυόμενον, ᾧ πάντες ἄνθρωποι χρώμενοι διατελοῦσιν οὐχ ὡς ὑπ' ἀνθρωπίνης κειμένῳ φύσεως, ἀλλ' ὡς ὑπὸ δαιμονίας προστεταγμένῳ δυνάμεως; [170] Ὧν ἀκούσας οὐδένα χρόνον ἐπισχὼν ὁ δῆμος ἔπεμψε πρεσβείαν εἰς Θήβας, περί τε τῆς ἀναιρέσεως συμβουλεύσοντας αὐτοῖς ὁσιώτερον βουλεύσασθαι καὶ τὴν ἀπόκρισιν νομιμωτέραν ποιήσασθαι τῆς πρότερον γενομένης, κἀκεῖνο ὑποδείξοντας, ὡς ἡ πόλις αὐτοῖς οὐκ ἐπιτρέψει παραβαίνουσι τὸν νόμον τὸν κοινὸν ἁπάντων τῶν Ἑλλήνων. [171] Ὧν ἀκούσαντες οἱ κύριοι τότε Θηβῶν ὄντες οὐχ ὁμοίως ἔγνωσαν οὔτε ταῖς δόξαις αἷς ἔχουσί τινες περὶ αὐτῶν, οὔθ' οἷς ἐβουλεύσαντο πρότερον, ἀλλὰ μετρίως περὶ αὑτῶν τε διαλεχθέντες καὶ τῶν ἐπιστρατευσάντων κατηγορήσαντες ἔδοσαν τῇ πόλει τὴν ἀναίρεσιν.

[172] Καὶ μηδεὶς οἰέσθω με ἀγνοεῖν ὅτι τἀναντία τυγχάνω λέγων οἷς ἐν τῷ Πανηγυρικῷ λόγῳ φανείην ἂν περὶ τῶν αὐτῶν τούτων γεγραφώς· ἀλλὰ γὰρ οὐδένα νομίζω τῶν ταῦτα συνιδεῖν ἂν δυνηθέντων τοσαύτης ἀμαθίας εἶναι καὶ φθόνου μεστόν, ὅστις οὐκ ἂν ἐπαινέσειέ με καὶ σωφρονεῖν ἡγήσαιτο τότε μὲν ἐκείνως νῦν δ' οὕτω διαλεχθέντα περὶ αὐτῶν. [173] Περὶ μὲν οὖν τούτων οἶδ' ὅτι καλῶς γέγραφα καὶ συμφερόντως· ὅσον δ' ἡ πόλις ἡμῶν διέφερε τὰ περὶ τὸν πόλεμον κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον, τοῦτο γὰρ ἀποδεῖξαι βουλόμενος διῆλθον τὰ γενόμενα Θήβῃσιν, ἡγοῦμαι τὴν πρᾶξιν ἐκείνην ἅπασι σαφῶς δηλοῦν, τὴν τὸν μὲν βασιλέα τὸν Ἀργείων ἀναγκάσασαν ἱκέτην γενέσθαι τῆς πόλεως τῆς ἡμετέρας, τοὺς δὲ κυρίους ὄντας Θηβῶν οὕτω διαθεῖσαν, [174] ὥστε ἑλέσθαι μᾶλλον αὐτοὺς ἐμμεῖναι τοῖς λόγοις τοῖς ὑπὸ τῆς πόλεως πεμφθεῖσιν ἢ τοῖς νόμοις τοῖς ὑπὸ τοῦ δαιμονίου κατασταθεῖσιν· ὧν οὐδὲν ἂν οἵα τ' ἐγένετο διοικῆσαι κατὰ τρόπον ἡ πόλις ἡμῶν, εἰ μὴ καὶ τῇ δόξῃ καὶ τῇ δυνάμει πολὺ διήνεγκε τῶν ἄλλων.

[175] Ἔχων δὲ πολλὰς καὶ καλὰς πράξεις περὶ τῶν προγόνων εἰπεῖν, σκοποῦμαι τίνα τρόπον διαλεχθῶ περὶ αὐτῶν. Μέλει γάρ μοι τούτων μᾶλλον ἢ τῶν ἄλλων· τυγχάνω γὰρ ὢν περὶ τὴν ὑπόθεσιν ἣν ἐποιησάμην τελευταίαν, ἐν ᾗ προεῖπον ὡς ἐπιδείξω τοὺς προγόνους ἡμῶν ἐν τοῖς πολέμοις καὶ ταῖς μάχαις πλέον διενεγκόντας Σπαρτιατῶν ἢ τοῖς ἄλλοις ἅπασιν. [176] Ἔσται δ' ὁ λόγος παράδοξος μὲν τοῖς πολλοῖς, ὁμοίως δ' ἀληθὴς τοῖς ἄλλοις. Ἄρτι μὲν οὖν ἠπόρουν ποτέρων διεξίω πρότερον τοὺς κινδύνους καὶ τὰς μάχας, τὰς Σπαρτιατῶν ἢ τὰς τῶν ἡμετέρων· νῦν δὲ προαιροῦμαι λέγειν τὰς ἐκείνων, ἵν' ἐν ταῖς καλλίοσι καὶ δικαιοτέραις καταλύω τὸν λόγον τὸν περὶ τούτων.

[177] Ἐπειδὴ γὰρ Δωριέων οἱ στρατεύσαντες εἰς Πελοπόννησον τρίχα διείλοντο τάς τε πόλεις4 καὶ τὰς χώρας ἃς5 ἀφείλοντο τοὺς δικαίως κεκτημένους, οἱ μὲν Ἄργος λαχόντες καὶ Μεσσήνην παραπλησίως διῴκουν τὰ σφέτερ' αὐτῶν τοῖς ἄλλοις Ἕλλησι, τὸ δὲ τρίτον μέρος αὐτῶν, οὓς καλοῦμεν νῦν Λακεδαιμονίους, στασιάσαι μέν φασιν αὐτοὺς οἱ τἀκείνων ἀκριβοῦντες ὡς οὐδένας ἄλλους τῶν Ἑλλήνων, περιγενομένους δὲ τοὺς μεῖζον τοῦ πλήθους φρονοῦντας οὐδὲν τῶν αὐτῶν βουλεύσασθαι περὶ τῶν συμβεβηκότων τοῖς τοιαῦτα διαπεπραγμένοις· [178] τοὺς μὲν γὰρ ἄλλους συνοίκους ἔχειν ἐν τῇ πόλει τοὺς στασιάσαντας καὶ κοινωνοὺς ἁπάντων πλὴν τῶν ἀρχῶν καὶ τῶν τιμῶν· οὓς οὐκ εὖ φρονεῖν ἡγεῖσθαι Σπαρτιατῶν τοὺς νοῦν ἔχοντας, εἰ νομίζουσιν ἀσφαλῶς πολιτεύεσθαι μετὰ τούτων οἰκοῦντες, περὶ οὓς τὰ μέγιστα τυγχάνουσιν ἐξημαρτηκότες· αὐτοὺς δ' οὐδὲν τούτων ποιεῖν, ἀλλὰ παρὰ σφίσι μὲν αὐτοῖς ἰσονομίαν καταστῆσαι καὶ δημοκρατίαν τοιαύτην, οἵαν περ χρὴ τοὺς μέλλοντας ἅπαντα τὸν χρόνον ὁμονοήσειν, τὸν δὲ δῆμον περιοίκους ποιήσασθαι, καταδουλωσαμένους αὐτῶν τὰς ψυχὰς οὐδὲν ἧττον ἢ τὰς τῶν οἰκετῶν· [179] ταῦτα δὲ πράξαντας τῆς χώρας, ἧς προσῆκεν ἴσον ἔχειν ἕκαστον, αὐτοὺς μὲν λαβεῖν ὀλίγους ὄντας οὐ μόνον τὴν ἀρίστην, ἀλλὰ καὶ τοσαύτην ὅσην οὐδένες τῶν Ἑλλήνων ἔχουσι, τῷ δὲ πλήθει τηλικοῦτον ἀπονεῖμαι μέρος τῆς χειρίστης ὥστ' ἐπιπόνως ἐργαζομένους μόλις ἔχειν τὸ καθ' ἡμέραν· μετὰ δὲ ταῦτα διελόντας τὸ πλῆθος αὐτῶν ὡς οἷόν τ' ἦν εἰς ἐλαχίστους εἰς τόπους κατοικίσαι μικροὺς καὶ πολλούς, ὀνόμασι μὲν προσαγορευομένους ὡς πόλεις οἰκοῦντας, τὴν δὲ δύναμιν ἔχοντας ἐλάττω τῶν δήμων τῶν παρ' ἡμῖν· [180] ἁπάντων δ' ἀποστερήσαντας αὐτοὺς ὧν προσήκει μετέχειν τοὺς ἐλευθέρους, τοὺς πλείστους ἐπιθεῖναι τῶν κινδύνων αὐτοῖς· ἔν τε γὰρ ταῖς στρατείαις, αἷς ἡγεῖται βασιλεύς, κατ' ἄνδρα συμπαρατάττεσθαι σφίσιν αὐτοῖς, ἐνίους δὲ καὶ τῆς πρώτης τάττειν, ἐάν τέ που δεῆσαν αὐτοὺς ἐκπέμψαι βοήθειαν φοβηθῶσιν ἢ τοὺς πόνους ἢ τοὺς κινδύνους ἢ τὸ πλῆθος τοῦ χρόνου, τούτους ἀποστέλλειν προκινδυνεύσοντας τῶν ἄλλων. [181] Καὶ τί δεῖ μακρολογεῖν ἁπάσας διεξιόντα τὰς ὕβρεις τὰς περὶ τὸ πλῆθος γιγνομένας, ἀλλὰ μὴ τὸ μέγιστον εἰπόντα τῶν κακῶν ἀπαλλαγῆναι τῶν ἄλλων; Τῶν γὰρ οὕτω μὲν ἐξ ἀρχῆς δεινὰ πεπονθότων, ἐν δὲ τοῖς παροῦσι καιροῖς χρησίμων ὄντων, ἔξεστι τοῖς ἐφόροις ἀκρίτους ἀποκτεῖναι τοσούτους ὁπόσους ἂν βουληθῶσιν· ἃ τοῖς ἄλλοις Ἕλλησιν οὐδὲ τοὺς πονηροτάτους τῶν οἰκετῶν ὅσιόν ἐστι μιαιφονεῖν.

[182] Τούτου δ' ἕνεκα περὶ τῆς οἰκειότητος καὶ τῶν ἡμαρτημένων εἰς αὐτοὺς διὰ πλειόνων διῆλθον, ἵν' ἔρωμαι τοὺς ἀποδεχομένους ἁπάσας τὰς Σπαρτιατῶν πράξεις, εἰ καὶ ταύτας ἀποδέχονται, καὶ τὰς μάχας εὐσεβεῖς εἶναι νομίζουσι καὶ καλὰς τὰς πρὸς τούτους γεγενημένας. [183] Ἐγὼ μὲν γὰρ ἡγοῦμαι μεγάλας μὲν αὐτὰς γεγενῆσθαι καὶ δεινὰς καὶ πολλῶν αἰτίας τοῖς μὲν ἡττηθεῖσι κακῶν τοῖς δὲ κατορθώσασι λημμάτων, ὧνπερ ἕνεκα πολεμοῦντες ἅπαντα τὸν χρόνον διατελοῦσιν, οὐ μὴν ὁσίας οὐδὲ καλὰς οὐδὲ πρεπούσας τοῖς ἀρετῆς ἀντιποιουμένοις, μὴ τῆς ἐπὶ τῶν τεχνῶν ὀνομαζομένης καὶ πολλῶν ἄλλων, ἀλλὰ τῆς τοῖς καλοῖς κἀγαθοῖς τῶν ἀνδρῶν ἐν ταῖς ψυχαῖς μετ' εὐσεβείας καὶ δικαιοσύνης ἐγγιγνομένης, περὶ ἧς ἅπας ὁ λόγος ἐστίν. [184] Ἧς ὀλιγωροῦντές τινες ἐγκωμιάζουσι τοὺς πλείω τῶν ἄλλων ἡμαρτηκότας, καὶ οὐκ αἰσθάνονται τὰς διανοίας ἐπιδεικνύντες τὰς σφετέρας αὐτῶν, ὅτι κἀκείνους ἂν ἐπαινέσειαν, τοὺς πλείω μὲν κεκτημένους τῶν ἱκανῶν, ἀποκτεῖναι δ' ἂν τολμήσαντας τοὺς ἀδελφοὺς τοὺς ἑαυτῶν καὶ τοὺς ἑταίρους καὶ τοὺς κοινωνοὺς ὥστε καὶ τἀκείνων λαβεῖν· ὅμοια γὰρ τὰ τοιαῦτα τῶν ἔργων ἐστὶ τοῖς ὑπὸ Σπαρτιατῶν πεπραγμένοις, ἃ τοὺς ἀποδεχομένους ἀναγκαῖόν ἐστι καὶ περὶ τῶν εἰρημένων ἄρτι τὴν αὐτὴν ἔχειν γνώμην.

[185] Θαυμάζω δ' εἴ τινες τὰς μάχας καὶ τὰς νίκας τὰς παρὰ τὸ δίκαιον γιγνομένας μὴ νομίζουσιν αἰσχίους εἶναι καὶ πλειόνων ὀνειδῶν μεστὰς ἢ τὰς ἥττας τὰς ἄνευ κακίας συμβαινούσας, καὶ τοῦτ' εἰδότες ὅτι μεγάλαι δυνάμεις πονηραὶ δὲ πολλάκις γίγνονται κρείττους ἀνδρῶν σπουδαίων καὶ κινδυνεύειν ὑπὲρ τῆς πατρίδος αἱρουμένων. [186] Οὓς πολὺ ἂν δικαιότερον ἐπαινοῖμεν ἢ τοὺς περὶ τῶν ἀλλοτρίων ἑτοίμως ἀποθνήσκειν ἐθέλοντας καὶ τοῖς ξενικοῖς στρατεύμασιν ὁμοίους ὄντας· ταῦτα μὲν γάρ ἐστιν ἔργα πονηρῶν ἀνθρώπων, τὸ δὲ τοὺς χρηστοὺς ἐνίοτε χεῖρον ἀγωνίζεσθαι τῶν ἀδικεῖν βουλομένων θεῶν ἄν τις ἀμέλειαν εἶναι φήσειεν. [187] Ἔχοιμι δ' ἂν τῷ λόγῳ τούτῳ χρήσασθαι καὶ περὶ τῆς συμφορᾶς τῆς Σπαρτιάταις ἐν Θερμοπύλαις γενομένης, ἣν ἅπαντες ὅσοι περ ἀκηκόασιν ἐπαινοῦσι καὶ θαυμάζουσι μᾶλλον ἢ τὰς μάχας καὶ τὰς νίκας τὰς κρατησάσας μὲν τῶν ἐναντίων, πρὸς οὓς δ' οὐκ ἐχρῆν γεγενημένας· ἃς εὐλογεῖν τινες τολμῶσι, κακῶς εἰδότες ὡς οὐδὲν οὔθ' ὅσιον οὔτε καλόν ἐστι τῶν μὴ μετὰ δικαιοσύνης καὶ λεγομένων καὶ πραττομένων.  [188] Ὧν Σπαρτιάταις μὲν οὐδὲν πώποτ' ἐμέλησεν· βλέπουσι γὰρ εἰς οὐδὲν ἄλλο πλὴν ὅπως ὡς πλεῖστα τῶν ἀλλοτρίων κατασχήσουσιν· οἱ δ' ἡμέτεροι περὶ οὐδὲν οὕτω τῶν ὄντων ἐσπούδαζον ὡς τὸ παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εὐδοκιμεῖν· ἡγοῦντο γὰρ οὐδεμίαν ἂν γενέσθαι κρίσιν οὔτ' ἀληθεστέραν οὔτε δικαιοτέραν τῆς ὑπὸ παντὸς τοῦ γένους γνωσθείσης.

[189] Δῆλοι δ' ἦσαν οὕτως ἔχοντες ἔν τε τοῖς ἄλλοις οἷς διῴκουν τὴν πόλιν, καὶ τοῖς μεγίστοις τῶν πραγμάτων. Τριῶν γὰρ πολέμων γενομένων ἄνευ τοῦ Τρωικοῦ τοῖς Ἕλλησι πρὸς τοὺς βαρβάρους, ἐν ἅπασι τούτοις πρωτεύουσαν αὐτὴν παρέσχον. Ὧν εἷς μὲν ἦν ὁ πρὸς Ξέρξην, ἐν ᾧ πλέον διήνεγκαν Λακεδαιμονίων ἐν ἅπασι τοῖς κινδύνοις ἢ 'κεῖνοι τῶν ἄλλων, [190] δεύτερος δ' ὁ περὶ τὴν κτίσιν τῶν ἀποικιῶν, εἰς ὃν Δωριέων μὲν οὐδεὶς ἦλθε συμπολεμήσων, ἡ δὲ πόλις ἡμῶν ἡγεμὼν καταστᾶσα τῶν οὐκ εὐπορούντων καὶ τῶν ἄλλων τῶν βουλομένων τοσοῦτον τὰ πράγματα μετέστησεν, ὥστ' εἰθισμένων τῶν βαρβάρων τὸν ἄλλον χρόνον τὰς μεγίστας πόλεις τῶν Ἑλληνίδων καταλαμβάνειν ἐποίησε τοὺς Ἕλληνας, ἃ πρότερον ἔπασχον, ταῦτα δύνασθαι ποιεῖν.

[191] Περὶ μὲν οὖν τοῖν δυοῖν πολέμοιν ἐν τοῖς ἔμπροσθεν ἱκανῶς εἰρήκαμεν, περὶ δὲ τοῦ τρίτου ποιήσομαι τοὺς λόγους, ὃς ἐγένετο τῶν μὲν Ἑλληνίδων πόλεων ἄρτι κατῳκισμένων, τῆς δ' ἡμετέρας ἔτι βασιλευομένης. Ἐφ' ὧν καὶ πόλεμοι πλεῖστοι καὶ κίνδυνοι μέγιστοι συνέπεσον, οὓς ἅπαντας μὲν οὔθ' εὑρεῖν οὔτ' εἰπεῖν ἂν δυνηθείην, [192] παραλιπὼν δὲ τὸν πλεῖστον ὄχλον τῶν ἐν ἐκείνῳ μὲν τῷ χρόνῳ πραχθέντων ῥηθῆναι δὲ νῦν οὐ κατεπειγόντων, ὡς ἂν δύνωμαι συντομώτατα πειράσομαι δηλῶσαι τούς τ' ἐπιστρατεύσαντας τῇ πόλει καὶ τὰς μάχας τὰς ἀξίας μνημονευθῆναι καὶ ῥηθῆναι καὶ τοὺς ἡγεμόνας αὐτῶν, ἔτι δὲ τὰς προφάσεις ἃς ἔλεγον, καὶ τὴν δύναμιν τῶν γενῶν τῶν συνακολουθησάντων αὐτοῖς· ἱκανὰ γὰρ ἔσται ταῦτ' εἰπεῖν πρὸς οἷς περὶ τῶν ἐναντίων εἰρήκαμεν.

[193] Θρᾷκες μὲν γὰρ μετ' Εὐμόλπου τοῦ Ποσειδῶνος εἰσέβαλον εἰς τὴν χώραν ἡμῶν, ὃς ἠμφισβήτησεν Ἐρεχθεῖ τῆς πόλεως, φάσκων Ποσειδῶ πρότερον Ἀθηνᾶς καταλαβεῖν αὐτήν· Σκύθαι δὲ μετ' Ἀμαζόνων τῶν ἐξ Ἄρεως γενομένων, αἳ τὴν στρατείαν ἐφ' Ἱππολύτην ἐποιήσαντο, τὴν τούς τε νόμους παραβᾶσαν τοὺς παρ' αὐταῖς κειμένους, ἐρασθεῖσάν τε Θησέως καὶ συνακολουθήσασαν ἐκεῖθεν καὶ συνοικήσασαν αὐτῷ· [194] Πελοποννήσιοι δὲ μετ' Εὐρυσθέως, ὃς Ἡρακλεῖ μὲν οὐκ ἔδωκε δίκην ὧν ἡμάρτανεν εἰς αὐτόν, στρατεύσας δ' ἐπὶ τοὺς ἡμετέρους προγόνους ὡς ἐκληψόμενος βίᾳ τοὺς ἐκείνου παῖδας, παρ' ἡμῖν γὰρ ἦσαν καταπεφευγότες, ἔπαθεν ἃ προσῆκεν αὐτόν. Τοσούτου γὰρ ἐδέησε κύριος γενέσθαι τῶν ἱκετῶν, ὥστε ἡττηθεὶς μάχῃ καὶ ζωγρηθεὶς ὑπὸ τῶν ἡμετέρων, αὐτὸς ἱκέτης γενόμενος τούτων οὓς ἐξαιτῶν ἦλθε, τὸν βίον ἐτελεύτησεν. [195] Μετὰ δὲ τοῦτον οἱ πεμφθέντες ὑπὸ Δαρείου τὴν Ἑλλάδα πορθήσοντες, ἀποβάντες εἰς Μαραθῶνα, πλείοσι κακοῖς καὶ μείζοσι συμφοραῖς περιπεσόντες ὧν ἤλπισαν τὴν πόλιν ἡμῶν ποιήσειν, ᾤχοντο φεύγοντες ἐξ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος.

[196] Τούτους δ' ἅπαντας οὓς διῆλθον, οὐ μετ' ἀλλήλων εἰσβαλόντας οὐδὲ κατὰ τοὺς αὐτοὺς χρόνους, ἀλλ' ὡς οἵ τε καιροὶ καὶ τὸ συμφέρον ἑκάστοις καὶ τὸ βούλεσθαι συνέπιπτε, μάχῃ νικήσαντες καὶ τῆς ὕβρεως παύσαντες, οὐκ ἐξέστησαν αὑτῶν τηλικαῦτα διαπραξάμενοι τὸ μέγεθος, οὐδ' ἔπαθον ταὐτὸ τοῖς διὰ μὲν τὸ καλῶς καὶ φρονίμως βουλεύσασθαι καὶ πλούτους μεγάλους καὶ δόξας καλὰς κτησαμένοις, διὰ δὲ τὰς ὑπερβολὰς τὰς τούτων ὑπερηφάνοις γενομένοις καὶ τὴν φρόνησιν διαφθαρεῖσι καὶ κατενεχθεῖσιν εἰς χείρω πράγματα καὶ ταπεινότερα τῶν πρότερον αὐτοῖς ὑπαρχόντων, [197] ἀλλὰ πάντα τὰ τοιαῦτα διαφυγόντες ἐνέμειναν τοῖς ἤθεσιν οἷς εἶχον διὰ τὸ πολιτεύεσθαι καλῶς, μεῖζον φρονοῦντες ἐπὶ τῇ τῆς ψυχῆς ἕξει καὶ ταῖς διανοίαις ταῖς αὑτῶν ἢ ταῖς μάχαις ταῖς γεγενημέναις, καὶ μᾶλλον ὑπὸ τῶν ἄλλων θαυμαζόμενοι διὰ τὴν καρτερίαν ταύτην καὶ σωφροσύνην ἢ διὰ τὴν ἀνδρίαν τὴν ἐν τοῖς κινδύνοις αὐτοῖς παραγενομένην· [198] ἑώρων γὰρ πάντες τὴν μὲν εὐψυχίαν τὴν πολεμικὴν πολλοὺς ἔχοντας καὶ τῶν ταῖς κακουργίαις ὑπερβαλλόντων, τῆς δὲ χρησίμης ἐπὶ πᾶσι καὶ πάντας δυναμένης ὠφελεῖν οὐ κοινωνοῦντας τοὺς πονηρούς, ἀλλὰ μόνοις ἐγγιγνομένην τοῖς καλῶς γεγονόσι καὶ τεθραμμένοις καὶ πεπαιδευμένοις, ἅπερ προσῆν τοῖς τότε τὴν πόλιν διοικοῦσι καὶ τῶν εἰρημένων ἀγαθῶν ἁπάντων αἰτίοις καταστᾶσιν.

[199] Τοὺς μὲν οὖν ἄλλους ὁρῶ περὶ τὰ μέγιστα τῶν ἔργων καὶ μάλιστα μνημονευθησόμενα τοὺς λόγους καταλύοντας, ἐγὼ δὲ σωφρονεῖν μὲν νομίζω τοὺς ταῦτα γιγνώσκοντας καὶ πράττοντας, οὐ μὴν συμβαίνει μοι ταὐτὸ ποιεῖν ἐκείνοις, ἀλλ' ἔτι λέγειν ἀναγκάζομαι. Τὴν δ' αἰτίαν δι' ἥν, ὀλίγον ὕστερον ἐρῶ, μικρὰ πάνυ προδιαλεχθείς.

[200] Ἐπηνώρθουν μὲν γὰρ τὸν λόγον τὸν μέχρι τῶν ἀναγνωσθέντων γεγραμμένον μετὰ μειρακίων τριῶν ἢ τεττάρων τῶν εἰθισμένων μοι συνδιατρίβειν· ἐπειδὴ δὲ διεξιοῦσιν ἡμῖν ἐδόκει καλῶς ἔχειν καὶ προσδεῖσθαι τελευτῆς μόνον, ἔδοξέ μοι μεταπέμψασθαί τινα τῶν ἐμοὶ μὲν πεπλησιακότων, ἐν ὀλιγαρχίᾳ δὲ πεπολιτευμένον, προῃρημένον δὲ Λακεδαιμονίους ἐπαινεῖν, ἵν' εἴ τι παρέλαθεν ἡμᾶς ψεῦδος εἰρημένον, ἐκεῖνος κατιδὼν δηλώσειεν ἡμῖν. [201] Ἐλθὼν δ' ὁ κληθεὶς καὶ διαναγνοὺς τὸν λόγον ̔τὰ γὰρ μεταξὺ τί δεῖ λέγοντα διατρίβειν;̓, ἐδυσχέρανε μὲν ἐπ' οὐδενὶ τῶν γεγραμμένων, ἐπῄνεσε δ' ὡς δυνατὸν μάλιστα, καὶ διελέχθη περὶ ἑκάστου τῶν μερῶν παραπλησίως οἷς ἡμεῖς ἐγιγνώσκομεν· οὐ μὴν ἀλλὰ φανερὸς ἦν οὐχ ἡδέως ἔχων ἐπὶ τοῖς περὶ Λακεδαιμονίων εἰρημένοις. [202] Ἐξήλωσε δὲ διὰ ταχέων· ἐτόλμησε γὰρ εἰπεῖν ὡς εἰ καὶ μηδὲν ἄλλο πεποιήκασι τοὺς Ἕλληνας ἀγαθόν, ἀλλ' οὖν ἐκεῖνό γε δικαίως ἂν αὐτοῖς ἅπαντες χάριν ἔχοιεν, ὅτι τὰ κάλλιστα τῶν ἐπιτηδευμάτων εὑρόντες αὐτοί τε χρῶνται καὶ τοῖς ἄλλοις κατέδειξαν.

[203] Τοῦτο δὲ ῥηθὲν οὕτω βραχὺ καὶ μικρὸν αἴτιον ἐγένετο τοῦ μήτε καταλῦσαί με τὸν λόγον ἐφ' ὧν ἐβουλήθην, ὑπολαβεῖν θ' ὡς αἰσχρὸν ποιήσω καὶ δεινόν, εἰ παρὼν περιόψομαί τινα τῶν ἐμοὶ πεπλησιακότων πονηροῖς λόγοις χρώμενον. Ταῦτα δὲ διανοηθεὶς ἠρόμην αὐτὸν εἰ μηδὲν φροντίζει τῶν παρόντων, μηδ' αἰσχύνεται λόγον εἰρηκὼς ἀσεβῆ καὶ ψευδῆ καὶ πολλῶν ἐναντιώσεων μεστόν. “Γνώσει δ' ὡς ἔστι τοιοῦτος, [204] ἢν ἐρωτήσῃς τινὰς τῶν εὖ φρονούντων ποῖα τῶν ἐπιτηδευμάτων κάλλιστα νομίζουσιν εἶναι, καὶ μετὰ ταῦτα πόσος χρόνος ἐστὶν ἐξ οὗ Σπαρτιᾶται τυγχάνουσιν ἐν Πελοποννήσῳ κατοικοῦντες. Οὐδεὶς γὰρ ὅστις οὐ τῶν μὲν ἐπιτηδευμάτων προκρινεῖ τὴν εὐσέβειαν τὴν περὶ τοὺς θεοὺς καὶ τὴν δικαιοσύνην τὴν περὶ τοὺς ἀνθρώπους καὶ τὴν φρόνησιν τὴν περὶ τὰς ἄλλας πράξεις, Σπαρτιάτας δ' ἐνταῦθα κατοικεῖν οὐ πλείω φήσουσιν ἐτῶν ἑκτακοσίων. [205] Τούτων δ' οὕτως ἐχόντων, εἰ μὲν τυγχάνεις ἀληθῆ λέγων τούτους φάσκων εὑρετὰς γεγενῆσθαι τῶν καλλίστων ἐπιτηδευμάτων, ἀναγκαῖόν ἐστι τοὺς πολλαῖς γενεαῖς πρότερον γεγονότας, πρὶν Σπαρτιάτας ἐνταῦθα κατοικῆσαι, μὴ μετέχειν αὐτῶν, μήτε τοὺς ἐπὶ Τροίαν στρατευσαμένους μήτε τοὺς περὶ Ἡρακλέα καὶ Θησέα γεγονότας μήτε Μίνω τὸν Διὸς μήτε Ῥαδάμανθυν μήτ' Αἰακὸν μήτε τῶν ἄλλων μηδένα τῶν ὑμνουμένων ἐπὶ ταῖς ἀρεταῖς ταύταις, ἀλλὰ ψευδῆ τὴν δόξαν ταύτην ἅπαντας ἔχειν· εἰ δὲ σὺ μὲν φλυαρῶν τυγχάνεις, [206] προσήκει δὲ τοὺς ἀπὸ θεῶν γεγονότας καὶ χρῆσθαι ταύταις μᾶλλον τῶν ἄλλων καὶ καταδεῖξαι τοῖς ἐπιγιγνομένοις, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ μαίνεσθαι δόξεις ἅπασι τοῖς ἀκούσασιν, οὕτως εἰκῇ καὶ παρανόμως οὓς ἂν τύχῃς ἐπαινῶν. Ἔπειτ' εἰ μὲν εὐλόγεις αὐτοὺς οὐδὲν ἀκηκοὼς τῶν ἐμῶν, ἐλήρεις μὲν ἄν, οὐ μὴν ἐναντία γε λέγων ἐφαίνου σαυτῷ· [207] νῦν δ' ἐπῃνεκότι σοι τὸν ἐμὸν λόγον, τὸν ἐπιδεικνύντα πολλὰ καὶ δεινὰ Δακεδαιμονίους περὶ τε τοὺς συγγενεῖς τοὺς αὑτῶν καὶ περὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας διαπεπραγμένους, πῶς οἷόν τ' ἦν ἔτι σοὶ λέγειν τοὺς ἐνόχους ὄντας τούτοις, ὡς τῶν καλλίστων ἐπιτηδευμάτων ἡγεμόνες γεγόνασιν;

[208] « Πρὸς δὲ τούτοις κἀκεῖνό σε λέληθεν, ὅτι τὺ παραλελειμμένα τῶν ἐπιτηδευμάτων καὶ τῶν τεχνῶν καὶ τῶν ἄλλων ἁπάντων οὐχ οἱ τυχόντες εὑρίσκουσιν, ἀλλ' οἱ τάς τε φύσεις διαφέροντες καὶ μαθεῖν πλεῖστα τῶν πρότερον εὑρημένων δυνηθέντες καὶ προσέχειν τὸν νοῦν τῷ ζητεῖν μᾶλλον τῶν ἄλλων ἐθελήσαντες. [209] Ὧν Λακεδαιμόνιοι πλέον ἀπέχουσι τῶν βαρβάρων· οἱ μὲν γὰρ ἂν φανεῖεν πολλῶν εὑρημάτων καὶ μαθηταὶ καὶ διδάσκαλοι γεγονότες, οὗτοι δὲ τοσοῦτον ἀπολελειμμένοι τῆς κοινῆς παιδείας καὶ φιλοσοφίας εἰσὶν ὥστ' οὐδὲ γράμματα μανθάνουσιν, ἃ τηλικαύτην ἔχει δύναμιν ὥστε τοὺς ἐπισταμένους καὶ χρωμένους αὐτοῖς μὴ μόνον ἐμπείρους γίγνεσθαι τῶν ἐπὶ τῆς ἡλικίας τῆς αὑτῶν πραχθέντων ἀλλὰ καὶ τῶν πώποτε γενομένων. [210] Ἀλλ' ὅμως σὺ καὶ τοὺς τῶν τοιούτων ἀμαθεῖς ὄντας ἐτόλμησας εἰπεῖν ὡς εὑρεταὶ τῶν καλλίστων ἐπιτηδευμάτων γεγόνασι, καὶ ταῦτ' εἰδὼς ὅτι τοὺς παῖδας τοὺς ἑαυτῶν ἐθίζουσι περὶ τοιαύτας πραγματείας διατρίβειν, ἐξ ὧν ἐλπίζουσιν αὐτοὺς οὐκ εὐεργέτας γενήσεσθαι τῶν ἄλλων, ἀλλὰ κακῶς ποιεῖν μάλιστα δυνήσεσθαι τοὺς Ἕλληνας.

[211] « Ἃς πάσας μὲν διεξιὼν πολὺν ὄχλον ἐμαυτῷ τ' ἂν παράσχοιμι καὶ τοῖς ἀκούουσιν, μίαν δὲ μόνον εἰπών, ἣν ἀγαπῶσι καὶ περὶ ἣν μάλιστα σπουδάζουσιν, οἶμαι δηλώσειν ἅπαντα τὸν τρόπον αὐτῶν. Ἐκεῖνοι γὰρ καθ' ἑκάστην τὴν ἡμέραν εὐθὺς ἐξ εὐνῆς ἐκπέμπουσι τοὺς παῖδας, μεθ' ὧν ἂν ἕκαστοι βουληθῶσι, λόγῳ μὲν ἐπὶ θήραν, ἔργῳ δ' ἐπὶ κλωπείαν τῶν ἐν τοῖς ἀγροῖς κατοικούντων· [212] ἐν ᾗ συμβαίνει τοὺς μὲν ληφθέντας ἀργύριον ἀποτίνειν καὶ πληγὰς λαμβάνειν, τοὺς δὲ πλεῖστα κακουργήσαντας καὶ λαθεῖν δυνηθέντας ἔν τε τοῖς παισὶν εὐδοκιμεῖν μᾶλλον τῶν ἄλλων, ἐπειδὰν δ' εἰς ἄνδρας συντελῶσιν, ἢν ἐμμείνωσι τοῖς ἤθεσιν οἷς παῖδες ὄντες ἐμελέτησαν, ἐγγὺς εἶναι τῶν μεγίστων ἀρχῶν.

[213]  « Καὶ ταύτης ἤν τις ἐπιδείξῃ παιδείαν μᾶλλον ἀγαπωμένην ἢ σπουδαιοτέραν παρ' αὐτοῖς εἶναι νομιζομένην, ὁμολογῶ μηδὲν ἀληθὲς εἰρηκέναι μηδὲ περὶ ἑνὸς πώποτε πράγματος. Καίτοι τί τῶν τοιούτων ἔργων καλόν ἐστιν ἢ σεμνόν, ἀλλ' οὐκ αἰσχύνης ἄξιον; Πῶς δ' οὐκ ἀνοήτους χρὴ νομίζειν τοὺς ἐπαινοῦντας τοὺς τοσοῦτον τῶν νόμων τῶν κοινῶν ἐξεστηκότας καὶ μηδὲν τῶν αὐτῶν μήτε τοῖς Ἕλλησι μήτε τοῖς βαρβάροις γιγνώσκοντας; [214] Οἱ μὲν γὰρ ἄλλοι τοὺς κακουργοῦντας καὶ κλέπτοντας πονηροτέρους7 τῶν οἰκετῶν νομίζουσιν, ἐκεῖνοι δὲ τοὺς ἐν τοῖς τοιούτοις τῶν ἔργων πρωτεύοντας βελτίστους εἶναι τῶν παίδων ὑπολαμβάνουσι καὶ μάλιστα τιμῶσιν. Καίτοι τίς ἂν τῶν εὖ φρονούντων οὐκ ἂν τρὶς ἀποθανεῖν ἕλοιτο μᾶλλον, ἢ διὰ τοιούτων ἐπιτηδευμάτων γνωσθῆναι τὴν ἄσκησιν τῆς ἀρετῆς ποιούμενος; »

[215] Ταῦτ' ἀκούσας θρασέως μὲν οὐδὲ πρὸς ἓν ἀντεῖπε τῶν εἰρημένων, οὐδ' αὖ παντάπασιν ἀπεσιώπησεν, ἀλλ' ἔλεγεν ὅτι  « οὐ μὲν πεποίησαι τοὺς λόγους » ἐμὲ λέγων  « ὡς ἅπαντ' ἀποδεχομένου μου τἀκεῖ καὶ καλῶς ἔχειν νομίζοντος· ἐμοὶ δὲ δοκεῖς περὶ μὲν τῆς τῶν παίδων αὐτονομίας καὶ περὶ ἄλλων πολλῶν εἰκότως ἐπιτιμᾶν ἐκείνοις, [216] ἐμοῦ δ' οὐ δικαίως κατηγορεῖν. Ἐγὼ γὰρ ἐλυπήθην μὲν τὸν λόγον ἀναγιγνώσκων ἐπὶ τοῖς περὶ Λακεδαιμονίων εἰρημένοις, οὐ μὴν οὕτως ὡς ἐπὶ τῷ μηδὲν ἀντειπεῖν ὑπὲρ αὐτῶν δύνασθαι τοῖς γεγραμμένοις, εἰθισμένος τὸν ἄλλον χρόνον ἐπαινεῖν. Εἰς τοιαύτην δ' ἀπορίαν καταστὰς εἶπον ὅπερ ἦν λοιπόν, ὡς εἰ καὶ μηδὲν δι' ἄλλο, διά γ' ἐκεῖνο δικαίως ἂν αὐτοῖς ἅπαντες χάριν ἔχοιμεν, ὅτι τοῖς καλλίστοις τῶν ἐπιτηδευμάτων χρώμενοι τυγχάνουσιν. [217] Ταῦτα δ' εἶπον οὐ πρὸς τὴν εὐσέβειαν οὐδὲ πρὸς τὴν δικαιοσύνην οὐδὲ πρὸς τὴν φρόνησιν ἀποβλέψας, ἃ σὺ διῆθες, ἀλλὰ πρὸς τὰ γυμνάσια τἀκεῖ καθεστηκότα καὶ πρὸς τὴν ἄσκησιν τῆς ἀνδρίας καὶ τὴν ὁμόνοιαν καὶ συνόλως τὴν περὶ τὸν πόλεμον ἐπιμέλειαν, ἅπερ ἅπαντες ἂν ἐπαινοῖεν, καὶ μάλιστ' ἂν αὐτοῖς ἐκείνους χρῆσθαι φήσειαν. »

[218] Ταῦτα δ' αὐτοῦ διαλεχθέντος ἀπεδεξάμην μέν, οὐχ ὡς διαλυόμενόν τι τῶν κατηγορημένων, ἀλλ' ὡς ἀποκρυπτόμενον τὸ πικρότατον τῶν τότε ῥηθέντων οὐκ ἀπαιδεύτως ἀλλὰ νοῦν ἐχόντως, καὶ περὶ τῶν ἄλλων ἀπολελογημένον σωφρονέστερον ἢ τότε παρρησιασάμενον· µ

οὐ μὴν ἀλλ' ἐκεῖν' ἐάσας περὶ αὐτῶν τούτων ἔφασκον κατηγορίαν ἔχειν πολὺ δεινοτέραν ἢ περὶ τῆς τῶν παίδων κλωπείας. [219] « Ἐκείνοις μὲν γὰρ τοῖς ἐπιτηδεύμασιν ἐλυμαίνοντο τοὺς αὑτῶν παῖδας, οἷς δ' ὀλίγῳ πρότερον σὺ διῆλθες, τοὺς Ἕλληνας ἀπώλλυσαν. Ῥᾴδιον δ', ὡς οὕτως εἶχε ταῦτα, συνιδεῖν. οἶμαι γὰρ ἅπαντας ἂν ὁμολογῆσαι κακίστους ἄνδρας εἶναι καὶ μεγίστης ζημίας ἀξίους, ὅσοι τοῖς πράγμασι τοῖς εὑρημένοις ἐπ' ὠφελίᾳ, τούτοις ἐπὶ βλάβῃ χρώμενοι τυγχάνουσι, [220] μὴ πρὸς τοὺς βαρβάρους μηδὲ πρὸς τοὺς ἁμαρτάνοντας μηδὲ πρὸς τοὺς εἰς τὴν αὑτῶν χώραν εἰσβάλλοντας, ἀλλὰ πρὸς τοὺς οἰκειοτάτους καὶ τῆς αὐτῆς συγγενείας μετέχοντας· ἅπερ ἐποίουν Ξπαρτιᾶται. Καίτοι πῶς ὅσιόν ἐστι φάσκειν καλῶς χρῆσθαι τοῖς περὶ τὸν πόλεμον ἐπιτηδεύμασιν, οἵτινες οὓς προσῆκε σώζειν, τούτους ἀπολλύοντες ἅπαντα τὸν χρόνον διετέλεσαν;

[221] « Ἀλλὰ γὰρ οὐ σὺ μόνος ἀγνοεῖς τοὺς καλῶς χρωμένους τοῖς πράγμασιν, ἀλλὰ σχεδὸν οἱ πλεῖστοι τῶν Ἑλλήνων. Ἐπειδὰν γάρ τινας ἴδωσιν ἢ πύθωνται παρά τινων ἐπιμελῶς διατρίβοντας περὶ τὰ δοκοῦντ' εἶναι καλὰ τῶν ἐπιτηδευμάτων, ἐπαινοῦσι καὶ πολλοὺς λόγους ποιοῦνται περὶ αὐτῶν, οὐκ εἰδότες τὸ συμβησόμενον. [222] Χρὴ δὲ τοὺς ὀρθῶς δοκιμάζειν βουλομένους περὶ τῶν τοιούτων ἐν ἀρχῇ μὲν ἡσυχίαν ἄγειν καὶ μηδεμίαν δόξαν ἔχειν περὶ αὐτῶν, ἐπειδὰν δ' εἰς τὸν χρόνον ἐκεῖνον ἔλθωσιν, ἐν ᾧ καὶ λέγοντας καὶ πράττοντας αὐτοὺς ὄψονται καὶ περὶ τῶν ἰδίων καὶ περὶ τῶν κοινῶν, τότε θεωρεῖν ἀκριβῶς ἕκαστον αὐτῶν, [223] καὶ τοὺς μὲν νομίμως καὶ καλῶς χρωμένους οἷς ἐμελέτησαν ἐπαινεῖν καὶ τιμᾶν, τοὺς δὲ πλημμελοῦντας καὶ κακουργοῦντας ψέγειν καὶ μισεῖν καὶ φυλάττεσθαι τὸν τρόπον αὐτῶν, ἐνθυμουμένους ὡς οὐχ αἱ φύσεις αἱ τῶν πραγμάτων οὔτ' ὠφελοῦσιν οὔτε βλάπτουσιν ἡμᾶς, ἀλλ' ὡς αἱ τῶν ἀνθρώπων χρήσεις καὶ πράξεις ἁπάντων ἡμῖν αἴτιαι τῶν συμβαινόντων εἰσίν. [224] Γνοίη δ' ἄν τις ἐκεῖθεν· τὰ γὰρ αὐτὰ πανταχῇ καὶ μηδαμῇ διαφέροντα τοῖς μὲν ὠφέλιμα τοῖς δὲ βλαβερὰ γίγνεται. Καίτοι τὴν μὲν φύσιν ἕκαστον τῶν ὄντων τὴν ἐναντίαν αὐτὴν αὑτῇ καὶ μὴ αὐτὴν οὐκ εὔκολόν ἐστιν· τὸ δὲ μηδὲν τῶν αὐτῶν συμβαίνειν τοῖς ὀρθῶς καὶ δικαίως πράττουσι καὶ τοῖς ἀσελγῶς τε καὶ κακῶς, τίνι τῶν ὀρθῶς λογιζομένων οὐκ ἂν εἰκότως ταῦτα γίγνεσθαι δόξειεν;

[225] « Ὁ δ' αὐτὸς οὗτος λόγος καὶ περὶ τὰς ὁμονοίας ἂν ἁρμόσειεν· καὶ γὰρ ἐκεῖναι τὴν φύσιν εἰσὶν οὐκ ἀνόμοιαι τοῖς εἰρημένοις, ἀλλὰ τὰς μὲν αὐτῶν εὕροιμεν ἂν πλείστων ἀγαθῶν αἰτίας γιγνομένας, τὰς δὲ τῶν μεγίστων κακῶν καὶ συμφορῶν. Ὧν μίαν εἶναί φημι καὶ τὴν Σπαρτιατῶν· εἰρήσεται γὰρ τἀληθές, εἰ καί τισι δόξω λίαν παράδοξα λέγειν. [226] Οὗτοι γὰρ τῷ ταὐτὰ γιγνώσκειν περὶ τῶν ἔξω πραγμάτων ἀλλήλοις στασιάζειν τοὺς Ἕλληνας ὥσπερ τέχνην ἔχοντες, ἐποίουν, καὶ τὸ χαλεπώτατον ταῖς ἄλλαις πόλεσι τῶν κακῶν γιγνόμενον, τοῦθ' αὑτοῖς ἁπάντων συμφορώτατον ἐνόμιζον εἶναι· τὰς γὰρ οὕτω διακειμένας ἐξῆν αὐτοῖς, ὅπως ἠβούλοντο, διοικεῖν. Ὥστ' οὐδεὶς ἂν αὐτοὺς διά γε τὴν ὁμόνοιαν δικαίως ἐπαινέσειεν, οὐδὲν μᾶλλον ἢ τοὺς καταποντιστὰς καὶ λῃστὰς καὶ τοὺς περὶ τὰς ἄλλας ἀδικίας ὄντας· καὶ γὰρ ἐκεῖνοι σφίσιν αὐτοῖς ὁμονοοῦντες τοὺς ἄλλους ἀπολλύουσιν. [227] Εἰ δέ τισι δοκῶ τὴν παραβολὴν ἀπρεπῆ πεποιῆσθαι πρὸς τὴν ἐκείνων δόξαν, ταύτην μὲν ἐῶ, λέγω δὲ Τριβαλλούς, οὓς ἅπαντές φασιν ὁμονοεῖν μὲν ὡς οὐδένας ἄλλους ἀνθρώπους, ἀπολλύναι δ' οὐ μόνον τοὺς ὁμόρους καὶ τοὺς πλησίον οἰκοῦντας, ἀλλὰ καὶ τοὺς ἄλλους ὅσων ἂν ἐφικέσθαι δυνηθῶσιν. [228] Οὓς οὐ χρὴ μιμεῖσθαι τοὺς ἀρετῆς ἀντιποιουμένους, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον τὴν τῆς σοφίας καὶ τῆς δικαιοσύνης καὶ τῶν ἄλλων ἀρετῶν δύναμιν. Αὗται μὲν γὰρ οὐ τὰς σφετέρας αὐτῶν φύσεις εὐεργετοῦσιν, ἀλλ' οἷς ἂν παραγενόμεναι παραμείνωσιν, εὐδαίμονας καὶ μακαρίους ποιοῦσιν· Λακεδαιμόνιοι δὲ τοὐναντίον, οἷς μὲν ἂν πλησιάσωσιν, ἀπολλύουσι, τὰ δὲ τῶν ἄλλων ἀγαθὰ πάντα περὶ σφᾶς αὐτοὺς ποιοῦνται.»

[229] Ταῦτ' εἰπὼν κατέσχον πρὸς ὃν τοὺς λόγους ἐποιούμην, ἄνδρα δεινὸν καὶ πολλῶν ἔμπειρον καὶ περὶ τὸ λέγειν γεγυμνασμένον οὐδενὸς ἧττον τῶν ἐμοὶ πεπλησιακότων. Οὐ μὴν τὰ μειράκια τὰ πᾶσι παραγεγενημένα τούτοις τὴν αὐτὴν ἐμοὶ γνώμην ἔσχεν, ἀλλ' ἐμὲ μὲν ἐπῄνεσαν ὡς διειλεγμένον τε νεαρωτέρως ἢ προσεδόκησαν ἠγωνισμένον τε καλῶς, ἐκείνου δὲ κατεφρόνησαν, οὐκ ὀρθῶς γιγνώσκοντες, [230] ἀλλὰ διημαρτηκότες ἀμφοτέρων ἡμῶν. Ὁ μὲν γὰρ ἀπῄει φρονιμώτερος γεγενημένος καὶ συνεσταλμένην ἔχων τὴν διάνοιαν, ὥσπερ χρὴ τοὺς εὖ φρονοῦντας, καὶ πεπονθὼς τὸ γεγραμμένον ἐν Δελφοῖς, αὑτόν τ' ἐγνωκὼς καὶ τὴν Λακεδαιμονίων φύσιν μᾶλλον ἢ πρότερον· ἐγὼ δ' ὑπελειπόμην ἐπιτυχῶς μὲν ἴσως διειλεγμένος, ἀνοητότερος δὲ δι' αὐτὸ τοῦτο γεγενημένος, καὶ φρονῶν μεῖζον ἢ προσῆκε τοὺς τηλικούτους, καὶ ταραχῆς μειρακιώδους μεστὸς ὤν.

[231] Δῆλος δ' ἦν οὕτω διακείμενος· ἐπειδὴ γὰρ ἡσυχίας ἐπελαβόμην, οὐ πρότερον ἐπαυσάμην πρὶν ὑπέβαλον τῷ παιδὶ τὸν λόγον, ὃν ὀλίγῳ μὲν πρότερον μεθ' ἡδονῆς διῆλθον, μικρῷ δ' ὕστερον ἤμελλέ με λυπήσειν. Τριῶν γὰρ ἢ τεττάρων ἡμερῶν διαλειφθεισῶν ἀναγιγνώσκων αὐτὰ καὶ διεξιών, ἐπὶ μὲν οἷς περὶ τῆς πόλεως ἦν εἰρηκώς, οὐκ ἠχθόμην, καλῶς γὰρ καὶ δικαίως ἦν ἅπαντα περὶ αὐτῆς γεγραφώς, [232] ἐπὶ δὲ τοῖς περὶ Λακεδαιμονίων ἐλυπήθην καὶ βαρέως ἔφερον· οὐ γὰρ μετρίως ἐδόκουν μοι διειλέχθαι περὶ αὐτῶν οὐδ' ὁμοίως τοῖς ἄλλοις, ἀλλ' ὀλιγώρως καὶ λίαν πικρῶς καὶ παντάπασιν ἀνοήτως· ὥστε πολλάκις ὁρμήσας ἐξαλείφειν αὐτὸν ἢ κατακάειν μετεγίγνωσκον, ἐλεῶν τὸ γῆρας τοὐμαυτοῦ καὶ τὸν πόνον τὸν περὶ τὸν λόγον γεγενημένον.

[233] Ἐν τοιαύτῃ δὲ μοι ταραχῇ καθεστηκότι καὶ μεταβολὰς ποιουμένῳ πολλὰς ἔδοξε κράτιστον εἶναι παρακαλέσαντι τῶν πεπλησιακότων τοὺς ἐπιδημοῦντας βουλεύσασθαι μετ' αὐτῶν, πότεροι ἀφανιστέος παντάπασίν ἐστιν ἢ διαδοτέος τοῖς βουλομένοις λαμβάνειν, ὁπότερα δ' ἂν ἐκείνοις δόξῃ, ταῦτα ποιεῖν. Τούτων γνωσθέντων οὐδεμίαν διατριβὴν ἐποιησάμην, ἀλλ' εὐθὺς παρεκέκληντο μὲν οὓς εἶπον, προειρηκὼς δ' ἦν αὐτοῖς ἐφ' ἃ συνεληλυθότες ἦσαν, ἀνέγνωστο δ' ὁ λόγος, ἐπῃνημένος δ' ἦν καὶ τεθορυβημένος καὶ τετυχηκὼς ὧνπερ οἱ κατορθοῦντες ἐν ταῖς ἐπιδείξεσιν.

[234] Ἁπάντων δὲ τούτων ἐπιτετελεσμένων οἱ μὲν ἄλλοι διελέγοντο πρὸς σφᾶς αὐτούς, δῆλον ὅτι περὶ τῶν ἀναγνωσθέντων· ὃν δ' ἐξ ἀρχῆς μετεπεμψάμεθα σύμβουλον, τὸν Λακεδαιμονίων ἐπαινέτην, πρὸς ὃν πλείω διελέχθην τοῦ δέοντος, σιωπὴν ποιησάμενος καὶ πρὸς ἐμὲ βλέψας ἀπορεῖν ἔφασκεν ὅ τι χρήσηται τοῖς παροῦσιν· οὔτε γὰρ ἀπιστεῖν βούλεσθαι τοῖς ὑπ' ἐμοῦ λεγομένοις, οὔτε πιστεύειν δύνασθαι παντάπασιν αὐτοῖς. [235] « Θαυμάζω γὰρ εἴθ' οὕτως ἐλυπήθης καὶ βαρέως ἔσχες, ὥσπερ φῄς, ἐπὶ τοῖς περὶ Λακεδαιμονίων εἰρημένοις, οὐδὲν γὰρ ἐν αὐτοῖς ὁρῶ τοιοῦτον γεγραμμένον, εἴτε συμβούλοις περὶ τοῦ λόγου χρήσασθαι βουλόμενος ἡμᾶς συνήγαγες, οὓς οἶσθ' ἀκριβῶς ἅπαν ὅ τι ἂν σὺ λέγῃς ἢ πράττῃς ἐπαινοῦντας. Εἰθισμένοι δ' εἰσὶν οἱ νοῦν ἔχοντες ἀνακοινοῦσθαι, περὶ ὧν ἂν σπουδάζωσι, μάλιστα μὲν τοῖς ἄμεινον αὑτῶν φρονοῦσιν, εἰ δὲ μή, τοῖς μέλλουσιν ἀποφαίνεσθαι τὴν αὑτῶν γνώμην· ὧν τἀναντία σὺ πεποίηκας. [236] Τούτων μὲν οὖν οὐδέτερον ἀποδέχομαι τῶν λόγων, δοκεῖς δέ μοι ποιήσασθαι τήν τε παράκλησιν τὴν ἡμετέραν καὶ τὸν ἔπαινον τὸν τῆς πόλεως οὐχ ἁπλῶς, οὐδ' ὡς διείλεξαι πρὸς ἡμᾶς, ἀλλ' ἡμῶν μὲν πεῖραν λαβεῖν βουλόμενος, εἰ φιλοσοφοῦμεν καὶ μεμνήμεθα τῶν ἐν ταῖς διατριβαῖς λεγομένων καὶ συνιδεῖν δυνηθεῖμεν ἂν ὃν τρόπον ὁ λόγος τυγχάνει γεγραμμένος, [237] τὴν δὲ πόλιν ἐπαινεῖν προελέσθαι τὴν σαυτοῦ σωφρονῶν, ἵνα τῷ τε πλήθει τῷ τῶν πολιτῶν χαρίσῃ καὶ παρὰ τοῖς εὖνοι·κῶς πρὸς ὑμᾶς διακειμένοις εὐδοκιμήσῃς.

« Ταῦτα δὲ γνοὺς ὑπέλαβες ὡς εἰ μὲν περὶ μόνης αὐτῆς ποιήσει τοὺς λόγους καὶ τὰ μυθώδη περὶ αὐτῆς ἐρεῖς ἃ πάντες θρυλοῦσιν, ὅμοια φανεῖται τὰ λεγόμενα τοῖς ὑπὸ τῶν ἄλλων γεγραμμένοις, ἐφ' ᾧ σὺ μάλιστ' ἂν αἰσχυνθείης καὶ λυπηθείης· [238] ἐὰν δ' ἐάσας ἐκεῖνα λέγῃς τὰς πράξεις τὰς ὁμολογουμένας καὶ πολλῶν ἀγαθῶν αἰτίας τοῖς Ἕλλησι γεγενημένας, καὶ παραβάλλῃς αὐτὰς πρὸς τὰς Λακεδαιμονίων, καὶ τὰς μὲν τῶν προγόνων ἐπαινῇς, τῶν δ' ἐκείνοις πεπραγμένων κατηγορῇς, ὅ τε λόγος ἐναργέστερος εἶναι δόξει τοῖς ἀκούουσι καὶ σὺ μενεῖς ἐν τοῖς αὐτοῖς, ὃ μᾶλλον ἄν τινες θαυμάσειαν τῶν τοῖς ἄλλοις γεγραμμένων. [239] Ἐν ἀρχῇ μὲν οὖν οὕτω μοι φαίνει τάξαι καὶ βουλεύσασθαι περὶ αὐτῶν,

εἰδὼς δὲ σαυτὸν ἐπῃνεκότα τὴν Σπαρτιατῶν διοίκησιν ὡς οὐδεὶς ἄλλος, φοβεῖσθαι τοὺς ἀκηκοότας, μὴ δόξῃς ὅμοιος εἶναι τοῖς λέγουσιν ὅ τι ἂν τύχωσι καὶ τούτους νῦν ψέγειν οὓς πρότερον ἐπῄνεις μᾶλλον τῶν ἄλλων· ταῦτ' ἐνθυμηθεὶς σκοπεῖσθαι ποίους τινὰς ἂν ἑκατέρους εἶναι φήσας ἀληθῆ τε λέγειν δόξειας περὶ ἀμφοτέρων, ἔχοις τ' ἂν τοὺς μὲν προγόνους ἐπαινεῖν, οὕσπερ βούλει, Σπαρτιατῶν δὲ δοκεῖν μὲν κατηγορεῖν τοῖς ἀηδῶς πρὸς αὐτοὺς διακειμένοις, μηδὲν δὲ ποιεῖν τοιοῦτον ἀλλὰ λανθάνειν ἐπαινῶν αὐτούς· [240] ζητῶν δὲ τὰ τοιαῦτα ῥᾳδίως εὑρεῖν λόγους ἀμφιβόλους καὶ μηδὲν μᾶλλον μετὰ τῶν ἐπαινούντων ἢ τῶν ψεγόντων ὄντας, ἀλλ' ἐπαμφοτερίζειν δυναμένους καὶ πολλὰς ἀμφισβητήσεις ἔχοντας, οἷς χρῆσθαι περὶ μὲν συμβολαίων καὶ περὶ πλεονεξίας ἀγωνιζόμενον αἰσχρὸν καὶ πονηρίας οὐ μικρὸν σημεῖον, περὶ δὲ φύσεως ἀνθρώπων διαλεγόμενον καὶ πραγμάτων καλὸν καὶ φιλόσοφον. [241] Οἷός περ ὁ λόγος ὁ διαναγνωσθείς ἐστιν, ἐν ᾧ πεποίηκας τοὺς μὲν σοὺς προγόνους εἰρηνικοὺς καὶ φιλέλληνας καὶ τῆς ἰσότητος τῆς ἐν ταῖς πολιτείαις ἡγεμόνας, Σπαρτιάτας δ' ὑπεροπτικοὺς καὶ πολεμικοὺς καὶ πλεονέκτας, οἵους περ αὐτοὺς εἶναι πάντες ὑπειλήφασιν.

« Τοιαύτην δ' ἑκατέρων ἐχόντων τὴν φύσιν, τοὺς μὲν ὑπὸ πάντων ἐπαινεῖσθαι καὶ δοκεῖν εὔνους εἶναι τῷ πλήθει, τοῖς δὲ τοὺς μὲν πολλοὺς φθονεῖν καὶ δυσμενῶς ἔχειν, [242] ἔστι δ' οὓς καὶ ἐπαινεῖν αὐτοὺς καὶ θαυμάζειν, καὶ τολμᾶν λέγειν ὡς ἀγαθὰ μείζω τυγχάνουσιν ἔχοντες τῶν τοῖς προγόνοις τοῖς σοῖς προσόντων· τήν τε γὰρ ὑπεροψίαν σεμνότητος μετέχειν, εὐδοκίμου πράγματος, καὶ δοκεῖν ἅπασι μεγαλοφρονεστέρους εἶναι τοὺς τοιούτους ἢ τοὺς τῆς ἰσότητος προεστῶτας, τούς τε πολεμικοὺς πολὺ διαφέρειν τῶν εἰρηνικῶν· τοὺς μὲν γὰρ οὔτε κτητικοὺς εἶναι τῶν οὐκ ὄντων οὔτε φύλακας δεινοὺς τῶν ὑπαρχόντων, τοὺς δ' ἀμφότερα δύνασθαι, καὶ λαμβάνειν ὧν ἂν ἐπιθυμῶσι καὶ σώζειν ἅπερ ἂν ἅπαξ κατάσχωσιν· ἃ ποιοῦσιν οἱ τέλειοι δοκοῦντες εἶναι τῶν ἀνδρῶν. [243] Ἀλλὰ μὴν καὶ περὶ τῆς πλεονεξίας καλλίους ἔχειν οἴονται λόγους τῶν εἰρημένων· τοὺς μὲν γὰρ ἀποστεροῦντας τὰ συμβόλαια καὶ τοὺς παρακρουομένους καὶ παραλογιζομένους οὐχ ἡγοῦνται δικαίως καλεῖσθαι πλεονεκτικούς, διὰ γὰρ τὸ πονηρὰν ἔχειν τὴν δόξαν ἐν ἅπασιν αὐτοὺς ἐλαττοῦσθαι τοῖς πράγμασι, τὰς δὲ Σπαρτιατῶν πλεονεξίας καὶ τὰς τῶν βασιλέων καὶ τὰς τῶν τυράννων εὐκτὰς μὲν εἶναι, καὶ ἅπαντας αὐτῶν ἐπιθυμεῖν, [244] οὐ μὴν ἀλλὰ λοιδορεῖσθαι καὶ καταρᾶσθαι τοῖς τὰς τηλικαύτας ἔχουσι δυναστείας· οὐδένα δὲ τοιοῦτον εἶναι τὴν φύσιν ὅστις οὐκ ἂν εὔξαιτο τοῖς θεοῖς μάλιστα μὲν αὐτὸς τυχεῖν τῆς ἐξουσίας ταύτης, εἰ δὲ μή, τοὺς οἰκειοτάτους· ᾧ καὶ φανερόν ἐστιν ὅτι μέγιστον τῶν ἀγαθῶν ἅπαντες εἶναι νομίζομεν τὸ πλέον ἔχειν τῶν ἄλλων. Τὴν μὲν οὖν περιβολὴν τοῦ λόγου δοκεῖς μοι ποιήσασθαι μετὰ τοιαύτης διανοίας.

[245] «  Εἰ μὲν οὖν ἡγούμην ἀφέξεσθαι σε τῶν εἰρημένων καὶ παραλείψειν ἀνεπιτίμητον τὸν λόγον τοῦτον, οὐδ' ἂν αὐτὸς ἔτι λέγειν ἐπεχείρουν· νῦν δ' ὅτι μὲν οὐκ ἀπεφηνάμην περὶ ὧν παρεκλήθην σύμβουλος, οὐδὲν οἶμαί σοι μελήσειν, οὐδὲ γὰρ ὅτε συνῆγες ἡμᾶς, ἐδόκεις μοι σπουδάζειν περὶ αὐτῶν, [246] προελόμενον δέ σε συνθεῖναι λόγον μηδὲν ὅμοιον τοῖς ἄλλοις, ἀλλὰ τοῖς μὲν ῥᾳθύμως ἀναγιγνώσκουσιν ἁπλοῦν εἶναι δόξοντα καὶ ῥᾴδιον καταμαθεῖν, τοῖς δ' ἀκριβῶς διεξιοῦσιν αὐτόν, καὶ πειρωμένοις κατιδεῖν ὃ τοὺς ἄλλους λέληθεν, χαλεπὸν φανούμενον καὶ δυσκαταμάθητον καὶ πολλῆς μὲν ἱστορίας γέμοντα καὶ φιλοσοφίας, παντοδαπῆς δὲ μεστὸν ποικιλίας καὶ ψευδολογίας, οὐ τῆς εἰθισμένης μετὰ κακίας βλάπτειν τοὺς συμπολιτευομένους, ἀλλὰ τῆς δυναμένης μετὰ παιδιᾶς ὠφελεῖν ἢ τέρπειν τοὺς ἀκούοντας, [247] --ὧν οὐδὲν ἐάσαντά με φήσειν τὸν τρόπον τοῦτον ἔχειν ὡς ἐβουλεύσω σὺ περὶ αὐτῶν, ἀλλὰ τήν τε δύναμιν τῶν λεγομένων διδάσκοντα καὶ τὴν σὴν διάνοιαν ἐξηγούμενον οὐκ αἰσθάνεσθαι τοσούτῳ τὸν λόγον ἀδοξότερον δι' ἐμὲ γιγνόμενον, ὅσῳ περ αὐτὸν φανερώτερον ἐποίουν καὶ γνωριμώτερον τοῖς ἀναγιγνώσκουσιν· ἐπιστήμην γὰρ τοῖς οὐκ εἰδόσιν ἐνεργαζόμενον ἔρημον τὸν λόγον με ποιεῖν καὶ τῆς τιμῆς ἀποστερεῖν τῆς γιγνομένης ἂν αὐτῷ διὰ τοὺς πονοῦντας καὶ πράγματα σφίσιν αὐτοῖς παρέχοντας.

[248] « Ἐγὼ δ' ὁμολογῶ μὲν ἀπολελεῖφθαι τὴν ἐμὴν φρόνησιν τῆς σῆς ὡς δυνατὸν πλεῖστον, οὐ μὴν ἀλλ' ὥσπερ τοῦτ' οἶδα, κἀκεῖνο τυγχάνω γιγνώσκων, ὅτι τῆς πόλεως τῆς ὑμετέρας βουλευομένης περὶ τῶν μεγίστων οἱ μὲν ἄριστα φρονεῖν δοκοῦντες ἐνίοτε διαμαρτάνουσι τοῦ συμφέροντος, τῶν δὲ φαύλων νομιζομένων εἶναι καὶ καταφρονουμένων ἔστιν ὅτε κατώρθωσεν ὁ τυχὼν καὶ βέλτιστα λέγειν ἔδοξεν· [249] ὥστ' οὐδὲν θαυμαστὸν εἰ καὶ περὶ τοῦ νῦν ἐνεστῶτος τοιοῦτόν τι συμβέβηκεν, ὅπου σὺ μὲν οἴει μάλιστ' εὐδοκιμήσειν, ἢν ὡς πλεῖστον χρόνον διαλάθῃς ἣν ἔχων γνώμην τὰ περὶ τὸν λόγον ἐπραγματεύθης, ἐγὼ δ' ἡγοῦμαι βέλτιστά σε πράξειν, ἢν δυνηθῇς τὴν διάνοιαν, ᾗ χρώμενος αὐτὸν συνέθηκας, ὡς τάχιστα φανερὰν ποιῆσαι τοῖς τ' ἄλλοις ἅπασι καὶ Λακεδαιμονίοις, περὶ ὧν πεποίησαι πολλοὺς λόγους, τοὺς μὲν δικαίους καὶ σεμνούς, τοὺς δ' ἀσελγεῖς καὶ λίαν φιλαπεχθήμονας. [250] Οὓς εἴ τις ἐπέδειξεν αὐτοῖς πρὶν ἐμὲ διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐκ ἂν ἐμίσησαν καὶ δυσκόλως πρὸς σὲ διετέθησαν ὡς κατηγορίαν γεγραφότα καθ' αὑτῶν. Νῦν δ' οἴομαι τοὺς μὲν πλείστους Σπαρτιατῶν ἐμμενεῖν τοῖς ἤθεσιν οἷσπερ καὶ τὸν ἄλλον χρόνον, τοῖς δὲ λόγοις τοῖς ἐνθάδε γραφομένοις οὐδὲν μᾶλλον προσέξειν τὸν νοῦν ἢ τοῖς ἔξω τῶν Ἡρακλέους στηλῶν λεγομένοις, [251] τοὺς δὲ φρονιμωτάτους αὐτῶν καὶ τῶν λόγων τινὰς ἔχοντας τῶν σῶν καὶ θαυμάζοντας, τούτους, ἢν λάβωσι τὸν ἀναγνωσόμενον καὶ χρόνον ὥστε συνδιατρῖψαι σφίσιν αὐτοῖς, οὐδὲν ἀγνοήσειν τῶν μετ' ἀποδείξεως εἰρημένων περὶ τῆς πόλεως τῆς ἑαυτῶν, καὶ τῶν λοιδοριῶν καταφρονήσειν τῶν εἰκῇ μὲν τοῖς πράγμασι λεγομένων πικρῶς δὲ τοῖς ὀνόμασι κεχρημένων, καὶ νομιεῖν τὰς μὲν βλασφημίας τὰς ἐνούσας ἐν τῷ βιβλίῳ τὸν φθόνον ὑποβαλεῖν, [252] τὰς δὲ πράξεις καὶ τὰς μάχας, ἐφ' αἷς αὐτοί τε μέγα φρονοῦσι καὶ παρὰ τοῖς ἄλλοις εὐδοκιμοῦσι, σὲ γεγραφέναι καὶ μνημονεύεσθαι πεποιηκέναι, συναγαγόντα πάσας αὐτὰς καὶ θέντα παρ' ἀλλήλας, αἴτιον δ' εἶναι καὶ τοῦ πολλοὺς ποθεῖν ἀναγνῶναι καὶ διελθεῖν αὐτάς, οὐ τὰς ἐκείνων ἐπιθυμοῦντας ἀκοῦσαι πράξεις, [253] ἀλλὰ πῶς σὺ διείλεξαι περὶ αὐτῶν μαθεῖν βουλομένους.

« Ταῦτ' ἐνθυμουμένους καὶ διεξιόντας οὐδὲ τῶν παλαιῶν ἔργων ἀμνημονήσειν, δι' ὧν ἐγκεκωμίακας τοὺς προγόνους αὐτῶν, ἀλλὰ καὶ πολλάκις διαλέξεσθαι πρὸς σφᾶς αὐτούς, πρῶτον μὲν ὅτι Δωριεῖς ὄντες, ἐπειδὴ κατεῖδον τὰς πόλεις τὰς ἑαυτῶν ἀδόξους καὶ μικρὰς καὶ πολλῶν ἐνδεεῖς οὔσας, ὑπεριδόντες ταύτας ἐστράτευσαν ἐπὶ τὰς ἐν Πελοποννήσῳ πρωτευούσας, ἐπ' Ἄργος καὶ Λακεδαίμονα καὶ Μεσσήνην, [254] μάχῃ δὲ νικήσαντες τοὺς μὲν ἡττηθέντας ἔκ τε τῶν πόλεων καὶ τῆς χώρας ἐξέβαλον, αὐτοὶ δὲ τὰς κτήσεις ἁπάσας τὰς ἐκείνων τότε κατασχόντες ἔτι καὶ νῦν ἔχουσιν, οὗ μεῖζον ἔργον καὶ θαυμαστότερον οὐδεὶς ἐπιδείξει κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον γενόμενον, οὐδὲ πρᾶξιν εὐτυχεστέραν καὶ θεοφιλεστέραν τῆς τοὺς χρησαμένους τῆς μὲν οἰκείας ἀπορίας ἀπαλλαξάσης, τῆς δ' ἀλλοτρίας εὐδαιμονίας κυρίους ποιησάσης.

[255] « Καὶ ταῦτα μὲν μετὰ πάντων συστρατευσαμένων ἔπραξαν· ἐπειδὴ δὲ πρὸς Ἀργείους καὶ Μεσσηνίους τὴν χώραν διείλοντο καὶ καθ' αὑτοὺς ἐν Σπάρτῃ κατῴκησαν, ἐν τούτοις τοῖς καιροῖς τοσοῦτον φρονῆσαι φῂς αὐτούς, ὥστε ὄντας οὐ πλείους τότε δισχιλίων οὐχ ἡγήσασθαι σφᾶς αὐτοὺς ἀξίους εἶναι ζῆν, εἰ μὴ δεσπόται πασῶν τῶν ἐν Πελοποννήσῳ πόλεων γενέσθαι δυνηθεῖεν, [256] ταῦτα δὲ διανοηθέντας καὶ πολεμεῖν ἐπιχειρήσαντας οὐκ ἀπειπεῖν, ἐν πολλοῖς κακοῖς καὶ κινδύνοις γιγνομένους, πρὶν ἁπάσας ταύτας ὑφ' αὑτοῖς ἐποιήσαντο πλὴν τῆς Ἀργείων πόλεως, ἔχοντας δ' ἤδη καὶ χώραν πλείστην καὶ δύναμιν μεγίστην καὶ δόξαν τοσαύτην ὅσην προσήκει τοὺς τηλικαῦτα διαπεπραγμένους οὐχ ἧττον διακεῖσθαι φιλοτίμως, ὅτι λόγος ὑπῆρχεν αὐτοῖς ἴδιος καὶ καλὸς μόνοις τῶν Ἑλλήνων· [257] ἐξεῖναι γὰρ εἰπεῖν αὐτοῖς ὅτι σφεῖς μὲν ὄντες οὕτως ὀλίγοι τὸν ἀριθμὸν οὐδεμιᾷ πώποτε τῶν μυριάνδρων πόλεων ἠκολούθησαν οὐδ' ἐποίησαν τὸ προσταττόμενον, ἀλλ' αὐτόνομοι διετέλεσαν ὄντες, αὐτοὶ δ' ἐν τῶ πολέμῳ τῷ πρὸς τοὺς βαρβάρους πάντων τῶν Ἑλλήνων ἡγεμόνες κατέστησαν, καὶ τῆς τιμῆς ταύτης ἔτυχον οὐκ ἀλόγως, ἀλλὰ διὰ τὸ μάχας ποιησάμενοι πλείστας ἀνθρώπων κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον μηδεμίαν ἡττηθῆναι τούτων ἡγουμένου βασιλέως, [258] ἀλλὰ νενικηκέναι πάσας, οὗ τεκμήριον οὐδεὶς ἂν δύναιτο μεῖζον εἰπεῖν ἀνδρίας καὶ καρτερίας καὶ τῆς πρὸς ἀλλήλους ὁμονοίας, πλὴν ἢ τὸ ῥηθήσεσθαι μέλλον· τοσούτων γὰρ τὸ πλῆθος τῶν πόλεων τῶν Ἑλληνίδων οὐσῶν, τῶν μὲν ἄλλων οὐδεμίαν οὐδέν'10 εἰπεῖν οὐδ' εὑρεῖν, ἥτις οὐ περιπέπτωκε ταῖς συμφοραῖς ταῖς εἰθισμέναις γίγνεσθαι ταῖς πόλεσιν, [259] ἐν δὲ τῇ Σπαρτιατῶν οὐδεὶς ἂν ἐπιδείξειεν οὔτε στάσιν οὔτε σφαγὰς οὔτε φυγὰς ἀνόμους γεγενημένας, οὐδ' ἁρπαγὰς χρημάτων οὐδ' αἰσχύνας γυναικῶν καὶ παίδων, ἀλλ' οὐδὲ πολιτείας μεταβολὴν οὐδὲ χρεῶν ἀποκοπὰς οὐδὲ γῆς ἀναδασμὸν οὐδ' ἄλλ' οὐδὲν τῶν ἀνηκέστων κακῶν. Περὶ ὧν διεξιόντας οὐκ ἔστιν ὅπως οὐ καὶ σοῦ, τοῦ τ' ἀθροίσαντος καὶ διαλεχθέντος οὕτω καλῶς περὶ αὐτῶν, μεμνήσεσθαι καὶ πολλὴν χάριν ἕξειν.

[260] « Οὐ τὴν αὐτὴν δὲ γνώμην ἔχω περὶ σοῦ νῦν καὶ πρότερον. Ἐν μὲν γὰρ τοῖς παρελθοῦσι χρόνοις ἐθαύμαζόν σου τήν τε φύσιν καὶ τὴν τοῦ βίου τάξιν καὶ τὴν φιλοπονίαν καὶ μάλιστα τὴν ἀλήθειαν τῆς φιλοσοφίας, νῦν δὲ ζηλῶ σε καὶ μακαρίζω τῆς εὐδαιμονίας· δοκεῖς γάρ μοι ζῶν μὲν λήψεσθαι δόξαν οὐ μείζω μὲν ἧς ἄξιος εἶ, χαλεπὸν γάρ, παρὰ πλείοσι δὲ καὶ μᾶλλον ὁμολογουμένην τῆς νῦν ὑπαρχούσης, τελευτήσας δὲ τὸν βίον μεθέξειν ἀθανασίας, οὐ τῆς τοῖς θεοῖς παρούσης, ἀλλὰ τῆς τοῖς ἐπιγιγνομένοις περὶ τῶν διενεγκόντων ἐπί τινι τῶν καλῶν ἔργων μνήμην ἐμποιούσης. [261] Καὶ δικαίως τεύξει τούτων· ἐπῄνεκας γὰρ τὰς πόλεις ἀμφοτέρας καλῶς καὶ προσηκόντως, τὴν μὲν κατὰ τὴν δόξαν τὴν τῶν πολλῶν, ἧς οὐδεὶς τῶν ὀνομαστῶν ἀνδρῶν καταπεφρόνηκεν, ἀλλ' ἐπιθυμοῦντες τυχεῖν αὐτῆς οὐκ ἔστιν ὅντινα κίνδυνον οὐχ ὑπομένουσι, τὴν δὲ κατὰ τὸν λογισμὸν τῶν πειρωμένων στοχάζεσθαι τῆς ἀληθείας, παρ' οἷς εὐδοκιμεῖν ἄν τινες ἕλοιντο μᾶλλον ἢ παρὰ τοῖς ἄλλοις διπλασίοις γενομένοις ἢ νῦν εἰσιν.

[262] « Ἀπλήστως δὲ διακείμενος ἐν τῷ παρόντι πρὸς τὸ λέγειν, καὶ πόλλ' ἂν εἰπεῖν ἔχων ἔτι καὶ περὶ σοῦ καὶ περὶ τοῖν πολέοιν καὶ περὶ τοῦ λόγου, ταῦτα μὲν ἐάσω, περὶ ὧν δὲ παρακληθῆναί με σὺ φῄς, περὶ τούτων ἀποφανοῦμαι. Συμβουλεύω γάρ σοι μήτε κατακάειν τὸν λόγον μήτ' ἀφανίζειν, ἀλλ' εἴ τινος ἐνδεής ἐστι, διορθώσαντα καὶ προσγράψαντα πάσας τὰς διατριβὰς τὰς περὶ αὐτὸν γεγενημένας διδόναι τοῖς βουλομένοις λαμβάνειν, [263] εἴπερ βούλει χαρίσασθαι μὲν τοῖς ἐπιεικεστάτοις τῶν Ἑλλήνων καὶ τοῖς ὡς ἀληθῶς φιλοσοφοῦσιν ἀλλὰ μὴ προσποιουμένοις, λυπῆσαι δὲ τοὺς θαυμάζοντας μὲν τὰ σὰ μᾶλλον τῶν ἄλλων, λοιδορουμένους δὲ τοῖς λόγοις τοῖς σοῖς ἐν τοῖς ὄχλοις τοῖς πανηγυρικοῖς, ἐν οἷς πλείους εἰσὶν οἱ καθεύδοντες τῶν ἀκροωμένων, καὶ προσδοκῶντας, ἢν παρακρούσωνται τοὺς τοιούτους, ἐναμίλλους τοὺς αὑτῶν γενήσεσθαι τοῖς ὑπὸ σοῦ γεγραμμένοις, κακῶς εἰδότας ὅτι πλέον ἀπολελειμμένοι τῶν σῶν εἰσιν ἢ τῆς Ὁμήρου δόξης οἱ περὶ τὴν αὐτὴν ἐκείνῳ ποίησιν γεγονότες.»

[264] Ταῦτ' εἰπόντος αὐτοῦ καὶ τοὺς παρόντας ἀξιώσαντος ἀποφήνασθαι περὶ ὧν παρεκλήθησαν, οὐκ ἐθορύβησαν, ὃ ποιεῖν εἰώθασιν ἐπὶ τοῖς χαριέντως διειλεγμένοις, ἀλλ' ἀνεβόησαν ὡς ὑπερβαλλόντως εἰρηκότος, καὶ περιστάντες αὐτὸν ἐπῄνουν, ἐζήλουν, ἐμακάριζον, καὶ προσθεῖναι μὲν οὐδὲν εἶχον τοῖς εἰρημένοις οὐδ' ἀφελεῖν, συναπεφαίνοντο δὲ καὶ συνεβούλευόν μοι ποιεῖν ἅπερ ἐκεῖνος παρῄνεσεν. [265] Οὐ μὴν οὐδ' ἐγὼ παρεστὼς ἐσιώπων, ἀλλ' ἐπῄνεσα τήν τε φύσιν αὐτοῦ καὶ τὴν ἐπιμέλειαν, περὶ δὲ τῶν ἄλλων οὐδὲν ἐφθεγξάμην ὧν εἶπεν, οὔθ' ὡς ἔτυχε ταῖς ὑπονοίαις τῆς ἐμῆς διανοίας οὔθ' ὡς διήμαρτεν, ἀλλ' εἴων αὐτὸν οὕτως ἔχειν ὥσπερ αὐτὸς αὑτὸν διέθηκεν.

[266] Περὶ μὲν οὖν ὧν ὑπεθέμην ἱκανῶς εἰρῆσθαι νομίζω· τὸ γὰρ ἀναμιμνήσκειν καθ' ἕκαστον τῶν εἰρημένων οὐ πρέπει τοῖς λόγοις τοῖς τοιούτοις· βούλομαι δὲ διαλεχθῆναι περὶ τῶν ἰδίᾳ μοι περὶ τὸν λόγον συμβεβηκότων. Ἐγὼ γὰρ ἐνεστησάμην μὲν αὐτὸν ἔτη γεγονὼς ὅσα περ ἐν ἀρχῇ προεῖπον· [267] ἤδη δὲ τῶν ἡμισέων γεγραμμένων ἐπιγενομένου μοι νοσήματος ῥηθῆναι μὲν οὐκ εὐπρεποῦς, δυναμένου δ' ἀναιρεῖν οὐ μόνον τοὺς πρεσβυτέρους ἐν τρισὶν ἢ τέτταρσιν ἡμέραις ἀλλὰ καὶ τῶν ἀκμαζόντων πολλούς, τούτῳ διατελῶ τρί' ἔτη μαχόμενος, οὕτω φιλοπόνως ἑκάστην τὴν ἡμέραν διάγων, ὥστε τοὺς εἰδότας καὶ τοὺς παρὰ τούτων πυνθανομένους μᾶλλόν με θαυμάζειν διὰ τὴν καρτερίαν ταύτην ἢ δι' ἃ πρότερον ἐπῃνούμην. [268] Ἤδη δ' ἀπειρηκότος καὶ διὰ τὴν νόσον καὶ διὰ τὸ γῆρας, τῶν ἐπισκοπούντων τινές με καὶ πολλάκις ἀνεγνωκότων τὸ μέρος τοῦ λόγου τὸ γεγραμμένον, ἐδέοντό μου καὶ συνεβούλευον μὴ καταλιπεῖν αὐτὸν ἡμιτελῆ μηδ' ἀδιέργαστον, ἀλλὰ πονῆσαι μικρὸν χρόνον καὶ προσέχειν τοῖς λοιποῖς τὸν νοῦν. [269] Οὐχ ὁμοίως δὲ διελέγοντο περὶ τούτων τοῖς ἀφοσιουμένοις, ἀλλ' ὑπερεπαινοῦντες μὲν τὰ γεγραμμένα, τοιαῦτα δὲ λέγοντες, ὧν εἴ τινες ἤκουον μήτε συνήθεις ἡμῖν ὄντες μήτ' εὔνοιαν μηδεμίαν ἔχοντες, οὐκ ἔστιν ὅπως οὐκ ἂν ὑπέλαβον τοὺς μὲν φενακίζειν, ἐμὲ δὲ διεφθάρθαι καὶ παντάπασιν εἶναι μωρόν, [270] εἰ πείσομαι τοῖς λεγομένοις. Οὕτω δ' ἔχων ἐφ' οἷς εἰπεῖν ἐτόλμησαν ἐπείσθην ̔τί γὰρ δεῖ μακρολογεῖν;̓ γενέσθαι πρὸς τῇ τῶν λοιπῶν πραγματείᾳ γεγονὼς μὲν ἔτη τρία μόνον ἀπολείποντα τῶν ἑκατόν, οὕτω δὲ διακείμενος ὡς ἕτερος ἔχων οὐχ ὅπως γράφειν ἂν λόγον ἐπεχείρησεν, ἀλλ' οὐδ' ἄλλου δεικνύοντος καὶ πονήσαντος ἠθέλησεν ἀκροατὴς γενέσθαι.

[271] Τίνος οὖν ἕνεκα ταῦτα διῆλθον; Οὐ συγγνώμης τυχεῖν ἀξιῶν ὑπὲρ τῶν εἰρημένων, οὐ γὰρ οὕτως οἴομαι διειλέχθαι περὶ αὐτῶν, ἀλλὰ δηλῶσαι βουλόμενος τά τε περὶ ἐμὲ γεγενημένα, καὶ τῶν ἀκροατῶν ἐπαινέσαι μὲν τοὺς τόν τε λόγον ἀποδεχομένους τοῦτον καὶ τῶν ἄλλων σπουδαιοτέρους καὶ φιλοσοφωτέρους εἶναι νομίζοντας τούς τε διδασκαλικοὺς καὶ τεχνικοὺς τῶν πρὸς τὰς ἐπιδείξεις καὶ τοὺς ἀγῶνας γεγραμμένων, καὶ τοὺς τῆς ἀληθείας στοχαζομένους τῶν τὰς δόξας τῶν ἀκροωμένων παρακρούεσθαι ζητούντων, καὶ τοὺς ἐπιπλήττοντας τοῖς ἁμαρτανομένοις καὶ νουθετοῦντας τῶν πρὸς ἡδονὴν καὶ χάριν λεγομένων, [272] συμβουλεῦσαι δὲ τοῖς τἀναντία τούτων γιγνώσκουσι πρῶτον μὲν μὴ πιστεύειν ταῖς αὑτῶν γνώμαις, μηδὲ νομίζειν ἀληθεῖς εἶναι τὰς κρίσεις τὰς ὑπὸ τῶν ῥᾳθυμούντων γιγνομένας, ἔπειτα μὴ προπετῶς ἀποφαίνεσθαι περὶ ὧν οὐκ ἴσασιν, ἀλλὰ περιμένειν ἕως ἂν ὁμονοῆσαι δυνηθῶσι τοῖς τῶν ἐπιδεικνυμένων πολλὴν ἐμπειρίαν ἔχουσιν· τῶν γὰρ οὕτω διοικούντων τὰς ἑαυτῶν διανοίας οὐκ ἔστιν ὅστις ἂν τοὺς τοιούτους ἀνοήτους εἶναι νομίσειεν.

XII. DISCOURS PANATHÉNAÏQUE.

[1] 1. A l'époque de ma jeunesse, j'avais résolu de m'abstenir des discours remplis de fables, de prodiges et de mensonges, discours que la foule des auditeurs accueille avec plus de plaisir que ceux qui ont pour objet son propre salut ; j'évitais également les discours qui sont destinés à rappeler les faits anciens et les guerres de la Grèce, bien que je n'ignorasse pas qu'ils obtiennent de justes louanges; je m'abstenais enfin de ceux qui se font surtout remarquer par une apparente simplicité, par l'absence de tout ornement oratoire, et que les hommes habiles dans les luttes de la parole recommandent aux jeunes gens d'étudier avec soin, s'ils veulent triompher de leurs adversaires ; [2] mais, abandonnant toutes les compositions de ce genre, je consacrais mes efforts à celles qui, remplies de pensées élevées, pouvaient offrir à ma patrie et à la Grèce des conseils sur leurs intérêts, et dans lesquelles on voit briller en foule les enthymèmes, les antithèses, les comparaisons et les autres figures, splendeurs de la rhétorique, qui forcent les auditeurs à manifester leur approbation du geste et de la voix.

[3] Aujourd'hui je ne fais plus rien de semblable. Je crois qu'il ne convient pas à mes quatre-vingt-quatorze ans, ni, en général aux hommes dont le front s'est couronné de cheveux blancs, de parler de cette manière ; mais qu'il leur convient de s'exprimer comme chacun pourrait espérer de le faire, s'il en avait la volonté, encore que personne ne puisse facilement y parvenir, à l'exception de ceux qui veulent se livrer à un grand travail, et qui peuvent appliquer fortement leur esprit. J'ai fait ce préambule afin que, si le discours qui va être lu devant vous paraissait à quelques-uns de mes auditeurs plus faible que ceux que j'ai publiés autrefois, ils ne cherchassent point à le comparer avec ces derniers pour la variété des ornements, mais qu'ils le jugeassent uniquement d'après l'intention que j'avais en récrivant.

[5] 2. Je parlerai des grandes choses exécutées par notre ville, et de la vertu de nos ancêtres. Ce ne sera pas toutefois au début de mon discours. Je crois devoir auparavant entrer dans quelques particularités qui me concernent ; car ce sont elles qui, selon moi, doivent, de préférence, être mon point de départ.

3. Encore que je me sois efforcé de vivre d'une manière irréprochable et sans nuire à personne, je n'ai pas cessé un instant d'être poursuivi par les accusations de sophistes aussi obscurs que méchants, et par celles de quelques hommes qui, ne me connaissant pas tel que je suis, me supposent tel qu'on me représente à leurs yeux. [6] J[e veux donc parler d'abord de moi et de ceux qui sont dans ces dispositions à mon égard, afin, si cela m'est possible, d'imposer silence aux calomniateurs, et de faire connaître aux autres les soins qui remplissent ma vie. Si je puis, en m'exprimant d'une manière convenable, atteindre ce double but, j'espère
accomplir en paix le temps qui me reste à vivre, et obtenir de mes auditeurs qu'ils prêtent à mon discours une oreille plus attentive.

[7] 4. Je n'hésiterai pas à avouer le trouble qui s'élève maintenant dans mon esprit, ni tout ce qu'il y a d'étrange dans les pensées qui me préoccupent, et je ne chercherai pas même à prouver que j'agis conformément à la raison. Bien que j'aie recueilli ma part des biens les plus grands que les hommes puissent désirer, en tête desquels je place la santé du corps unie à celle de l'âme; avantages qui me sont échus, non pas dans un degré ordinaire, mais de manière à pouvoir rivaliser avec les hommes les plus favorisés sous chacun de ces deux rapports; [8] bien que, pour ce qui touche à l'abondance des choses nécessaires à la vie, je n'aie été privé d'aucune de celles qui appartiennent à une condition ordinaire ou qui peuvent satisfaire un esprit modéré ; qu'enfin, loin d'être mis au nombre des hommes qu'on rejette et qu'on méprise, j'aie pris rang parmi ceux dont les esprits les plus distingués de la Grèce aiment à s'entretenir et à vanter le mérite, cependant, avec tous ces avantages, les uns à un degré éminent, les autres dans une mesure suffisante, je ne me sens pas satisfait de vivre dans de telles conditions : la vieillesse chagrine, qui s'alarme de peu et qui se plaint toujours, m'est si difficile à supporter que j'ai souvent, moi-même, accusé ma nature [9] que personne ne méprisait, et déploré ma destinée, à laquelle toutefois je n'avais rien à reprocher, sinon quelques mauvais succès dans les études auxquelles je m'étais livré, et aussi quelques calomnies inventées par les sycophantes. Je savais que ma nature était plus faible et plus timide qu'il ne convient pour le maniement des affaires; que, relativement à l'éloquence, elle n'était ni parfaite, ni susceptible, dans toutes ses parties, d'une application utile, et que, si elle pouvait me faire pénétrer la vérité sur chaque objet, mieux que les hommes qui font profession de tout savoir, lorsque ensuite il s'agissait de parler devant une grande assemblée, cette nature restait, pour ainsi dire, inférieure à celle de tous les autres orateurs. [10] Et, en effet, j'étais tellement dépourvu des deux qualités qui parmi nous exercent le plus d'influence, savoir : la force de la voix et la confiance nécessaire, que j'ignore si jamais aucun citoyen le fut au même degré que moi. Or ceux qui sont prives de ces deux avantages sont entourés de moins d'estime que les débiteurs du trésor public : ceux-ci du moins conservent l'espoir d'acquitter le montant de leur amende, tandis qu'il est impossible aux autres de jamais changer leur nature.

[11] 5. Je n'ai pas voulu cependant, découragé par ces obstacles, consentir à vivre sans gloire et dans une entière obscurité : ne pouvant prendre part au gouvernement, je me suis réfugié dans l'étude ; j'ai travaillé sans relâche, et j'ai écrit le résultat de mes réflexions. On ne m'a pas vu choisir pour objet de mes travaux des intérêts d'une faible importance, des transactions particulières ou des sujets sur lesquels s'exerce la frivolité de certains orateurs; j'ai cru devoir m'occuper des intérêts de la Grèce, de ceux des rois, de ceux de ma propre patrie, et j'avais conçu l'espoir d'arriver, par cette voie, à une considération qui surpasserait d'autant plus celle des hommes qui montent à la tribune, que je parlerais sur des sujets plus nobles et plus relevés. J'ai été trompé dans mon espérance. [12] Personne n'ignore cependant que la plupart des orateurs ne prennent pas pour sujet de leurs harangues les choses qui sont utiles à la République, mais celles dont ils espèrent tirer quelque profit; tandis que, moi et mes disciples, loin de chercher à nous enrichir aux dépens de l'État, nous faisons des sacrifices au-dessus de notre fortune pour subvenir aux nécessités publiques. [13] Bien plus, c'est un fait connu de tout le monde, que ces hommes, dans les assemblées, s'accablent d'injures pour de l'argent consigné d'avance, qu'ils insultent nos alliés, et calomnient sans distinction les premiers qui se présentent, tandis qu'on me voit constamment donner l'exemple de discours dont le but est d'exhorter les Grecs à la concorde entre eux, à la guerre contre les Barbares, [14] et de nous encourager à envoyer, tous en commun, des colonies vers cette contrée si étendue et si fertile dont, au jugement de ceux qui en ont entendu parler, nous pourrions, si nous voulions être sages et mettre un terme à nos dissensions, nous emparer en peu de temps, sans travail et sans danger, contrée qui pourrait facilement recevoir cette foule d'hommes privés parmi nous du nécessaire. Fussions-nous tous réunis pour cette recherche, nous ne trouverions jamais d'entreprise plus grande, plus belle, plus utile pour nous tous.

[15] 6. Et pourtant, malgré l'intervalle si grand qui sépare nos intelligences, et quelle que soit la supériorité du choix que j'ai fait, le peuple non seulement nous juge sans justice, mais sans règle et sans raison; car, tandis qu'il blâme la moralité des autres orateurs, il les place à la tête du gouvernement, il les établit les maîtres de tout; et, en même temps qu'il loue mes discours, il est animé à mon égard d'un sentiment d'envie qui n'a pas d'autre origine que ces mêmes discours, accueillis cependant par lui avec intérêt. Tant est grande la défaveur que je rencontre près de lui !

[16] 7. Mais faut-il s'étonner de trouver ces sentiments chez des hommes nés avec la haine de toutes les supériorités; puisque, même parmi ceux qui croient l'emporter sur les autres, qui rivalisent avec moi et s'efforcent de m'imiter, il en est qui se montrent à mon égard plus malveillants que les esprits les plus vulgaires ? Comment serait-il possible de trouver des hommes plus méchants (car la vérité sera dite, lors même que je paraîtrais aux yeux de quelques personnes me servir d'expressions plus vives et plus acerbes qu'il ne convient à mon âge) ? Oui, ces hommes qui n'ont pas même la faculté d'expliquer à leurs disciples la moindre partie des choses que j'ai dites, qui prennent leurs exemples dans nies discours, qui tirent de mes travaux leurs moyens d'existence, sont si loin d'en éprouver de la gratitude, qu'ils ne veulent pas même me laisser en repos, et ne cessent de me poursuivre de leurs injures.

[17] 8. Tant qu'ils se sont contentés de nuire à mes discours, en les rabaissant autant que possible dans les lectures qu'ils en faisaient comparativement avec les leurs, en les divisant de manière à en détruire le sens, en les déchirant par leurs sarcasmes, en les dénigrant de toutes les manières, je n'ai donné aucune attention à ce qui m'était rapporté, et je suis resté impassible. Mais, quelque temps avant les grandes Panathénées, j'ai éprouvé, à l'égard de ces hommes, un profond sentiment d'indignation. [18] Quelques-uns de mes amis, m'avant rencontré, me dirent qu'assis dans le Lycée, trois ou quatre de ces sophistes vulgaires, de ces hommes qui prétendent tout savoir et que l'on trouve partout, discutaient sur les poètes en général, et particulièrement sur les poésies d'Hésiode et d'Homère ; que, sans rien produire d'eux-mêmes, ils récitaient, à la manière des rhapsodes, des vers de ces deux poètes, et citaient les passages les plus beaux de quelques-uns des anciens auteurs, [19] mes amis ajoutaient que d'autres hommes qui faisaient cercle autour d'eux, ayant applaudi à leur dissertation, un seul, plus audacieux que les autres, avait entrepris de me calomnier, en disant que je méprisais tous les exercices de ce genre, que je mettais à néant les éludes des autres et toutes les manières d'enseigner, que j'accusais tout le monde de folie, à l'exception de ceux qui fréquentaient mon école; qu'enfin ces discours avaient indisposé contre moi une partie des assistants. [20] La douleur et le trouble que je ressentis en apprenant que de semblables imputations avaient trouvé des approbateurs, me seraient impossibles à décrire. Je croyais être assez connu comme l'ennemi déclaré des orgueilleux et comme ayant parlé de moi avec modération, je dis plus, avec un excès de modestie, pour que la moindre confiance pût jamais être accordée à ceux qui m'accuseraient d'un tel excès d'arrogance. [21] Ce n'était donc pas sans raison que je déplorais, en commençant ce discours, le malheur qui m'a toujours poursuivi de la part de pareils hommes, malheur auquel il faut attribuer les calomnies répandues contre moi, les accusations, l'envie, et aussi l'impossibilité où je suis d'obtenir la considération à laquelle j'ai droit, pas même celle que personne ne me conteste, ni celle dont je jouis dans l'opinion de mes disciples et des hommes qui ont été à portée de me bien connaître. [22] Mais il est impossible de changer cette situation, et l'on doit se résigner, quand les faits sont accomplis.

9. Au milieu des nombreuses pensées qui m'assiègent, je ne sais si je dois répondre en accusant à mon tour des adversaires qui ont pour usage de me poursuivre sans cesse de leurs calomnies, et qui osent m'imputer des choses entièrement étrangères à mon caractère ; mais, si j'entrais dans une réfutation sérieuse et si j'employais de longs discours relativement à des hommes qui ne méritent pas qu'on s'occupe d'eux, je serais tenu avec raison pour un insensé; [23] et, d'un autre côté, dois-je, en les dédaignant, faire mon apologie devant quelques ignorants, qui éprouvent à mon égard un sentiment non mérité de jalousie, et essayer de leur apprendre que l'opinion qu'ils ont de moi blesse a la fois les convenances et la justice? Qui ne m'accuserait d'extravagance si, m'adressant à des hommes animés envers moi de sentiments hostiles, sans autre motif que le talent avec lequel je parais m'être exprimé sur divers sujets, je croyais, en continuant à parler de la même manière, mettre un terme au chagrin que leur font mes discours, et non les irriter davantage, lorsque surtout ils auraient la preuve que, dans l'âge avancé auquel je suis parvenu, je n'ai pas encore cessé de jouir de toute ma raison? [24] Quoi qu'il en soit, personne ne me conseillerait, cédant à mon mépris pour de tels hommes, de renoncer à terminer le discours que j'avais entrepris, avec la résolution de montrer que notre ville a été pour les Grecs la cause de plus de prospérité et de grandeur que Lacédémone. Si j'agissais de cette manière, si je ne complétais pas ce que j'ai écrit, si je ne rattachais pas le commencement des choses que je dois dire à la fin de celles que j'ai déjà dites, je ressemblerais à ces hommes qui débitent au hasard, sans suite et sans convenance, ce qui leur vient à l'esprit, et c'est un écueil qu'il m'importe d'éviter. [25] Par conséquent, le meilleur parti que j'aie à prendre est de m'expliquer, avant tout, sur les dernières accusations que mes ennemis ont portées contre moi, et de développer ensuite ce que j'avais dans la pensée en commençant mon discours : si je produis au grand jour et si je puis rendre évidente mon opinion sur le genre de leurs études et sur le mérite des poètes, je forcerai, je crois, mes adversaires à cesser leurs imputations mensongères et leurs discours irréfléchis.

[26] 10. Je suis si loin de mépriser le système d'éducation que nous ont transmis nos ancêtres, que je vais même jusqu'à louer celui qui a été établi de nos jours, c'est-à-dire le système qui admet l'étude de la géométrie, de l'astrologie et des discours de controverse, auxquels la jeunesse prend plus de plaisir qu'il ne convient, mais que personne parmi les vieillards ne déclarerait supportables. [27] J'exhorte donc ceux qui se sentent de l'attrait pour les études dont je viens de parler à y consacrer leurs travaux et les facultés de leur esprit, parce que les sciences de cette nature, quand elles ne produiraient aucun autre bon résultat, auraient du moins l'avantage de détourner les jeunes gens de beaucoup d'écarts. Je crois même qu'il ne serait pas possible de trouver un exercice plus utile et plus approprié aux besoins de la jeunesse; [28] mais j'ajoute en même temps que cet exercice ne convient plus aux vieillards, ni même à ceux qui ont atteint l'âge viril. Je vois, en effet, plusieurs de ceux qui ont approfondi ces sciences de manière à pouvoir les enseigner aux autres, ne pas savoir se servir avec discernement des connaissances qu'ils ont acquises, et montrer dans les affaires de la vie moins de sagesse que leurs disciples, j'ai presque dit leurs esclaves. [29] Enfin, j'ai la même opinion sur les hommes capables de haranguer le peuple, ou qui parviennent à la célébrité par les discours qu'ils écrivent, et sur tous ceux qui se distinguent par leur supériorité dans les sciences, dans les arts, ou par le développement d'une faculté spéciale. Je sais même que la plupart ont mal administré leurs affaires; qu'ils ne sont pas supportables dans les réunions particulières ; qu'ils n'attachent aucun prix au jugement de leurs concitoyens, et qu'en outre ils ont un grand nombre de défauts ; de telle sorte que je les place en dehors du genre de capacité dont je m'occupe en ce moment.

[30] 11. Quels sont donc les hommes que je considère comme vraiment instruits, puisque je réprouve les arts, les sciences, les talents? Ce sont d'abord ceux qui assistent avec sagesse dans les affaires de chaque jour, et qui portent sur les événements un jugement éclairé et capable de les conduire la plupart du temps au but qu'il est utile d'atteindre. [31] Ce sont ensuite les hommes qui se montrent fidèles à la justice et aux convenances avec leurs amis, qui supportent avec patience et avec douceur l'humeur chagrine des autres hommes et leurs importunités, qui sont, autant qu'ils le peuvent, indulgents et faciles dans l'habitude de la vie. Ce sont encore les hommes qui maîtrisent toujours les voluptés, qui ne se laissent point abattre sous les coups de la fortune, qui savent les supporter avec un noble courage et avec la dignité que comporte notre nature. Enfin, [32] et c'est là surtout que se trouve la véritable grandeur, ce sont les hommes qui ne sont pas corrompus par les prospérités, ceux qu'elles ne font pas sortir de leur caractère, qu'elles ne rendent point orgueilleux, mais qui, sachant se maintenir dans les bornes de la modération, n'attachent pas plus de prix aux faveurs de la fortune qu'aux avantages qu'ils ont reçus de la nature ou de leur propre sagesse. Quant à ceux chez qui les facultés de l'âme sont dans une heureuse harmonie, non seulement avec une de ces qualités, mais avec toutes, je dis que ceux-là sont de vrais sages, des hommes complets, des hommes doués de toutes les vertus. Voilà quelle est mon opinion en ce qui concerne les hommes véritablement instruits.

[33] 12. Je désirerais, sans aucun doute, exposer mon opinion à l'égard des poésies d'Homère, d'Hésiode et des autres poêles (j'imposerais silence, je crois, à ceux qui, après avoir, comme des rhapsodes, récité dans le Lycée quelques fragments des ouvrages de ces poètes, en font l'objet de leurs vains commentaires); mais je sens que je serais entraîné en dehors des limites d'un avant-propos. [34] Or il appartient à un homme de bon sens de ne pas se laisser entraîner par sa facilité à dire plus que les autres sur le même sujet, mais d'attendre l'occasion favorable pour s'exprimer sur des choses dont il est toujours temps de parler. C'est donc ce que je ferai. Je donnerai de nouveau mon opinion dans une autre occasion sur les poètes, si la vieillesse ne met pas auparavant un terme à mon existence, ou si je n'ai pas à traiter des sujets plus importants.

[35] 13. Maintenant je vais vous entretenir des bienfaits que ma patrie a répandus sur la Grèce, bien que déjà je lui aie donné, à cet égard, plus de louanges que tous les poètes et que tous les orateurs; mais aujourd'hui je ne le ferai plus de la même manière; je la célébrais alors dans des discours qui traitaient d'autres sujets; aujourd'hui elle va devenir le sujet même de mon discours. [36] Je n'ignore pas à quel âge je me hasarde dans une aussi grande entreprise; je sais, et j'ai dit souvent, que si les sujets de peu d'importance grandissent facilement dans un discours, il est difficile d'élever la louange à la hauteur des actions qui surpassent toutes les autres par leur grandeur et leur beauté. Je ne dois pas néanmoins abandonner mon dessein, mais je dois l'accomplir, s'il m'est donné de vivre; beaucoup de motifs m'encouragent dans cette résolution : d'abord les discours des hommes qui se sont fait une habitude d'accuser insolemment ma patrie ; en second lieu, les discours de ceux qui en parlent avec éloge, mais sans talent, et d'une manière peu conforme à sa dignité ; [38]  puis encore les discours des hommes qui, pour surpasser leurs rivaux, ne craignent pas de lui donner des louanges que ne comportent pas les choses humaines; de telle sorte qu'ils s'attirent un grand nombre de contradicteurs; enfin, et plus que tout le reste, l'âge où je suis parvenu, qui naturellement décourage les autres hommes, mais qui excite d'autant plus mon ardeur que j'ai l'espérance, si le succès couronne mes efforts, d'accroître ma renommée, et, s'il arrive que je reste au-dessous de mon sujet, d'obtenir une bienveillante indulgence de la part de mes auditeurs.

[39] 14. Voilà ce que je voulais dire, et sur moi et sur les autres, préludant ainsi à mon discours, comme le chœur prélude sur nos théâtres aux luttes musicales. Je crois ensuite qu'il est du devoir de ceux qui veulent faire l'éloge d'une ville, et le faire d'une manière à la fois juste et complète, de ne pas s'occuper uniquement de la ville dont ils ont résolu de parler; mais, de même que nous apprécions la pourpre et l'or en les comparant à des objets d'un éclat analogue et qui sont considérés comme ayant la même valeur, [40]  de même nous devons, pour les villes, non pas mettre en regard les petites avec les grandes, celles qui ont toujours été placées sous la puissance des autres, avec celles qui ont toujours été accoutumées à commander ; celles qui ont besoin qu'on les sauve, avec celles qui peuvent sauver les autres; mais comparer entre elles les villes qui possèdent à peu près la même puissance, qui se sont signalées par les mêmes exploits et qui ont joui des mêmes honneurs, car c'est ainsi que l'on peut arriver à la vérité. [41] Or, si l'on apprécie notre patrie d'après ce système, en la rapprochant, non pas d'une ville prise au hasard, mais de la ville de Sparte, que la plupart des orateurs louent avec mesure, mais dont un petit nombre parlent comme si son gouvernement était dirigé par des demi-dieux, on verra que, pour la puissance, comme pour les grandes actions et les bienfaits répandus sur la Grèce, nous avons dépassé les Lacédémoniens plus qu'ils n'ont dépassé les autres Grecs.

[42] 15. Nous rappellerons plus tard les anciens combats livrés pour le salut de la Grèce ; maintenant je vais parler des Lacédémoniens, en commençant a l'époque où, après s'être emparés des villes de l'Achaïe, ils partagèrent le pays avec les Argiens et les Messéniens; car c'est à partir de ce temps qu'il convient de s'occuper de leur histoire. On verra alors nos ancêtres se maintenir en parfaite harmonie avec les Grecs, persévérer dans la haine contre les Barbares, haine dont l'origine remontait à la guerre de Troie, et conserver toujours les mêmes sentiments.

[43] 16. Et d'abord les Cyclades, après avoir été l'objet de luttes multipliées à l'époque où Minos régnait sur l'île de Crète, étant enfin tombées sous le pouvoir des Cariens, nos ancêtres, ayant expulsé ces derniers, n'osèrent pas s'approprier leur pays, mais ils y établirent des colonies formées de la réunion des plus pauvres habitants de la Grèce. [44] Ils fondèrent ensuite sur l'un et l'autre continent un grand nombre de villes considérables, chassèrent les Barbares de la mer, enseignant ainsi aux Grecs les principes qui devaient servir de base à leur politique, et contre quels ennemis ils devaient diriger leurs armes pour rendre la Grèce forte et puissante. [45] Les Lacédémoniens, à celle époque, furent si loin d'imiter notre conduite, de faire la guerre aux Barbares et de combler les Grecs de leurs bienfaits, qu'ils ne consentirent même pas à rester en paix, et que, possesseurs d'une ville étrangère avec un territoire qui non seulement suffisait à leurs besoins, mais était tel qu'aucune ville de la Grèce n'en possédait un semblable, ils ne furent pas encore satisfaits de cette situation. [46] Instruits par les événements que les villes et les territoires qui, d'après les lois, paraissent appartenir à ceux qui en sont les propriétaires à titre légitime et régulier, deviennent en réalité la propriété des hommes qui, s'exerçant spécialement à la guerre, peuvent vaincre leurs ennemis dans les combats, ils négligèrent l'agriculture, les arts et les choses de cette nature, et ils ne cessèrent d'assiéger les unes après les autres les villes du Péloponnèse et de ravager leur territoire que lorsqu'ils les eurent toutes soumises, à l'exception d'Argos. [47] Or il arrivait que, par l'effet de notre conduite, la Grèce s'agrandissait, l'Europe devenait plus puissante que l'Asie; les Grecs qui étaient dans l'indigence acquéraient des villes et des territoires ; et les Barbares, accoutumés à l'insolence, chassés du pays qu'ils possédaient, perdaient la haute opinion qu'ils avaient conçue d'eux-mêmes, tandis que, par l'effet de la conduite des Spartiates, leur patrie seule s'agrandissait, commandait à toutes les villes du Péloponnèse, était redoutée des autres, et les obligeait à subir de sa part une humiliante servitude. [48] Il est donc juste de louer entre les deux villes celle qui a été pour les Grecs la cause de nombreuses prospérités, et de considérer comme dangereuse celle qui agit toujours dans son intérêt; de rechercher l'amitié de ceux qui montrent le même zèle pour le bien des autres peuples que pour leurs intérêts propres, et de craindre ceux qui, portant aussi loin que possible leur affection pour eux-mêmes, dirigent leur administration à l'égard des autres dans des vues d'hostilité et d'inimitié. Tel est le fondement que chacune des deux villes a donné à sa puissance.

[49] 17. Plus tard, la guerre de Perse s'étant engagée, Xerxès, qui régnait alors, rassembla une flotte de treize cents vaisseaux et une année de cinq millions d'hommes, dont sept cent mille combattants, et vint à la tête de ces forces immenses attaquer les Grecs. [50] Les Spartiates, qui commandaient aux Péloponnésiens, ne présentèrent que dix trirèmes au combat naval qui décida du sort de toute la guerre; nos pères, qui avaient été chassés de leur pays, qui avaient abandonné leur ville, parce qu'alors elle n'était pas fortifiée, mirent en ligne plus de vaisseaux, et des vaisseaux montés par plus de soldats, que n'en fournirent ensemble tous les Grecs qui tentèrent avec eux les chances de cette journée. Les Lacédémoniens envoyèrent pour général Eurybiade, [51] et certes il n'aurait pas empêché les Grecs de périr, s'il eût exécuté le dessein qu'il avait conçu ; nos pères firent choix de Thémistocle, que d'un commun accord on regarde comme l'auteur de la victoire remportée dans le combat naval et de tous les succès obtenus à cette époque. [52] En voici la preuve la plus forte : les Grecs qui avaient combattu avec nous retirèrent le commandement aux Lacédémoniens pour le remettre à nos pères. Quels juges, je le demande, aurait-on pu choisir plus sûrs et plus capables de prononcer sur les événements d'alors, que ceux qui avaient pris part au même combat? Quel bienfait plus grand pourrait être cité que celui qui a suffi pour sauver la Grèce entière ?

[53] 18. Après ces événements, il arriva que chacune des deux villes obtint la suprématie sur la mer, suprématie qui place dans la dépendance de ceux qui en sont investis la plupart des villes de la Grèce. Je ne puis toutefois donner des louanges sans réserve ni à l'une ni à l'autre ville ; car, sous beaucoup de rapports, toutes les deux ont mérité des reproches. J'observerai cependant que, dans l'exercice de celle souveraineté, nous n'avons pas eu moins d'avantage sur nos rivaux que dans les actes que je rappelais tout à l'heure. [54] Et en effet, nos pères persuadèrent à leurs alliés de suivre la forme de gouvernement à laquelle ils étaient restés constamment attachés ; or c'est une marque certaine de bienveillance et d'amitié, d'engager les autres à se servir des institutions dont on a soi-même reconnu l'utilité. Quant aux Lacédémoniens, ils n'établissaient chez leurs alliés ni un gouvernement semblable au leur, ni même des institutions analogues à celles qui avaient existé chez d'autres peuples ; ils investissaient de l'autorité, dans chaque ville, dix commissaires tels que, si quelqu'un essayait de parler contre eux pendant trois ou quatre jours consécutifs, il ne paraîtrait pas même avoir exposé une faible partie des injustices qu'ils ont commises. [55] Il y aurait de la démence à vouloir signaler, chacun en particulier, des faits si nombreux et si graves ; plus jeune, j'aurais trouvé peut-être sur leur ensemble des paroles qui eussent excité dans l'âme de mes auditeurs une indignation correspondante à la gravité des faits ; aujourd'hui, rien de semblable ne se présente à mon esprit, mais seulement ce qui est dans la pensée de tout le monde, savoir, que ces hommes ont dépassé, par leur rapacité et leur injustice, tous ceux qui les avaient précédés, de sorte que non seulement ils se sont perdus, eux, leurs amis et leur patrie, mais qu'en rendant odieux à leurs alliés le nom des Lacédémoniens, ils ont attiré sur ceux-ci des calamités si nombreuses et si graves que jamais personne n'aurait prévu qu'elles pussent les atteindre.

[56] 19. On pourrait déjà reconnaître dans ce que nous venons de dire à quel point nous avons dirigé les affaires de la Grèce avec plus de modération et de douceur que les Spartiates : on le verra de nouveau dans ce que nous allons ajouter. Les Spartiates ont à peine été placés pendant dix ans à la tête de la Grèce, tandis que nous avons été constamment investis du commandement pendant soixante-cinq années. Or tout le monde sait que les villes qui sont soumises à un pouvoir étranger persévèrent le plus longtemps dans l'obéissance envers ceux dont elles ont le moins à souffrir. [57] Les deux villes, cependant, devenues un objet de haine à cause de leur domination, se sont trouvées successivement entraînées dans des guerres et des troubles, au milieu desquels on voit Athènes, quoique attaquée par tous les Grecs et tous les Barbares, résister pendant dix ans, tandis que les Lacédémoniens, qui jouissaient encore du commandement sur la terre, qui n'avaient eu de guerre à soutenir que contre les seuls Thébains, et qui n'avaient été vaincus que dans une seule bataille, ont été dépouillés de tout ce qu'ils possédaient, et précipités dans des calamités et des malheurs à peu près semblables aux nôtres; [58] de plus, notre ville s'est relevée en moins d'années qu'il n'en avait fallu pour la vaincre ; tandis que les Spartiates n'ont pu, après leur défaite, et avec beaucoup plus de temps, remonter au degré de splendeur d'où ils étaient descendus, et sont encore aujourd'hui dans la même situation.

[59] 20. Maintenant, il faut montrer de quelle manière nous nous sommes comportés les uns et les autres envers les Barbares; car ce point reste encore à traiter. Sous notre domination, il ne leur était pas permis de franchir avec une année le fleuve Halys, ni de naviguer avec de longs vaisseaux en deçà de Phasélis; sous la domination de Lacédémone, ils avaient non seulement la faculté de paraître et de naviguer partout où ils voulaient, mais ils se sont rendus maîtres d'un grand nombre de villes grecques.

[60] 21. Certes, une ville qui montre, dans ses traités avec le Roi, le plus d'énergie et le plus de fierté; qui a infligé aux Barbares de si nombreuses et de si terribles calamités; qui a été pour les Grecs la source de si grands avantages ; qui a enlevé à ses ennemis, qui a conquis pour ses alliés le littoral de l'Asie et un immense territoire ; [61] qui a fait cesser l'insolence des uns et la misère des autres ; qui, en outre, a combattu pour elle-même avec plus de courage que celle dont la guerre seule a fait toute la gloire; qui, enfin, a réparé ses malheurs plus promptement que sa rivale ; une telle ville, disons-nous, n'a-t-elle pas des droits plus justes aux louanges et aux hommages que celle qui lui a été inférieure sous tous ces rapports ? Voilà, quant à présent, ce que j'avais à dire pour établir la comparaison entre les actes des deux républiques, de même qu'entre les dangers qu'elles ont bravés en commun et contre les mêmes ennemis.

[62] 22. Je crois que ceux qui entendent avec déplaisir ces paroles n'en contesteront, pas du moins la vérité, et qu'il n'est pas non plus en leur pouvoir de présenter d'autres faits d'où il résulte que les Lacédémoniens aient été pour les Grecs la source de beaucoup de prospérités. Ils entreprendront peut-être d'accuser notre ville, [63] comme ils ont sans cesse coutume de le faire, et de réveiller la mémoire des actes les plus sévères entre ceux qui ont eu lieu à l'époque où nous possédions l'empire de la mer; ils incrimineront les jugements et les condamnations qui ont frappé nos alliés dans cette enceinte; ils blâmeront les levées d'impôts; ils insisteront particulièrement sur les malheurs des Méliens, des Scionéens et des habitants de Toronée, dans l'espoir que, par ces accusations, ils pourront ternir l'éclat des bienfaits répandus par notre ville et dont j'ai parlé tout à l'heure.

[64] 23. Pour moi, je déclare ici qu'il me serait impossible de répondre aux accusations dirigées contre mon pays si elles étaient d'accord avec la justice, je ne l'entreprendrais même pas : et, comme je l'ai déjà dit, je rougirais, lorsqu'il y a des hommes qui croient que les dieux eux-mêmes ne sont pas exempts de fautes, si j'osais prétendre et si j'essayais de prouver que jamais notre république n'a blessé en rien l'équité. [65] Ce que je crois pouvoir faire, c'est d'établir que, dans les actes de la nature de ceux dont il a été parlé, la ville de Sparte a été plus dure et plus cruelle que nous; c'est que les hommes qui, pour défendre les Spartiates, nous poursuivent de leurs injures, sont les plus insensés de tous et la véritable cause des reproches que nous adressons à leurs amis.

[66] 24. Du moment où ils nous accusent de crimes dont les Lacédémoniens sont coupables à un plus haut degré que nous, les moyens ne nous manquent pas pour établir à la charge des Spartiates des fautes plus graves que celles qu'ils prétendent nous imputer. Et maintenant, par exemple, s'ils rappelaient les procès intentés ici à nos alliés, quel est l'homme assez stupide pour ne pas trouver immédiatement cette réponse, que les Lacédémoniens ont mis à mort sans jugement plus de Grecs que nous n'en avons accusés et traduits devant la justice depuis que nous habitons notre ville?

[67] 25. Nous pourrions nous servir d'un argument semblable, si nos adversaires essayaient de parler de la levée des contributions ; car nous montrerions que nos concitoyens ont agi d'une manière bien moins oppressive que les Lacédémoniens envers les villes imposées. D'abord, ce n'était pas en vertu d'un ordre émané de nous que ces contributions étaient levées, mais en vertu d'un décret que nos alliés avaient eux-mêmes rendu, à l'époque où ils nous avaient remis le commandement sur la mer. [68] En second lieu, ces contributions n'étaient pas payées pour la garantie de notre sécurité, mais pour le maintien de leur propre démocratie et pour la conservation de leur liberté ; comme aussi pour les empêcher de retomber, par l'établissement de l'oligarchie, dans des malheurs semblables à ceux que leur avaient fait éprouver la tyrannie des commissariats et la domination de Sparte. De plus, ces contributions étaient prélevées non pas sur des biens qu'ils eussent sauvés eux-mêmes, mais sur ceux qu'ils devaient à notre protection, pour lesquels, [69] s'ils avaient eu le moindre sentiment de raison, ils auraient éprouvé à notre égard une juste reconnaissance. En effet, après avoir reçu leurs villes, les unes entièrement détruites par les Barbares, les autres dévastées, nous les avions amenées à un tel degré de prospérité, qu'en nous remettant une faible partie de leurs revenus, elles ne jouissaient pas chez elles d'une aisance moins grande que les villes du Péloponnèse qui ne payaient aucune contribution.

[70] 26. Quant aux villes détruites par chacune des deux républiques, actes que certains orateurs reprochent à nous seuls, nous montrerons que ceux qu'ils ne cessent de combler de louanges se sont portés à des excès plus odieux. Il nous est arrivé, il est vrai, de commettre des actes de rigueur à l'égard d'îlots si petits et si peu importants que la plupart des Grecs ignorent même leur existence, mais les Spartiates ont saccagé les plus grandes villes du Péloponnèse ; des villes qui, à tous égards, occupaient le premier rang parmi les autres, et dont ils possèdent aujourd'hui les richesses ; [71] des villes qui, en supposant que même auparavant elles n'eussent rien fait de noble et d'utile, auraient mérité de la part des Grecs les plus grandes récompenses, à cause de la guerre de Troie, où elles s'étaient présentées au premier rang et avaient montre à leur tête des chefs possédant, outre les qualités qui se rencontrent dans un grand nombre d'hommes et même dans des hommes peu estimables, des vertus auxquelles un homme pervers ne peut participer. [72] Messène avait envoyé Nestor, le plus sage entre tous les hommes de son temps ; Lacédémone, Ménélas, le seul qui, par sa modération et sa justice, ait été jugé digne de devenir le gendre de Jupiter; Argos avait envoyé Agamemnon, remarquable, non pas seulement par quelques vertus, mais par toutes celles que l'on pourrait citer, [73] et cela, non dans un degré ordinaire, mais dans le degré le plus élevé, puisque, parmi tous les hommes qui ont paru, nous n'en trouverons pas un seul qui ait entrepris des choses plus conformes à son devoir, plus belles, plus grandes, plus utiles à la Grèce, plus dignes d'être louées. Si je me bornais seulement à les énumérer, quelques personnes pourraient refuser d'y croire ; tandis que, si j'entre dans quelques détails sur chacune d'elles, tout le monde reconnaîtra que je dis la vérité.

[74] 27. Ici je ne puis fixer mes pensées, et j'éprouve une véritable incertitude sur les paroles que je dois employer pour montrer que j'ai adopté une résolution sage. Je regarderais comme une honte, après avoir exalté à un si haut degré la vertu d'Agamemnon, de ne rappeler aucune de ses grandes actions, et d'être jugé par mes auditeurs semblable à ces hommes qui se vantent sans raison et parlent au hasard. Mais je vois, en même temps, que les digressions étrangères au sujet ne sont pas, en général, accueillies avec faveur, qu'elles semblent jeter de la confusion dans le discours ; que ceux qui en font usage hors de propos sont nombreux, [75] et que ceux qui les réprouvent sont bien nombreux encore. Je crains donc qu'il ne m'arrive quelque chose d'analogue. Néanmoins je me décide à venir au secours d'un homme qui a éprouvé la même injustice que moi et que beaucoup d'autres ; qui n'a pas obtenu la gloire à laquelle il avait droit, et qui, après avoir été, dans le temps où il a vécu, la cause des plus grandes prospérités pour la Grèce, a recueilli moins de louanges que des hommes qui ne se sont signalés par aucune action digne de mémoire.

[76] 28. Qu'a-t-il manqué à la grandeur de ce roi, qui a obtenu un honneur tel que, si tous les hommes se réunissaient pour en chercher un plus grand, jamais ils ne parviendraient à le découvrir. Seul, il a été jugé digne de commander les armées de la Grèce entière; a-t-il été choisi par tous, ou est-ce en vertu de son droit qu'il a obtenu cet honneur ? il n'est, pas en mon pouvoir de le dire, mais, quelle que soit la manière dont il en ait été revêtu, il n'a laissé aucune possibilité de sur passer sa renommée à ceux qui, par un moyen quelconque, se sont rendus célèbres. [77] Investi de cette grande puissance, jamais il n'a offensé une seule des villes de la Grèce, et il était si loin de leur faire aucune injure, qu'ayant trouvé les Grecs en proie à la guerre, aux divisions intestines et à d'innombrables calamités, il les en a délivrés; et, après avoir rétabli l'harmonie au sein de la Grèce, dédaignant les actions extraordinaires, qui tiennent du prodige, et qui sont sans utilité pour les autres, il réunit une armée et la conduisit contre les Barbares. [78] Certes, parmi les hommes illustres, soit de son temps, soit des siècles suivants, on n'en trouvera pas un qui ait fait une expédition plus noble, plus avantageuse à la Grèce. Et pourtant, malgré de telles actions, malgré de tels exemples, il n'a pas obtenu la gloire qu'il méritait, parce qu'il y a beaucoup d'hommes qui préfèrent les prodiges aux bienfaits, les mensonges à la vérité ; et c'est ainsi qu'avec une si grande supériorité, il a eu moins de renommée que des hommes qui n'ont pus même osé marcher sur ses traces.

[79] 29. Mais ce n'est pas seulement pour ces faits qu'Agamemnon a mérité d'être loué,c'est encore pour toutes les choses qu'il a exécutées dans le même temps. Il s'est élevé à un tel degré de grandeur d'âme qu'il ne lui a pas suffi de pouvoir prendre dans chaque ville, parmi les simples citoyens, autant de soldats qu'il le voulait, mais qu'il a persuadé aux rois eux-mêmes, à ceux qui, dans leurs États, étaient les maîtres de leurs volontés et commandaient aux autres, de se soumettre à son autorité; de le suivre partout où il voudrait les conduire; d'exécuter ses ordres, de renoncer à leur royale existence pour vivre de la vie des camps ; [80] enfin d'affronter les dangers et les travaux de la guerre, non pour leur patrie ou pour leur empire, mais en apparence pour Hélène, pour l'épouse de Ménélas, et, dans la réalité, pour empêcher que la Grèce ne subît désormais de la part des Barbares les mêmes affronts, les mêmes outrages qu'elle avait subis dans des temps plus anciens, lors de la conquête du Péloponnèse entier par Pélops, d'Argos par Danaüs, de Thèbes par Cadmus. A quel homme pourrait-on attribuer la prévision de tels événements et la puissance d'en empêcher le retour, sinon à celui qui était doué d'un génie aussi élevé et aussi puissant ?

[81] 30. Ce qui suit, moins important que ce que nous venons de dire, est cependant plus grand, plus digne d'être remarqué que des faits souvent couverts de louanges. Cette année, composée de troupes envoyées par toutes les villes de la Grèce, puissante, comme elle devait l'être, par la multitude de ses soldats, et qui comptait un grand nombre de guerriers issus des dieux, ou fils des dieux mêmes, dont les dispositions et les sentiments ne pouvaient être semblables à ceux de la foule, mais qui étaient pleins de colère, d'impétuosité, de jalousie, d'ambition; [82] cette armée, cependant, Agamemnon l'a maintenue dix années entières dans le devoir, non par l'élévation de la solde ou par la profusion des largesses, moyens par lesquels règnent aujourd'hui tous les rois, mais par l'ascendant de son génie, par son habileté à nourrir ses soldats aux dépens de la terre ennemie, et surtout par l'opinion admise, qu'il était capable de prendre de plus sages résolutions pour le salut commun que les autres pour leurs propres intérêts. [83] On ne doit pas moins admirer la manière dont il termina ses exploits ; jamais on ne le vit faire aucun acte contraire à sa dignité, ou en désaccord avec les grandes choses que nous avons signalées; combattant, en apparence, contre une seule ville, mais luttant, en réalité, contre tous les peuples de l'Asie, et contre un grand nombre de nations barbares, il ne se découragea point, il ne cessa point la guerre, qu'il n'eût réduit en esclavage la patrie de celui qui avait osé offenser la Grèce, et qu'il n'eût mis un terme à l'insolence des Barbares.

[84] 31. Je n'ignore pas l'étendue avec laquelle j'ai parlé de la vertu d'Agamemnon ; mais je sais aussi que, si l'on examinait à part chacune des choses que j'ai dites, pour savoir celle qui pourrait être omise, personne n'oserait en retrancher une seule, et je sais également que, si on les lisait de suite et sans interruption, tout le monde me reprocherait d'avoir parlé avec trop d'abondance.

32. Quant à moi, après avoir entrepris d'écrire sur des sujets qu'aucun autre n'avait cru pouvoir aborder, [85] je rougirais d'être assez insensé pour n'avoir pas reconnu que je sortais des justes limites, et je savais mieux que ceux qui devaient me critiquer que j'encourrais le blâme d'un grand nombre de personnes ; mais j'ai pensé qu'il était moins grave de paraître, aux yeux de quelques auditeurs, négliger ici certaines convenances, que d'omettre, lorsqu'il s'agit d'un tel homme, quelques-uns des actes qui font sa gloire et qu'il m'appartient de signaler. [86] Je croyais aussi que j'obtiendrais d'une manière plus certaine l'approbation des auditeurs distingués, si l'on me voyait, en parlant de la vertu, plus occupé de m'exprimer d'une manière digne d'elle, que de conserver les proportions de mon discours; enfin, j'étais convaincu que, si l'abondance inopportune de mes paroles pouvait nuire à ma renommée, une heureuse appréciation des faits tournerait à l'avantage de ceux dont j'aurais célébré les louanges ; négligeant donc ma propre utilité, j'ai préféré la justice. [87] On me trouvera toujours animé de ce sentiment, non seulement dans ce discours, mais dans tous ceux que j'ai écrits ;  de même que, pour mes disciples, on me verra toujours plus satisfait de ceux qui se feront estimer pour la pureté de leur vie et pour leurs actions, que de ceux qui se distingueront par la supériorité de leur talent oratoire. Et cependant, lors même que je n'y aurais pris aucune part, je serai toujours considéré comme la cause de leur éloquence ; tandis que pour les actions honorables, quand même tout le monde saurait que j'en ai donné le conseil, il n'est personne qui n'en attribuât la gloire à celui qui les aurait accomplies.

[88] 33. Mais où me laissé-je entraîner? Toujours dominé par la pensée que je dois ajouter à ce que j'ai dit les choses qui s'y rattachent, je me trouve entièrement éloigné de mon sujet. Il ne me reste plus, après avoir sollicité en faveur de ma vieillesse l'indulgence de mes auditeurs pour mon inadvertance et ma prolixité, compagnes ordinaires des hommes de mon âge, d'autre parti que de revenir à l'endroit où je me suis jeté dans cette longue digression.

[89] 34. Et déjà il me semble apercevoir le point où je me suis égaré. Je répondais à ceux qui reprochent avec amertume à notre patrie les malheurs de Mélos et d'autres petites villes de la même importance, non en établissant que de tels actes n'avaient pas été des fautes, mais en leur montrant que les Spartiates, objet de leur prédilection, avaient renversé un bien plus grand nombre de villes et des villes plus considérables ; c'est alors que j'ai rappelé les vertus d'Agamemnon, de Ménélas, de Nestor, sans rien dire de contraire à la vérité, quoique en dépassant, peut-être, de justes bornes. [90] Je le faisais dans la conviction qu'aucun crime ne paraissait aussi grand que celui d'avoir osé détruire des villes qui avaient engendré et nourri des hommes auxquels on pourrait, même aujourd'hui, consacrer de nombreux et de nobles discours. Mais peut-être serait-il insensé de s'arrêter sur un seul fait, comme si la matière devait manquer lorsqu'il s'agit de parler de la dureté, de la cruauté des Spartiates, et que ce sujet au contraire n'offrît pas les plus abondantes ressources.

[91] 35. Ce n'était pas assez pour les Lacédémoniens d'agir d'une manière coupable à l'égard de ces villes et envers de tels hommes ; il fallait encore que leur cruauté s'exerçât contre des peuples qui avaient avec eux une origine commune, qui les avaient suivis dans l'expédition d'Asie et avaient partage leurs dangers : je parle des Argiens et des Messéniens. Ils voulaient les accabler des mêmes malheurs que les autres. Et, en effet, ils n'ont pas cessé d'assiéger les Messéniens jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à les chasser de leur pays; et c'est dans le même but qu'ils font en ce moment la guerre aux Argiens. Pour ce qui touche aux Platéens, je serais [92] un insensé si, après les faits que j'ai rapportés, je ne faisais pas mention de leurs calamités. Campés dans leur propre pays avec nous et avec les autres alliés, ils avaient pris rang sur la ligne de bataille en face de l'ennemi; nous avions offert des sacrifices dans des temples bâtis par eux, [93] et non seulement nous avions rendu à la liberté les Grecs qui étaient avec nous, mais ceux qui avaient été obliges de marcher avec les Barbares. Seuls, entre tous les Béotiens, les Platéens avaient été nos auxiliaires, et cependant, peu de temps après, les Lacédémoniens, pour complaire aux Théhains, se sont rendus maîtres de Platée et ont immolé tous ses habitants, à l'exception de ceux qui avaient pu se dérober par la fuite. Jamais notre ville ne s'est montrée à leur égard semblable à celle de Lacédémone ; [94] car, tandis que les Lacédémoniens sévissaient avec tant de barbarie contre les bienfaiteurs de la Grèce, contre des peuples avec lesquels ils étaient unis par les liens du sang, nos pères établissaient, d'un côté, à Naupacte, une colonie formée des Messéniens échappés à la destruction de leur ville ; et, de l'autre, ils admettaient au rang des citoyens d'Athènes les Platéens qui avaient survécu en les faisant participer à tous les avantages dont ils jouissaient eux-mêmes. Ainsi, en supposant que nous n'eussions à citer aucun autre fait de cette nature relativement à Sparte et â Athènes, il serait toujours facile de reconnaître la conduite de chacune des deux villes, et quelle est celle qui a détruit le plus grand nombre de villes et les plus considérables.

[95] 36. Mais je m'aperçois que j'éprouve un sentiment qui n'est point d'accord avec les paroles que je prononçais il y a peu d'instants. J'étais alors tombé dans une sorte d'inadvertance, dans l'erreur et dans l'oubli; et maintenant il est évident pour moi que je ne conserve plus cette aménité de langage que j'avais en commençant à écrire mon discours ; j'entreprends de m'expliquer sur des choses dont je ne croyais pas devoir parler ; je me sens animé de plus d'audace qu'il n'appartient à mon caractère, et je ne suis plus le maître de mes paroles, à cause de l'abondance des pensées qui se pressent dans mon esprit. [96] Néanmoins, puisque j'ai commencé à parler avec liberté, que j'ai délié ma langue, que j'ai abordé un sujet qui désormais ne me permet pas de passer sous silence des faits qui peuvent établir que notre ville a mieux mérité de la Grèce que celle de Lacédémone, je ne dois pas me taire sur les autres actes coupables qui ont eu lieu dans la Grèce et dont je n'ai pas encore parlé ; enfin, je dois montrer qu'au moins nos concitoyens ont appris tardivement à commettre des excès auxquels les Lacédémoniens se sont portés ou seuls ou les premiers.

[97] 37. De nombreux accusateurs imputent également à Athènes et à Lacédémone de n'avoir, sous prétexte qu'elles avaient combattu les Barbares dans l'intérêt de la Grèce, laissé aux villes grecques ni la liberté de se gouverner elles-mêmes, ni la faculté d'administrer leurs affaires comme elles le croyaient utile à leurs intérêts; mais de les avoir, au contraire, partagées, comme des villes conquises, pour les réduire en servitude, agissant en cela comme des hommes qui, après avoir enlevé des serviteurs à leurs maîtres, en leur promettant la liberté, les font leurs esclaves.

[98] 38. Si ces accusations, si un grand nombre d'autres, et de plus amères encore, ont retenti dans la Grèce, ce n'est point à cause de nous qu'elles ont été soulevées, mais à cause de ceux qui, dans ce moment, contredisent nos paroles, et qui, le reste du temps, ont été en opposition avec toutes nos actions. Personne ne pourrait établir la moindre preuve que, dans la longue série des siècles antérieurs, nos ancêtres aient entrepris de soumettre à leur pouvoir une seule ville faible ou puissante ; tandis que tout le monde sait que les Lacédémoniens, depuis leur entrée dans le Péloponnèse, n'ont rien fait, rien médité, qui n'ait eu pour but de subjuguer tous les Grecs, ou du moins tous les Péloponnésiens. [99] Bien plus, en ce qui concerne les séditions, les massacres, les bouleversements d'institutions, que quelques orateurs nous imputent, aux uns comme aux autres, on verra qu'à l'exception d'un petit nombre, les Lacédémoniens ont rempli toutes les villes de ces sortes de calamités et de maladies politiques; tandis que personne n'oserait dire qu'avant nos désastres dans l'Hellespont, Athènes ait jamais rien fait de semblable à l'égard de ses alliés. [100] Mais, après que les Lacédémoniens, établis les maîtres de la Grèce, furent de nouveau déchus du commandement, la dissension s'étant mise parmi les autres villes, deux ou trois de nos généraux (car je ne cacherai pas la vérité) ont agi d'une manière blâmable à l'égard de quelques-unes d'entre elles, dans la persuasion qu'en imitant la conduite des Spartiates, ils pourraient plus aisément contenir ces villes dans le devoir. [101] En sorte que tout le monde peut avec justice accuser les Lacédémoniens d'avoir été les premiers auteurs du mal, et de nous avoir, pour ainsi dire, enseigné de tels actes, tandis qu'il serait équitable d'éprouver pour nos ancêtres un sentiment d'indulgence, comme pour des disciples égarés par de fallacieuses promesses et trompés dans leurs espérances.

[102] 39. Enfin, qui peut ignorer ce que les Lacédémoniens ont fait seuls et en ne prenant conseil que d'eux-mêmes? Qui ne sait que, dans un moment où la haine contre les Barbares et contre leurs rois était pour les deux villes un sentiment commun, nous, quoique engagés dans un grand nombre de guerres, en proie, par intervalle, aux plus cruelles calamités, et voyant a chaque instant notre territoire ravagé et saccagé, nous n'avons jamais porté nos regards vers les ennemis de la Grèce pour solliciter leur amitié ou leur alliance, et que nous avons continué de les haïr, à cause des embûches qu'ils avaient dressées aux Grecs, plus que les ennemis qui alors nous accablaient de maux ? [103] Les Lacédémoniens, au contraire, sans avoir éprouvé aucun dommage, sans y être exposés, sans en avoir la crainte, étaient tellement emportés par leur insatiable ambition que, non contents du commandement sur la terre, ils voulaient encore s'emparer de la suprématie sur la mer ; et ils mettaient une telle ardeur à poursuivre ce dessein que, dans le même moment où ils séduisaient nos alliés en leur promettant de les rendre libres, ils négociaient avec le Roi un traité d'amitié et d'alliance, par lequel ils offraient de lui livrer tous les peuples de l'Asie. [104] Bien plus, après avoir également engagé leur foi avec les Grecs et avec les Barbares, et après nous avoir défaits, ils soumettaient à un esclavage plus dur que celui des ilotes les peuples auxquels ils avaient promis la liberté ; et en même temps, pour témoigner au Roi leur reconnaissance, ils persuadaient à Cyrus, à son frère, plus jeune que lui, de lui disputer l'empire, ils réunissaient une armée à la tête de laquelle ils mettaient Cléarque, et l'envoyaient contre le Roi. [105] Mais enfin, abandonnés par la fortune, mis entièrement à découvert dans leurs desseins, et devenus les objets de la haine universelle, ils se trouvèrent engagés dans une guerre et dans des difficultés telles que devaient les rencontrer ceux qui avaient à la fois outrage les Grecs et les Barbares. Je ne sais si je dois m'étendre davantage sur ce sujet ; je rappellerai seulement qu'après avoir été vaincus par les forces navales du Roi et par les savantes combinaisons de Conon, ils firent un traité de paix d'une telle nature [106] que personne ne pourrait en montrer un plus honteux, plus humiliant, plus oublieux des intérêts de la Grèce, plus opposer aux louanges données par quelques hommes à la vertu des Lacédémoniens. En résumé, lorsque le Roi les avait rendus maîtres de la Grèce, ils faisaient tous leurs efforts pour lui ravir sa couronne et ses prospérités; lorsqu'il les eut vaincus sur mer, qu'il les eut humiliés, ils ne lui livrèrent pas seulement une faible partie des Grecs, mais tous les Grecs qui habitaient l'Asie, stipulant en termes formels qu'il serait l'arbitre de leur sort; et, loin d'éprouver de la honte à souscrire de semblables conditions relativement à des peuples qui les avaient aidés, comme alliés, à nous vaincre, ils s'étaient faits les chefs de la Grèce, et avaient conçu l'espoir de s'emparer de toute l'Asie, ne rougissant pas de graver eux-mêmes ces stipulations dans leurs temples et contraignant leurs alliés à les imiter.

[108] 40. Je crois qu'une partie de mes auditeurs ne désire pas entendre de nouveaux faits, et pense, d'après ce que j'ai dit, connaître suffisamment quelle a été la conduite de chacune des deux villes envers les Grecs ; pour moi, loin de partager cette opinion, je regarde que le sujet que j'ai entrepris de traiter exige beaucoup d'autres développements, surtout de ceux qui prouvent la démence des hommes qui entreprendront de réfuter nies paroles ; j'espère, d'ailleurs, pouvoir facilement les trouver.

[109] 41. Entre les hommes qui approuvent toutes les actions des Lacédémoniens, les plus distingués et les plus sages donneront, je pense, des louanges au gouvernement intérieur de Sparte et conserveront, à cet égard, la même opinion qu'auparavant; mais, pour ce qui touche à la conduite des Lacédémoniens à l'égard des Grecs, ils donneront tous leur assentiment à mes paroles. [110] Quant à ceux qui méritent moins d'estime, non seulement que les hommes distingués, mais moins que les hommes du vulgaire, et qui, ne pouvant ni parler d'une manière supportable sur aucun autre sujet, ni se taire lorsqu'il s'agit des Lacédémoniens, espèrent qu'en leur donnant des louanges exagérées, ils obtiendront la même gloire que des orateurs qui leur sont de beaucoup supérieurs par leur capacité et leurs vertus ; [111] ces hommes, dis-je, aussitôt qu'ils auront reconnu que toutes les positions sont prises et qu'il leur est impossible de réfuter un seul de mes arguments, porteront, je le suppose, la discussion sur le terrain des institutions politiques, et, plaçant en regard celles des Lacédémoniens et les nôtres, ils opposeront surtout à notre incurie la sagesse et la discipline observées par les Lacédémoniens, profitant de cette comparaison pour relever la gloire de Sparte.

[112] 42. Si donc ils tentent quelque chose de semblable, les esprits sages devront les considérer comme des hommes qui débitent de vaines paroles. Car mon dessein n'a pas été d'établir une discussion sur les gouvernements ; j'ai voulu seulement prouver que notre ville avait mieux mérité de la Grèce que Lacédémone. Si cependant ils détruisent une partie de ce que j'ai dit, ou s'ils présentent des faits nouveaux dans lesquels les Lacédémoniens l'auraient emporté sur nous, ils pourront obtenir des éloges mérités; mais, s'ils entreprennent de traiter des choses dont je n'ai fait aucune mention, tout le monde les regardera avec raison comme des insensés.

[113] 43. Quoi qu'il en soit, et puisque, dans mon opinion, ils chercheront à placer la discussion sur les gouvernements, je n'hésiterai pas à en parler; car je crois que notre ville, à cet égard, l'emporte sur Lacédémone plus encore que dans les objets dont je me suis déjà occupé.

[114] 44. Et que personne ne croie que je parle ici de la république telle que l'ont faite les changements que nous avons été contraints d'y apporter ; je parle de celle que nos ancêtres avaient fondée, et à laquelle nos pères ont préféré celle qui existe aujourd'hui, non par mépris pour la première, mais parce que, même en la regardant comme supérieure sous les autres rapports, ils jugeaient la seconde plus utile au développement de notre puissance maritime. Or, c'est en adoptant celle-ci et en la dirigeant avec sagesse, qu'ils ont pu être en état de déjouer les machinations des Spartiates et de résister à la puissance du Péloponnèse entier, dans un temps où, plus qu'à toute autre époque, il était pressant pour notre ville d'en triompher par la guerre. [115] Personne ne pourrait donc avec justice reprocher à nos pères la préférence qu'ils ont donnée à la puissance maritime, car ils n'ont pas été trompés dans leurs espérances, ils n'ignoraient aucun des biens et des maux qui se rattachent à chacune des deux puissances, et, de plus, ils savaient parfaitement que, si la suprématie sur terre a besoin que l'on maintienne avec soin l'ordre, la modération, l'obéissance et toutes les choses de cette nature, la puissance sur la mer ne prospère pas à l'aide des mêmes moyens; [116] mais qu'elle s'accroît par le talent de construire des vaisseaux et par l'habileté des hommes qui les manœuvrent, comme de ceux qui, après avoir perdu tout ce qu'ils possédaient, sont accoutumés à vivre aux dépens des autres. Il était évident que, des hommes de cette nature affluant vers notre ville, l'ancien ordre de la république serait détruit et que la bienveillance de nos alliés serait bientôt remplacée par un sentiment différent, lorsque nous obligerions ceux qui, dans d'autres temps, recevaient de nous des villes et des territoires, à payer des taxes et des tributs, afin de solder des hommes semblables à ceux que je signalais tout à l'heure. [117] Et cependant, bien que nos pères n'ignorassent rien de ce que j'ai dit, ils crurent qu'il était utile et convenable pour une ville si grande, si puissante, possédant une si grande gloire, de supporter toutes les calamités plutôt que le joug de Sparte ; et, lorsque deux partis nous étaient présentés, dont aucun ne méritait l'approbation, ils pensèrent qu'il valait mieux faire peser les calamités sur les autres que de les accepter pour soi-même, et leur donner des ordres en opposition à la justice, plutôt que de subir injustement le joug de Lacédémone pour éviter cette accusation. Un tel parti est évidemment celui que choisiraient et conseilleraient tous les hommes doués de raison ; tandis qu'un très petit nombre, parmi ceux qui prétendent être sages, s'ils étaient interrogés, seraient d'un avis contraire. [118] Voilà pour quels motifs nos pères ont préféré un régime blâmé de quelques personnes à celui qui est loué de tout le monde. J'ai peut-être exposé les deux systèmes avec un peu trop d'étendue, mais j'ai dit la vérité.

[119] 45. Je vais parler maintenant du système politique dont je nie suis proposé de vous entretenir, comme aussi de nos ancêtres, en remontant à ces temps où les noms de démocratie et d'oligarchie n'étaient pas encore prononcés, et où les nations barbares et toutes les villes de la Grèce étaient gouvernées par des rois. [120] J'ai préféré reprendre les choses de plus haut, d'abord à cause de la conviction où je suis qu'il appartient à ceux qui prétendent à la vertu de montrer qu'ils ont été supérieurs aux autres hommes dès leur origine, et ensuite parce qu'après vous avoir entretenus, plus qu'il ne convenait peut-être, d'hommes distingués par leur mérite, mais auxquels je n'appartenais par aucun lien, j'aurais honte de ne pas faire une mention, même légère, de nos ancêtres, [121] qui ont gouverné cette ville de la manière la plus glorieuse et se sont montrés supérieurs à ceux qui ont exercé la même puissance, autant que les hommes les plus modérés et les plus sages sont au-dessus des animaux les plus sauvages et les plus cruels.

46. Quel est, en effet, parmi les crimes qui dépassent les limites de l'impiété et de la barbarie, celui dont ou ne trouve pas l'exemple dans les autres villes, et surtout dans celles que l'on considérait alors comme les plus puissantes et qui semblent l'être encore aujourd'hui? N'y voit-on pas en foule des frères, des pères, des hôtes immolés ? [122] N'y rencontre-t-on pas des mères égorgées, des incestes, les fils devenus pères en profanant le sein dont ils étaient sortis ? N'y voit-on pas des enfants que la perfidie de leurs proches a préparés comme aliment pour les auteurs de leurs jours? Des fils qui chassent de leur pays ceux auxquels ils doivent la vie ; qui les précipitent dans les flots, ou qui les privent de la lumière des cieux? Et le nombre de ces crimes n'est-il pas tel que jamais les sujets ne manquent aux poètes, qui sont dans l'usage de présenter chaque année, sur nos théâtres, les malheurs de cette époque?

[123] 47. Si j'ai rappelé ces faits, ce n'est pas dans la pensée d'accabler les Lacédémoniens sous le poids de mes injures ; c'est afin de montrer que, non seulement rien de semblable ne s'est produit chez, nos ancêtres, ce qui, même, ne serait pas une preuve de vertu, mais une simple indication qu'il n'y avait dans leur nature aucun trait de ressemblance avec les hommes les plus impies. Lorsqu'on veut donner des louanges qui placent en dehors de toute comparaison ceux qui en sont l'objet, on ne doit pas établir uniquement qu'ils n'ont pas été des criminels ; il faut montrer que, dans tous les genres de vertus, ils ont été supérieurs aux hommes des temps anciens comme à ceux des temps modernes. C'est encore un témoignage que l'on peut rendre à nos ancêtres.

[124] 48. Et, en effet, ils ont saintement et noblement administré la république, ainsi que leurs propres intérêts, comme il convenait à ceux qui, étant issus des dieux, avaient les premiers fondé une ville, obéi à des lois et observé, dans tous les temps, la piété envers les dieux, la justice envers les hommes; qui, d'ailleurs, n'étaient point venus d'une terre étrangère, n'avaient point mêlé leur sang à celui d'un autre peuple ; qui, seuls entre tous les Grecs, [125] tirant leur origine de leur propre pays et nourris par le sol qui les avait produits, chérissaient leur patrie comme les enfants les plus vertueux chérissent leur père et leur mère ; et, de plus, ils étaient tellement aimés des dieux, que la chose qui paraît être la plus rare, la plus difficile à obtenir, une succession non interrompue de princes et de rois dans les mêmes familles, continuée pendant quatre ou cinq générations, [126]  n'a existé que pour eux seuls. Erichthonius, fils de Vulcain et de la Terre, reçut de Cécrops, qui n'avait point d'enfants milles, l'héritage de ses biens et de son royaume ; et, à partir de cette époque, ceux qui vinrent après lui, et qui furent en grand nombre, transmirent à leurs enfants leurs richesses et leur puissance sans interruption jusqu'à Thésée.

49. J'attacherais un grand prix à n'avoir point encore parlé de Thésée, de sa vertu, de ses exploits; ce que j'ai dit aurait été mieux placé dans le discours dont notre ville est l'objet. Mais il était difficile, [127] ou plutôt il m'était impossible de réserver les paroles qui s'offraient alors à mon esprit pour un temps que je n'avais pas la faculté de prévoir. J'abandonne par conséquent ce dont j'ai déjà fait usage ; je citerai seulement une action qui n'a pas été rapportée, qui n'appartient à aucun autre qu'à Thésée, et qui est la preuve la plus grande de son courage et de sa haute intelligence.

[128] 50. Thésée possédait la royauté la plus assurée et la plus puissante ; il avait fait, depuis qu'il était sur le trône, une multitude de grandes choses, dans la guerre comme dans le gouvernement de l'État; mais, dédaignant tous ces avantages, il préféra, à la vie tranquille et heureuse que lui offrait la royauté, une gloire qui, par des travaux et des combats, devait le conduire à l'immortalité. [129] Et ce ne fut pas dans la vieillesse, rassasié des biens dont il jouissait, qu'il prit cette résolution ; mais, comme la renommée nous l'apprend, ce fut dans la force de l'Age qu'il abandonna au peuple le soin de gouverner la république, voulant continuer à exposer sa vie pour sa patrie et pour la Grèce.

[130] 51. Je viens de rappeler, autant qu'il m'était possible de le faire, la vertu de Thésée, dont autrefois j'ai exposé, avec quelque soin, les actions glorieuses ; quant à ceux auxquels il confia et qui reçurent de lui la mis sion d'organiser le gouvernement de la république, je ne sais comment louer dignement leur sagesse. Quoique dépourvus d'expérience pour les organisations politiques, ils ne se trompèrent pas dans le choix qu'ils firent de celle qui est universellement regardé comme la plus juste et la plus égale pour tous, en même temps qu'elle est la plus avantageuse et la plus douce pour ceux qui vivent sous son empire. [131] Et, en effet, ils établirent une démocratie, non pas celle qui se gouverne au hasard, qui regarde la licence comme la liberté, et le droit accordé à chacun de faire tout ce qu'il veut comme le bonheur suprême ; mais celle qui, blâmant ces excès, se sert de l'aristocratie, que le peuple compte comme la plus utile entre les institutions politiques, parce qu'elle s'appuie sur le mérite et sur la richesse ; et en cela il agit, non par ignorance, mais parce qu'il ne s'est jamais occupé des questions de cette nature.

[132] 52. Quant à moi, je soutiens qu'il n'existe que trois formes d'organisation politique : l'oligarchie, la démocratie, la monarchie, et que, parmi les peuples qui vivent sous ces gouvernements, ceux qui ont pour usage de placer dans les magistratures et à la tête des intérêts publics les citoyens les plus capables et ceux qui doivent diriger les affaires avec le plus de justice et d'habileté, seront, sous toutes les formes de gouvernement, dans une condition heureuse pour eux et pour les autres ; [133] je crois au contraire que ceux qui emploient les hommes les plus méchants, les plus audacieux, les hommes qui n'ont aucun souci des intérêts du pays, qui sont prêts à tout faire, à tout souffrir pour satisfaire leur cupidité, veulent que leurs villes soient administrées en raison de la perversité des hommes qu'ils mettent à la tête des affaires, et je les regarde connue funestes à eux-mêmes et à leur pays. Quant à ceux qui ne veulent gouverner ni de cette manière ni comme je l'ai dit d'abord, mais qui, lorsqu'ils se croient en sécurité, comblent d'honneurs ceux qui ne parlent que pour les flatter, et qui, dans les temps d'alarmes, recourent aux hommes les meilleurs et les plus sages; ceux-là, dis-je, passeront successivement du malheur à la prospérité.

[134] 53. Telle est la nature, telle est la puissance des divers gouvernements, et je crois que ce sujet pourrait présenter à d'autres la matière de beaucoup plus de développements ; mais je n'ai pas à discuter ici sur la valeur de toutes les organisations politiques : je dois seulement m'expliquer sur celle de nos ancêtres ; car j'ai promis de montrer que, supérieure à celle de Sparte, elle a produit de plus heureux résultats.

[135] 54. Mon discours ne paraîtra ni fatigant, ni hors de propos, à ceux qui m'auront entendu avec plaisir développer les conditions d'un bon gouvernement ; ils le trouveront, au contraire, dans une juste harmonie et dans des rapports convenables avec ce qui a été dit auparavant. Quant à ceux qui n'éprouvent aucun attrait pour les pensées exprimées avec soin et gravité, mais qui se plaisent aux injures qui retentissent dans les grandes assemblées, ou, s'ils s'abstiennent de cette espèce de fureur, ne craignent pas de louer les actions les plus basses et les hommes les plus ennemis des lois, je crois que mon discours leur semblera beaucoup plus long qu'il n'aurait dû l'être. [136] Pour moi, ainsi que tous les hommes raisonnables, je n'ai jamais tenu compte de semblables auditeurs; mais j'ai désiré l'assentiment de ceux qui, gardant le souvenir des choses que j'ai dites avant d'entrer en matière, ne blâmeront pas la prolixité de ma discussion, alors même qu'elle contiendrait des myriades de paroles, et qui comprendront, d'ailleurs, qu'ils peuvent lire et parcourir séparément les parties dont ils jugeront convenable de s'occuper; et j'ai souhaité surtout l'approbation de ceux qui n'écoutent rien avec plus de plaisir qu'un discours où se trouvent rappelées les vertus des hommes célèbres et les mœurs d'une ville bien gouvernée ; [137] exemples tels que, si quelques hommes voulaient ou pouvaient les imiter, ils vivraient comblés de gloire, et rendraient leur patrie heureuse. J'ai fait connaître quels étaient les auditeurs que je désirais avoir, et maintenant j'éprouve la crainte que, les ayant rencontrés, mon discours ne soit point à la hauteur du sujet que je dois traiter. Quelle que soit, néanmoins, ma force ou ma faiblesse, j'essayerai de l'aborder.

[138] 55. Si notre patrie, au temps dont je viens de parler, a été administrée dans des conditions meilleures que les autres villes de la Grèce, la justice nous commande d'en attribuer la cause aux rois qui l'ont gouvernée et dont j'ai parlé tout à l'heure. Ce sont eux qui ont formé le peuple à la vertu, à la justice, à une grande obéissance, et qui lui ont enseigné, par leur administration même, les vérités que l'on me voit signaler après qu'ils les ont mises en pratique; savoir : que tout gouvernement est comme l'âme d'une ville, ayant à son égard la même puissance que l'intelligence de l'homme relativement à son corps, puisque c'est le gouverne ment qui délibère sur tous les intérêts, qui assure les prospérités, qui écarte les malheurs, qui est, en un mot, la cause de tous les événements dont l'influence agit sur le sort des peuples.

[139] 56. Le peuple avait reconnu ces vérités, et le changement qui survint ne les lui fit point oublier; mais il s'attacha surtout à prendre des chefs amis de la démocratie et dont les mœurs fussent les mêmes que celles des hommes qui, autrefois, l'avaient gouverné. Il ne voulait pas s'exposer à mettre, par incurie, à la tête des intérêts publics, des hommes auxquels personne ne confierait ses intérêts particuliers, [140] ni permettre que ceux dont l'improbité était publiquement reconnue, prissent part au gouvernement de l'État; il ne supportait pas même la voix de ces orateurs qui, après s'être avilis par la débauche, prétendent enseigner aux autres de quelle manière ils doivent gouverner leur ville pour être sages et heureux ; ni celle des hommes qui, après avoir dissipé dans de honteuses voluptés la fortune qu'ils avaient reçue de leurs pères, cherchent à secourir leur misère aux dépens de la fortune publique; non plus que la voix des flatteurs qui précipitent ceux qui les croient dans une série de difficultés et de malheurs. Chacun pensait qu'il fallait éloigner des conseils publics les hommes de cette nature, comme aussi les hommes qui prétendent que les biens des citoyens sont la propriété de l'État, dont ils dérobent et pillent avec audace les véritables propriétés; qui feignent d'aimer le peuple et le rendent l'objet de la haine universelle ; qui se montrent, en paroles, pleins de sollicitude pour les Grecs, [142] et, dans la réalité, les outragent, les calomnient et les placent, à notre égard, dans une disposition telle que, parmi les villes que la guerre afflige, quelques-unes recevraient plutôt dans leurs murs l'ennemi qui les assiège qu'un secours envoyé par nous. On s'épuiserait à écrire, si l'on voulait entreprendre d'énumérer tous ces crimes et toutes ces énormités.

[143] 57. Nos pères, pleins d'horreur pour les excès de cette nature et pour ceux qui les commettaient, ne choisissaient point au hasard leurs conseillers ou leurs chefs; mais ils donnaient leur confiance aux citoyens les plus vertueux, les plus sages, les plus irréprochables dans leur conduite ; ils les désignaient pour commander les armées et pour être envoyés comme ambassadeurs partout où les circonstances le demandaient, et leur confiaient tous les emplois qui donnaient de l'autorité dans leur ville, convaincus que ceux qui veulent et qui peinent offrir les meilleurs conseils à la tribune conservent, lorsqu'ils sont livrés à leurs propres inspirations, les mêmes sentiments dans tons les lieux et dans toutes les affaires; c'est, en effet, ce qui arrivait pour eux.

[144] 58. Par suite de cette manière de sentir et de juger, nos pères virent en peu de jours des lois rédigées et inscrites sur les tables publiques, non pas des lois semblables à celles qui nous régissent aujourd'hui, lois remplies d'une telle confusion et de tant de contradictions, que personne n'est en état de reconnaître, ni celles dont on peut se servir, ni celles qu'il est impossible d'appliquer; mais des lois peu nombreuses, suffisantes pour ceux qui devaient en faire usage, faciles à comprendre, justes, utiles, d'accord avec elles-mêmes ; des lois plus soigneuses de régler les intérêts publics que les transactions particulières, et telles qu'on doit les établir dans un gouvernement bien organisé. [145] Nos pères plaçaient alors dans les magistratures les hommes considérés par les citoyens de leur bourg et de leur tribu comme les plus dignes de les remplir; ils ne faisaient pas des emplois un sujet de rivalités jalouses ou de désirs ambitieux; de tels emplois étaient bien plutôt semblables à ces services publics qui sont une charge pour les citoyens auxquels on les impose, mais qui ajoutent à leur considération ; car ceux qui avaient été choisis pour les exercer étaient forcés de négliger le soin de leurs propres intérêts et s'abstenaient des émoluments attachés à ces fonctions, non moins que de toucher aux offrandes déposées dans les temples. Quel homme, dans l'état où les choses sont aujourd'hui, supporterait de semblables conditions? [146] Ceux qui remplissaient leurs devoirs avec exactitude, après avoir reçu des louanges modérées, étaient appelés à rendre d'autres services de la même nature, tandis que ceux qui s'étaient rendus coupables d'une prévarication même légère, étaient couverts de honte, et punis des peines les plus sévères. D'où il résultait que, parmi les citoyens, personne n'était, comme à présent, occupé de parvenir aux magistratures ; qu'on les fuyait plus qu'on ne les recherche aujourd'hui, [147] et que tous étaient convaincus qu'il n'existerait jamais de démocratie plus vraie, plus assurée, plus favorable aux intérêts du peuple, que celle qui, en l'affranchissant de pareilles fonctions, le rendait maître de désigner ceux qui devaient les remplir et de punir ceux qui manquaient à leurs devoirs, privilège réservé aux souverains les plus heureux.

[148] 35. Voici la preuve la plus forte que nos ancêtres estimaient ces institutions plus encore que je ne l'ai indiqué. Dans toutes les autres organisations politiques, on voit le peuple attaquer les gouvernements qui lui déplaisent, les renverser et mettre à mort ceux qui les dirigent; avec la nôtre, au contraire, on le voit conserver la même forme de gouvernement pendant plus de dix siècles, et persister à la garder depuis l'époque où il la reçoit jusqu'au temps de Solon et de la tyrannie de Pisistrate, qui, devenu le chef du peuple, après avoir fait beaucoup de mal à la république et avoir chassé les meilleurs citoyens sous prétexte qu'ils étaient partisans de l'oligarchie, finit par détruire le gouvernement populaire, et se fit le tyran de son pays.

[149] 60. Peut-être quelques personnes me taxeront de folie (car rien n'empêche de critiquer un discours), parce que j'ose parler, comme si j'en étais parfaitement informé, de faits auxquels je n'ai pas assisté alors qu'ils se sont accomplis. Je ne crois pas cependant faire en cela rien de contraire à la raison. Si j'avais seul confiance dans ce que la tradition rapporte sur les faits anciens et dans les écrits de cette époque qui sont parvenus jusqu'à nous, on pourrait m'adresser justement des reproches ; mais un grand nombre d'hommes, et des hommes d'un jugement éclairé, ont les mêmes convictions que moi. [150] De plus, si j'étais appelé à établir sur des preuves la vérité de ce que j'ai avancé, je pourrais montrer que tous les hommes acquièrent plus de connaissance par l'ouïe que par la vue, et qu'ils savent, pour les avoir entendu rapporter par d'autres, des choses plus grandes, plus belles que celles dont ils ont été les témoins. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas négliger de semblables objections, parce qu'il pourrait arriver que, personne ne les détruisant, elles nuisissent à la vérité; et, d'un autre côté, il ne faut pas employer trop de temps à les réfuter, car il suffit d'indiquer les arguments par lesquels on peut prouver le peu de raison de ceux qui les présentent ; revenant donc au point de départ, il faut achever ce qui a été interrompu : c'est ce que je vais faire.

[151] 61. Nous avons suffisamment montré quel était, à cette époque, notre système de gouvernement et le temps pendant lequel nos pères y ont été fidèles; il nous reste à parcourir les faits qui ont été le résultat de ce régime plein de prudence. Par là on pourra mieux comprendre que nos ancêtres ont vécu sous un gouvernement meilleur et plus sage que celui des autres peuples, et qu'ils se servaient de chefs et de conseillers tels que la prudence l'exige.

[152] 62. Je ne dois pas néanmoins commencer cet exposé sans le faire précéder de quelques observations. Car si, dédaignant les critiques de ces hommes dont le seul talent est de blâmer, je présente successivement les actions de nos ancêtres et les institutions militaires à l'aide desquelles ils ont vaincu les Barbares et se sont rendus célèbres parmi les Grecs, quelques personnes ne manqueront pas de me dire qu'en parlant ainsi, je rappelle les lois de Lycurgue, qui régissent aujourd'hui les Spartiates.

[153] 63. Je conviens que je parlerai de beaucoup d'institutions établies à Sparte, mais ce sera sans admettre que Lycurgue en ait découvert ou imaginé une seule ; je reconnaîtrai seulement qu'en imitant, aussi bien que possible, les formes de gouvernement consacrées par nos ancêtres, il a fondé chez les Lacédémoniens une démocratie mêlée d'aristocratie, comme elle existait parmi nous ; qu'il a voulu que les magistratures fussent conférées par l'élection et non par le sort; [154] qu'il a rendu une loi par laquelle les vieillards placés à la tête de toutes les affaires sont choisis avec autant de soin que, selon le témoignage de l'histoire, nos pères en apportaient à la désignation des citoyens qui devaient monter à l'Aréopage, et qu'il les a investis d'une puissance égale à celle dont il savait ce tribunal en possession parmi nous.

[155] 64. Si les conditions du gouvernement ont été réglées à Sparte de la manière dont elles l'étaient anciennement parmi nous, ceux qui veulent s'en instruire peuvent l'apprendre d'un grand nombre de personnes. Quant à la science de la guerre, je crois pouvoir démontrer par les luttes et les combats qui, de l'aveu de tout le monde, ont eu lieu à cette époque, que les Spartiates ne l'ont, ni cultivée avant nous, ni appliquée mieux que nous; et je crois le prouver avec une telle évidence, que mes assertions ne pourront être contredi tes, ni par ceux qui sont follement enthousiastes des Spartiates, ni par Ies hommes qui nous calomnient en même temps qu'ils nous admirent et s'efforcent de nous imiter.

[156] 65. Je commencerai ce que j'ai à dire par des paroles qui, peut-être, froisseront quelques-uns de mes auditeurs, mais qu'il n'est pas sans utilité de faire entendre. Si l'on disait que les deux villes ont d'abord été pour les Grecs la cause de nombreuses prospérités, et qu'après l'expédition de Xerxès elles sont devenues pour eux la cause des plus grands maux, il est impossible que cette assertion ne soit pas jugée conforme à la vérité par ceux qui ont quelque connaissance des événements qui se sont passés alors. [157] Les deux villes, en effet, ont combattu avec la plus grande valeur contre les armées de Xerxès; mais, après cette glorieuse conduite, lorsqu'il eût été digne d'elles de prendre de généreuses résolutions pour en assurer les conséquences, il est certain qu'elles ont poussé l'égarement, disons plutôt la folie, jusqu'à conclure avec ce roi qui les avait attaquées, qui avait résolu de les anéantir l'une et l'autre, et qui voulait asservir la Grèce entière;[158]  jusqu'à conclure, disons-nous, avec un tel roi, qu'elles auraient pu vaincre facilement sur terre et sur mer, un traité de paix à perpétuité, comme s'il eût été leur bienfaiteur ; qu'alors, réciproquement jalouses de leurs vertus, ces deux villes se sont constituées l'une à l'égard de l'autre dans un état de guerre et de rivalité, et qu'elles n'ont pas cessé de se nuire, comme de nuire à tous les Grecs, avant d'avoir donné à l'ennemi commun la faculté de précipiter dans les derniers dangers, Athènes par la puissance de Sparte, Sparte par la puissance d'Athènes. [159] Bien plus, après s'être montrées si inférieures au Barbare sous le rapport de l'habileté, elles ne ressentirent pas une douleur proportionnée aux malheurs qui les avaient frappées, ni telle qu'il leur convenait de l'éprouver ; et aujourd'hui, les plus grandes villes de la Grèce ne rougissent pas de flatter l'opulence du Barbare ; Argos et Thèbes se sont jointes à lui pour l'aider à soumettre l'Égypte par la force des armes, afin qu'il pût, avec la plus grande puissance possible, dresser des embûches aux Grecs; et nous-mêmes, aussi bien que les Spartiates, quoique unis par un traité, nous sommes plus mal disposés les uns à l'égard des autres qu'envers les nations qui sont en guerre avec nous. [160] En voici une preuve qui n'est pas sans valeur : jamais nous ne délibérons en commun sur un intérêt quel qu'il soit, el nous envoyons séparément des ambassadeurs près du Roi, dans l'espérance que ceux pour lesquels il sera le plus favorablement disposé, se trouveront investis de la prépondérance sur la Grèce, ignorant apparemment que le Barbare a pour habitude de traiter avec insolence ceux qui recherchent sa protection, tandis qu'il s'efforce, au contraire, de terminer par tous les moyens possibles ses différends avec les peuples qui osent lui résister et qui méprisent sa puissance.

[161] 66. Je ne me dissimule pas, lorsque je rappelle ces faits, que quelques personnes oseront m'accuser d'employer des arguments en dehors de mon sujet. Pour moi, j'ai la conscience de n'avoir jamais rien avancé de plus conforme à mes précédents discours, ni de plus propre à démontrer clairement que sur les grands intérêts de la Grèce, nos ancêtres se sont élevés, par la sagesse de leurs vues, bien au-dessus des hommes appelés au gouvernement de notre ville et de celle de Sparte, à la suite de la guerre contre Xerxès. [162] En effet, on vit bientôt à cette époque les deux villes, après avoir fait la paix avec les Barbares, se détruire mutuellement et détruire les autres villes de la Grèce ; et on les voit maintenant, dominées par le désir de commander aux Grecs, envoyer des ambassadeurs vers le roi pour demander son amitié et son alliance : les hommes qui gouvernaient autrefois notre patrie, loin de tenir une semblable conduite, [163] suivaient une marche tout opposée, se faisant une loi de respecter l'indépendance des villes grecques, comme les hommes religieux respectent les objets sacrés déposés dans les temples ; et regardant comme la guerre la plus nécessaire, la plus juste, après celle qu'ils faisaient avec le reste des humains contre la férocité des animaux sauvages, celle qu'ils faisaient avec les Grecs contre les Barbares, nos ennemis naturels, qui, de tout temps, nous ont dressé des embûches. Ces vérités, je ne les ai pas tirées de mon propre fonds, je les ai fait sortir de l'examen de leurs actions.

[164] 67. Nos ancêtres, voyant les autres villes de la Grèce accablées par des maux sans nombre, et déchirées par des séditions et des guerres, tandis que leur patrie seule jouissait d'un gouvernement bien organisé, ne crurent pas qu'il fût permis aux plus sages et aux plus heureux de rester indifférents, et de laisser détruire des villes liées avec eux par une origine commune ; ils pensèrent qu'il fallait s'occuper de leurs intérêts et prendre des mesures pour les délivrer de toutes leurs calamités présentes. [165] Pleins de cette conviction, ils s'efforçaient, par des ambassades et par des avis salutaires, de faire cesser la discorde dans les villes où les dissidences étaient moins animées; dans celles où les divisions étaient plus profondes, ils envoyaient les citoyens les plus considérés parmi eux, pour leur donner de sages conseils sur l'état de leurs affaires; s'adressant aux hommes privés des moyens de vivre dans leur patrie ou indociles par caractère au joug des lois (espèce d'hommes qui sont la plupart du temps la plaie des villes), ces envoyés les engageaient de se réunir à eux pour entreprendre quelque expédition et à se procurer ainsi une vie plus abondante. [166] Comme un grand nombre y étaient disposés et se laissaient persuader, ils en formaient des armées ; et, après avoir vaincu les Barbares, maîtres des îles ou du littoral de l'un et de l'autre continent, ils les chassaient pour établir à leur place les plus indigents d'entre les Grecs. Ils continuèrent à agir de cette manière et à donner le même exemple, jusqu'au jour où ils apprirent que les Spartiates s'établissant, comme je l'ai déjà dit, dans les villes du Péloponnèse, les avaient soumises à leur puissance. Il leur fallut alors penser à leurs propres intérêts.

[167] 68. Mais quels furent les avantages de cette guerre, dont le but était de fonder des colonies et d'établir des relations utiles? Car c'est là, je crois, ce que la plus grande partie de mes auditeurs désire surtout apprendre. Les Grecs, délivrés d'un si grand nombre de pareils hommes, possédèrent avec plus d'abondance les nécessités de la vie et vécurent plus d'accord entre eux ; les Barbares, chassés de leur pays, devinrent moins orgueil leux, et les auteurs de ces heureux changements, comblés de gloire, furent regardés comme ayant donné à la Grèce une puissance double de celle qu'elle possédait dans les premiers temps.

[168] 69. Parmi tous les bienfaits de nos ancêtres, il me serait impossible d'en trouver un plus grand, plus dans l'intérêt général des Grecs ; mais peut-être pouvons-nous citer un fait plus en rapport avec les choses de la guerre, et qui, non moins digne de renommée, brillera d'un plus grand éclat aux yeux de tous.

70. Qui pourrait ignorer ou n'avoir pas entendu de la bouche de nos poètes tragiques, dans les fêtes de Bacchus, le récit des malheurs d'Adraste devant Thèbes? [169] Adraste, voulant replacer sur le trône le fils d'OEdipe, l'époux de sa fille, avait perdu un grand nombre d'Argiens, et vu périr tous ses chefs; lui-même n'avait sauvé sa vie qu'aux dépens de son honneur. N'ayant pu obtenir de trêve ni enlever les corps de ceux qui avaient succombé, il se fit le suppliant d'Athènes, que Thésée alors gouvernait encore ; il la conjurait de ne pas souffrir que de tels hommes restassent sans sépulture, et de ne pas laisser ainsi abolir un ancien usage, une loi de nos pères, suivie par tous les peuples non comme une institution d'origine humaine, mais comme un ordre émané de la puissance des dieux. [170] Le peuple, après l'avoir entendu, envoya aussitôt des députés vers les Thébains pour les engager à adopter une résolution plus conforme à la religion, et à donner une réponse plus équitable que la première, en leur faisant comprendre qu'Athènes ne leur permettrait pas d'enfreindre une loi commune à tous les Grecs. [171] Les chefs des Thébains, frappés de ces paroles, prirent une détermination qui n'était point conforme à l'opinion de quelques-uns d'entre eux, ni à leur résolution première; mais, après s'être justifiés avec modération sur ce qui les concernait et avoir accusé ceux qui les avaient attaqués, ils consentirent, par égard pour notre patrie, à l'enlèvement des morts.

[172] 71. Et que personne ne me reproche de ne point apercevoir l'opposition qui existe entre mes appréciations d'aujourd'hui et ce que je parais avoir écrit sur le même sujet dans mon discours panégyrique ; je crois que, parmi ceux qui peuvent l'avoir remarqué, aucun n'est assez insensé, assez dominé par l'envie, pour ne pas me donner des louanges et ne pas me regarder comme ayant agi avec sagesse en présentant alors ces faits sous un point de vue, et aujourd'hui sous un autre. [173] J'ai la conscience de m'être exprimé d'une manière noble et utile ; et, quant à la supériorité de noire patrie sous le rapport de la guerre dans ces temps reculés (car c'est pour la mettre en évidence que j'ai rappelé ici les événements de Thèbes), elle me paraît résulter clairement de ce que le roi d'Argos est devenu notre suppliant, [174] et que les chefs de Thèbes ont obtempéré plutôt aux représentations d'Athènes qu'aux lois établies par la divinité même. Certes, Athènes n'aurait pas eu le pouvoir de terminer ainsi ces différends, si elle n'avait surpassé de beaucoup les autres États en renommée et en puissance.

[175] 72. Ayant encore à rapporter un grand nombre de faits glorieux accomplis par nos ancêtres, j'examine de quelle manière je dois les présenter, et ce soin me préoccupe plus que tout le reste : je touche à la partie de mon sujet réservée pour la dernière, et par laquelle je promettais de montrer la supériorité de nos ancêtres sur les Spartiates dans la guerre et dans les combats, plus encore que sous les autres rapports. [176] Cette opinion sera contraire à celle d'un grand nombre d'hommes, mais elle sera d'accord avec la vérité aux yeux des autres. J'hésitais tout à l'heure pour savoir si je parlerais des dangers et des combats des Spartiates avant de parler des nôtres ; maintenant je préfère m'occuper des premiers, afin de terminer mon discours par les faits les plus éclatants et les plus conformes à la justice.

[177] 73. Lorsque les Doriens, après avoir envahi le Péloponnèse, eurent divisé les villes en trois parts et dépouillé de leurs territoires les possesseurs légitimes, ceux qui reçurent en partage Argos et Messène établirent leur système politique à peu près sur les mêmes bases que les autres Grecs; la troisième di\ision, formée de ceux que nous nommons aujourd'hui les Lacédémoniens, fut, si nous en croyons les hommes versés dans l'histoire de ces temps, en proie à de telles dissensions qu'aucun peuple de la Grèce n'en a éprouvé de pareilles. Les hommes qui se regardaient comme supérieurs à la multitude, étant demeurés vainqueurs, n'adoptèrent pas le système suivi ordinairement par ceux qui ont obtenu de semblables succès ; [178] ces derniers conservent, en général, aux vaincus, le droit d'habiter avec eux la patrie commune; et, à l'exception des magistratures et des honneurs, ils leur permettent de partager tous les autres avantages ; mais les hommes habiles parmi les Spartiates, taxant de folie les partisans de ce système parce qu'ils croient pouvoir gouverner avec sécurité en laissant habiter avec eux des hommes qu'ils ont gravement offensés, suivirent une conduite tout opposée : ils établirent pour eux seuls une égalité et une démocratie qui conviennent à ceux qui ont besoin de se maintenir toujours dans un parfait accord, et ils contraignirent, dans le but d'asservir leurs âmes non moins que celles des esclaves, les hommes du peuple à habiter autour de la ville. [179] Après avoir agi de cette manière, et lorsque la justice voulait que la terre fût partagée également entre tous, bien qu'ils fussent en petit nombre, non seulement ils prirent la partie la plus fertile, mais ils s'en attribuèrent une si grande étendue qu'aucun des Grecs n'en possède une semblable : en même temps ils distribuaient au peuple des portions tellement restreintes de la partie la plus stérile, qu'avec beaucoup de travail il pouvait à peine se procurer la nourriture de chaque jour : partageant ensuite ce même peuple en subdivisions les plus faibles possible, ils l'établirent dans des lieux resserrés et nombreux, où il recevait à la vérité la même appellation que les citoyens des villes, mais où il avait en réalité moins d'influence que n'en obtiennent parmi nous les habitants de nos bourgs ; [180] enfin, non contents de priver les hommes du peuple de tous les avantages appartenant à des hommes libres, ils leur faisaient supporter la plus grande partie des périls de la guerre ; car, dans les expéditions conduites par un de leurs rois, ils les obligeaient à se placer auprès d'eux, homme pour homme, sur le champ de bataille, en mettaient quelques-uns au premier rang, et, lorsqu'ils avaient besoin de porter du secours sur un point où ils craignaient de rencontrer des travaux, des périls ou de longues fatigues, c'étaient eux qu'ils envoyaient s'exposer pour le salut des autres. [181] Mais pourquoi s'étendre sur les outrages que le peuple a été contraint de supporter, et pourquoi, en faisant connaître le plus grand de ses maux, ne pas se dispenser de les rappeler tous? Parmi ces hommes qui dans l'origine ont souffert de si grandes indignités, et qui, dans les temps actuels, rendent de si grands services, il est permis aux Éphores de faire mourir indistinctement sans les juger tous ceux que leur volonté désigne, et cela quand, chez tous les Grecs, c'est un crime de verser arbitrairement le sang des plus vils esclaves.

[182] 74. J'ai parlé avec quelque développement de la conduite des Spartiates dans leurs rapports particuliers avec ces hommes et des outrages dont ils les accablent, afin de pouvoir demander à ceux qui approuvent toutes les actions des Spartiates si celles-là obtiennent aussi leur approbation, et s'ils regardent comme nobles et saints les combats livrés par eux contre cette partie de leurs concitoyens. [183] Ces combats, je le crois, ont été grands et terribles; ils ont été pour les vaincus la cause de beaucoup de maux, et ils ont procuré aux vainqueurs des avantages pour le maintien desquels ils sont obligés d'avoir constamment les armes à lu main ; mais je pense en même temps qu'ils n'étaient ni saints, ni nobles, ni convenables pour des hommes qui aspirent à la supériorité sur les autres, non pas à celle qui s'obtient dans les arts et dans les choses de cette nature, mais à celle qui, dans les âmes grandes et généreuses, est le fruit de la piété et de la justice, la seule dont s'occupe mon discours. [184] Ceux qui, ne tenant aucun compte de la vertu, louent des hommes couverts de crimes, trahissent ainsi, sans y prendre garde, leurs propres sentiments, et se montrent capables de prodiguer leurs louanges à des hommes qui, possédant plus que le nécessaire, oseraient immoler leurs frères, leurs compagnons, leurs amis, pour s'enrichir de leurs dépouilles ; conduite tellement semblable à celle des Spartiates, qu'il en résulte pour leurs approbateurs la nécessité d'approuver aussi les actes dont je viens de parler.

[185] 75. Je m'étonne en voyant quelques hommes ne pas considérer les combats livrés et les victoires remportées en opposition avec la justice, comme plus honteuses et plus dignes de blâme que les défaites encourues sans lâcheté ; et cela quand ils savent que souvent de grandes armées composées d'hommes méchants et corrompus l'emportent sur d'autres formées d'hommes loyaux et déterminés à s'exposer à tous les dangers pour le salut de leur patrie. [186] Nous devrions cependant les louer de préférence à ceux qui, semblables aux soldats mercenaires, sont toujours prêts à affronter la mort pour s'emparer du bien des autres. De tels actes n'appartiennent qu'à des êtres pervers, et, si quelquefois les hommes vertueux sont moins heureux dans les combats que les fauteurs de l'injustice, il semble qu'on serait en droit d'en attribuer la cause à l'insouciance des dieux.

[187] Je pourrais même me servir de ces paroles relativement au malheur éprouvé par les Spartiates aux Thermopyles, malheur vanté et admiré par tous ceux qui en ont entendu le récit, plus que les combats, et les victoires remportées sur des adversaires contre lesquels on n'aurait jamais du combattre, victoires célébrées par quelques hommes qui ignorent apparemment que rien n'est saint, rien n'est noble de ce qui se dit, de ce qui se fait contrairement à la justice.  [188] Mais ce sont des vérités dont jamais les Spartiates n'ont tenu compte, parce qu'ils ne sont occupés qu'à multiplier et à étendre leurs usurpations. Nos ancêtres n'ont jamais rien ambitionné autant que l'estime des Grecs ; ils pensaient qu'aucun jugement ne pouvait être plus vrai, plus juste que celui de toute une nation.

[189] 76. On les voit pénétrés de ce sentiment dans l'administration intérieure de leur république et dans toutes les affaires d'une haute importance. Trois guerres, sans y comprendre celle de Troie, ont eu lieu entre les Grecs et les Barbares, et notre ville, dans ces trois guerres, s'est toujours placée au premier rang. L'une est la guerre contre Xerxès, où, dans tous les dangers qu'il a fallu braver, nos ancêtres ont montré une supériorité plus grande sur les Lacédémoniens que les Lacédémoniens sur les autres Grecs ; [190] la seconde eut pour objet l'établissement des colonies, et aucun Dorien ne se présenta pour y prendre part, tandis qu'Athènes, se mettant à la tête des Grecs indigents, et de tous ceux qui voulurent prendre part à ses efforts, changea tellement la face des affaires, qu'au sortir d'une situation où les Barbares étaient accoutumés à s'emparer des villes grecques les plus considérables, elle mit les Grecs en état de faire ce qu'auparavant ils étaient obligés de souffrir.

[191] 77. Nous avons, dans ce qui précède, suffisamment parlé de ces deux guerres. Je parlerai maintenant de la troisième ; elle se rapporte à un temps où les villes de la Grèce étaient récemment fondées, et où notre patrie était encore soumise à l'autorité des rois. C'est l'époque des guerres les plus nombreuses, celle des périls les plus grands, et il me serait aussi impossible de me rappeler cette foule d'événements que de les décrire. [192] Passant donc sous silence la plus grande partie des faits qui eurent lieu à cette époque, et qu'il n'est pas nécessaire de reproduire aujourd'hui, j'essayerai d'indiquer le plus brièvement possible, et les peuples qui nous ont fait la guerre, et les combats dignes de mémoire, et les chefs qui commandaient et les prétextes qu'alléguaient nos ennemis; enfin, la puissance des nations qui s'étaient réunies à eux; cela suffira pour établir le parallèle avec ce que nous avons dit des hauts faits de nos rivaux.

[193] 78. Les Thraces envahirent notre territoire sous la conduite d'Eumolpus, fils de Neptune, qui contestait à Érechthée la possession de notre ville, prétendant que Neptune s'en était emparé avant Minerve. D'un autre côté, les Scythes nous attaquèrent avec les Amazones, filles de Mars; elles nous faisaient la guerre à cause d'Hippolyte, leur reine, qui, ayant violé les lois de son pays par amour pour Thésée, l'avait suivi et l'avait  épousé. [194] Les Péloponnésiens, en outre, s'étaient unis contre nous à Eurysthée ; celui-ci, après avoir refusé de donner satisfaction à Hercule des outrages dont il s'était rendu coupable envers lui, avait attaque nos ancêtres pour leur enlever de force les enfants de ce héros, qui s'étaient réfugiés vers nous; mais Eurysthée subit le châtiment qu'il méritait: loin de se rendre maître de ceux qui s'étaient faits nos suppliants, vaincu dans un combat, il fut fait prisonnier par nos soldats, et termina ses jours devenu lui-même le suppliant de ceux qu'il avait voulu se faire livrer. [195] Enfin, les Barbares envoyés par Darius pour ravager la Grèce descendirent à Marathon, et, après avoir éprouvé des désastres plus grands, des malheurs plus nombreux que ceux qu'ils s'étaient promis d'accumuler sur notre ville, ils se retirèrent en fuyant de toutes les parties de la Grèce.

[196] 79. Tous les peuples que je viens d'indiquer nous ayant attaqués, non pas ensemble ni dans le même temps, mais suivant que les circonstances, l'intérêt et la volonté de chacun les y portaient, nos ancêtres les vainquirent et mirent un terme à leur insolence. Mais, quelle que fût la grandeur de leurs exploits, ils ne sortirent pas de leur caractère et n'éprouvèrent pas l'influence que subissent ordinairement ceux qui, après avoir suivi de belles et sages inspirations, avoir acquis de grandes richesses et une noble renommée, corrompus par l'excès de leur fortune, égarés par leur orgueil, sont entraînés hors des limites de la raison et précipités dans une situation plus pénible, plus humiliante que celle où ils étaient auparavant ; [197] nos ancêtres, évitant cet écueil, restèrent fidèles aux principes dont ils étaient redevables à la bonté de leur gouvernement, plus fiers de la puissance de leur âme et de la générosité de leurs sentiments que des combats qu'ils avaient livrés, et plus admires pour leur constance et leur modération que pour le courage qu'ils avaient déployé dans les dangers. [198] Ils savaient que la valeur dans les combats se rencontre souvent clic/, les hommes coupables des plus grands crimes, tandis que la sagesse, qui peut être utile à tous et dans toutes les circonstances, n'est jamais le partage des méchants et ne peut appartenir qu'aux hommes heureusement nés, sagement élevés et formés à la vertu ; caractères qui se rencontraient alors dans les hommes par qui notre patrie était gouvernée, et qui sont les vrais auteurs de tous les biens que nous avons signalés.

[199] 80. Je vois en général les orateurs terminer leurs discours en rappelant les faits les plus importants, les plus dignes de mémoire. Je crois que ceux qui pensent et qui agissent ainsi sont d'accord avec la raison ; et cependant je ne les imiterai pas, parce que je suis obligé d'ajouter de nouveaux développements à ce que j'ai dit ; et j'en ferai connaître plus tard le motif, après une courte digression.

[200] 81. Je corrigeais mon discours, qui comprenait ce qui a été lu jusqu'ici, avec trois ou quatre jeunes gens accoutumés à vivre dans mon intimité. Il nous semblait, après l'avoir lu, qu'il était bien dans toutes ses parties, et qu'il n'y manquait que la conclusion, lorsqu'il me parut utile d'appeler un de mes anciens disciples, qui avait eu part à l'administration pendant le temps de l'oligarchie, homme déterminé à louer les Lacédémoniens dans toutes les circonstances, afin que, si quelque chose d'inexact nous avait échappé, il put s'en apercevoir et nous l'indiquer. [201] Il vint, et, après avoir lu ce que j'a\ais écrit (que servirait de nous arrêter sur les choses qui se passèrent dans l'intervalle?), il ne se montra sous aucun rapport mécontent de mon discours, le loua autant qu'il était possible de le faire, et exprima sur chaque partie une opinion semblable à relie que nous avions conçue. Il était évident toutefois qu'il supportait avec peine mon opinion sur les Lacédémoniens, [202] et il le fit voir bientôt, en osant dire que, quand bien même les Lacédémoniens n'auraient fait aucun autre bien aux Grecs, ils leur auraient au moins rendu un service dont nous devions tous éprouver de la reconnaissance, puisque, après avoir découvert les plus nobles institutions, ils n'en avaient pas fait usage seulement pour eux-mêmes, mais les avaient communiquées aux autres peuples.

[203] 82. Ce peu de paroles, prononcées d'un ton bref et animé, m'empêchèrent de terminer mon discours au point où je voulais m'arrêter; je crus que je ferais une chose honteuse, inexcusable, si je souffrais qu'en ma présence un homme qui avait été mon disciple se servît d'expressions si peu convenables. Pénétré de cette pensée, je lui demandai s'il n'avait aucun égard pour les personnes qui étaient devant lui, et s'il ne rougissait pas d'avoir proféré des paroles impies, mensongères et pleines de contradictions. « Vous reconnaîtrez, lui dis-je, que les vôtres sont de cette nature, [204] si vous interrogez quelques hommes sensés, et si vous leur demandez, d'une part, quelles sont à leurs yeux les institutions les plus nobles et les plus belles ; de l'autre, combien de temps il s'est écoulé depuis l'établissement des Spartiates dans le Péloponnèse. Ils vous diront que la piété envers les dieux, la justice envers les hommes, la prudence dans toutes les actions de la vie, sont d'un commun accord placées à la tête de toutes les institutions ; et ils vous diront, en même temps, qu'il n'y a pas plus de sept cents ans que les Spartiates habitent le Péloponnèse. [205] Si donc, lorsque les choses sont ainsi, vous dites la vérité, en affirmant que les Spartiates ont été les inventeurs des pins nobles institutions, il s'ensuit nécessairement que les hommes qui ont passé sur la terre un grand nombre de générations avant que les Spartiates s'établissent dans le Péloponnèse, n'ont point eu part à ces institutions, et que non seulement ceux qui ont fait la guerre de Troie, mais ceux qui ont vécu du temps d'Hercule et de Thésée, que Minos, le fils de Jupiter, Rhadamanthe, Eacus, tous les hommes, en un mot, qui ont été célébrés par les poètes pour avoir pratiqué ces nobles vertus, ont usurpé la renommée dont ils jouissent ; tandis que, si vous avez proféré des paroles insensées, [206] et s'il est conforme à toutes les convenances de croire que ceux qui sont nés des dieux ont usé de ces institutions avant les autres et les ont transmises à leur postérité, il est impossible qu'en donnant ainsi aux premiers qui se présentent des louanges hasardées et contraires à la justice, vous ne soyez pas considéré comme un homme privé de raison par tous ceux qui vous ont entendu. Enfin, si vous eussiez donné des éloges aux Spartiates avant d'avoir lu mon discours, vous auriez pu, sans aucun doute, articuler des choses contraires au bon sens, et cependant ne pas paraître en opposition avec vous-même, [207] tandis que maintenant, après avoir loué mon discours qui montre que les Lacédémoniens ont commis un grand nombre d'énormités envers des peuples de leur sang, et envers les autres Grecs, comment pouvez-vous dire que des hommes coupables de pareils crimes ont été les premiers auteurs des plus nobles institutions ?

[208] 83. « Indépendamment de ces considérations, une chose vous a encore échappé, lui dis-je; c'est qu'il n'appartient pas à tout le monde de découvrir ce qui est resté inaperçu dans les institutions, dans les arts et dans tout le reste ; mais que cela est réservé seulement aux hommes d'une nature supérieure, aux hommes qui peuvent étudier la plupart des anciennes inventions, en même temps qu'ils ont, plus que les autres, la volonté d'appliquer leur esprit à des recherches utiles. [209] Or les Lacédémoniens sont plus éloignés de cette disposition que les Barbares, car nous voyons ceux-ci apprendre et même enseigner un grand nombre de choses découvertes par d'autres hommes, et nous voyons les Lacédémoniens tellement en arrière de l'éducation commune et de la philosophie, qu'ils ne veulent pas même apprendre à connaître les caractères de l'écriture, science telle que ceux qui la possèdent et savent s'en servir ajoutent à la connaissance des faits qui se passent de leur temps celle des événements qui ont eu lieu à toutes les époques. [210] Vous n'avez pas craint, cependant, de présenter des hommes qui restent dans une si grande ignorance, comme les inventeurs des plus belles institutions, et cela, quand vous savez qu'ils donnent à leurs enfants une éducation au moyen de laquelle ils espèrent les rendre capables, non pas de devenir un jour les bienfaiteurs de leurs semblables, mais de faire aux Grecs le plus de mal possible.

[211] 84. « Si je rappelais ici tous ces actes, je fatiguerais mes auditeurs et moi-même ; mais si j'en indique un seul, celui auquel les Spartiates donnent la préférence, et qui est l'objet particulier de leurs soins, je crois que je ferai suffisamment connaître leur caractère. Tous les jours ils envoient leurs enfants, au sortir de leur lit, chacun avec les compagnons qu'il a choisis, en apparence pour chasser, et, dans la réalité, pour voler les habitants de la campagne ; [212] ceux qui se laissent surprendre payent une amende en argent et reçoivent un châtiment corporel ; ceux, au contraire, qui commettent le plus de larcins et qui peuvent mieux les cacher, jouissent d'une plus grande réputation que les autres enfants, et, lorsqu'ils sont arrivés à l'âge d'homme, s'ils persévèrent dans les habitudes de leur enfance, l'accès des emplois supérieurs leur est plus facile.

[213]  « Si quelqu'un peut indiquer une partie de leur éducation à laquelle les Spartiates attachent plus de prix, et qu'ils regardent comme digne de plus d'estime, je consens à n'avoir jamais rien dit  de vrai sur quelque sujet que ce soit. Et cependant, est-il une seule des actions de cette nature qui soit noble, qui soit honnête, ou plutôt qui ne soit pas digne de mépris ? Comment donc ne pas regarder comme des insensés ceux qui prodiguent leurs louanges à des hommes placés à ce point en dehors de toutes les lois de l'humanité, et qui n'ont aucune idée commune avec les Grecs ni même avec les Barbares ? [214] On regarde comme les plus vicieux entre les esclaves ceux qui se livrent au vol et au mensonge ; les Lacédémoniens, au contraire, regardent comme les plus heureusement nés et les plus dignes d'approbation entre leurs enfants ceux qui se distinguent par de semblables actes. Quel homme, jouissant de sa raison, ne préférerait pas souffrir trois fois la mort plutôt que d'être considéré comme faisant consister l'exercice de la vertu dans de pareilles mœurs? »

[215] 85. Mon interlocuteur, ayant entendu ces paroles, n'osa en réfuter directement aucune ; et, ne voulant pas néanmoins garder un silence absolu, il me dit : « Vous avez parlé en vous adressant à moi comme si j'approuvais tout ce que font les Spartiates et que tout chez, eux me parût noble et grand, tandis que je pense comme vous en ce qui concerne la liberté des enfants et beaucoup d'autres choses que vous blâmez avec raison, [216] en même temps que vous m'accusez, injustement. Sans doute, en lisant votre discours, j'ai pu être affligé des choses qu'il contenait relativement aux Lacédémoniens ; mais je l'étais surtout de l'impossibilité où je me trouvais de rien opposer eu leur faveur, moi qui ai toujours été accoutumé à leur donner des louanges. Placé dans un si grand embarras, j'ai dit ce qui me restait à dire, savoir : que, quand bien même il n'existerait pas d'autre motif, nous devrions tous éprouver pour eux de la reconnaissance à cause de l'usage constant qu'ils font des plus nobles institutions. [217] Je l'ai dit, non pas au point de vue de la piété, de la sagesse, sur lesquelles vous avez établi votre discussion, mais en portant mes regards vers les exercices qui chez eux ont pour but de fortifier le corps, d'accroître le courage, d'entretenir l'uniformité des sentiments ; en un mot, vers toutes les choses qui se rapportent à la guerre, choses louées et approuvées de tout le monde en même temps que l'on reconnaît que les Lacédémoniens en font le plus grand usage. »

[218] 86. J'accueillis sa réponse, non comme ayant détruit une partie quelconque de mes accusations, mais parce que, cherchant à couvrir ce qu'il y avait de trop amer dans ses premières paroles, il n'agissait pas comme un homme privé d'éducation, mais comme un homme de bon sens, et qui apportait dans le reste de son apologie plus de modération qu'il n'avait d'abord mis de hardiesse dans son langage.

87. Quoi qu'il en soit, abandonnant cette partie de la discussion, j'ajoutai que, même sur les objets qu'il venait de traiter, j'avais à intenter contre les Lacédémoniens une accusation beaucoup plus grave que celle qui portait sur l'habitude du vol donnée à leurs enfants. [219] « Et en effet, lui dis-je, si par cette coupable institution les Spartiates nuisent à leurs enfants, au moyen de celles dont vous avez parlé tout à l'heure, ils consomment la perte des Grecs. Il est facile de reconnaître que les choses sont ainsi. Tout le monde conviendra, je pense, que les hommes les plus méchants, ceux qui méritent les plus sévères châtiments, sont ceux qui emploient dans un but nuisible ce qui a été inventé dans un but utile, [220] et qui l'emploient, non pas contre les Barbares, non pas contre des criminels, non pas même contre l'ennemi qui envahit leur territoire, mais contre des peuples amis, et qui ont avec eux une origine commune. Or, c'est ce qu'ont fait les Spartiates; comment alors pourrait-on dire, sans blesser les lois divines, qu'ils ont noblement usé de leurs institutions militaires, eux qui n'ont jamais cessé de travailler à détruire ceux qu'ils avaient l'obligation de défendre ?

[221] 88. « Vous n'êtes pas, d'ailleurs le seul à ignorer quels sont les hommes qui usent convenablement des choses ; la plupart des Grecs, pour ainsi dire, l'ignorent comme vous. Et en effet, lorsqu'ils voient ou lorsqu'ils entendent dire que quelques hommes se livrent avec zèle à l'étude des choses considérées comme utiles et honnêtes, ils les louent, ils en parlent avec emphase, sans prévoir ce qui arrivera. [222] Ceux qui veulent au contraire juger sainement de tels hommes doivent d'abord se défendre de toute impression et s'abstenir d'une opinion préconçue à leur égard ; mais, lorsque l'époque arrive où ils les voient parler et agir, soit dans les affaires privées, soit dans les affaires publiques, ils doivent observer attentivement chacun d'eux, louer et honorer ceux qui usent d'une manière noble et régulière des choses auxquelles ils se sont appliqués, [223] blâmer ceux qui violent la justice ou qui commettent des crimes, les haïr et se mettre en garde contre la contagion de leurs mœurs, convaincus que ce ne sont pas les choses en elles-mêmes qui nous servent ou qui nous nuisent, mais que l'usage et l'application qu'en font les hommes sont les causes véritables des événements qui se produisent. Voici à quoi on peut le reconnaître : les choses sont toujours semblables dans leur nature, et ne diffèrent jamais; cependant il arrive qu'elles sont utiles pour les uns, nuisibles pour les autres. [224] Or, puisqu'il est impossible que chacune des choses ait deux natures opposées entre elles el non pas toujours identiques; si des résultats pareils ne sont pas obtenus par ceux qui agissent conformément à la raison et à la justice, et par ceux qui suivent l'impulsion de leur insolence et de leur méchanceté, quel est, parmi les hommes de bon sens, celui auquel un pareil résultat ne paraîtra pas naturel?

[225] 89. « Les mêmes observations peuvent s'appliquer aux diverses espèces de concorde ; car leur nature se rapporte à celle des choses dont nous venons de parler, et nous trouverions que, si la concorde a été, dans certaines circonstances, la cause d'une multitude de biens, elle a été dans d'autres la cause des plus grands maux, des plus terribles calamités. La concorde des Spartiates présente, selon moi, ce dernier caractère, car la vérité sera dite, quand même je devrais paraître aux yeux de quelques personnes avancer des paradoxes. [226] Appuyés sur l'unanimité de sentiments qui existait parmi eux relativement aux affaires du dehors, ils jetaient la division parmi les Grecs comme des hommes auxquels cet art est familier; et, lorsqu'un immense malheur avait frappé les autres villes, ils regardaient ce malheur comme l'événement le plus utile pour eux, parce qu'alors ils pouvaient les soumettre aux conditions d'existence politique qui leur convenaient, de sorte que personne ne pourrait, à cause de leur union, les louer avec plus de justice que les brigands, les pirates et tous les hommes qui s'associent pour commettre des crimes ; car, lorsque de tels hommes sont d'accord entre eux, c'est pour la perte des autres. [227] Et si je parais avoir employé une comparaison peu convenable à cause de lu renommée des Spartiates, je l'abandonne à l'instant, et je cite les Triballes, auxquels tout le monde concède qu'ils vivent dans une harmonie inconnue du reste des hommes, en même temps qu'ils détruisent non seulement leurs voisins et les peuples qui habitent à portée de leur territoire, mais tous ceux qu'ils peuvent atteindre. [228]  Les hommes qui aspirent à la vertu ne doivent point imiter de semblables modèles, mais s'attacher à la force que donnent la sagesse, la justice et les autres grandes qualités de l'aine. Le propre des vertus n'est pas de se créer du bonheur ù elles-mêmes, mais d'en faire jouir ceux dans l'âme desquels elles entrent et s'établissent ; les Lacédémoniens, au contraire, perdent ceux dont ils s'approchent et s'emparent pour eux-mêmes des biens que les autres possèdent. »

[229] 90. Je contins par ces paroles celui auquel je les adressais, homme habile, homme instruit, et non moins exercé dans l'art de parler que mes autres disciples, filais les jeunes gens qui avaient assisté à cet entretien éprouvaient d'autres sentiments; ils me louaient d'avoir discuté avec plus de vivacité et de jeunesse qu'ils ne s'étaient attendus, et d'avoir lutté noblement; ils ressentaient en même temps du mépris pour mon interlocuteur, [230] et portaient en cela un faux jugement sur lui comme sur moi. Mon interlocuteur se retira devenu plus prudent, comprimant ses pensées en lui-même, comme il convient à tout homme sage, ayant accompli le précepte inscrit dans le temple de Delphes, c'est-à-dire s'étant connu lui-même, et, de plus, ayant mieux apprécié qu'auparavant le caractère des Lacédémoniens. Pour moi, j'avais peut-être discuté avec succès ; mais, par cela même, j'étais devenu moins prudent, plus orgueilleux qu'il ne convient aux hommes de mon âge, et j'éprouvais cette espèce d'agitation et de trouble qui n'appartient qu'aux jeunes gens.

[231] 91. Je me trouvais évidemment dans cette disposition d'esprit, car, après un moment de repos, je n'eus plus de tranquillité que je n'eusse dicté à un jeune esclave les paroles que je venais de prononcer avec plaisir, et qui, bientôt, devaient être pour moi un sujet d'affliction. Trois ou quatre jours après, relisant mon discours et l'examinant, je n'éprouvais aucun regret de ce que j'avais dit dem» patrie (et, dans la réalité, tout ce que j'avais écrit sur elle était noble et conforme à la justice); [232] mais je m'affligeais de ce qui avait rapport aux Lacédémoniens, et je le supportais avec peine. Il me semblait que je ne m'étais pas exprimé avec mesure relativement à eux, ni comme j'ai coutume de le faire relativement aux autres peuples, mais que j'avais parlé avec dédain, avec un excès d'amertume et d'une manière tout à fait irréfléchie; de sorte que plusieurs fois j'éprouvai le désir d'effacer ou de brûler mon discours, ce dont je me repentais ensuite par pitié pour ma vieillesse et par égard pour le travail qu'il m'avait coûté.

[233] 92. Au milieu du trouble qui m'agitait, et après avoir plusieurs fois changé d'avis, il me parut que le parti le plus sage était d'appeler ceux de mes disciples présents à Athènes, de délibérer avec eux sur la question de savoir s'il fallait faire disparaître entièrement mon discours ou le livrer à ceux qui voudraient en prendre lecture, et, quelle que fût leur décision, de m'y soumettre. Cette détermination prise, je n'admis aucun délai : je les convoquai immédiatement, leur déclarant pour quel motif je les avais réunis; et quand le discours eut été lu, je fus loué et couvert d'applaudissements comme les hommes qui, dans les concours, enlèvent les suffrages.

[234] 93. Cet incident terminé, mes autres disciples conversaient entre eux, évidemment occupés de la lecture qui venait de leur être faite; mais celui que j'avais appelé dans l'origine pour le consulter, le panégyriste de Lacédémone, avec qui j'avais discuté plus qu'il n'était nécessaire, après avoir réclamé le silence et m'avoir considéré a\vec attention, me dit qu'il était incertain sur ce qu'il devait faire en celle circonstance ; qu'il ne voulait pas mettre en doute les choses que j'avais avancées, mais que, d'un autre côté, il lui était impossible de leur donner une confiance sans réserve. [235] « Je m'étonne, me dit-il, que vous soyez, aussi affligé, et que vous supportiez aussi péniblement que vous venez de le dire les choses qui ont été articulées touchant les Lacédémoniens (car je ne vois rien dans ce qui a été cent sur eux qui puisse produire ce résultat), et je m'étonne également que vous nous ayez appelés pour avoir nos conseils sur votre discours, nous qui, vous le savez très bien, louons tout ce que vous dites et tout ce que vous faites. Les hommes sensés ont pour habitude de communiquer de préférence leurs travaux à ceux qui leur sont supérieurs par le jugement, ou du moins à ceux qui leur feront connaître leur véritable opinion, tandis que vous avez fait le contraire. [236] Par conséquent, je ne puis approuver ce que vous dites sous l'un ni sous l'autre rapport; vous me paraissez nous avoir convoqués et avoir loué la ville d'Athènes, non pas simplement pour le motif que vous nous avez indiqué, mais dans le dessein de nous éprouver et de savoir si nous nous livrions sérieusement à l'étude, et si nous avions gardé le souvenir des choses qui ont été dites dans vos entretiens intimes; ou bien si nous étions capables d'apprécier la manière dont votre discours était écrit ; [237[ et pour ce qui concerne votre patrie, je crois que, par un calcul habile, vous avez voulu lui donner des louanges afin de vous rendre agréable à la multitude des citoyens, et d'obtenir plus de gloire auprès de ceux qui sont favorablement disposés pour vous.

94. «  Préoccupé de ces pensées, vous avez compris que, si vous parliez exclusivement de votre patrie, et si vous reproduisiez les faits fabuleux qui sont dans la bouche de tout le monde, les choses que vous diriez paraissant semblables à celles que d'autres ont écrites, ce serait pour vous un sujet d'humiliation et de douleur ; [238] tandis que si, laissant de côté les faits de cette nature, vous parliez, des actions de votre patrie universellement avouées et qui ont été pour les Grecs la source des plus grandes prospérités; si vous« les compariez avec celles des Lacédémoniens, donnant des louanges à vos ancêtres, et blâmant la conduite de leurs rivaux, votre discours deviendrait plus facile à comprendre pour les auditeurs, en même temps que vous resteriez fidèle aux mêmes principes, ce qui, parmi quelques personnes, exciterait plus d'admiration que ce qui a été écrit par d'autres. [239] En un mot, vous me paraissez avoir, dès le commencement, disposé et calculé ainsi le plan de votre discours.

95. « Sachant que vous aviez loué le gouvernement de Sparte plus que personne ne l'avait fait, vous avez craint d'être assimilé par vos auditeurs à ces hommes qui parlent au hasard, et de blesser aujourd'hui dans vos paroles ceux que plus que tout autre vous aviez loués autrefois. Plein de cette pensée, vous avez cherché de quelle manière vous pourriez présenter le caractère des deux peuples, en disant la vérité sur l'un et sur l'autre; vanter vos ancêtres, accuser en apparence les Spartiates aux yeux de ceux qui leur sont hostiles, sans le faire en réalité, et en dissimulant les louanges que vous leur donniez. [240] Or il vous a été facile de rencontrer, en cherchant un tel résultat, des expressions ambiguës, qui n'appartinssent pas plus à la louange qu'au blâme; des expressions susceptibles d'une double interprétation, qui ouvrissent le champ à de nombreuses controverses; des expressions, en un mot, qui, dans les discussions d'intérêt ou dans les transactions particulières, porteraient une empreinte de honte et de mauvaise foi, mais qui, lorsqu'on discute sur la nature des hommes et des choses, prennent un caractère d'élévation et de philosophie. [241] Telle est la pensée du discours qui vient d'être lu, et dans lequel vous avez représenté vos ancêtres comme des hommes amis de la paix et amis de la Grèce, comme les chefs de l'égalité politique; et les Spartiates, au contraire, comme des hommes orgueilleux, passionnes pour la guerre, pleins d'ambition, et considérés ainsi par l'opinion universelle.

96. « Les caractères des uns et des autres étant tels qu'ils ont été présentés, les premiers sont universellement loués et regardés comme des amis du peuple, tandis que les autres sont en butte à des sentiments jaloux, à des dispositions hostiles ; [242] et cependant il se trouve des hommes qui les vantent, qui les admirent, qui osent leur attribuer des qualités supérieures à celles de vos ancêtres, et cela, parce qu'il y a, disent-ils, quelque chose dans l'orgueil qui participe de la dignité, que la dignité inspire le respect, et que les hommes dont l'âme est fière sont regardés par tout le monde comme ayant des sentiments plus élevés que les promoteurs de l'égalité, en même temps que les hommes qui s'attachent à la guerre sont considérés comme de beaucoup supérieurs à ceux qui aiment la paix. Ces derniers, en effet, ne peuvent ni acquérir ce qu'ils n'ont pas, ni garder fortement ce qu'ils possèdent ; tandis que les autres peuvent également s'emparer de ce qu'ils désirent et conserver ce qu'ils ont acquis, circonstances qui caractérisent les hommes d'une complète puissance, [243] et pour ce qui touche à l'ambition, ils croient avoir encore quelque chose de mieux à dire ; ils ne pensent pas que la qualification d'ambitieux puisse justement appartenir aux hommes qui dépouillent les autres à l'aide des contrats, qui les abusent, qui les trompent par des raisonnements captieux, parce qu'une mauvaise réputation les amoindrit dans toutes les affaires; mais ils pensent que l'ardeur des Spartiates pour la domination, celle des rois, celle des tyrans, est, au contraire, une chose désirable, que tout le monde l'ambitionne, [244] et que personne ne maudit ni ne poursuit de ses injures ceux qui possèdent une si grande supériorité. Enfin, ils sont persuadés qu'il n'existe pas un homme d'une nature tellement inférieure qu'il n'adresse des vœux à la divinité afin d'obtenir une semblable puissance pour lui d'abord, ou du moins pour ceux qui lui appartiennent de plus près : d'où il suit évidemment que nous regardons comme le plus grand des biens d'être plus riche et plus puissant que les autres. Tel est le cercle dans lequel vous nie paraissez avoir renfermé la pensée de votre discours.

[245] 97. « Si je croyais que vous dussiez vous abstenir de répondre aux choses que j'ai dites et laisser passer mon discours sans le blâmer, je n'entreprendrais pas de parler davantage ; car, si je n'ai exprimé aucune opinion relativement aux choses sur lesquelles j'étais appelé à vous donner des conseils, c'est, je pense, ce dont vous n'avez aucun souci ; je ne crois même pas que, lorsque vous nous avez réunis, vous eussiez une intention sérieuse ; [246] mais je crois que vous avez voulu composer un discours qui ne fût en rien semblable aux autres, qui parût simple et d'une intelligence facile à ceux qui le parcourraient sans l'approfondir, et qui, pour les lecteurs attentifs, pour ceux qui s'efforceraient d'y voir ce qui aurait échappé à l'attention du vulgaire, parut difficile à comprendre, difficile à pénétrer, plein de recherches historiques, riche de philosophie, rempli de formes variées et d'artifices de langage, non pas de ceux que l'on a coutume d'employer avec méchanceté pour nuire à ses concitoyens, mais de ceux qui, en les instruisant, peuvent être utiles ou plaire aux hommes qui les entendent. [247] Si donc je n'ai pu pénétrer le sens de votre discours, vous direz, que vous avez voulu qu'il en fût ainsi ; et si je montre la portée de vos paroles, si j'explique votre pensée, vous direz que, sans m'en apercevoir, j'ai d'autant plus rétréci le cercle de sa renommée que je l'ai rendu plus clair et plus facile à comprendre, attendu que, par l'intelligence que j'en ai donnée à ceux qui ne l'avaient pas, je l'ai dépouillé de son prestige, et je l'ai privé de l'honneur qu'il eut recueilli de la part des lecteurs laborieux qui aiment à rencontrer des difficultés.

[248] 98. «J'avoue que mon intelligence est, autant que possible, inférieure à la vôtre; mais en même temps je n'ignore pas que, lorsque Athènes délibère sur les plus grands intérêts, il peut arriver que les hommes considérés comme les plus sages se trompent sur ce qui est utile, tandis que, parmi les hommes que l'on dédaigne, que l'on regarde comme sans valeur, le hasard quelquefois en présente un dont les vues sont les plus justes et les conseils les meilleurs. [249] Il n'y aurait donc rien d'étonnant qu'une chose semblable se produisît dans une circonstance où vous espérez recueillir beaucoup de gloire si vous cachez le plus longtemps possible le sentiment dont vous étiez pénétré en composant votre discours, tandis que, dans mon opinion, vous feriez ce qu'il y aurait de mieux, si vous pouviez immédiatement rendre la pensée qui vous dominait évidente pour tous, et surtout pour les Lacédémoniens, qui ont été pour vous le sujet d'un grand nombre de discours, les uns justes et graves, les autres remplis d'amertume et de haine. [250] Car, si quelqu'un leur faisait connaître vos paroles avant que je les eusse présentées sous leur véritable jour, ils ne pourraient s'empêcher de concevoir de l'animadversion contre vous, et, dans leur colère, de nous considérer comme leur accusateur. Maintenant, je suis convaincu que la plupart des Spartiates, fidèles a leurs anciennes habitudes, ne feront pas plus d'attention à ce qui est écrit ici qu'à ce qui te dit au-delà des colonnes d'Hercule ; [251] mais je crois en même temps que les plus sensés d'entre eux, ceux qui possèdent quelques-uns de vos discours et qui les admirent, s'ils prennent un lecteur et s'ils se donnent le temps de réfléchir, ne méconnaîtront pas la valeur des choses que vous avez dites, apprécieront les louanges que vous donnez à leur patrie en les appuyant sur des faits, et, relativement aux reproches que vous leur adressez, négligeant ce qu'il peut y avoir de hasardé dans les choses et d'amer dans les paroles, regarderont les injures que renferme votre écrit comme des suggestions de l'envie; [252] tandis que, pour ce qui concerne les grandes actions et les combats qui exaltent leur orgueil et fondent leur renommée, ils s'attacheront à la pensée que vous les avez décrits, que vous les avez arrachés à l'oubli, en les réunissant et en les mettant en regard les uns des autres, et qu'ainsi, à cause de vous, un grand nombre de personnes voudront les lire, les étudier, moins par le désir d'apprendre les faits en eux-mêmes, [253] que par l'envie de connaître la manière dont vous en avez parlé.

99. « Je crois que les Lacédémoniens, guidés par ces réflexions, se représenteront, en lisant votre discours, les anciens exploits pour lesquels vous avez vanté leurs ancêtres, et qu'ils en feront souvent l'objet de leurs entretiens ; ils se rappelleront d'abord qu'à l'époque où ils étaient Doriens, voyant leurs villes sans renommée, sans puissance et privées d'une multitude d'avantages, ils les dédaignèrent et firent une expédition contre les villes les plus puissantes du Péloponnèse, Argos, Lacédémone et Messène, [254] les vainquirent dans un combat, expulsèrent les vaincus des villes et de leurs territoires, et s'emparèrent de toutes leurs possessions, dont encore aujourd'hui ils sont les maîtres. Or personne ne pourrait produire un fait arrivé à la même époque plus grand, plus digne d'être admiré, une action plus heureuse, plus favorisée des dieux, que celle qui, délivrant ses auteurs de l'indigence dans laquelle ils gémissaient, les a rendus maîtres d'une prospérité étrangère. Voilà ce que les Lacédémoniens ont réalisé de concert avec les peuples qu'ils avaient associés à cette expédition.

[255] 100. « Lorsque ensuite ils eurent partagé le pays avec les Argiens et les Messéniens, et qu'ils se furent établis à Sparte, dans leur indépendance ; à cette époque, et c'est vous qui nous l'apprenez, ils conçurent une telle opinion d'eux-mêmes que, bien qu'ils ne fussent pas alors plus de deux mille, ils se regardèrent comme indignes de vivre s'ils ne pouvaient pas devenir les maîtres de toutes les villes du Péloponnèse. [256] Remplis de cette pensée, ils entreprirent la guerre, et, bien qu'entourés de dangers et accablés de malheurs, ils ne mirent aucun terme à leurs efforts avant d'avoir soumis toutes les villes, à l'exception d'Argos. Maîtres d'un immense territoire, jouissant de la plus grande puissance et d'une renommée telle que pouvaient l'obtenir des hommes qui s'étaient signalés par de si grands exploits, ils ne se glorifiaient pas moins du noble témoignage [257] qui leur était rendu à eux seuls, qu'étant si faibles en nombre, ils n'avaient jamais marché à la suite des grandes villes ni obéi à leurs ordres, qu'ils avaient toujours conservé leur indépendance, et que, placés à la tête de tous les Grecs dans la guerre contre les Barbares, ce n'était pas sans raison qu'ils avaient obtenu cet honneur, mais parce qu'ayant livré plus de combats que tous les peuples de ce temps, ils n'avaient jamais été vaincus et avaient toujours remporté la victoire toutes les fois qu'un de leurs rois était à leur tête ; [258] témoignage le plus grand que l'on puisse présenter de valeur, de force et d'union, à l'exception cependant de celui qui va vous être signalé. Parmi un si grand nombre de villes grecques, il ne serait pas possible d'en citer ni d'en trouver une autre qui ne soit pas tombée dans les malheurs auxquels les villes sont généralement exposées ; [259] tandis que, chez les Spartiates, personne ne pourrait montrer ni séditions, ni massacres, ni exils injustes, ni spoliations, ni outrages envers les enfants et les femmes, ni changement de gouvernement, ni abolition de dettes, ni nouveau partage des terres, ni aucune autre calamité irrémédiable. Or il est impossible, lorsqu'ils s'entretiendront de toutes ces choses, qu'ils oublient que vous les avez réunies et retracées avec une haute éloquence, et qu'ainsi vous ne soyez pas pour eux l'objet d'une profonde gratitude.

[260] 101. « Je n'ai pas maintenant, à voire égard, la même opinion que j'avais autrefois. J'admirais alors votre génie, l'ordre de votre vie, votre amour du travail, et surtout la vérité de voire philosophie; aujourd'hui je vous porte envie et j'admire votre bonheur, car vous me semblez destiné à obtenir pendant le cours de votre existence une gloire non pas supérieure à celle dont vous êtes digne (cela serait difficile), mais une gloire plus étendue, plus universellement avouée que celle dont vous jouissez à présent ; et je crois qu'après avoir terminé votre vie, vous aurez part à l'immortalité, non pas à celle que possèdent les dieux, mais à celle qui transmet chez les races futures le souvenir des hommes illustrés par de nobles travaux. [261] Cette gloire, vous l'obtiendrez, justement, parce que vous avez, loué Athènes et Sparte avec autant de convenance que de dignité : l'une, en vous conformant à l'opinion générale, qui jamais ne fut dédaignée par les hommes distingués, ou plutôt qu'ils ont toujours recherchée avec une telle ardeur que, pour l'obtenir, il n'est pas de périls auxquels ils n'eussent voulu s'exposer; l'autre, en suivant le sentiment de ceux qui s'efforcent d'arriver à la vérité, et dont l'estime, aux yeux de quelques personnes, est préférable à celle des autres hommes, fussent-ils deux fois plus nombreux qu'ils ne le sont aujourd'hui.

[262] 102. « Quel que soit en ce moment le désir insatiable que j'éprouve de parler, et quelque nombreuses que soient les choses que je pourrais dire encore sur vous, sur les deux villes et sur votre discours, j'y renonce et je vais seulement m'expliquer sur l'objet pour lequel vous dites m'avoir appelé. Je vous conseille de ne point brûler votre discours, de ne point le faire disparaître ; mais de le corriger, s'il contient encore quelques imperfections, et, après y avoir ajouté les entretiens dont il a été l'objet, de le livrer à ceux qui désireront en prendre connaissance. [263] En agissant ainsi, vous serez agréable aux hommes les plus distingués de la Grèce, aux véritables philosophes, à ceux qui n'ont pas seulement la prétention de le paraître, et vous punirez ceux qui, feignant d'admirer vos discours plus qu'ils n'admirent ceux des autres, les déchirent dans les assemblées panégyriques, où l'on rencontre plus de gens qui sommeillent que de véritables auditeurs. Ces hommes espèrent que, s'ils parviennent à égarer le jugement du vulgaire, ils établiront une sorte de rivalité entre leurs déclamations et vos écrits; mais ils ignorent qu'ils sont encore plus loin de votre supériorité que les imitateurs des poésies d'Homère ne le sont de la gloire de ce grand poète. »

[234] 103. Lorsqu'il eut fini de parler et qu'il eut demandé à ceux qui étaient présents de faire connaître leur opinion sur l'objet pour lequel ils avaient été appelés, ils ne l'applaudirent pas seulement comme on applaudit les hommes qui ont parlé d'une manière agréable à leurs auditeurs, mais ils firent retentir de véritables acclamations, afin de lui témoigner qu'il s'était exprimé avec une grande supériorité ; et, formant un cercle autour de lui, ils le louaient, ils lui portaient envie, ils célébraient son bonheur; ils ne pouvaient, disaient-ils, rien ajouter ni retrancher aux choses qu'il avait dites, mais ils s'unissaient à son opinion et m'exhortaient à suivre son conseil. Quant à moi, je ne restai pas silencieux, je louai son caractère, son zèle pour mes intérêts; mais, sans proférer un mot sur les autres objets dont il avait parlé, et sans dire jusqu'à quel point il avait saisi ma pensée, ou combien il s'en était écarté, je le laissai dans la situation où lui-même s'était placé.

[266] 104. Je crois en avoir assez dit sur les points que je m'étais proposé de traiter. Les rappeler chacun à part serait contraire aux convenances dans une œuvre de cette nature ; mais je veux encore faire connaître ce qui m'est arrivé de particulier pour ce discours. J'avais entrepris de le composer à l'âge que j'ai indiqué en commençant, [267] et déjà une moitié était écrite, lorsqu'une maladie vint me surprendre, dont il ne serait pas convenable de prononcer ici le nom, mais qui était de nature à déterminer la mort en trois ou quatre jours, non seulement pour des vieillards, mais pour beaucoup d'hommes dans la force de l'âge. Je la combattis trois ans, supportant chaque jour ses attaques avec une telle énergie, que ceux qui en étaient les témoins et ceux qui en entendaient parler m'admiraient pour ma patience plus que pour toutes les qualités qui, dans d'autres temps, avaient pu m'attirer des louanges. [268] Enfin, j'étais accablé par la maladie et par l'Age, lorsque quelques-uns de ceux qui me visitaient et qui avaient lu plusieurs fois la partie déjà écrite de mon discours, me prièrent, me conseillèrent de ne pas laisser mon travail imparfait, me suppliant d'y consacrer quelque temps et d'employer à l'achever les facultés de mon esprit. [269] Ils ne me parlaient pas comme des hommes qui voulaient uniquement s'acquitter d'un devoir, mais ils louaient avec effusion ce que j'avais écrit, en se servant d'expressions telles que, si elles eussent été entendues par des personnes étrangères à notre intimité, ou qui n'auraient pas été animées d'un sentiment d'affection, elles eussent infailliblement regardé ceux qui les employaient comme des flatteurs qui me trompaient, et moi comme un homme égaré par la louange et tout à fait insensé, [270] si je croyais à leurs paroles. Malgré la situation où je me trouvais, je me laissai persuader par les conseils qu'ils osaient me donner (qu'est-il besoin de plus longs détails ?) ; je mis la main à l'œuvre pour ajouter à mon discours ce qui devait le compléter, à une époque où trois années seulement me manquaient pour accomplir un siècle, et dans un état de santé où personne non seulement n'aurait entrepris d'écrire un discours, mais n'aurait voulu devenir l'auditeur d'un ouvrage composé par un autre.

[271] 105. Maintenant, par quel motif ai-je rappelé ces circonstances? Ce n'est pas pour me faire pardonner les choses que j'ai dites, car je ne crois pas avoir besoin d'indulgence ; j'ai voulu seulement faire connaître ce qui m'était arrivé et donner de justes louanges à ceux de mes auditeurs qui ont approuvé mon travail, comme à ceux qui pensent que les discours instructifs et composés selon les règles de l'art sont plus sérieux et plus philosophiques que les discours écrits dans un but d'ostentation ou les discours judiciaires; ceux qui ont la vérité pour objet, plus que ceux qui égarent leurs auditeurs ; ceux qui blâment les fautes et qui avertissent les hommes qui en commettent, plus que ceux dont l'unique but est de flatter et de plaire; [272] j'ai voulu, enfin, exhorter les hommes d'une opinion contraire à ne pas s'en rapporter à leur propre intelligence, à ne pas regarder comme vrais les jugements portés par des esprits légers ; à ne pas donner témérairement leur opinion sur des choses qu'ils ignorent, mais à attendre qu'ils puissent être d'accord avec les hommes qu'une grande expérience a rendus capables de juger les ouvrages qui leur sont soumis ; car il est impossible que personne regarde comme privés de raison ceux qui règlent ainsi leurs pensées.