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table des matières de l'œuvre d'ISOCRATE

 

ŒUVRES

COMPLÈTES

D'ISOCRATE

TRADUCTION  NOUVELLE

AVEC    TEXTE   EN   REGARD

LE DUC DE CLERMONTTONNERRE

(AIMÉ-MARIE-CASPARD)

Ancien Minisire de la guerre et de la marine

Ancien élève de l'École polytechnique

TOME DEUXIÈME

PARIS

LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,   FILS  ET Cie

Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56.

M  DCCC LXIII

 

DISCOURS SUR LA PAIX.

 

Περὶ εἰρήνης

 

ARGUMENT.

L'orgueil et la violence de là suprématie athénienne avaient soulevé contre Athènes une indignation universelle. Chio, Cos, Rhodes et Byzance, exaspérées par les vexations que leur faisaient éprouver les généraux athéniens, se réunirent contre Athènes, vers l'an 357 avant J. C, et alors commença la guerre connue le nom de Guerre des alliés.

Cette guerre dura trois ans avec des alternatives diverses ; les Athéniens, qui craignaient que le roi de Perse (Ochus) ne prit parti pour leurs alliés, s'étant montrés disposés à traiter, la paix se fit et les villes alliées obtinrent la liberté de se gouverner par leurs lois.

Ces dans ces circonstances qu'Isocrate composa son Discours sur la Paix : un de ceux dans lesquels il a dit avec le plus d'indépendance, de liberté et d'énergie, la vérité au peuple d'Athènes sur ses erreurs et sur ses fautes.

Isocrate avait un double but dans ce discours.  Il voulait persuader aux Athéniens de faire la paix, et les disposer à renoncer à la suprématie sur la mer : ce qu'il voulait surtout, c'était de ramener vers les moeurs, les institutions, les sentiments de leurs ancêtres.  Mais cela était impossible, parse que, depuis époque de Périclès, le pouvoir public était tombé dans les mains de la multitude, Athènes était arrivée à cette situation, où il n'y a plus que deux états pour un peuple, l'anarchie ou le despotisme.

Isocrate, qui n'ignorait pas les dispositions défavorables du peuple athénien à l'égard de l'opinion qu'il se proposait de soutenir, commence par établir l'importance du sujet qu'il va traiter, puisqu'il s'agit delà guerre et de la paix, les deux choses qui exercent, dit-il, le plus d'influence sur la destinée des hommes. Puis, abordant la question de la partialité du peuple pour les orateurs qui l'excitent à la guerre, il lui reproche d'aimer les flatteurs qui le trompent, plus que les hommes sages qui l'éclairent. Il lui reproche la facilité avec laquelle il se laisse égarer par ceux qui lui disent ce qu'il veut entendre; et il l'engage à donner de préférence son attention aux discours des hommes qui parlent pour la justice, comme aussi à rapprocher les opinions opposées, à les comparer entre elles et à juger avec impartialité.

Il reproche aux Athéniens de négliger les leçons du passé et de ne pas se souvenir que tous les malheurs d'Athènes ont été l'oeuvre des hommes qui se déterminaient facilement à la guerre. Il leur reproche de livrer au hasard les intérêts de leur patrie, et, quand ils choisissent pour leurs affaires particulières des conseillers sages et désintéressés, de préférer, lorsqu'il s'agit des affaires de l'État, les orateurs les plus violents et les plus insensés.

Ces préliminaires posés, il entre en matière, et fait voir que non seulement Athènes doit faire la paix avec Cos, Chio, Rhodes et Byzance, mais avec tous les peuples; et pour cela, il est nécessaire, leur dit-il, de stipuler que tous les Grecs se gouverneront par leurs lois; que les garnisons étrangères sortiront des villes qu'elles occupent, et que chacun restera maître de ce qui lui appartient. Il leur fait voir, d'une part, les maux qui résultent de la guerre, de l'autre, les biens de la paix; et, flattant la passion des Athéniens pour l'accroissement de leur puissance, il leur montre de quelle manière, lorsqu'ils seront réconciliés avec tous les Grecs, ils pourront, par des établissements au dehors, et particulièrement en Thrace, procurer à tous ceux que la misère accable des moyens certains d'exister dans l'abondance et dans la sécurité.

Après avoir exprimé son opinion sur la paix, Isocrate conclut que l'assemblée ne doit pas se séparer sans l'avoir décrétée; il pense qu'elle doit en même temps délibérer sur les moyens de la rendre stable ; et comme la condition de cette stabilité est, à ses yeux, le changement du système politique suivi alors par les Athéniens, il annonce qu'il va traiter cette question, que d'ailleurs on aperçoit partout au fond de sa pensée.

Il établit d'abord les principes sur lesquels il fonde son opinion. Tous les hommes, dit il, désirent leur bien-être et l'agrandissement de leur position ; mais la plupart se trompent sur le moyen de parvenir à leur but, et les Athéniens sont de ce nombre. Ils ont voulu établir par la violence leur domination sur la mer; des haines, des guerres, des calamités de nature, ont été le résultat de ce système. Lorsqu'au contraire ils ont marché dans les voies de la justice, ils ont reçu spontanément des Grecs le droit de se placer à leur tête, et leur prospérité a égalé leur gloire. Par conséquent, c'est une erreur de penser que l'iniquité peut être utile et que la justice peut être nuisible. La justice et la vertu peuvent seules assurer à l'homme la félicité sur la terre; mais il est malheureusement
plus facile de louer la vertu que de persuader aux hommes d'en observer  les préceptes. Isocrate craint, pour cette raison, de parler en vain, parce que le peuple est égaré par des hommes qui n'ont de puissance que pour tromper, et qui louent nos ancêtres avec l'intention de nous engager à suivre une ligne de conduite entièrement opposée à celle qui a fait leur gloire. Puis, s'adressant à ces flatteurs du peuple, il leur demande quels sont, parmi les anciens Athéniens, ceux qu'ils offrent pour modèles? si ce sont les héros des guerres persiques, ou les hommes qui ont gouverné l'État à l'époque de la guerre de Décélie? Si ce sont les derniers, le résultat serait de nous exposer de nouveau au danger d'être réduits en esclavage ; si ce sont les premiers, ce qu'ils nous conseillent de faire est le contraire de ce qu'ils ont fait.

Isocrate semble ici se montrer incertain s'il ne gardera pas le silence, à cause de la défaveur avec laquelle les Athéniens accueillent les orateurs qui leur reprochent leurs fautes , ou s'il s'exprimera avec franchise dans l'intérêt de son pays, comme l'honneur le lui commande. Prenant ce dernier parti, il fait voir, sans ménagement, à quel point les Athéniens sont différents de leurs ancêtres : ceux-ci faisaient là guerre aux Barbares, tandis qu'ils la font aux Grecs; les premiers secouraient les villes grecques, les seconds les réduisent en servitude; les premiers combattaient eux-mêmes pour leur pays, les seconds remettent a des mercenaires le soin de garantir leur salut et leur gloire! Passant ensuite à l'examen du gouvernement intérieur, il montre que c'est là surtout que; règnent le désordre et la confusion. Ainsi la nationalité s'accorde aujourd'hui à Athènes avec plus de facilité que chez les Triballes; on fait chaque jour des lois et on ne les exécute pas ; la peine de mort est portée contré ceux qui achètent des suffrages, et le commandement des armées est confié aux hommes les plus ouvertement coupables de ce crime; les hommes sages, qui veulent la paix, sont poursuivis comme des partisans de l'oligarchie ; et les ambitieux, qui appellent la guerre, sont regardés comme les vrais amis du peuple; en un mot, les hommes les plus pervers sont ceux dont les conseils sont préférés ; et on approuve, lorsqu'on vote dans l'assemblée, ce que l'on condamnait avant de s'y rendre.

Isocrate, prévoyant que ses adversaires pourront lui demander comment, ayant suivi de si mauvais conseils, la république est devenue si puissante, et allant alors au devant de l'objection, la repousse en disant que c'est parce que les ennemis d'Athènes n'ont pas suivi les conseils les meilleurs ; il cite, pour le prouver, les exemples de Thèbes et de Lacédémone, ajoutant  que les hommes sensés ne doivent pas fonder leurs espérances sur les fautes de leurs ennemis.  Enfin, comme on pourrait lui dire qu'un conseiller bienveillant ne doit pas se borner à signaler les fautes, mais indiquer le moyen de les éviter, il déclare que le moyen véritable de parvenir au but est, pour Athènes, de cesser d'aspirer à la suprématie sur mer, suprématie qu'il ne craint pas de présenter comme la cause de tous les maux.

Pour prouver que la suprématie sur la mer est injuste, il rappelle aux Athéniens la guerre qu'ils ont faite à Lacédémone, afin de l'obliger à reconnaître le principe, que les Grecs doivent être libres et se gouverner selon leurs lois.

Pour établir qu'elle est impossible à reconquérir, il se contente de demander comment on pourrait le faire avec les institutions et les moeurs qui l'ont fait perdre.

Pour montrer qu'elle est nuisible, il fait d'abord remarquer que, si les conseillers qui avertissent sont quelquefois obligés de se servir des mêmes paroles que les hommes qui accusent, ils ne sont pas animés des mêmes sentiments; il compare ensuite la position d'Athènes, avant d'être investie de la suprématie, avec celle qu'elle s'est faite après l'avoir obtenue. Invoquant les souvenirs de Thémistocle, de Miltiade et d'Aristide, il montre, dans la première période, Athènes se dévouant pour le salut de la Grèce, protégeant la liberté, et inspirant une telle confiance aux villes grecques, qu'elles se remettaient spontanément entre ses mains; dans la seconde, il la fait voir inspirant aux Grecs une telle haine, une telle méfiance, qu'elle eût été réduite en esclavage, si les Lacédémoniens ne se fussent pas montrés plus généreux envers elle que ses anciens alliés ; puis, faisant retentir des paroles de blâme portées jusqu'à l'injure contre les hommes de cette seconde période, il annonce qu'il va citer quelques faits choisis parmi ceux qui prouvent l'extravagance des hommes qui gouvernaient à cette époque.

Il rappelle alors qu'un jour, pendant les fêtes de Bacchus, ils ont exposé aux yeux des allies les immenses trésors, résultats des tributs levés sur eux, en même temps qu'ils leur montraient les nombreux orphelins, enfants d'Athènes, que la guerre avait privés des auteurs de leurs jours. Il rappelle que dans la guerre de Décélie, au moment où ils voyaient leur pays ravagé sous leurs yeux, ils envoyaient une année périr en Sicile, et que, n'étant pas même les maîtres de leurs faubourgs, ils nourrissaient l'espoir de conquérir l'Italie et Carthage ; il fait alors le dénombrement des flottes et des armées qu'ils ont perdues en Asie, et il termine ce tableau en déplorant la destruction des races antiques et des familles illustres qui avaient survécu aux guerres persiques ou échappé a la fureur des Trente; il voit une cause de prospérité pour les villes, dans la conservation des races de leurs premiers fondateurs j et, rapprochant encore une fois la puissance et le bonheur d'Athènes, à l'époque des guerres persiques, de l'humiliation et du malheur des temps qui l'ont suivie, il en tire cette conclusion que si la suprématie, telle qu'ils l'ont possédée, était offerte aux Athéniens, il faudrait être insensé pour l'accepter.

Afin d'appuyer cette assertion si hardie, il invoque l'exemple des Lacédémoniens entre les mains desquels la suprême autorité a manifesté son influence corruptrice avec bien plus de violence que dans celles des Athéniens; il prouve qu'elle a presque conduit à sa destruction un gouvernement que sept siècles avaient respecté; qu'elle a changé le caractère des Spartiates; qu'elle les a entraînés jusqu'aux dernières limites de la cupidité et de l'ambition ; qu'elle a, enfin, rendu  Sparte, bien plus qu'Athènes, l'objet de la haine des Grecs. Il console ainsi les Athéniens des paroles sévères qu'il leur a fait entendre, par les reproches beaucoup plus sévères qu'il adresse à leurs rivaux; il ne veut pas surtout que l'on voie l'origine des malheurs de Sparte dans la catastrophe qui a frappé les Lacédémoniens à Leuctres, parce que la source des malheurs n'est pas dans les événements qui les réalisent, mais dans les fautes qui les préparent et qui les produisent; que si les Lacédémoniens ont été malheureux à Leuctres, c'est qu'enivrés par le pouvoir, ils avaient renoncé aux institutions et aux vertus qui avaient fait la gloire de leurs ancêtres.

Pour mieux prouver que le pouvoir perd les peuples, Isocrate cite une fois de plus Athènes et Sparte, qui, après avoir éprouvé les mêmes vicissitudes, se sont réciproquement sauvées d'une perte inévitable; il prend occasion de là pour établir cette grande vérité, que les hommes, en général, se portent avec| plus d'ardeur vers ce qui leur nuit que vers ce qui leur est utile; et, pour appuyer sa proposition par un argument qui soit agréable au peuple, il fait un tableau plein d'énergie, de l'existence malheureuse des tyrans. Il reproche, aux Athéniens, qui regardent la tyrannie comme une chose odieuse et funeste, d'ambitionner comme le plus grand des biens le commandement sur la mer, qui n'en diffère en rien. Il jette un coup d'œil sur l'histoire des principaux peuples de la Grèce; il y trouve la preuve que la licence et l'orgueil sont la cause de tous les maux, la modération, celle de tous les biens; et il ne comprend pas que les Athéniens, lorsqu'ils louent la modération dans les hommes qui lui sont fidèles , ne l'adoptent pas pour règle dans leur politique : oubliant, dit-il, que si la mort peut soustraire les hommes au châtiment qu'ils ont mérité, les villes, qui ne meurent point, restent pour subir les arrêts de la justice divine.

Ces vérités, et d'autres encore, se trouvant établies d'une manière incontestable, Isocrate exhorte encore une fois le peuple d'Athènes à fermer l'oreille aux discours des hommes qui s'emparent de la tribune, pour l'égarer en le flattant; il l'engage à choisir des chefs semblables à ceux qui ont donné de la stabilité à la démocratie , et non aux hommes qui l'ont perdue. Il s'indigne du plaisir qu'il lui voit prendre aux malignités des orateurs qui, s'enrichissant au milieu des guerres qu'ils provoquent et des troubles qu'ils excitent, prétendent n'avoir de sollicitude que pour les intérêts publies; et qui, portant l'accroissement de leur fortune au delà de toutes les limites, plongent, sans pitié, leurs concitoyens dans l'abîme de la misère.

Complétant sa pensée, Isocrate renouvelle l'expression de son étonnement en voyant les Athéniens ne pas comprendre que la race la plus ennemie du peuple est celle des orateurs ambitieux, qui haïssent les hommes indépendants par leur fortune et par leur position sociale, et qui,disposant à volonté des malheureux accablés par la misère, voudraient voir tous les citoyens dans l'état de détresse au milieu duquel ils règnent; il se demande alors quels remèdes pourraient être utilement appliqués aux souffrances de son pays, et annonce qu'il va présenter l'ensemble des plus importants.

Le premier serait de choisir pour guides, dans les affaires publiques, les mêmes hommes que l'on prendrait pour conseillers dans ses affaires privées, et de ne pas regarder les sycophantes comme les amis du peuple, les hommes loyaux et honnêtes, comme des partisans de l'oligarchie.

Le second, d'agir envers les alliés, non comme des maîtres, mais comme des amis, et de ne pas leur reconnaître, seulement en paroles, la liberté de se gouverner par leurs lois.

Le troisième, de ne rien placer, après la piété envers les dieux, au-dessus d'une bonne renommée parmi les Grecs, qui d'eux-mêmes se remettraient alors entre les mains des Athéniens.

Isocrate termine en présentant à ses auditeurs, comme le but vers lequel ils doivent tendre, une suprématie qui rivalise avec la double royauté établie à Lacédémone, où les rois ont moins de pouvoir pour commettre une injustice que les simples particuliers, et sont l'objet d'un tel respect, d'un tel culte, que celui qui ne donne pas sa vie pour les sauver est couvert de plus d'opprobre que le lâche qui jette son bouclier sur le champ de bataille. Puis, excusant la longueur de son discours par le nombre de ses années, il exhorte les hommes plus jeunes que lui a composer des discours qui puissent déterminer les villes puissantes à diriger leur politique vers la justice et la vertu.

SOMMAIRE.

1. Si jamais il a été permis à un orateur de dire, dans son exorde, qu'il monte à la tribune pour y traiter les affaires les plus importantes et les plus dignes de fixer l'attention de ses auditeurs, c'est lorsqu'il s'agit du double objet pour lequel nous nous sommes réunis, c'est-à-dire de la paix et de la guerre. — 2. Je sais que vous ne prêtez une oreille attentive qu'aux orateurs qui, flattant vos désirs ambitieux, tous exhortent à la guerre. Je crois que vous devez, au contraire, chercher à modérer un sentiment qui porte vos orateurs à méditer, non sur ce qui est utile à la république, mais sur ce qui peut vous plaire. — 3. Comme vous ne connaissez pas d'une manière certaine la résolution que vous prendrez et que, par cela même que vous délibérez encore, vous ignorez ce qu'il faudra faire, vous devez moins écouter ceux qui secondent vos passions que ceux qui les combattent, parce que, de la bouche de ceux-ci, vous pouvez entendre la vérité, tandis que vous pouvez facilement être trompés par les autres. — 4.  Au reste, lorsque dans vos affaires privées vous voit rechercher les conseils des hommes les plus sages, et dans les affaires publiques consulter les hommes les plus insensés, comment pourrait-on s'étonner que, toujours prêts à faire la guerre  et oubliant les calamités dont elle vous a accablés, vous soyez mal disposés à l'égard de ceux qui  vous exhortent à la paix ?  -- 5. Mais, encore que je sache combien il est difficile de s'opposer à votre opinion, et quoique, dans notre démocratie, la liberté de parler soit uniquement accordée à ceux qui exaltent vous fautes, tandis qu'elle ne l'est pas à ceux qui voudraient y porter remède, je parlerai d'abord des choses qui l'ont l'objet du rapport présenté par les prytanes, je dirai ensuite avec liberté ma pensée sur les autres affaires de la république. 6. PREMIÈRE PARTIE. Je pense que nous devons faire la paix avec tout le monde, et la faire à des conditions qui permettent aux Grecs de se gouverner eux-mêmes et de posséder chacun le territoire qui lui appartient. - 7. bien qu'au premier moment il puisse paraître injuste, lorsque nous abandonnons les possessions étrangères, que les autres peuples ne suivent pas notre exemple, cependant, si vous écoutez  attentivement mon discours jusqu'à la fin, vous condamnerez comme atteints de folie et de stupidité ceux qui se maintiennent par la force dans des villes qui ne leur appartiennent pas, et qui ne s'aperçoivent pas que les calamités qui résultent de pareils actes. — 8.  Mon discours portera premièrement sur la paix et sur ce que nous désirons quant à présent, ensuite sur les autres affaires. — 9. Si nous voulons posséder la sécurité, le bien-être, la concorde, l'estime bienveillante des autres peuples, il est certain que la guerre nous a enlevé tous ces biens que la paix nous les rendra, et que, de plus, elle nous délivrera des ennemis du dehors. — 10. Nous ne devons pas seulement faire la paix, mais nous devons encore délibérer sur les moyens de la rendre stable afin de ne pas obtenir un simple ajournement, mais l'affranchissement des maux que nous souffrons, ce qui ne peut avoir lieu, si je ne démontre pas à la majorité d'entre vous que le repos est préférable à l'agitation inquiète, la justice à l'improbité, le soin de ses propres intérêts à l'ardeur de s'emparer du bien des autres ; or aucun de vos orateurs n'a essayé de vous faire entendre des paroles sur ce sujet. — 11. Tous les hommes portent leurs regards vers leur bien-être ; mais, comme ils ignorent le chemin qui y conduit, ils essayent des moyens divers pour y parvenir; ainsi nous appelons de nos voeux l'empire de la Grèce, et comme nous nous écartons de la véritable voie, nous accumulons uniquement des inimitiés, des guerres, des dépenses énormes. — 12. Ceux qui croient que la justice est honorable, mais qu'elle n'est pas utile, ou qui pensent quelles hommes justes sont moins heureux que les sectateurs de l'iniquité, commettent une grave erreur. La vertu seule, et la justice qui en est une partie, nous donne le bonheur, sinon toujours, du moins la plupart du temps, et non seulement dans le présent, mais pour l'éternité tout entière. — 13. Plût aux dieux qu'il fût également facile de louer la vertu et de conduire à la pratiquer des auditeurs corrompus par ceux qui n'ont d'autre talent que le talent de tromper, et qui, lorsque, gagnés par des largesses, ils veulent nous engager dans quelque guerre, osent dire que nous devons imiter nos ancêtres, etc.! — 14. Je demanderais volontiers à ces hommes quels sont parmi nos ancêtres ceux qu'ils nous recommandent d'imiter, et si leur pensée se porte vers ceux qui ont vécu à l'époque de la guerre perdue, ou vers les hommes qui ont gouverné la république avant la guerre de Décélie. J'ignore donc si je dois parler ou me taire. — 15. Mais, bien que vous éprouviez plus d'irritation contre ceux qui vous reprochent vos fautes que contre les auteurs de vos maux, comme il n'existe d'autre remède pour les esprits malades qu'un discours qui réprimande avec liberté, mon amour pour ma patrie exige que je parle et que j'exprime un blâme. — 16. Nous louons nos ancêtres et nous faisons le contraire de ce qu'ils faisaient. Ils combattaient contre les Barbares et donnaient la liberté aux Grecs; ils abandonnaient leur ville pour le salut de tous ; et nous, combattant contre les Grecs avec les soldats de la Grèce, réduisant les Grecs en servitude, nous ne voulons pas même faire la guerre pour accroître la puissance de notre pays ; nous manquons des choses nécessaires à la vie, et nous faisons des sacrifices pour nourrir une armée étrangère composée d'hommes flétris par toutes sortes de crimes ; enfin, tandis que nous laissons à des soldats mercenaires l'honneur de revêtir de pesantes armures, nous obligeons les citoyens à ramer sur les galères. — 17. Mais ce n'est pas seulement pour ce qui concerne l'armée, c'est aussi pour ce qui regarde le gouvernement intérieur, que l'on nous voit administrer nos affaires de la manière la plus répréhensible et la plus désordonnée. Nous livrons à la merci du premier qui se présente les intérêts de cette patrie dont nous sommes si fiers; nous faisons une multitude de lois, et partout nous en négligeons l'application; nous regardons les hommes qui nous excitent à la guerre comme des hommes dévoués à la démocratie ; nous changeons constamment d'opinion dans nos assemblées, et, prenant pour conseillers  les hommes les plus pervers, nous considérons les plus dépravés entre les citoyens comme les plus fidèles gardiens de la république; enfin nous envoyons au dehors, investis de la suprême autorité, des hommes auxquels personne ne demanderait un conseil ni sur ses intérêts privés ni sur les intérêts publics. — 18. La cause pour laquelle, même en suivant de si tristes conseils, nous conservons l'intégrité de nos forces et nous ne sommes inférieurs en richesse et en puissance à aucune autre ville, doit être attribuée aux fautes de nos ennemis, dans lesquelles nous ne devons pas cependant placer dans l'avenir l'espoir de notre salut. - 19 . Mais afin qu'un esprit sage ne m'objecte pas qu'il est plus facile de blâmer les fautes que d'y remédier, et puisque j'ai commencé à parler avec liberté, je continuerai à m'exprimer de la même manière sur les moyens de porter remède à nos maux. — 20. Mon discours sera l'expression de la vérité, et cependant il pourra ne pas vous être agréable, lorsque je vous montrerai de quelle manière nous parviendrons à faire, de la piété, de la modération et de la justice, les fondements de notre prospérité — 21.  SECONDE PARTIE. Je pense donc que nous deviendrons plus heureux et meilleurs, si nous cessons d'ambitionner l'empire de la mer, qui a été la source de tous nos maux; je démontrerai que cet empire n'est ni juste ni utile, qu'enfin il nous est impossible de l'acquérir. — 22. Et d'abord, j'ai appris de vous-mêmes  qu'il est injuste, puisqu'à l'époque où les Lacédémoniens le possédaient, vous n'avez jamais cessé d'accuser leur domination, et que vous avez fait la guerre sur terre et sur mer jusqu'au jour où ils ont consenti à s'engager par les traités à respecter la liberté des Grecs. -- 23.  Ensuite comment pourrions-nous, dans l'état d'épuisement où nous sommes, acquérir une chose que nous avons perdue lorsque nous étions dans l'abondance, surtout en nous servant des institutions sous l'empire desquelles nous l'avons, non pas acquise, mais perdue ? -- 24.  Avant d'arriver à ma troisième proposition et de vous démontrer que cette puissance ne vous est pas utile, je suis obligé de vous présenter de nouveau quelques considérations préliminaires, pour ne pas paraître avoir pris dès le premier moment la résolution d'accuser ma patrie. -- 25. Mon but n'est pas de vous adresser des reproches devant les autres peuples; je veux uniquement vous détourner des pensées qui vous préoccupent aujourd'hui ; d'où il résulte que mes paroles, bien qu'elles présentent l'apparence d'une accusation, en différent essentiellement par le sentiment qui les dicte, et que je ne mérite pas d'être signalé comme un orateur malintentionné, mais comme un bon citoyen. -- 26. Je dis que vous reconnaîtrez avec une incontestable évidence que l'empire de la mer nous est inutile, si vous comparez l'état dans lequel vous vous trouvez maintenant. - 27.  Avant de posséder l'empire de la mer, le peuple d'Athènes, guidé par les orateurs les plus dignes d'estime, était vaillant, laborieux, tempérant, et jouissait d'une telle réputation de loyauté chez les autres peuples, que tous, de leur propre mouvement, se confiaient dans sa générosité ; mais, changé ensuite par l'influence qu'exerça sur lui l'empire de la mer, et par la méchanceté des démagogues, ce même peuple se montra plein de paresse, de lâcheté, d'espérances insensées, et se rendit l'objet d'une telle haine que notre ville fut au moment d'être détruite du consentement unanime de nos alliés. — 28. Afin toutefois de ne pas exciter dans vos esprits une indignation trop vive, en vous traçant le tableau complet des fautes commises par ceux de nos pères qui ont administré l'État du temps de notre suprématie, j'omettrai les actes qui vous seraient les plus odieux, et je rappellerai seulement ceux qui pourront le mieux vous faire connaître quelle a été leur démence. — 29. Ils firent apporter un jour sur le théâtre, lorsqu'il était rempli de spectateurs, l'argent qui restait des tributs levés sur les alliés, et ils introduisirent en même temps les enfants des citoyens qui avaient péri dans la guerre, afin sans doute de faire voir aux alliés la valeur des richesses qui leur avaient été enlevées, et de montrer aux citoyens l'étendue des pertes qu'ils avaient faites. Ils négligeaient à un tel point ce qui leur appartenait, ils avaient une telle ardeur pour s'emparer de ce qui appartenait aux autres, que, dans le moment même où les Lacédémoniens ravageaient leur patrie sous leurs yeux, ils armaient une flotte pour porter la guerre en Sicile, avec l'espoir de soumettre l'Italie et Carthage. Les revers mêmes ne pouvaient les corriger; ils perdirent en Égypte 200 trirèmes avec les hommes qui les montaient, 150 dans les parages de Cypre, 10,000 hommes dans le Pont, les uns citoyens d'Athènes, les autres recrutés chez nos alliés; 40,000 hommes en Sicile, avec 240 trirèmes ; enfin 200 trirèmes dans les parages de l'Hellespont. Ils remplissaient de citoyens les sépultures publiques et couvraient de noms étrangers les registres civiques ; de telle sorte que, sous leur gouvernement, les races des hommes les plus illustres et les plus puissantes familles ayant été détruites, il semblait que nous fussions entièrement changés et devenus pour ainsi dire un autre peuple. — 30. Que s'il faut donner des louanges à la ville qui conserve avec le plus de soin ses familles les plus anciennes, et s'il faut prendre pour émules les hommes qui ont été dignes du pouvoir que le peuple leur avait confié, on doit louer et imiter ceux qui vivaient du temps des guerres persiques. Ces hommes n'étant ni dans la pauvreté ni dans l'opulence sous le rapport de la vie de chaque jour, plaçant leur honneur dans leurs vertus et dans la complète équité avec laquelle, ils administraient les affaires de la république, passaient leur vie dans la félicité la plus parfaite. Leurs successeurs immédiats, au lieu de se contenter d'un pouvoir régulier, préférèrent la tyrannie : deux situations bien différentes l'une de l'autre ; il en résulta que, condamnés au sort des tyrans, ils furent contraints de remettre leurs citadelles et leurs enfants au pouvoir de leurs ennemis. — 31. Quel est celui d'entre nous, à moins qu'il ne soit insensé et indifférent à toutes les choses chères et sacrées pour le coeur de l'homme, qui pourrait préférer les calamités d'un semblable pouvoir à la prospérité d'une vie modeste, et placer ainsi les richesses au-dessus de la justice? Il ressort de ces considérations, que notre terre nourrit des hommes supérieurs aux autres hommes, et que l'empire de la mer corrompt tous ceux auxquels il est donné de l'exercer. — 32. Ce funeste pouvoir a manifesté sa nature plus rapidement encore chez les Lacédémoniens, dont la constitution était demeurée inaltérée pendant sept cents ans; il l'a tellement ébranlée, qu'il s'en est fallu de peu qu'elle ne fut renversée de fond en comble ; il a rendu les Lacédémoniens injustes, indolents, haineux, avares, contempteurs de leurs alliés, pleins d'ardeur pour s'emparer des possessions étrangères, sans égards pour les serments et les traités; enfin, tellement passionnés pour la guerre, qu'ils n'épargnaient ni leurs alliés ni ceux mêmes qui leur payaient les plus riches tributs : nous citerons, comme exemple, Chio, les Thébains et le roi de Perse. 33. Par conséquent, il faut chercher la cause des malheurs de Lacédémone, non dans le désastre même de Leuctres, mais dans les faits qui ont précédé ce désastre, lorsque les Lacédémoniens dévastaient le territoire des uns, vexaient les autres, abolissaient les républiques et remplissaient le pays de guerres et de séditions. Il arriva que, par suite de cette licence dans l'exercice du pouvoir, l'empire même sur la terre, dont la bonne administration leur avait fait obtenir le commandement sur la mer, fut bientôt perdu pour eux, parce que, négligeant les lois et les institutions de leurs pères, ils oublièrent que ce pouvoir était semblable aux courtisanes qui. après avoir charmé ceux dont elles se font aimer, les entraînent à leur perte. 34. Les exemples des Lacédémoniens et le nôtres donnent également la preuve que telle est la nature et l'essence du pouvoir excessif. En effet, dès que nous eûmes été, les uns et les autres investis de ce pouvoir, souillés de tous les genres de crimes, devenus odieux à nos alliés, on nous vit  dans l'obligation de nous sauver réciproquement d'une destruction complète. -- 35. Et il ne faut pas s'étonner que les Lacédémoniens et les Athéniens aient lutté entre eux, les armes à la main, pour arriver à une situation qui devait produire les plus grandes calamités, quand la nature porte la plupart des hommes, dans des choses mêmes qui sont particulièrement l'objet de leurs soins, à préférer ce qui leur nuit à ce qui leur est utile, et à suivre des conseils meilleurs pour leurs ennemis que pour eux-mêmes. -- 36. Nous voyons arriver la même chose à ceux, qui dans une cité libre, emploient tous leurs efforts pour parvenir au souverain pouvoir, source si abondante de haine et de dangers et rendre excusable par leur cupidité la cupidité des autres. -- 37. Ce que vous approuvez, quand il s'agit de la monarchie, vous le condamnez quand il s'agit de l'empire de la mer, bien que l'empire de la mer ne diffère en rien de la monarchie et que ce ne soit pas une faible marque de prudence de juger partout les mêmes choses de la même manière ; vous pensez que les Thébains agissent contrairement à la justice, parce qu'ils blessent les intérêts de leurs voisins ; et quand vous n'êtes pas plus justes envers vos alliés qu'ils ne le sont envers les Béotiens, vous croyez être fidèles aux lois de l'équité. — 38. Que si vous voulez rechercher la cause pour laquelle notre ville et celle de Lacédémone, parties de faibles commencements, ont commandé aux Grecs, et pourquoi, ayant acquis une puissance excessive, elles ont été obligées de combattre pour se sauver de la destruction ; comme aussi pour quelle raison les Thessaliens, qui avaient reçu de leurs ancêtres une très grande puissance, ont été réduits aux dernières extrémités, tandis que les Mégariens, dont les ressources étaient faibles dans leur origine, sont aujourd'hui, entre les Grecs, ceux qui possèdent le plus d'avantages et jouissent de la paix, pendant que les Thessaliens sont accablés par la guerre; vous trouverez que la violence et l'orgueil sont la source de tous les maux, et que la source de tous les biens se trouve dans la modération, que les villes doivent pratiquer plus encore que les particuliers ; car une ville, à cause de son immortalité, échappe difficilement à la justice divine et à la vengeance humaine, tandis qu'un homme, peut mourir avant d'avoir subi le châtiment dû à ses crimes. — 39. Il faut donc, vous rappelant ces vérités, ne pas écouter les hommes qui disent des choses agréables pour le moment, et ne tiennent aucun compte de l'avenir, et qui, feignant d'être occupés des intérêts du peuple, bouleversent la république; mais vous devez prendre pour guides ceux qui ont accru la puissance de notre patrie, et dont les conseils ont été cause que pendant un grand nombre d'années notre démocratie n'a été ni ébranlée ni changée; comme aussi les conseils de ceux qui ont rappelé les citoyens que les Trente avaient exilés, et qui se sont rendus célèbres parleur vertu. — 40. Comment peut-il donc se faire que, malgré tous les monuments qui attestent quelle a été la condition de notre patrie sous le gouvernement des uns et des autres, nous prenions un tel plaisir à la malignité des orateurs, que l'on nous voie supporter sans nous irriter qu'ils soient riches et heureux, et que, par suite des guerres et des troubles qu'ils excitent, les citoyens soient plongés dans la détresse et le malheur? Ils diffèrent à un tel point de Périclès, que celui-ci, après avoir fait porter huit mille talents dans la citadelle, laissa une fortune moins considérable que celle qu'il avait reçue de son père, tandis que ceux-là, parvenus de la pauvreté au faite de l'opulence, forcent le peuple à souffrir les angoisses de la misère. — 41. Je m'étonne qu'il ne vous soit pas donné de comprendre qu'il n'existe pas de race d'hommes plus remplie de malveillance et de haine contre le peuple, que la race des orateurs pervers, de ces agitateurs de la multitude qui, dans leur ardeur de dominer, ne désirent rien autant que de voir les citoyens manquer des choses nécessaires à la vie, parce qu'ils savent que les hommes riches sont dévoués aux intérêts de leur pays, tandis que les pauvres sont forcés de subir la tyrannie des orateurs.— 42. Péroraison. Quel remède peut être apporté à de si grands maux? Je l'ai déjà indiqué lorsque la pensée s'en est présentée à mon esprit ; mais il ne sera pas inutile de reproduire ce qui a le plus d'importance.— 43. Nous rétablirons les affaires de notre patrie et nous les rendrons plus prospères : premièrement, si nous admettons dans les affaires publiques des conseillers semblables à ceux que nous souhaitons de rencontrer dans nos affaires particulières ; et si nous ne considérons pas les calomniateurs comme des hommes attachés aux intérêts populaires, les hommes honnêtes comme des partisans de l'oligarchie. — 44. En second lieu, si nous considérons nos alliés comme des amis, si nous nous plaçons en cette qualité à leur tête et non pas comme des maîtres. — 45. Enfin rien ne doit nous être plus cher, à l'exception de la piété envers les dieux, qu'une bonne renommée parmi les Grecs. — 46.  Que si, de plus,  nous nous montrons belliqueux par les exercices militaires et l'appareil de la guerre, et que, dans la réalité, nous soyons amis de la paix, nous assurerons non seulement la sécurité de notre patrie, mais le bonheur de tous les Grecs; car les villes puissantes qui voudraient nuire à quelque ville faible s'en abstiendront lorsqu'elles nous verront prêts à secourir les opprimés, ou bien celles qui éprouveront des inquiétudes et des craintes se réfugieront vers nous et se remettront dans nos mains; il en résultera que ni les amis, ni la richesse, ni la puissance, ni la gloire, ne nous manqueront, puisqu'au milieu des injustices et des aberrations des autres peuples, revenus les premiers à des pensées plus sages, et reconquérant la gloire de nos ancêtres, nous seront appelés les vengeurs de la liberté de la Grèce, au lieu d'être accusés de ses malheurs. — 47. En résumé, si nous désirons mettre un terme aux malédictions qui nous poursuivent, faire cesser les guerres témérairement entreprises et conserver une suprématie qui dure toujours, il faut que notre domination devienne semblable, non à une tyrannie, mais au pouvoir des rois de Lacédémone qui, ayant coutume de protéger, et non d'opprimer leurs Concitoyens, sont a la fois l'objet de leur respect et de leur amour. — 48. j'engage donc les jeunes gens et les hommes que l'âge n'a pas privés de l'intégrité de leurs forces à remplir leur discours et leurs écrits de tout ce qui peut ramener à la vertu et à la justice les grandes villes accoutumées à opprimer les villes plus faibles, comme aussi je les engage à se rappeler que leur prospérité particulière est indissolublement liée au salut de la Grèce.  (Lange)

Ce discours paraît avoir été écrit en 337 ans ans avant J. -C., Isocrate étant âgé de 79 ans.

 

Περὶ εἰρήνης

Ἅπαντες μὲν εἰώθασιν οἱ παριόντες ἐνθάδε ταῦτα μέγιστα φάσκειν εἶναι καὶ μάλιστα σπουδῆς ἄξια τῇ πόλει, περὶ ὧν ἂν αὐτοὶ μέλλωσι συμβουλεύσειν· οὐ μὴν ἀλλ' εἰ καὶ περὶ ἄλλων τινῶν πραγμάτων ἥρμοσε τοιαῦτα προειπεῖν, δοκεῖ μοι πρέπειν καὶ περὶ τῶν νῦν παρόντων ἐντεῦθεν ποιήσασθαι τὴν ἀρχήν. [2] Ἥκομεν γὰρ ἐκκλησιάσοντες περὶ πολέμου καὶ εἰρήνης, ἃ μεγίστην ἔχει δύναμιν ἐν τῷ βίῳ τῷ τῶν ἀνθρώπων, καὶ περὶ ὧν ἀνάγκη τοὺς ὀρθῶς βουλευομένους ἄμεινον τῶν ἄλλων πράττειν. Τὸ μὲν οὖν μέγεθος, ὑπὲρ ὧν συνεληλύθαμεν, τηλικοῦτόν ἐστιν.

[3] Ὁρῶ δ' ὑμᾶς οὐκ ἐξ ἴσου τῶν λεγόντων τὴν ἀκρόασιν ποιουμένους, ἀλλὰ τοῖς μὲν προσέχοντας τὸν νοῦν, τῶν δ' οὐδὲ τὴν φωνὴν ἀνεχομένους. Καὶ θαυμαστὸν οὐδὲν ποιεῖτε· καὶ γὰρ τὸν ἄλλον χρόνον εἰώθατε πάντας τοὺς ἄλλους ἐκβάλλειν, πλὴν τοὺς συναγορεύοντας ταῖς ὑμετέραις ἐπιθυμίαις. [4] Ὃ καὶ δικαίως ἄν τις ὑμῖν ἐπιτιμήσειεν, ὅτι συνειδότες. Πολλοὺς καὶ μεγάλους οἴκους ὑπὸ τῶν κολακευόντων ἀναστάτους γεγενημένους, καὶ μισοῦντες ἐπὶ τῶν ἰδίων τοὺς ταύτην ἔχοντας τὴν τέχνην, ἐπὶ τῶν κοινῶν οὐχ ὁμοίως διάκεισθε πρὸς αὐτούς, ἀλλὰ κατηγοροῦντες τῶν προσιεμένων καὶ χαιρόντων τοῖς τοιούτοις αὐτοὶ φαίνεσθε μᾶλλον τούτοις πιστεύοντες ἢ τοῖς ἄλλοις πολίταις. [5] Καὶ γάρ τοι πεποιήκατε τοὺς ῥήτορας μελετᾶν καὶ φιλοσοφεῖν οὐ τὰ μέλλοντα τῇ πόλει συνοίσειν, ἀλλ' ὅπως ἀρέσκοντας ὑμῖν λόγους ἐροῦσιν. Ἐφ' οὓς καὶ νῦν τὸ πλῆθος αὐτῶν ἐρρύηκεν. Πᾶσι γὰρ ἦν φανερὸν ὅτι μᾶλλον ἡσθήσεσθε τοῖς παρακαλοῦσιν ὑμᾶς ἐπὶ τὸν πόλεμον ἢ τοῖς περὶ τῆς εἰρήνης συμβουλεύουσιν. [6] Οἱ μὲν γὰρ προσδοκίαν ἐμποιοῦσιν ὡς καὶ τὰς κτήσεις τὰς ἐν ταῖς πόλεσι κομιούμεθα, καὶ τὴν δύναμιν ἀναληψόμεθα πάλιν, ἣν πρότερον ἐτυγχάνομεν ἔχοντες· οἱ δ' οὐδὲν τοιοῦτον ὑποτείνουσιν, ἀλλ' ὡς ἡσυχίαν ἔχειν δεῖ καὶ μὴ μεγάλων ἐπιθυμεῖν παρὰ τὸ δίκαιον, ἀλλὰ στέργειν τοῖς παροῦσιν, ὃ χαλεπώτατον πάντων τοῖς πλείστοις τῶν ἀνθρώπων ἐστίν. [7] Οὕτω γὰρ ἐξηρτήμεθα τῶν ἐλπίδων καὶ πρὸς τὰς δοκούσας εἶναι πλεονεξίας ἀπλήστως ἔχομεν, ὥστ' οὐδ' οἱ κεκτημένοι τοὺς μεγίστους πλούτους μένειν ἐπὶ τούτοις ἐθέλουσιν, ἀλλ' ἀεὶ τοῦ πλέονος ὀρεγόμενοι περὶ τῶν ὑπαρχόντων κινδυνεύουσιν. Ὅπερ ἄξιόν ἐστι δεδιέναι, μὴ καὶ νῦν ἡμεῖς ἔνοχοι γενώμεθα ταύταις ταῖς ἀνοίαις· [8] λίαν γάρ τινές μοι δοκοῦσιν ὡρμῆσθαι πρὸς τὸν πόλεμον, ὥσπερ οὐ τῶν τυχόντων συμβεβουλευκότων, ἀλλὰ τῶν θεῶν ἀκηκοότες ὅτι κατορθώσομεν ἅπαντα καὶ ῥᾳδίως ἐπικρατήσομεν τῶν ἐχθρῶν. Χρὴ δὲ τοὺς νοῦν ἔχοντας περὶ μὲν ὧν ἴσασι μὴ βουλεύεσθαι ̔περίεργον γάῤ ἀλλὰ πράττειν ὡς ἐγνώκασι, περὶ ὧν δ' ἂν βουλεύωνται, μὴ νομίζειν εἰδέναι τὸ συμβησόμενον, ἀλλ' ὡς δόξῃ μὲν χρωμένους, ὅ τι ἂν τύχῃ δὲ γενησόμενον ἀγνοοῦντας,3 οὕτω διανοεῖσθαι περὶ αὐτῶν.

[9] Ὧν ὑμεῖς οὐδέτερον τυγχάνετε ποιοῦντες, ἀλλ' ὡς οἷόν τε ταραχωδέστατα διάκεισθε. Συνεληλύθατε μὲν γὰρ ὡς δέον ὑμᾶς ἐξ ἁπάντων τῶν ῥηθέντων ἐκλέξασθαι τὸ βέλτιστον, ὥσπερ δ' ἤδη σαφῶς εἰδότες ὃ πρακτέον ἐστίν, οὐκ ἐθέλετ' ἀκούειν πλὴν τῶν πρὸς ἡδονὴν δημηγορούντων. Καίτοι προσῆκεν ὑμᾶς, [10] εἴπερ ἠβούλεσθε ζητεῖν τὸ τῇ πόλει συμφέρον, μᾶλλον τοῖς ἐναντιουμένοις ταῖς ὑμετέραις γνώμαις προσέχειν τὸν νοῦν ἢ τοῖς καταχαριζομένοις, εἰδότας ὅτι τῶν ἐνθάδε παριόντων οἱ μὲν ἃ βούλεσθε λέγοντες ῥᾳδίως ἐξαπατᾶν δύνανται ̔τὸ γὰρ πρὸς χάριν ῥηθὲν ἐπισκοτεῖ τῷ καθορᾶν ὑμᾶς τὸ βέλτιστον̓, ὑπὸ δὲ τῶν μὴ πρὸς ἡδονὴν συμβουλευόντων οὐδὲν ἂν πάθοιτε τοιοῦτον· οὐ γὰρ ἔστιν ὅπως ἂν μεταπεῖσαι δυνηθεῖεν ὑμᾶς, [11] μὴ φανερὸν τὸ συμφέρον ποιήσαντες. Χωρὶς δὲ τούτων πῶς ἂν ἄνθρωποι καλῶς δυνηθεῖεν ἢ κρῖναι περὶ τῶν γεγενημένων ἢ βουλεύσασθαι περὶ τῶν μελλόντων, εἰ μὴ τοὺς μὲν λόγους τοὺς τῶν ἐναντιουμένων παρ' ἀλλήλους ἐξετάζοιεν, αὐτοὶ δ' αὑτοὺς κοινοὺς ἀμφοτέροις ἀκροατὰς παράσχοιεν;

[12] Θαυμάζω δὲ τῶν τε πρεσβυτέρων, εἰ μηκέτι μνημονεύουσι, καὶ τῶν νεωτέρων, εἰ μηδενὸς ἀκηκόασιν, ὅτι διὰ μὲν τοὺς παραινοῦντας ἀντέχεσθαι τῆς εἰρήνης οὐδὲν πώποτε κακὸν ἐπάθομεν, διὰ δὲ τοὺς ῥᾳδίως τὸν πόλεμον αἱρουμένους πολλαῖς ἤδη καὶ μεγάλαις συμφοραῖς περιεπέσομεν. Ὧν ἡμεῖς οὐδεμίαν ποιούμεθα μνείαν, ἀλλ' ἑτοίμως ἔχομεν, μηδὲν εἰς τοὔμπροσθεν ἡμῖν αὐτοῖς πράττοντες, τριήρεις πληροῦν καὶ χρημάτων εἰσφορὰς ποιεῖσθαι καὶ βοηθεῖν καὶ πολεμεῖν οἷς ἂν τύχωμεν, ὥσπερ ἐν ἀλλοτρίᾳ τῇ πόλει κινδυνεύοντες. Τούτων δ' αἴτιόν ἐστιν, [13] ὅτι προσῆκον ὑμᾶς ὁμοίως ὑπὲρ τῶν κοινῶν ὥσπερ ὑπὲρ τῶν ἰδίων σπουδάζειν, οὐ τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχετε περὶ αὐτῶν, ἀλλ' ὅταν μὲν ὑπὲρ τῶν ἰδίων βουλεύησθε, ζητεῖτε συμβούλους τοὺς ἄμεινον φρονοῦντας ὑμῶν αὐτῶν, ὅταν δ' ὑπὲρ τῆς πόλεως ἐκκλησιάζητε, τοῖς μὲν τοιούτοις ἀπιστεῖτε καὶ φθονεῖτε, τοὺς δὲ πονηροτάτους τῶν ἐπὶ τὸ βῆμα παριόντων ἀσκεῖτε, καὶ νομίζετε δημοτικωτέρους εἶναι τοὺς μεθύοντας τῶν νηφόντων καὶ τοὺς νοῦν οὐκ ἔχοντας τῶν εὖ φρονούντων καὶ τοὺς τὰ τῆς πόλεως διανεμομένους τῶν ἐκ τῆς ἰδίας οὐσίας ὑμῖν λειτουργούντων. Ὥστ' ἄξιον θαυμάζειν, εἴ τις ἐλπίζει τὴν πόλιν τοιούτοις συμβούλοις χρωμένην ἐπὶ τὸ βέλτιον ἐπιδώσειν.

[14] Ἐγὼ δ' οἶδα μὲν ὅτι πρόσαντές ἐστιν ἐναντιοῦσθαι ταῖς ὑμετέραις διανοίαις, καὶ ὅτι δημοκρατίας οὔσης οὐκ ἔστι παρρησία, πλὴν ἐνθάδε μὲν τοῖς ἀφρονεστάτοις καὶ μηδὲν ὑμῶν φροντίζουσιν, ἐν δὲ τῷ θεάτρω τοῖς κωμῳδοδιδασκάλοις· ὃ καὶ πάντων ἐστὶ δεινότατον, ὅτι τοῖς μὲν ἐκφέρουσιν εἰς τοὺς ἄλλους Ἕλληνας τὰ τῆς πόλεως ἁμαρτήματα τοσαύτην ἔχετε χάριν ὅσην οὐδὲ τοῖς εὖ ποιοῦσι, πρὸς δὲ τοὺς ἐπιπλήττοντας καὶ νουθετοῦντας ὑμᾶς οὕτω διατίθεσθε δυσκόλως ὥσπερ πρὸς τοὺς κακόν τι τὴν πόλιν ἐργαζομένους. [15] Ὅμως δὲ καὶ τούτων ὑπαρχόντων οὐκ ἂν ἀποσταίην ὧν διενοήθην. Παρελήλυθα γὰρ οὐ χαριούμενος ὑμῖν οὐδὲ χειροτονίαν μνηστεύσων, ἀλλ' ἀποφανούμενος ἃ τυγχάνω γιγνώσκων πρῶτον μὲν περὶ ὧν οἱ πρυτάνεις προτιθέασιν, ἔπειτα περὶ τῶν ἄλλων τῶν τῆς πόλεως πραγμάτων· οὐδὲν γὰρ ὄφελος ἔσται τῶν νῦν περὶ τῆς εἰρήνης γνωσθέντων, ἢν μὴ καὶ περὶ τῶν λοιπῶν ὀρθῶς βουλευσώμεθα.

[16] Φημὶ δ' οὖν χρῆναι ποιεῖσθαι τὴν εἰρήνην μὴ μόνον πρὸς Χίους καὶ Ῥοδίους καὶ Βυζαντίους καὶ Κῴους ἀλλὰ πρὸς ἅπαντας ἀνθρώπους, καὶ χρῆσθαι ταῖς συνθήκαις μὴ ταύταις αἷς νῦν τινὲς γεγράφασιν, ἀλλὰ ταῖς γενομέναις μὲν πρὸς βασιλέα καὶ Λακεδαιμονίους, προσταττούσαις δὲ τοὺς Ἕλληνας αὐτονόμους εἶναι καὶ τὰς φρουρὰς ἐκ τῶν ἀλλοτρίων πόλεων ἐξιέναι καὶ τὴν αὑτῶν ἔχειν ἑκάστους. Τούτων γὰρ οὔτε δικαιοτέρας εὑρήσομεν οὔτε μᾶλλον τῇ πόλει συμφερούσας.

[17] Ἢν μὲν οὖν ἐνταῦθα καταλίπω τὸν λόγον, οἶδ' ὅτι δόξω τὴν πόλιν ἐλαττοῦν, εἰ Θηβαῖοι μὲν ἕξουσι Θεσπιὰς καὶ Πλαταιὰς καὶ τὰς ἄλλας πόλεις ἃς παρὰ τοὺς ὅρκους κατειλήφασιν, ἡμεῖς δ' ἔξιμεν μηδεμιᾶς ἀνάγκης οὔσης ἐξ ὧν τυγχάνομεν ἔχοντες· ἢν δὲ διὰ τέλους ἀκούσητέ μου προσέχοντες τὸν νοῦν, οἶμαι πάντας ὑμᾶς καταγνώσεσθαι πολλὴν ἄνοιαν καὶ μανίαν τῶν τὴν ἀδικίαν πλεονεξίαν εἶναι νομιζόντων, καὶ τῶν τὰς ἀλλοτρίας πόλεις βίᾳ κατεχόντων, καὶ μὴ λογιζομένων τὰς συμφορὰς τὰς ἐκ τῶν τοιούτων ἔργων γιγνομένας.

[18] Ταῦτα μὲν οὖν διὰ παντὸς τοῦ λόγου πειρασόμεθα διδάσκειν ὑμᾶς, περὶ δὲ τῆς εἰρήνης πρῶτον διαλεχθῶμεν, καὶ σκεψώμεθα τί ἂν ἐν τῷ παρόντι γενέσθαι βουληθεῖμεν ἡμῖν. Ἢν γὰρ ταῦτα καλῶς ὁρισώμεθα καὶ νοῦν ἐχόντως, πρὸς ταύτην τὴν ὑπόθεσιν ἀποβλέποντες ἄμεινον βουλευσόμεθα καὶ περὶ τῶν ἄλλων.

[19] Ἆρ' οὖν ἂν ἐξαρκέσειεν ἡμῖν, εἰ τήν τε πόλιν ἀσφαλῶς οἰκοῖμεν καὶ τὰ περὶ τὸν βίον εὐπορώτεροι γιγνοίμεθα καὶ τά τε πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς ὁμονοοῖμεν καὶ παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εὐδοκιμοῖμεν; Ἐγὼ μὲν γὰρ ἡγοῦμαι τούτων ὑπαρξάντων τελέως τὴν πόλιν εὐδαιμονήσειν. Ὁ μὲν τοίνυν πόλεμος ἁπάντων ἡμᾶς τῶν εἰρημένων ἀπεστέρηκεν· καὶ γὰρ πενεστέρους πεποίηκε, καὶ πολλοὺς κινδύνους ὑπομένειν ἠνάγκασε, καὶ πρὸς τοὺς Ἕλληνας διαβέβληκε, καὶ πάντας τρόπους τεταλαιπώρηκεν ἡμᾶς. [20] Ἢν δὲ τὴν εἰρήνην ποιησώμεθα, καὶ τοιούτους ἡμᾶς αὐτοὺς παράσχωμεν οἵους αἱ κοιναὶ συνθῆκαι προστάττουσι, μετὰ πολλῆς μὲν ἀσφαλείας τὴν πόλιν οἰκήσομεν, ἀπαλλαγέντες πολέμων καὶ κινδύνων καὶ ταραχῆς, εἰς ἣν νῦν πρὸς ἀλλήλους καθέσταμεν, καθ' ἑκάστην δὲ τὴν ἡμέραν πρὸς εὐπορίαν ἐπιδώσομεν, ἀναπεπαυμένοι μὲν τῶν εἰσφορῶν καὶ τῶν τριηραρχιῶν καὶ τῶν ἄλλων τῶν περὶ τὸν πόλεμον λειτουργιῶν, ἀδεῶς δὲ γεωργοῦντες καὶ τὴν θάλατταν πλέοντες καὶ ταῖς ἄλλαις ἐργασίαις ἐπιχειροῦντες, αἳ νῦν διὰ τὸν πόλεμον ἐκλελοίπασιν. [21] Ὀψόμεθα δὲ τὴν πόλιν διπλασίας μὲν ἢ νῦν τὰς προσόδους λαμβάνουσαν, μεστὴν δὲ γιγνομένην ἐμπόρων καὶ ξένων καὶ μετοίκων, ὧν νῦν ἐρήμη καθέστηκεν. Τὸ δὲ μέγιστον, συμμάχους ἕξομεν ἅπαντας ἀνθρώπους, οὐ βεβιασμένους ἀλλὰ πεπεισμένους, οὐδ' ἐν ταῖς μὲν ἀσφαλείαις διὰ τὴν δύναμιν ἡμᾶς ὑποδεχομένους, ἐν δὲ τοῖς κινδύνοις ἀποστησομένους, ἀλλ' οὕτω διακειμένους ὥσπερ χρὴ τοὺς ὡς ἀληθῶς συμμάχους καὶ φίλους ὄντας. [22] Πρὸς δὲ τούτοις, ἃ νῦν ἀπολαβεῖν οὐ δυνάμεθα διὰ πολέμου καὶ πολλῆς δαπάνης, ταῦτα διὰ πρεσβείας ῥᾳδίως κομιούμεθα. Μὴ γὰρ οἴεσθε μήτε Κερσοβλέπτην ὑπὲρ Χερρονήσου μήτε Φίλιππον ὑπὲρ Ἀμφιπόλεως πολεμήσειν, ὅταν ἴδωσιν ἡμᾶς μηδενὸς τῶν ἀλλοτρίων ἐφιεμένους. Νῦν μὲν γὰρ εἰκότως φοβοῦνται γείτονα ποιήσασθαι τὴν πόλιν ταῖς αὑτῶν δυναστείαις, [23] ὁρῶσι γὰρ ἡμᾶς οὐ στέργοντας ἐφ' οἷς ἂν ἔχωμεν, ἀλλ' ἀεὶ τοῦ πλέονος ὀρεγομένους, ἢν δὲ μεταβαλώμεθα τὸν τρόπον καὶ δόξαν βελτίω λάβωμεν, οὐ μόνον ἀποστήσονται τῆς ἡμετέρας, ἀλλὰ καὶ τῆς αὑτῶν προσδώσουσι· λυσιτελήσει γὰρ αὐτοῖς θεραπεύουσι τὴν δύναμιν τὴν τῆς πόλεως ἀσφαλῶς ἔχειν τὰς ἑαυτῶν βασιλείας. [24] Καὶ μὲν δὴ καὶ τῆς Θρᾴκης ἡμῖν ἐξέσται τοσαύτην ἀποτεμέσθαι χώραν, ὥστε μὴ μόνον αὐτοὺς ἄφθονον ἔχειν, ἀλλὰ καὶ τοῖς δεομένοις τῶν Ἑλλήνων καὶ δι' ἀπορίαν πλανωμένοις ἱκανὸν δύνασθαι βίον παρασχεῖν. Ὅπου γὰρ Ἀθηνόδωρος καὶ Καλλίστρατος, ὁ μὲν ἰδιώτης ὤν, ὁ δὲ φυγάς, οἰκίσαι πόλεις οἷοί τε γεγόνασιν, ἦ που βουληθέντες ἡμεῖς πολλοὺς ἂν τόπους τοιούτους κατασχεῖν δυνηθεῖμεν. Χρὴ δὲ τοὺς πρωτεύειν ἐν τοῖς Ἕλλησιν ἀξιοῦντας τοιούτων ἔργων ἡγεμόνας γίγνεσθαι πολὺ μᾶλλον ἢ πολέμου καὶ στρατοπέδων ξενικῶν, ὧν νῦν ἐπιθυμοῦντες ἡμεῖς τυγχάνομεν.

[25] Περὶ μὲν οὖν ὧν οἱ πρέσβεις ἐπαγγέλλονται, καὶ ταῦθ' ἱκανά, καὶ πολλὰ ἂν ἴσως τις προσθείη τούτοις· ἡγοῦμαι δὲ δεῖν ἡμᾶς οὐ μόνον ψηφισαμένους τὴν εἰρήνην ἐκ τῆς ἐκκλησίας ἀπελθεῖν, ἀλλὰ καὶ βουλευσαμένους ὅπως ἄξομεν αὐτήν, καὶ μὴ ποιήσομεν ὅπερ εἰώθαμεν, ὀλίγον χρόνον διαλιπόντες πάλιν εἰς τὰς αὐτὰς καταστησόμεθα ταραχάς, μηδ' ἀναβολὴν ἀλλ' ἀπαλλαγὴν εὑρήσομέν τινα τῶν κακῶν τῶν παρόντων. [26] Οὐδὲν δὲ τούτων οἷόν τ' ἐστὶ γενέσθαι πρότερον, πρὶν ἂν πεισθῆτε τὴν μὲν ἡσυχίαν ὠφελιμωτέραν καὶ κερδαλεωτέραν εἶναι τῆς πολυπραγμοσύνης, τὴν δὲ δικαιοσύνην τῆς ἀδικίας, τὴν δὲ τῶν ἰδίων ἐπιμέλειαν τῆς τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμίας. Περὶ ὧν οὐδεὶς πώποτε τῶν ῥητόρων εἰπεῖν ἐν ὑμῖν ἐτόλμησεν· ἐγὼ δὲ περὶ αὐτῶν τούτων τοὺς πλείστους τῶν λόγων μέλλω ποιεῖσθαι πρὸς ὑμᾶς· ὁρῶ γὰρ τὴν εὐδαιμονίαν ἐν τούτοις ἐνοῦσαν, ἀλλ' οὐκ ἐν οἷς νῦν τυγχάνομεν πράττοντες. [27] Ἀνάγκη δὲ τὸν ἔξω τῶν εἰθισμένων ἐπιχειροῦντα δημηγορεῖν καὶ τὰς ὑμετέρας γνώμας μεταστῆσαι βουλόμενον πολλῶν πραγμάτων ἅψασθαι καὶ διὰ μακροτέρων τοὺς λόγους ποιήσασθαι, καὶ τὰ μὲν ἀναμνῆσαι, τῶν δὲ κατηγορῆσαι, τὰ δ' ἐπαινέσαι, περὶ δὲ τῶν συμβουλεῦσαι· μόλις γὰρ ἄν τις ὑμᾶς ἐξ ἁπάντων τούτων ἐπὶ τὸ βέλτιον φρονῆσαι δυνηθείη προαγαγεῖν.

[28] Ἔχει γὰρ οὕτως. Ἐμοὶ δοκοῦσιν ἅπαντες μὲν ἐπιθυμεῖν τοῦ συμφέροντος καὶ τοῦ πλέον ἔχειν τῶν ἄλλων, οὑκ εἰδέναι δὲ τὰς πράξεις τὰς ἐπὶ ταῦτα φερούσας, ἀλλὰ ταῖς δόξαις διαφέρεν ἀλλήλων· οἱ μὲν γὰρ ἔχειν ἐπιεικεῖς καὶ στοχάζεσθαι τοῦ δέοντος δυναμένας, οἱ δ' ὡς οἷόν τε πλεῖστον τοῦ συμφέροντος διαμαρτανούσας. [29] Ὅπερ καὶ τῇ πόλει συμβέβηκεν. Ἡμεῖς γὰρ οἰόμεθα μέν, ἢν τὴν θάλατταν πλέωμεν πολλαῖς τριήρεσι καὶ βιαζώμεθα τὰς πόλεις συντάξεις διδόναι καὶ δεόντων· πλεῖστον διεψεύσμεθα τῆς ἀληθείας. Ὦ μὲν γὰρ ἠλπίζομεν, οὐδὲν ἀποβέβηκεν, ἔχθραι δ' ἡμῖν ἐξ αὐτῶν καὶ πόλεμοι καὶ δαπάναι μεγάλαι γεγόνασιν, [30] εἰκότως· καὶ γὰρ τὸ πρότερον ἐκ μὲν τῆς τοιαύτης πολυπραγμοσύνης εἰς τοὺς ἐσχάτους κινδύνους κατέστημεν, ἐκ δὲ τοῦ δικαίαν τὴν πόλιν παρέχειν καὶ βοηθεῖν τοῖς ἀδικουμένοις καὶ μὴ τῶν ἀλλοτρίων ἐπιθυμεῖν παρ' ἑκόντων τῶν Ἑλλήνων τὴν ἡγεμονίαν ἐλάβομεν· ὧν νῦν ἀλογίστως καὶ λίαν εἰκῇ πολὺν ἤδη χρόνον καταφρονοῦμεν.

[31] Εἰς τοῦτο γάρ τινες ἀνοίας ἐληλύθασιν, ὥσθ' ὑπειλήφασι τὴν ἀδικίαν ἐπονείδιστον μὲν εἶναι, κερδαλέαν δὲ καὶ πρὸς τὸν βίον τὸν καθ' ἡμέραν συμφέρουσαν, τὴν δὲ δικαιοσύνην εὐδόκιμον μέν, ἀλυσιτελῆ δὲ καὶ μᾶλλον δυναμένην τοὺς ἄλλους ὠφελεῖν ἢ τοὺς ἔχοντας αὐτήν, [32] κακῶς εἰδότες ὡς οὔτε πρὸς χρηματισμὸν οὔτε πρὸς δόξαν οὔτε πρὸς ἃ δεῖ πράττειν οὔθ' ὅλως πρὸς εὐδαιμονίαν οὐδὲν ἂν συμβάλοιτο τηλικαύτην δύναμιν ὅσην περ ἀρετὴ καὶ τὰ μέρη ταύτης. Τοῖς γὰρ ἀγαθοῖς οἷς ἔχομεν ἐν τῇ ψυχῇ, τούτοις κτώμεθα καὶ τὰς ἄλλας ὠφελείας, ὧν δεόμενοι τυγχάνομεν· ὥσθ' οἱ τῆς αὑτῶν διανοίας ἀμελοῦντες λελήθασι σφᾶς αὐτοὺς ἅμα τοῦ τε φρονεῖν ἄμεινον καὶ τοῦ πράττειν βέλτιον τῶν ἄλλων ὀλιγωροῦντες. [33] Θαυμάζω δ' εἴ τις οἴεται τοὺς τὴν εὐσέβειαν καὶ τὴν δικαιοσύνην ἀσκοῦντας καρτερεῖν καὶ μένειν ἐν τούτοις ἐλπίζοντας ἔλαττον ἕξειν τῶν πονηρῶν, ἀλλ' οὐχ ἡγουμένους καὶ παρὰ θεοῖς καὶ παρ' ἀνθρώποις πλέον οἴσεσθαι τῶν ἄλλων. Ἐγὼ μὲν γὰρ πέπεισμαι τούτους μόνους ὧν δεῖ πλεονεκτεῖν, τοὺς δ' ἄλλους ὧν οὐ βέλτιόν ἐστιν. [34] Ὁρῶ γὰρ τοὺς μὲν τὴν ἀδικίαν προτιμῶντας καὶ τὸ λαβεῖν τι τῶν ἀλλοτρίων μέγιστον ἀγαθὸν νομίζοντας ὅμοια πάσχοντας τοῖς δελεαζομένοις τῶν ζώων, καὶ κατ' ἀρχὰς μὲν ἀπολαύοντας ὧν ἂν λάβωσιν, ὀλίγῳ δ' ὕστερον ἐν τοῖς μεγίστοις κακοῖς ὄντας, τοὺς δὲ μετ' εὐσεβείας καὶ δικαιοσύνης ζῶντας ἔν τε τοῖς παροῦσι χρόνοις ἀσφαλῶς διάγοντας καὶ περὶ τοῦ σύμπαντος αἰῶνος ἡδίους τὰς ἐλπίδας ἔχοντας. [35] Καὶ ταῦτ' εἰ μὴ κατὰ πάντων οὕτως εἴθισται συμβαίνειν, ἀλλὰ τό γ' ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοῦτον γίγνεται τὸν τρόπον. Χρὴ δὲ τοὺς εὖ φρονοῦντας, ἐπειδὴ τὸ μέλλον ἀεὶ συνοίσειν οὐ καθορῶμεν, τὸ πολλάκις ὠφελοῦς, τοῦτο φαίνεσθαι προαιρουμένους. Πάντων δ' ἀλογώτατον πεπόνθασιν ὅσοι κάλλιον μὲν ἐπιτήδευμα νομίζουσιν εἶναι καὶ θεοφιλέστερον τὴν δικαιοσύνην τῆς ἀδικίας, χεῖρον δ' οἴονται βιώσεσθαι τοὺς ταύτῃ χρωμένους τῶν τὴν πονηρίαν προῃρημένων.

[36] Ἠβουλόμην δ' ἄν, ὥσπερ πρόχειρόν ἐστιν ἐπαινέσαι τὴν ἀρετήν, οὕτω ῥᾴδιον εἶναι πεῖσαι τοὺς ἀκούοντας ἀσκεῖν αὐτήν· νῦν δὲ δέδοικα μὴ μάτην τὰ τοιαῦτα λέγω. Διεφθάρμεθα γὰρ πολὺν ἤδη χρόνον ὑπ' ἀνθρώπων οὐδὲν ἀλλ' ἢ φενακίζειν δυναμένων, οἳ τοσοῦτον τοῦ πλήθους καταπεφρονήκασιν ὥσθ', ὁπόταν βουληθῶσι πόλεμον πρός τινας ἐξενεγκεῖν, αὐτοὶ χρήματα λαμβάνοντες λέγειν τολμῶσιν ὡς χρὴ τοὺς προγόνους μιμεῖσθαι, καὶ μὴ περιορᾶν ἡμᾶς αὐτοὺς καταγελωμένους μηδὲ τὴν θάλατταν πλέοντας τοὺς μὴ τὰς συντάξεις ἐθέλοντας ἡμῖν ὑποτελεῖν.

[37] Ἡδέως ἂν οὖν αὐτῶν πυθοίμην, τίσιν ἡμᾶς τῶν προγεγενημένων κελεύουσιν ὁμοίους γίγνεσθαι, πότερον τοῖς περὶ τὰ Περσικὰ γενομένοις, ἢ τοῖς πρὸ τοῦ πολέμου τοῦ Δεκελεικοῦ τὴν πόλιν διοικήσασιν; Εἰ μὲν γὰρ τούτοις, οὐδὲν ἀλλ' ἢ συμβουλεύουσιν ἡμῖν πάλιν περὶ ἀνδραποδισμοῦ κινδυνεύειν· [38] εἰ δὲ τοῖς ἐν Μαραθῶνι τοὺς βαρβάρους νικήσασι καὶ τοῖς πρὸ τούτων γενομένοις, πῶς οὐ πάντων ἀναισχυντότατοι τυγχάνουσιν ὄντες, εἰ τοὺς τότε πολιτευομένους ἐπαινοῦντες τἀναντία πράττειν ἐκείνοις πείθουσιν ἡμᾶς, καὶ τοιαῦτ' ἐξαμαρτάνειν περὶ ὧν ἀπορῶ τί ποιήσω, πότερα χρήσωμαι ταῖς ἀληθείαις ὥσπερ περὶ τῶν ἄλλων, ἢ κατασιωπήσω, δείσας τὴν πρὸς ὑμᾶς ἀπέχθειαν; Δοκεῖ μὲν γάρ μοι βέλτιον εἶναι διαλεχθῆναι περὶ αὐτῶν, ὁρῶ δ' ὑμᾶς χαλεπώτερον διατιθεμένους πρὸς τοὺς ἐπιτιμῶντας ἢ πρὸς αἰτίους τῶν κακῶν γεγενημένους.

Οὐ μὴν ἀλλ' αἰσχυνθείην ἄν, [39] εἰ φανείην μᾶλλον φροντίζων τῆς ἐμαυτοῦ δόξης ἢ τῆς κοινῆς σωτηρίας. Ἐμὸν μὲν οὖν ἔργον ἐστί, καὶ τῶν ἄλλων τῶν κηδομένων τῆς πόλεως, προαιρεῖσθαι τῶν λόγων μὴ τοὺς ἡδίστους ἀλλὰ τοὺς ὠφελιμωτάτους· ὑμᾶς δὲ χρὴ πρῶτον μὲν τοῦτο γιγνώσκειν, ὅτι τῶν μὲν περὶ τὸ σῶμα νοσημάτων πολλαὶ θεραπεῖαι καὶ παντοδαπαὶ τοῖς ἰατροῖς εὕρηνται, ταῖς δὲ ψυχαῖς ταῖς ἀγνοούσαις καὶ γεμούσαις πονηρῶν ἐπιθυμιῶν οὐδέν ἐστιν ἄλλο φάρμακον πλὴν λόγος ὁ τολμῶν τοῖς ἁμαρτανομένοις ἐπιπλήττειν, [40] ἔπειθ' ὅτι καταγέλαστόν ἐστι τὰς μὲν καύσεις καὶ τὰς τομὰς τῶν ἰατρῶν ὑπομένειν, ἵνα πλειόνων ἀλγηδόνων ἀπαλλαγῶμεν, τοὺς δὲ λόγους ἀποδοκιμάζειν πρὶν εἰδέναι σαφῶς εἰ τοιαύτην ἔχουσι τὴν δύναμιν ὥστ' ὠφελῆσαι τοὺς ἀκούοντας.

[41] Τούτου δ' ἕνεκα ταῦτα προεῖπον, ὅτι περὶ τῶν λοιπῶν οὐδὲν ὑποστειλάμενος ἀλλὰ παντάπασιν ἀνειμένως μέλλω τοὺς λόγους ποιεῖσθαι πρὸς ὑμᾶς. Τίς γὰρ ἄλλοθεν ἐπελθὼν καὶ μήπω συνδιεφθαρμένος ἡμῖν, ἀλλ' ἐξαίφνης ἐπιστὰς τοῖς γιγνομένοις, οὐκ ἂν μαίνεσθαι καὶ παραφρονεῖν ἡμᾶς νομίσειεν, οἳ φιλοτιμούμεθα μὲν ἐπὶ τοῖς τῶν προγόνων ἔργοις καὶ τὴν πόλιν ἐκ τῶν τότε πραχθέντων ἐγκωμιάζειν ἀξιοῦμεν, οὐδὲν δὲ τῶν αὐτῶν ἐκείνοις πράττομεν, [42] ἀλλὰ πᾶν τοὐναντίον; Οἱ μὲν γὰρ ὑπὲρ τῶν Ἑλλήνων τοῖς βαρβάροις πολεμοῦντες διετέλεσαν, ἡμεῖς δὲ τοὺς ἐκ τῆς Ἀσίας τὸν βίον ποριζομένους ἐκεῖθεν ἀναστήσαντες ἐπὶ τοὺς Ἕλληνας ἠγάγομεν· κἀκεῖνοι μὲν ἐλευθεροῦντες τὰς πόλεις τὰς Ἑλληνίδας καὶ βοηθοῦντες αὐταῖς τῆς ἡγεμονίας ἠξιώθησαν, ἡμεῖς δὲ καταδουλούμενοι καὶ τἀναντία τοῖς τότε πράττοντες ἀγανακτοῦμεν, εἰ μὴ τὴν αὐτὴν τιμὴν ἐκείνοις ἕξομεν, [43] οἳ τοσοῦτον ἀπολελείμμεθα καὶ τοῖς ἔργοις καὶ ταῖς διανοίαις τῶν κατ' ἐκεῖνον τὸν χρόνον γενομένων, ὅσον οἱ μὲν ὑπὲρ τῆς τῶν Ἑλλήνων σωτηρίας τήν τε πατρίδα τὴν αὑτῶν ἐκλιπεῖν ἐτόλμησαν, καὶ μαχόμενοι καὶ ναυμαχοῦντες τοὺς βαρβάρους ἐνίκησαν, ἡμεῖς δ' οὐδ' ὑπὲρ τῆς ἡμετέρας αὐτῶν πλεονεξίας κινδυνεύειν ἀξιοῦμεν, ἀλλ' ἄρχειν μὲν ἁπάντων ζητοῦμεν, [44] στρατεύεσθαι δ' οὐκ ἐθέλομεν, καὶ πόλεμον μὲν μικροῦ δεῖν πρὸς ἅπαντας ἀνθρώπους ἀναιρούμεθα, πρὸς δὲ τοῦτον οὐχ ἡμᾶς αὐτοὺς ἀσκοῦμεν, ἀλλ' ἀνθρώπους τοὺς μὲν ἀπόλιδας τοὺς δ' αὐτομόλους τοὺς δ' ἐκ τῶν ἄλλων κακουργιῶν συνερρυηκότας, οἷς ὁπόταν τις διδῷ πλείω μισθόν, μετ' ἐκείνων ἐφ' ἡμᾶς ἀκολουθήσουσιν. [45] Ἀλλ' ὅμως οὕτως αὐτοὺς ἀγαπῶμεν ὥσθ' ὑπὲρ μὲν τῶν παίδων τῶν ἡμετέρων, εἰ περί τινας ἐξαμάρτοιεν, οὐκ ἂν ἐθελήσαιμεν δίκας ὑποσχεῖν, ὑπὲρ δὲ τῆς ἐκείνων ἁρπαγῆς καὶ βίας καὶ παρανομίας μελλόντων τῶν ἐγκλημάτων ἐφ' ἡμᾶς ἥξειν οὐχ ὅπως ἀγανακτοῦμεν, ἀλλὰ καὶ χαίρομεν ὅταν ἀκούσωμεν αὐτοὺς τοιοῦτόν τι διαπεπραγμένους. [46] Εἰς τοῦτο δὲ μωρίας ἐληλύθαμεν, ὥστ' αὐτοὶ μὲν ἐνδεεῖς τῶν καθ' ἡμέραν ἐσμέν, ξενοτροφεῖν δ' ἐπικεχειρήκαμεν, καὶ τοὺς συμμάχους τοὺς ἡμετέρους αὐτῶν ἰδίους λυμαινόμεθα καὶ δασμολογοῦμεν, ἵνα τοῖς ἁπάντων ἀνθρώπων κοινοῖς ἐχθροῖς τὸν μισθὸν ἐκπορίζωμεν. [47] Τοσούτῳ δὲ χείρους ἐσμὲν τῶν προγόνων, οὐ μόνον τῶν εὐδοκιμησάντων ἀλλὰ καὶ τῶν μισηθέντων, ὅσον ἐκεῖνοι μὲν εἰ πολεμεῖν πρός τινας ψηφίσαιντο, μεστῆς οὔσης ἀργυρίου καὶ χρυσίου τῆς ἀκροπόλεως ὅμως ὑπὲρ τῶν δοξάντων τοῖς αὑτῶν σώμασιν ὤοντο δεῖν κινδυνεύειν, ἡμεῖς δ' εἰς τοσαύτην ἀπορίαν ἐληλυθότες καὶ τοσοῦτοι τὸ πλῆθος ὄντες ὥσπερ βασιλεὺς ὁ μέγας μισθωτοῖς χρώμεθα τοῖς στρατοπέδοις. [48] Καὶ τότε μὲν εἰ τριήρεις πληροῖεν, τοὺς μὲν ξένους καὶ τοὺς δούλους ναύτας εἰσεβίβαζον, τοὺς δὲ πολίτας μεθ' ὅπλων ἐξέπεμπον· νῦν δὲ τοῖς μὲν ξένοις ὁπλίταις χρώμεθα, τοὺς δὲ πολίτας ἐλαύνειν ἀναγκάζομεν, ὥσθ' ὁπόταν ἀποβαίνωσιν εἰς τὴν τῶν πολεμίων, οἱ μὲν ἄρχειν τῶν Ἑλλήνων ἀξιοῦντες ὑπηρέσιον ἔχοντες ἐκβαίνουσιν, οἱ δὲ τοιοῦτοι τὰς φύσεις ὄντες οἵους ὀλίγῳ πρότερον διῆλθον, μεθ' ὅπλων κινδυνεύουσιν.

[49] Ἀλλὰ γὰρ τὰ κατὰ τὴν πόλιν ἄν τις ἰδὼν καλῶς διοικούμενα περὶ τῶν ἄλλων θαρρήσειεν, ἀλλ' οὐκ ἂν ἐπ' αὐτοῖς τούτοις μάλιστ' ἀγανακτήσειεν; Οἵτινες αὐτόχθονες μὲν εἶναί φαμεν καὶ τὴν πόλιν ταύτην προτέραν οἰκισθῆναι τῶν ἄλλων, προσῆκον δ' ἡμᾶς ἅπασιν εἶναι παράδειγμα τοῦ καλῶς καὶ τεταγμένως πολιτεύεσθαι, χεῖρον καὶ ταραχωδέστερον τὴν ἡμετέραν αὐτῶν διοικοῦμεν τῶν ἄρτι τὰς πόλεις οἰκιζόντων, [50] καὶ σεμνυνόμεθα μὲν καὶ μέγα φρονοῦμεν ἐπὶ τῷ βέλτιον γεγονέναι τῶν ἄλλων, ῥᾴδιον δὲ μεταδίδομεν τοῖς βουλομένοις ταύτης τῆς εὐγενείας ἢ Τριβαλλοὶ καὶ Λευκανοὶ τῆς δυσγενείας· πλείστους δὲ τιθέμενοι νόμους οὕτως ὀλίγον αὐτῶν φροντίζομεν, ἓν γὰρ ἀκούσαντες γνώσεσθε καὶ περὶ τῶν ἄλλων, ὥστε θανάτου τῆς ζημίας ἐπικειμένης, ἤν τις ἁλῷ δεκάζων, τοὺς τοῦτο φανερώτατα ποιοῦντας στρατηγοὺς χειροτονοῦμεν, καὶ τὸν πλείστους διαφθεῖραι τῶν πολιτῶν δυνηθέντα, τοῦτον ἐπὶ τὰ μέγιστα τῶν πραγμάτων καθίσταμεν· [51] σπουδάζοντες δὲ περὶ τὴν πολιτείαν οὐκ ἧττον ἢ περὶ τὴν σωτηρίαν ὅλης τῆς πόλεως, καὶ τὴν δημοκρατίαν εἰδότες ἐν μὲν ταῖς ἡσυχίαις καὶ ταῖς ἀσφαλείαις αὐξανομένην καὶ διαμένουσαν, ἐν δὲ τοῖς πολέμοις δὶς ἤδη καταλυθεῖσαν, πρὸς μὲν τοὺς τῆς εἰρήνης ἐπιθυμοῦντας ὡς πρὸς ὀλιγαρχικοὺς ὄντας δυσκόλως ἔχομεν, τοὺς δὲ τὸν πόλεμον ποιοῦντας ὡς τῆς δημοκρατίας κηδομένους εὔνους εἶναι νομίζομεν· [52] ἐμπειρότατοι δὲ λόγων καὶ πραγμάτων ὄντες οὕτως ἀλογίστως ἔχομεν, ὥστε περὶ τῶν αὐτῶν τῆς αὐτῆς ἡμέρας οὐ ταὐτὰ γιγνώσκομεν, ἀλλ' ὧν μὲν πρὶν εἰς τὴν ἐκκλησίαν ἀναβῆναι κατηγοροῦμεν, ταῦτα συνελθόντες χειροτονοῦμεν, οὐ πολὺν δὲ χρόνον διαλιπόντες τοῖς ἐνθάδε ψηφισθεῖσιν, ἐπειδὰν ἀπίωμεν, πάλιν ἐπιτιμῶμεν· προσποιούμενοι δὲ σοφώτατοι τῶν Ἑλλήνων εἶναι τοιούτοις χρώμεθα συμβούλοις, ὧν οὐκ ἔστιν ὅστις οὐκ ἂν καταφρονήσειεν, καὶ τοὺς αὐτοὺς τούτους κυρίους ἁπάντων τῶν κοινῶν καθίσταμεν, οἷς οὐδεὶς ἂν οὐδὲν τῶν ἰδίων ἐπιτρέψειεν. [53] Ὃ δὲ πάντων σχετλιώτατον· οὓς γὰρ ὁμολογήσαιμεν ἂν πονηροτάτους εἶναι τῶν πολιτῶν, τούτους πιστοτάτους φύλακας ἡγούμεθα τῆς πολιτείας εἶναι· καὶ τοὺς μὲν μετοίκους τοιούτους εἶναι νομίζομεν, οἵους περ ἂν τοὺς προστάτας νέμωσιν, αὐτοὶ δ' οὐκ οἰόμεθα τὴν αὐτὴν λήψεσθαι δόξαν τοῖς προεστῶσιν ἡμῶν. [54] Τοσοῦτον δὲ διαφέρομεν τῶν προγόνων, ὅσον ἐκεῖνοι μὲν τοὺς αὐτοὺς προστάτας τε τῆς πόλεως ἐποιοῦντο καὶ στρατηγοὺς ᾑροῦντο, νομίζοντες τὸν ἐπὶ τοῦ βήματος τὰ βέλτιστα συμβουλεῦσαι δυνάμενον, τὸν αὐτὸν τοῦτον ἄριστ' ἂν βουλεύσασθαι καὶ καθ' αὑτὸν γενόμενον, ἡμεῖς δὲ τοὐναντίον τούτων ποιοῦμεν· [55] οἷς μὲν γὰρ περὶ τῶν μεγίστων συμβούλοις χρώμεθα, τούτους μὲν οὐκ ἀξιοῦμεν στρατηγοὺς χειροτονεῖν ὡς νοῦν οὐκ ἔχοντας, οἷς δ' οὐδεὶς ἂν οὔτε περὶ τῶν ἰδίων οὔτε περὶ τῶν κοινῶν συμβουλεύσαιτο, τούτους δ' αὐτοκράτορας ἐκπέμπομεν ὡς ἐκεῖ σοφωτέρους ἐσομένους καὶ ῥᾷον βουλευσομένους περὶ τῶν Ἑλληνικῶν πραγμάτων ἢ περὶ τῶν ἐνθάδε προτιθεμένων. [56] Λέγω δὲ ταῦτ' οὐ κατὰ πάντων, ἀλλὰ κατὰ τῶν ἐνόχων τοῖς λεγομένοις ὄντων. Ἐπιλίποι δ' ἄν με τὸ λοιπὸν μέρος τῆς ἡμέρας, εἰ πάσας τὰς πλημμελείας τὰς ἐν τοῖς πράγμασιν ἐγγεγενημένας ἐξετάζειν ἐπιχειροίην.

[57] Τάχ' οὖν ἄν τις τῶν σφόδρα τοῖς λεγομένοις ἐνόχων ὄντων ἀγανακτήσας ἐρωτήσειε “πῶς, εἴπερ οὕτω κακῶς βουλευόμεθα, σωζόμεθα καὶ δύναμιν οὐδεμιᾶς πόλεως ἐλάττω κεκτημένοι τυγχάνομεν;” Ἐγὼ δὲ πρὸς ταῦτ' ἀποκριναίμην ἂν ὅτι τοὺς ἀντιπάλους ἔχομεν οὐδὲν βέλτιον ἡμῶν φρονοῦντας. [58] Εἰ γὰρ μετὰ τὴν μάχην, ἣν ἐνίκησαν Θηβαῖοι Λακεδαιμονίους, ἐκεῖνοι μὲν ἐλευθερώσαντες τὴν Πελοπόννησον καὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας αὐτονόμους ποιήσαντες ἡσυχίαν εἶχον, ἡμεῖς δὲ τοιαῦτ' ἐξημαρτάνομεν, οὔτ' ἂν οὗτος ἔσχε ταύτην ποιήσασθαι τὴν ἐρώτησιν, ἡμεῖς τ' ἂν ἔγνωμεν ὅσῳ κρεῖττόν ἐστι τὸ σωφρονεῖν τοῦ πολυπραγμονεῖν. [59] Νῦν δ' ἐνταῦθα τὰ πράγματα περιέστηκεν, ὥστε Θηβαῖοι μὲν ἡμᾶς σώζουσιν, ἡμεῖς δὲ Θηβαίους, καὶ συμμάχους ἐκεῖνοι μὲν ἡμῖν ποιοῦσιν, ἡμεῖς δ' ἐκείνοις. Ὥστ' εἰ νοῦν ἔχοιμεν, ἀλλήλοις ἂν εἰς τὰς ἐκκλησίας ἀργύριον παρέχοιμεν· ὁπότεροι γὰρ ἂν πλεονάκις συλλεγῶσιν, οὗτοι τοὺς ἐναντίους ἄμεινον πράττειν ποιοῦσιν. [60] Χρὴ δὲ τοὺς καὶ μικρὰ λογίζεσθαι δυναμένους οὐκ ἐν τοῖς τῶν ἐχθρῶν ἁμαρτήμασι τὰς ἐλπίδας ἔχειν τῆς σωτηρίας, ἀλλ' ἐν τοῖς αὑτῶν πράγμασι καὶ ταῖς αὑτῶν διανοίαις· τὸ μὲν γὰρ διὰ τὴν ἐκείνων ἀμαθίαν συμβαῖνον ἡμῖν ἀγαθὸν τυχὸν ἂν παύσαιτο καὶ λάβοι μεταβολήν, τὸ δὲ δι' ἡμᾶς αὐτοὺς γιγνόμενον βεβαιοτέρως ἂν ἔχοι καὶ μᾶλλον παραμείνειεν ἡμῖν.

[61] Πρὸς μὲν οὖν τοὺς εἰκῇ τὰς ἐπιλήψεις ποιουμένους οὐ χαλεπὸν ἀντειπεῖν· εἰ δὲ δή τίς μοι παραστὰς τῶν ἐπιεικέστερον διακειμένων ἀληθῆ μὲν λέγειν με προσομολογήσειε καὶ προσηκόντως ἐπιτιμᾶν τοῖς γιγνομένοις, δίκαιον δ' εἶναι φαίη τοὺς ἐπ' εὐνοίᾳ νουθετοῦντας μὴ μόνον κατηγορεῖν τῶν πεπραγμένων, [62] ἀλλὰ καὶ συμβουλεύειν τίνων ἀπεχόμενοι καὶ ποίων ὀρεγόμενοι παυσαίμεθ' ἂν ταύτην ἔχοντες τὴν γνώμην καὶ τοιαῦτ' ἐξαμαρτάνοντες, οὗτος ὁ λόγος ἀπορεῖν ἄν με ποιήσειεν ἀποκρίσεως, οὐκ ἀληθοῦς καὶ συμφερούσης, ἀλλ' ἀρεσκούσης ὑμῖν. Οὐ μὴν ἀλλ' ἐπειδή περ ἀποκεκαλυμμένως ὥρμημαι λέγειν, οὐκ ἀποκνητέον ἀποφήνασθαι καὶ περὶ τούτων.

[63] Ἃ μὲν οὖν ὑπάρχειν δεῖ τοῖς μέλλουσιν εὐδαιμονήσειν, τὴν εὐσέβειαν καὶ τὴν σωφροσύνην καὶ τὴν δικαιοσύνην καὶ τὴν ἄλλην ἀρετὴν ὀλίγῳ πρότερον εἰρήκαμεν· ὡς δ' ἂν τάχιστα πρὸς τὸ τοιοῦτοι γενέσθαι παιδευθεῖμεν, ἀληθὲς μέν ἐστι τὸ ῥηθησόμενον, ἴσως δ' ἂν ἀκούσασιν ὑμῖν δεινὸν εἶναι δόξειε καὶ παρὰ πολὺ τῆς τῶν ἄλλων ἐξηλλαγμένον διανοίας.

[64] Ἐγὼ γὰρ ἡγοῦμαι καὶ τὴν πόλιν ἡμᾶς ἄμεινον οἰκήσειν καὶ βελτίους αὐτοὺς ἔσεσθαι καὶ πρὸς ἁπάσας τὰς πράξεις ἐπιδώσειν, ἢν παυσώμεθα τῆς ἀρχῆς τῆς κατὰ θάλατταν ἐπιθυμοῦντες. Αὕτη γάρ ἐστιν ἡ καὶ νῦν εἰς ταραχὴν ἡμᾶς καθιστᾶσα, καὶ τὴν δημοκρατίαν ἐκείνην καταλύσασα μεθ' ἧς οἱ πρόγονοι ζῶντες εὐδαιμονέστατοι τῶν Ἑλλήνων ἦσαν, καὶ σχεδὸν ἁπάντων αἰτία τῶν κακῶν ὧν αὐτοί τ' ἔχομεν καὶ τοῖς ἄλλοις παρέχομεν. [65] Οἶδα μὲν οὖν ὅτι χαλεπόν ἐστι δυναστείας ὑπὸ πάντων ἐρωμένης καὶ περιμαχήτου γεγενημένης κατηγοροῦντα δοκεῖν ἀνεκτόν τι λέγειν· ὅμως δ' ἐπειδή περ ὑπεμείνατε καὶ τοὺς ἄλλους λόγους, ἀληθεῖς μὲν ὄντας φιλαπεχθήμονας δέ, καὶ τοῦτον ὑμῶν ἀνασχέσθαι δέομαι, [66] καὶ μὴ καταγνῶναί μου τοιαύτην μανίαν, ὡς ἄρ' ἐγὼ προειλόμην ἂν διαλεχθῆναι πρὸς ὑμᾶς περὶ πραγμάτων οὕτω παραδόξων, εἰ μή τι λέγειν ἀληθὲς εἶχον περὶ αὐτῶν. Νῦν δ' οἶμαι πᾶσι φανερὸν ποιήσειν ὡς οὔτε δικαίας ἀρχῆς ἐπιθυμοῦμεν οὔτε γενέσθαι δυνατῆς οὔτε συμφερούσης ἡμῖν.

[67] Ὅτι μὲν οὖν οὐ δικαίας, παρ' ὑμῶν μαθὼν ὑμᾶς ἔχω διδάσκειν. Ὅτε γὰρ Λακεδαιμόνιοι ταύτην εἶχον τὴν δύναμιν, ποίους λόγους οὐκ ἀνηλώσαμεν κατηγοροῦντες μὲν τῆς ἐκείνων ἀρχῆς, διεξιόντες δ' ὡς δίκαιόν ἐστιν αὐτονόμους εἶναι τοὺς Ἕλληνας; [68] Τίνας δὲ τῶν πόλεων τῶν ἐλλογίμων οὐ παρεκαλέσαμεν ἐπὶ τὴν συμμαχίαν τὴν ὑπὲρ τούτων συστᾶσαν; Πόσας δὲ πρεσβείας ὡς βασιλέα τὸν μέγαν ἀπεστείλαμεν, διδαξούσας αὐτὸν ὡς οὔτε δίκαιόν ἐστιν οὔτε συμφέρον μίαν πόλιν κυρίαν εἶναι τῶν Ἑλλήνων; Οὐ πρότερον δ' ἐπαυσάμεθα πολεμοῦντες καὶ κινδυνεύοντες καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ θάλατταν, πρὶν ἠθέλησαν Λακεδαιμόνιοι ποιήσασθαι τὰς συνθήκας τὰς περὶ τῆς αὐτονομίας.

[69] Ὅτι μὲν οὖν οὐ δίκαιόν ἐστι τοὺς κρείττους τῶν ἡττόνων ἄρχειν, ἐν ἐκείνοις τε τοῖς χρόνοις τυγχάνομεν ἐγνωκότες, καὶ νῦν ἐπὶ τῆς πολιτείας τῆς παρ' ἡμῖν καθεστηκυίας· ὡς δ' οὐδ' ἂν δυνηθείημεν τὴν ἀρχὴν ταύτην καταστήσασθαι, ταχέως οἶμαι δηλώσειν. Ἣν γὰρ μετὰ μυρίων ταλάντων οὐχ οἷοί τ' ἦμεν διαφυλάξαι, πῶς ἂν ταύτην ἐκ τῆς παρούσης ἀπορίας κτήσασθαι δυνηθεῖμεν, ἄλλως τε καὶ χρώμενοι τοῖς ἤθεσιν οὐχ οἷς ἐλάβομεν ἀλλ' οἷς ἀπωλέσαμεν αὐτήν;

[70] Ὡς τοίνυν οὐδὲ δέξασθαι διδομένην τῇ πόλει συμφέρει, δοκεῖτέ μοι τάχιστ' ἂν ἐκεῖθεν καταμαθεῖν. Μᾶλλον δὲ καὶ περὶ τούτων βούλομαι μικρὰ προειπεῖν· δέδοικα γὰρ μὴ διὰ τὸ πολλοῖς ἐπιτιμᾶν δόξω τισὶ προῃρῆσθαι τῆς πόλεως κατηγορεῖν.

[71] Ἐγὼ δ' εἰ μὲν πρὸς ἄλλους τινὰς ἐπεχείρουν οὕτω διεξιέναι περὶ τῶν πραγμάτων, εἰκότως ἂν εἶχον τὴν αἰτίαν ταύτην· νῦν δὲ πρὸς ὑμᾶς ποιοῦμαι τοὺς λόγους, οὐ διαβάλλειν ἑτέροις ἐπιθυμῶν, ἀλλ' αὐτοὺς βουλόμενος παῦσαι τῶν τοιούτων ἔργων, καὶ τὴν εἰρήνην, περὶ ἧς ἅπας ὁ λόγος ἐστί, βεβαίως καὶ τὴν πόλιν καὶ τοὺς ἄλλους Ἕλληνας ἀγαγεῖν.[72] Ἀνάγκη δὲ τοὺς νουθετοῦντας καὶ τοὺς κατηγοροῦντας τοῖς μὲν λόγοις χρῆσθαι παραπλησίοις, τὰς δὲ διανοίας ἔχειν ἀλλήλοις ὡς οἷόν τ' ἐναντιωτάτας. Ὥστε περὶ τῶν ταὐτὰ λεγόντων οὐκ ἀεὶ προσήκει τὴν αὐτὴν ὑμᾶς γνώμην ἔχειν, ἀλλὰ τοὺς μὲν ἐπὶ βλάβῃ λοιδοροῦντας μισεῖν ὡς κακόνους ὄντας τῇ πόλει, τοὺς δ' ἐπ' ὠφελία νουθετοῦντας ἐπαινεῖν καὶ βελτίστους τῶν πολιτῶν νομίζειν, [73] καὶ τούτων αὐτῶν μάλιστα τὸν ἐναργέστατα δυνάμενον δηλῶσαι τὰς πονηρὰς τῶν πράξεων καὶ τὰς συμφορὰς τὰς ἀπ' αὐτῶν γιγνομένας· οὗτος γὰρ ἂν τάχιστα ποιήσειεν ὑμᾶς, μισήσαντας ἃ δεῖ, βελτιόνων ἐπιθυμῆσαι πραγμάτων. Ὑπὲρ μὲν οὖν τῆς τῶν λόγων τραχύτητος καὶ τῶν εἰρμένων καὶ τῶν ῥηθήσεσθαι μελλόντων ταῦτ' ἔχω λέγειν πρὸς ὑμᾶς· ὅθεν δ' ἀπέλιπον, πάλιν ποιήσομαι τὴν ἀρχήν.

[74] Ἔφασκον γὰρ ἐκεῖθεν κάλλιστ' ἂν ὑμᾶς καταμαθεῖν ὡς οὐ συμφέρει λαβεῖν τὴν κατὰ θάλατταν ἀρχήν, εἰ σκέψαισθε τίνα τρόπον ἡ πόλις διέκειτο πρὶν τὴν δύναμιν ταύτην κτήσασθαι, καὶ πῶς ἐπειδὴ κατέσχεν αὐτήν· ἢν γὰρ ταῦτα παρ' ἄλληλα τῇ διανοία θεωρήσητε, γνώσεσθ' ὅσων κακῶν αἰτία τῇ πόλει γέγονεν.

[75] Ἡ μὲν τοίνυν πολιτεία τοσούτω βελτίων ἦν καὶ κρείττων ἡ τότε τῆς ὕστερον καταστάσης, ὅσῳ περ Ἀριστείδης καὶ Θεμιστοκλῆς καὶ Μιλτιάδης ἄνδρες ἀμείνους ἦσαν Ὑπερβόλου καὶ Κλεοφῶντος καὶ τῶν νῦν δημηγορούντων· τὸν δὲ δῆμον εὑρήσετε τὸν τότε πολιτευόμενον οὐκ ἀργίας οὐδ' ἀπορίας οὐδ' ἐλπίδων κενῶν ὄντα μεστόν, [76] ἀλλὰ νικᾶν μὲν δυνάμενον ἐν ταῖς μάχαις ἅπαντας τοὺς εἰς τὴν χώραν εἰσβάλλοντας, ἀριστείων δ' ἀξιούμενον ἐν τοῖς ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος κινδύνοις, οὕτω δὲ πιστευόμενον ὥστε τὰς πλείστας αὐτῷ τῶν πόλεων ἑκούσας ἐγχειρίσαι σφᾶς αὐτάς. [77] Τούτων δ' ὑπαρχόντων, ἀντὶ μὲν τῆς πολιτείας τῆς παρὰ πᾶσιν εὐδοκιμούσης ἐπὶ τοιαύτην ἀκολασίαν ἡ δύναμις ἡμᾶς αὕτη προήγαγεν, ἣν οὐδεὶς ἂν ἀνθρώπων ἐπαινέσειεν· ἀντὶ δὲ τοῦ νικᾶν τοὺς ἐπιστρατεύοντας οὕτω τοὺς πολίτας ἐπαίδευσεν, ὥστε μηδὲ πρὸ τῶν τειχῶν τολμᾶν ἐπεξιέναι τοῖς πολεμίοις· [78] ἀντὶ δὲ τῆς εὐνοίας τῆς παρὰ τῶν συμμάχων αὐτοῖς ὑπαρχούσης καὶ τῆς δόξης τῆς παρὰ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων εἰς τοσοῦτον μῖσος κατέστησεν, ὥστε παρὰ μικρὸν ἐλθεῖν ἐξανδραποδισθῆναι τὴν πόλιν, εἰ μὴ Λακεδαιμονίων τῶν ἐξ ἀρχῆς πολεμούντων εὐνουστέρων ἐτύχομεν ἢ τῶν πρότερον ἡμῖν συμμάχων ὄντων. [79] Οἷς οὐκ ἂν δικαίως ἐγκαλοῖμεν, ὅτι χαλεπῶς πρὸς ἡμᾶς διετέθησαν· οὐ γὰρ ὑπάρχοντες ἀλλ' ἀμυνόμενοι καὶ πολλὰ καὶ δεινὰ παθόντες τοιαύτην γνώμην ἔσχον περὶ ἡμᾶς·

τίς γὰρ ἂν ὑπέμεινε τὴν ἀσέλγειαν τῶν πατέρων τῶν ἡμετέρων, οἳ συναγαγόντες ἐξ ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος τοὺς ἀργοτάτους καὶ τοὺς ἁπασῶν τῶν πονηριῶν μετέχοντας, πληροῦντες τούτων τὰς τριήρεις, ἀπηχθάνοντο τοῖς Ἕλλησι, καὶ τοὺς μὲν βελτίστους τῶν ἐν ταῖς ἄλλαις πόλεσιν ἐξέβαλλον, τοῖς δὲ πονηροτάτοις τῶν Ἑλλήνων τἀκείνων διένεμον; [80] Ἀλλὰ γὰρ εἰ τολμήσαιμι περὶ τῶν ἐν ἐκείνοις τοῖς χρόνοις γενομένων ἀκριβῶς διελθεῖν, ὑμᾶς μὲν ἴσως ἂν ποιήσαιμι βέλτιον βουλεύσασθαι περὶ τῶν παρόντων, αὐτὸς δ' ἂν διαβληθείην· εἰώθατε γὰρ μισεῖν οὐχ οὕτω τοὺς αἰτίους τῶν ἁμαρτημάτων ὡς τοὺς κατηγοροῦντας αὐτῶν. [81] Τοιαύτην οὖν ὑμῶν γνώμην ἐχόντων, δέδοικα μὴ πειρώμενος ὑμᾶς εὐεργετεῖν αὐτὸς ἀπολαύσω τι φλαῦρον. Οὐ μὴν ἀποστήσομαι παντάπασιν ὧν διενοήθην, ἀλλὰ τὰ μὲν πικρότατα καὶ μάλιστ' ἂν ὑμᾶς λυπήσοντα παραλείψω, μνησθήσομαι δὲ τούτων μόνον ἐξ ὧν γνώσεσθε τὴν ἄνοιαν τῶν τότε πολιτευομένων.

[82] Οὕτω γὰρ ἀκριβῶς εὕρισκον ἐξ ὧν ἄνθρωποι μάλιστ' ἂν μισηθεῖεν, ὥστ' ἐψηφίσαντο τὸ περιγιγνόμενον ἐκ τῶν φόρων ἀργύριον, διελόντες κατὰ τάλαντον, εἰς τὴν ὀρχήστραν τοῖς Διονυσίοις εἰσφέρειν ἐπειδὰν πλῆρες ᾖ τὸ θέατρον· καὶ τοῦτ' ἐποίουν, καὶ παρεισῆγον τοὺς παῖδας τῶν ἐν τῷ πολέμῳ τετελευτηκότων, ἀμφοτέροις ἐπιδεικνύοντες τοῖς μὲν συμμάχοις τὰς τιμὰς τῆς οὐσίας αὐτῶν ὑπὸ μισθωτῶν εἰσφερομένης, τοῖς δ' ἄλλοις Ἕλλησι τὸ πλῆθος τῶν ὀρφανῶν καὶ τὰς συμφορὰς τὰς διὰ τὴν πλεονεξίαν ταύτην γιγνομένας. [83] Καὶ ταῦτα δρῶντες αὐτοί τε τὴν πόλιν εὐδαιμόνιζον, καὶ πολλοὶ τῶν νοῦν οὐκ ἐχόντων ἐμακάριζον αὐτήν, τῶν μὲν συμβήσεσθαι διὰ ταῦτα μελλόντων οὐδεμίαν ποιούμενοι πρόνοιαν, τὸν δὲ πλοῦτον θαυμάζοντες καὶ ζηλοῦντες, ὃς ἀδίκως εἰς τὴν πόλιν εἰσελθὼν καὶ τὸν δικαίως ὑπάρξαντα διὰ ταχέων ἤμελλε προσαπολεῖν. [84] Εἰς τοῦτο γὰρ κατὲστησαν τῶν μὲν οἰκείων ἀμελείας τῶν δ' ἀλλοτρίων ἐπιθυμίας, ὥστε Λακεδαιμονίων εἰσβεβληκότων εἰς τὴν χώραν καὶ τοῦ τείχους ἤδη τοῦ Δεκελειᾶσιν ἑστηκότος εἰς Σικελίαν τριήρεις ἐπλήρουν, καὶ οὐκ ᾐσχύνοντο τὴν μὲν πατρίδα τεμνομένην καὶ πορθουμένην περιορῶντες, ἐπὶ δὲ τοὺς οὐδὲν πώποτ' εἰς ἡμᾶς ἐξαμαρτόντας στρατιὰν ἐκπέμποντες, [85] ἀλλ' εἰς τοῦτ' ἀφροσύνης ἦλθον, ὥστε τῶν προαστείων τῶν οἰκείων οὐ κρατοῦντες Ἰταλίας καὶ Σικελίας καὶ Καρχηδόνος ἄρξειν προσεδόκησαν. Τοσοῦτον δὲ διήνεγκαν ἀνοίᾳ πάντων ἀνθρώπων, ὥστε τοὺς μὲν ἄλλους αἱ συμφοραὶ συστέλλουσι καὶ ποιοῦσιν ἐμφρονεστέρους, ἐκεῖνοι δ' οὐδ' ὑπὸ τούτων ἐπαιδεύθησαν. [86] Καίτοι πλείοσι καὶ μείζοσι περιέπεσον ἐπὶ τῆς ἀρχῆς ταύτης τῶν ἐν ἅπαντι τῷ χρόνῳ τῇ πόλει γεγενημένων. Εἰς Αἴγυπτον μέν γε διακόσιαι πλεύσασαι τριήρεις αὐτοῖς τοῖς πληρώμασι διεφθάρησαν, περὶ δὲ Κύπρον πεντήκοντα καὶ ἑκατόν· ἐν δὲ τῷ Δεκελεικῷ πολέμῳ μυρίους ὁπλίτας αὑτῶν καὶ τῶν συμμάχων ἀπώλεσαν, ἐν Σικελίᾳ δὲ τέτταρας μυριάδας καὶ τριήρεις τετταράκοντα καὶ διακοσίας, τὸ δὲ τελευταῖον ἐν Ἑλλησπόντῳ διακοσίας. [87] Τὰς δὲ κατὰ δέκα καὶ κατὰ πέντε καὶ πλείους τούτων ἀπολλυμένας καὶ τοὺς κατὰ χιλίους καὶ δισχιλίους ἀποθνήσκοντας τίς ἄν ἐξαριθμήσειεν; Πλήν ἓν ἦν τοῦτο τῶν ἐγκυκλίων, ταφὰς ποιεῖν καθ' ἕκαστον τὸν ἐνιαυτόν, εἰς ἃς πολλοὶ καὶ τῶν ἀστυγειτόνων καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων ἐφοίτων, οὐ συμπενθήσοντες τοὺς τεθνεῶτας ἀλλὰ συνησθησόμενοι ταῖς ἡμετέραις συμφοραῖς. [88] Τελευτῶντες δ' ἔλαθον σφᾶς αὐτοὺς τοὺς μὲν τάφους τοὺς δημοσίους τῶν πολιτῶν ἐμπλήσαντες, τὰς δὲ φρατρίας καὶ τὰ γραμματεῖα τὰ ληξιαρχικὰ τῶν οὐδὲν τῇ πόλει προσηκόντων. Γνοίη δ' ἄν τις ἐκεῖθεν μάλιστα τὸ πλῆθος τῶν ἀπολλυμένων· τὰ γὰρ γένη τῶν ἀνδρῶν τῶν ὀνομαστοτάτων καὶ τοὺς οἴκους τοὺς μεγίστους, οἳ καὶ τὰς τυραννικὰς στάσεις καὶ τὸν Περσικὸν πόλεμον διέφυγον, εὑρήσομεν ἐπὶ τῆς ἀρχῆς, ἧς ἐπιθυμοῦμεν, ἀναστάτους γεγενημένους. [89] Ὥστ' εἴ τις σκοπεῖσθαι βούλοιτο περὶ τῶν ἄλλων, ὥσπερ πρὸς δεῖγμα τοῦτ' ἀναφέρων, φανεῖμεν ἂν μικροῦ δεῖν ἀντηλλαγμένοι.

Καίτοι χρὴ πόλιν μὲν εὐδαιμονίζειν μὴ τὴν ἐξ ἁπάντων ἀνθρώπων εἰκῇ πολλοὺς πολίτας ἀθροίζουσαν, ἀλλὰ τὴν τὸ γένος τῶν ἐξ ἀρχῆς τὴν πόλιν οἰκισάντων μᾶλλον τῶν ἄλλων διασώζουσαν, ἄνδρας δὲ ζηλοῦν μὴ τοὺς τὰς τυραννίδας κατέχοντας μηδὲ τοὺς μείζω δυναστείαν τοῦ δικαίου κεκτημένους, ἀλλὰ τοὺς ἀξίους μὲν ὄντας τῆς μεγίστης τιμῆς, στέργοντας δ' ἐπὶ ταῖς ὑπὸ τοῦ πλήθους διδομέναις. [90] Ταύτης γὰρ ἕξιν οὔτ' ἀνὴρ οὔτε πόλις λαβεῖν ἂν δύναιτο σπουδαιοτέραν οὐδ' ἀσφαλεστέραν οὐδὲ πλείονος ἀξίαν· ἥνπερ οἱ περὶ τὰ Περσικὰ γενόμενοι σχόντες οὐχ ὁμοίως τοῖς λῃσταῖς ἐβίωσαν, τοτὲ μὲν πλείω τῶν ἱκανῶν ἔχοντες, τοτὲ δ' ἐν σιτοδείαις καὶ πολιορκίαις καὶ τοῖς μεγίστοις κακοῖς καθεστῶτες, ἀλλὰ περὶ μὲν τὴν τροφὴν τὴν καθ' ἡμέραν οὔτ' ἐν ἐνδείαις οὔτ' ἐν ὑπερβολαῖς, ὄντες, ἐπὶ δὲ τῇ τῆς πολιτείας δικαιοσύνῃ καὶ ταῖς ἀρεταῖς ταῖς αὑτῶν φιλοτιμούμενοι καὶ τὸν βίον ἥδιον τῶν ἄλλων διάγοντες. [91] Ὧν ἀμελήσαντες οἱ γενόμενοι μετ' ἐκείνους οὐκ ἄρχειν ἀλλὰ τυραννεῖν ἐπεθύμησαν, ἃ δοκεῖ μὲν τὴν αὐτὴν ἔχειν δύναμιν, πλεῖστον δ' ἀλλήλων κεχώρισται· τῶν μὲν γὰρ ἀρχόντων ἔργον ἐστὶ τοὺς ἀρχομένους ταῖς αὑτῶν ἐπιμελείαις ποιεῖν εὐδαιμονεστέρους, τοῖς δὲ τυράννοις ἔθος καθέστηκε τοῖς τῶν ἄλλων πόνοις καὶ κακοῖς αὑτοῖς ἡδονὰς παρασκευάζειν. Ἀνάγκη δὲ τοὺς τοιούτοις ἔργοις ἐπιχειροῦντας τυραννικαῖς καὶ ταῖς συμφοραῖς περιπίπτειν, καὶ τοιαῦτα πάσχειν οἷά περ ἂν καὶ τοὺς ἄλλους δράσωσιν. Ἃ καὶ τῇ πόλει συνέπεσεν· [92] ἀντὶ μὲν γὰρ τοῦ φρουρεῖν τὰς τῶν ἄλλων ἀκροπόλεις τῆς αὑτῶν ἐπεῖδον τοὺς πολεμίους κυρίους γενομένους· ἀντὶ δὲ τοῦ παῖδας ὁμήρους λαμβάνειν, ἀποσπῶντες ἀπὸ πατέρων καὶ μητέρων, πολλοὶ τῶν πολιτῶν ἠναγκάσθησαν τοὺς αὑτῶν ἐν τῇ πολιορκίᾳ χεῖρον παιδεύειν καὶ τρέφειν ἢ προσῆκεν αὐτοῖς· ἀντὶ δὲ τοῦ γεωργεῖν τὰς χώρας τὰς ἀλλοτρίας πολλῶν ἐτῶν οὐδ' ἰδεῖν αὐτοῖς ἐξεγένετο τὴν αὑτῶν.

[93] Ὥστ' εἴ τις ἡμᾶς ἐρωτήσειεν εἰ δεξαίμεθ' ἂν τοσοῦτον χρόνον ἄξαντες τοιαῦτα παθοῦσαν τὴν πόλιν ἐπιδεῖν, τίς ἂν ὁμολογήσειε, πλὴν εἴ τις παντάπασιν ἀπονενοημένος ἐστὶ καὶ μήθ' ἱερῶν μήτε γονέων μήτε παίδων μήτ' ἄλλου μηδενὸς φροντίζει πλὴν τοῦ χρόνου μόνον τοῦ καθ' ἑαυτόν; Ὧν οὐκ ἄξιον τὴν διάνοιαν ζηλοῦν, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον τῶν πολλὴν πρόνοιαν ποιουμένων, καὶ μηδὲν ἧττον ὑπὲρ τῆς κοινῆς δόξης ἢ τῆς ἰδίας φιλοτιμουμένων, καὶ προαιρουμένων μέτριον βίον μετὰ δικαιοσύνης μᾶλλον ἢ μέγαν πλοῦτον μετ' ἀδικίας. [94] Καὶ γὰρ οἱ πρόγονοι τοιούτους αὑτοὺς παρασχόντες τήν τε πόλιν εὐδαιμονεστάτην τοῖς ἐπιγιγνομένοις παρέδοσαν καὶ τῆς αὑτῶν ἀρετῆς ἀθάνατον τὴν μνήμην κατέλιπον. Ἐξ ὧν ἀμφότερα ῥᾴδιόν ἐστι καταμαθεῖν, καὶ τὴν χώραν ἡμῶν, ὅτι δύναται τρέφειν ἄνδρας ἀμείνους τῶν ἄλλων, καὶ τὴν καλουμένην μὲν ἀρχὴν οὖσαν δὲ συμφοράν, ὅτι πέφυκε χείρους ἅπαντας ποιεῖν τοὺς χρωμένους αὐτῇ.

[95] Μέγιστον δὲ τεκμήριον· οὐ γὰρ μόνον ἡμᾶς ἀλλὰ καὶ τὴν Λακεδαιμονίων πόλιν διέφθειρεν, ὥστε τοῖς εἰθισμένοις ἐπαινεῖν τὰς ἐκείνων ἀρετὰς οὐχ οἷόν τ' ἐστὶν εἰπεῖν τοῦτον τὸν λόγον, ὡς ἡμεῖς μὲν διὰ τὸ δημοκρατεῖσθαι κακῶς ἐχρησάμεθα τοῖς πράγμασιν, εἰ δὲ Λακεδαιμόνιοι ταύτην τὴν δύναμιν παρέλαβον, εὐδαίμονας ἂν καὶ τοὺς ἄλλους καὶ σφᾶς αὐτοὺς ἐποίησαν. Πολὺ γὰρ θᾶττον ἐν ἐκείνοις ἐπεδείξατο τὴν φύσιν τὴν αὑτῆς· τὴν γὰρ πολιτείαν ἣν ἐν ἑπτακοσίοις ἔτεσιν οὐδεὶς οἶδεν οὔθ' ὑπὸ κινδύνων οὔθ' ὑπὸ συμφορῶν κινηθεῖσαν, ταύτην ἐν ὀλίγῳ σαλεῦσαι καὶ λυθῆναι παρὰ μικρὸν ἐποίησεν. [96] Ἀντὶ γὰρ τῶν καθεστώτων παρ' αὐτοῖς ἐπιτηδευμάτων τοὺς μὲν ἰδιώτας ἐνέπλησεν ἀδικίας, ῥᾳθυμίας, ἀνομίας, φιλαργυρίας, τὸ δὲ κοινὸν τῆς πόλεως ὑπεροψίας μὲν τῶν συμμάχων, ἐπιθυμίας δὲ τῶν ἀλλοτρίων, ὀλιγωρίας δὲ τῶν ὅρκων καὶ τῶν συνθηκῶν. Τοσοῦτον γὰρ ὑπερεβάλοντο τοὺς ἡμετέρους τοῖς εἰς τοὺς Ἕλληνας ἁμαρτήμασιν, ὅσον πρὸς τοῖς πρότερον ὑπάρχουσι σφαγὰς καὶ στάσεις ἐν ταῖς πόλεσιν ἐποίησαν, ἐξ ὧν ἀειμνήστους τὰς ἔχθρας πρὸς ἀλλήλους ἕξουσιν. [97] Οὕτω δὲ φιλοπολέμως καὶ φιλοκινδύνως διετέθησαν, τὸν ἄλλον χρόνον πρὸς τὰ τοιαῦτα πεφυλαγμένως μᾶλλον τῶν ἄλλων ἔχοντες, ὥστε οὐδὲ τῶν συμμάχων οὐδὲ τῶν εὐεργετῶν ἀπέσχοντο τῶν σφετέρων αὐτῶν, ἀλλὰ βασιλέως μὲν αὐτοῖς εἰς τὸν πρὸς ἡμᾶς πόλεμον πλέον ἢ πεντακισχίλια τάλαντα παρασχόντος, Χίων δὲ προθυμότατα πάντων τῶν συμμάχων τῷ ναυτικῷ συγκινδυνευσάντων, [98] Θηβαίων δὲ μεγίστην δύναμιν εἰς τὸ πεζὸν συμβαλομένων, οὐκ ἔφθασαν τὴν ἀρχὴν κατασχόντες, καὶ Θηβαίοις μὲν εὐθὺς ἐπεβούλευσαν, ἐπὶ δὲ τὸν βασιλέα Κλέαρχον καὶ στρατιὰν ἀνέπεμψαν, Χίων δὲ τοὺς μὲν πρώτους τῶν πολιτῶν ἐφυγάδευσαν, τὰς δὲ τριήρεις ἐκ τῶν νεωρίων ἐξελκύσαντες ἁπάσας ὤχοντο λαβόντες.

[99] Οὐκ ἐξήρκεσε δ' αὐτοῖς ταῦτ' ἐξαμαρτεῖν, ἀλλὰ περὶ τοὺς αὐτοὺς χρόνους ἐπόρθουν μὲν τὴν ἤπειρον, ὕβριζον δὲ τὰς νήσους, ἀνῄρουν δὲ τὰς ἐν Ἰταλίᾳ καὶ Σικελίᾳ πολιτείας καὶ τυράννους καθίστασαν, ἐλυμαίνοντο δὲ τὴν Πελοπόννησον καὶ μεστὴν στάσεων καὶ πολέμων ἐποίησαν. Ἐπὶ ποίαν γὰρ τῶν πόλεων οὐκ ἐστράτευσαν; Ἢ περὶ τίνας αὐτῶν οὐκ ἐξήμαρτον; [100] Οὐκ Ἠλείων μὲν μέρος τι τῆς χώρας ἀφείλοντο, τὴν δὲ γῆν τὴν Κορινθίων ἔτεμον, Μαντινέας δὲ διῴκισαν, Φλιασίους δ' ἐξεπολιόρκησαν, εἰς δὲ τὴν Ἀργείων εἰσέβαλον, οὐδὲν δ' ἐπαύσαντο τοὺς μὲν ἄλλους κακῶς ποιοῦντες, αὑτοῖς δὲ τὴν ἧτταν τὴν ἐν Λεύκτροις παρασκευάζοντες; Ἥν φασί τινες αἰτίαν γεγενῆσθαι τῇ Ζπάρτῃ τῶν κακῶν, οὐκ ἀληθῆ λέγοντες· οὐ γὰρ διὰ ταύτην ὑπὸ τῶν συμμάχων ἐμισήθησαν, ἀλλὰ διὰ τὰς ὕβρεις τὰς ἐν τοῖς ἔμπροσθεν χρόνοις καὶ ταύτην ἡττήθησαν καὶ περὶ τῆς αὑτῶν ἐκινδύνευσαν. [101] Χρὴ δὲ τὰς αἰτίας ἐπιφέρειν οὐ τοῖς κακοῖς τοῖς ἐπιγιγνομένοις, ἀλλὰ τοῖς πρώτοις τῶν ἁμαρτημάτων, ἐξ ὧν ἐπὶ τὴν τελευτὴν ταύτην κατηνέχθησαν. Ὥστε πολὺ ἄν τις ἀληθέστερα τυγχάνοι λέγων, εἰ φαίη τότε τὴν ἀρχὴν αὐτοῖς γεγενῆσθαι τῶν συμφορῶν, ὅτε τὴν ἀρχὴν τῆς θαλάττης παρελάμβανον· ἐκτῶντο γὰρ δύναμιν οὐδὲν ὁμοίαν τῇ πρότερον ὑπαρχούσῃ. [102] Διὰ μὲν γὰρ τὴν κατὰ γῆν ἡγεμονίαν καὶ τὴν εὐταξίαν καὶ τὴν καρτερίαν τὴν ἐν αὐτῇ μελετωμένην ῥᾳδίως τῆς κατὰ θάλατταν δυνάμεως ἐπεκράτησαν, διὰ δὲ τὴν ἀκολασίαν τὴν ὑπὸ ταύτης τῆς ἀρχῆς αὐτοῖς ἐγγενομένην ταχέως κἀκείνης τῆς ἡγεμονίας ἀπεστερήθησαν. Οὐ γὰρ ἔτι τοὺς νόμους ἐφύλαττον οὓς παρὰ τῶν προγόνων παρέλαβον, οὐδ' ἐν τοῖς ἤθεσιν ἔμενον οἷς πρότερον εἶχον, [103] ἀλλ' ὑπολαβόντες ἐξεῖναι ποιεῖν αὑτοῖς ὅ τι ἂν βουληθῶσιν, εἰς πολλὴν ταραχὴν κατέστησαν. Οὐ γὰρ ᾔδεσαν τὴν ἐξουσίαν ἧς πάντες εὔχονται τυχεῖν, ὡς δύσχρηστός ἐστιν, οὐδ' ὡς παραφρονεῖν ποιεῖ τοὺς ἀγαπῶντας αὐτήν, οὐδ' ὅτι τὴν φύσιν ὁμοίαν ἔχει ταῖς ἑταίραις ταῖς ἐρᾶν μὲν αὑτῶν ποιούσαις, τοὺς δὲ χρωμένους ἀπολλυούσαις.

[104] Καίτοι φανερῶς ἐπιδέδεικται ταύτην ἔχουσα τὴν δύναμιν· τοὺς γὰρ ἐν πλείσταις ἐξουσίαις γεγενημένους ἴδοι τις ἂν ταῖς μεγίσταις συμφοραῖς περιπεπτωκότας, ἀρξαμένους ἀφ' ἡμῶν καὶ Λακεδαιμονίων. Αὗται γὰρ αἱ πόλεις καὶ πολιτευόμεναι πρότερον σωφρονέστατα καὶ δόξαν ἔχουσαι καλλίστην, ἐπειδὴ ταύτης ἔτυχον καὶ τὴν ἀρχὴν ἔλαβον, οὐδὲν ἀλλήλων διήνεγκαν, ἀλλ' ὥσπερ προσήκει τοὺς ὑπὸ τῶν αὐτῶν ἐπιθυμιῶν καὶ τῆς αὐτῆς νόσου διεφθαρμένους, καὶ ταῖς πράξεσι ταῖς αὐταῖς ἐπεχείρησαν καὶ τοῖς ἁμαρτήμασι παραπλησίοις ἐχρήσαντο καὶ τὸ τελευταῖον ὁμοίαις ταῖς συμφοραῖς περιέπεσον. [105] Ἡμεῖς τε γὰρ μισηθέντες ὑπὸ τῶν συμμάχων καὶ περὶ ἀνδραποδισμοῦ κινδυνεύσαντες ὑπὸ Λακεδαιμονίων ἐσώθημεν, ἐκεῖνοί τε πάντων αὐτοὺς ἀπολέσαι βουληθέντων ἐφ' ἡμᾶς καταφυγόντες δι' ἡμῶν τῆς σωτηρίας ἔτυχον. Καίτοι πῶς χρὴ τὴν ἀρχὴν ταύτην ἐπαινεῖν τὴν τὰς τελευτὰς οὕτω πονηρὰς ἔχουσαν; Ἢ πῶς οὐ μισεῖν καὶ φεύγειν τὴν πολλὰ καὶ δεινὰ ποιεῖν ἀμφοτέρας τὰς πόλεις ἐπάρασαν καὶ παθεῖν ἀναγκάσασαν;

[106] Οὐκ ἄξιον δὲ θαυμάζειν, εἰ τὸν ἄλλον χρόνον ἐλάνθανεν ἅπαντας τοσούτων οὖσα κακῶν αἰτία τοῖς ἔχουσιν αὐτήν, οὐδ' εἰ περιμάχητος ἦν ὑφ' ἡμῶν καὶ Λακεδαιμονίων· εὑρήσετε γὰρ τοὺς πλείστους τῶν ἀνθρώπων περὶ τὰς αἱρέσεις τῶν πραγμάτων ἁμαρτάνοντας, καὶ πλείους μὲν ἐπιθυμίας ἔχοντας τῶν κακῶν ἢ τῶν ἀγαθῶν, ἄμεινον δὲ βουλευομένους ὑπὲρ τῶν ἐχθρῶν ἢ σφῶν αὐτῶν. [107] Καὶ ταῦτ' ἴδοι τις ἂν ἐπὶ τῶν μεγίστων· τί γὰρ οὐχ οὕτω γέγονεν; Οὐχ ἡμεῖς μὲν τοιαῦτα προῃρούμεθα πράττειν, ἐξ ὧν Λακεδαιμόνιοι δεσπόται τῶν Ἑλλήνων κατέστησαν, ἐκεῖνοι δ' οὕτω κακῶς προὔστησαν τῶν πραγμάτων, ὥσθ' ἡμᾶς οὐ πολλοῖς ἔτεσιν ὕστερον πάλιν ἐπιπολάσαι καὶ κυρίους γενέσθαι τῆς ἐκείνων σωτηρίας; [108] Οὐχ ἡ μὲν τῶν ἀττικιζόντων πολυπραγμοσύνη λακωνίζειν τὰς πόλεις ἐποίησεν, ἡ δὲ τῶν λακωνιζόντων ὕβρις ἀττικίζειν τὰς αὐτὰς ταύτας ἠνάγκασεν; Οὐ διὰ μὲν τὴν τῶν δημηγορούντων πονηρίαν αὐτὸς ὁ δῆμος ἐπεθύμησε τῆς ὀλιγαρχίας τῆς ἐπὶ τῶν τετρακοσίων καταστάσης, διὰ δὲ τὴν τῶν τριάκοντα μανίαν ἅπαντες δημοτικώτεροι γεγόναμεν τῶν Θυλὴν καταλαβόντων; [109] Ἀλλὰ γὰρ ἐπὶ τῶν ἐλαττόνων καὶ τοῦ βίου τοῦ καθ' ἡμέραν ἐπιδείξειεν ἄν τις τοὺς πολλοὺς χαίροντας μὲν καὶ τῶν ἐδεσμάτων καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων τοῖς καὶ τὸ σῶμα καὶ τὴν ψυχὴν βλάπτουσιν, ἐπίπονα δὲ καὶ χαλεπὰ νομίζοντας ἀφ' ὧν ἀμφότερα ταῦτ' ἂν ὠφελοῖτο, καὶ καρτερικοὺς εἶναι δοκοῦντας τοὺς ἐν τούτοις ἐμμένοντας. [110] Οἵ τινες οὖν, ἐν οἷς ἀεὶ ζῶσι καὶ περὶ ὧν αὐτοῖς μᾶλλον μέλει, τὰ χείρω φαίνονται προαιρούμενοι, τί θαυμαστὸν εἰ περὶ τῆς ἀρχῆς τῆς κατὰ θάλατταν ἀγνοοῦσι καὶ μάχονται πρὸς ἀλλήλους, περὶ ἧς μηδεὶς πώποτε αὐτοῖς λογισμὸς εἰσῆλθεν;

[111] Ὁρᾶτε δὲ καὶ τὰς μοναρχίας τὰς ἐν ταῖς πόλεσι καθισταμένας, ὅσους ἔχουσι τοὺς ἐπιθυμητὰς καὶ τοὺς ἑτοίμους ὄντας ὁτιοῦν πάσχειν ὥστε κατασχεῖν αὐτάς· αἷς τί τῶν δεινῶν ἢ τῶν χαλεπῶν οὐ πρόσεστιν; Οὐκ εὐθὺς ἐπειδὰν λάβωσι τὰς δυναστείας, ἐν τοσούτοις ἐμπεπλεγμένοι κακοῖς εἰσιν, [112] ὥστ' ἀναγκάζεσθαι πολεμεῖν μὲν ἅπασι τοῖς πολίταις, μισεῖν δ' ὑφ' ὧν οὐδὲν κακὸν πεπόνθασιν, ἀπιστεῖν δὲ τοῖς φίλοις καὶ τοῖς ἑταίροις τοῖς αὑτῶν, παρακατατίθεσθαι δὲ τὴν τῶν σωμάτων σωτηρίαν μισθοφόροις ἀνθρώποις, οὓς οὐδὲ πώποτ' εἶδον, μηδὲν δ' ἧττον φοβεῖσθαι τοὺς φυλάττοντας ἢ τοὺς ἐπιβουλεύοντας, οὕτω δ' ὑπόπτως πρὸς ἅπαντας ἔχειν ὥστε μηδὲ τοῖς οἰκειοτάτοις θαρρεῖν πλησιάζοντας; [113] Εἰκότως· συνίσασι γὰρ τοὺς πρὸ αὑτῶν τετυραννευκότας τοὺς μὲν ὑπὸ τῶν γονέων ἀνῃρημένους, τοὺς δ' ὑπὸ τῶν παίδων, τοὺς δ' ὑπ' ἀδελφῶν, τοὺς δ' ὑπὸ γυναικῶν, ἔτι δὲ τὸ γένος αὐτῶν ἐξ ἀνθρώπων ἠφανισμένον. Ἀλλ' ὅμως ὑπὸ τοσαύτας τὸ πλῆθος συμφορὰς ἑκόντες σφᾶς αὐτοὺς ὑποβάλλουσιν. Ὅπου δ' οἱ πρωτεύοντες καὶ δόξας μεγίστας ἔχοντες τοσούτων κακῶν ἐρῶσι, τί δεῖ θαυμάζειν τοὺς ἄλλους, εἰ τοιούτων ἑτέρων ἐπιθυμοῦσιν;

[114] Οὐκ ἀγνοῶ δ' ὅτι τὸν μὲν περὶ τῶν τυράννων λόγον ἀποδέχεσθε, τὸν δὲ περὶ τῆς ἀρχῆς δυσκόλως ἀκούετε· πεπόνθατε γὰρ πάντων αἴσχιστον καὶ ῥᾳθυμότατον· ἃ γὰρ ἐπὶ τῶν ἄλλων ὁρᾶτε, ταῦτ' ἐφ' ὑμῶν αὐτῶν ἀγνοεῖτε. Καίτοι τῶν φρονίμως διακειμένων οὐκ ἐλάχιστον τοῦτο σημεῖόν ἐστιν, ἢν τὰς αὐτὰς πράξεις ἐπὶ πάντων τῶν ὁμοίων φαίνωνται γνωρίζοντες. [115] Ὧν ὑμῖν οὐδὲν πώποτ' ἐμέλησεν, ἀλλὰ τὰς μὲν τυραννίδας ἡγεῖσθε χαλεπὰς εἶναι καὶ βλαβερὰς οὐ μόνον τοῖς ἄλλοις ἀλλὰ καὶ τοῖς ἔχουσιν αὐτάς, τὴν δ' ἀρχὴν τὴν κατὰ θάλατταν μέγιστον τῶν ἀγαθῶν, τὴν οὐδὲν οὔτε τοῖς πάθεσιν οὔτε ταῖς πράξεσι τῶν μοναρχιῶν διαφέρουσαν. Καὶ τὰ μὲν Θηβαίων πράγματα πονηρῶς ἔχειν νομίζετε, ὅτι τοὺς περιοίκους ἀδικοῦσιν, αὐτοὶ δ' οὐδὲν βέλτιον τοὺς συμμάχους διοικοῦντες ἢ <>κεῖνοι τὴν Βοιωτίαν, ἡγεῖσθε πάντα τὰ δέοντα πράττειν.

[116] Ἢν οὖν ἐμοὶ πεισθῆτε, παυσάμενοι τοῦ παντάπασιν εἰκῇ βουλεύεσθαι προσέξετε τὸν νοῦν ὑμῖν αὐτοῖς καὶ τῇ πόλει, καὶ φιλοσοφήσετε καὶ σκέψεσθε τί τὸ ποιῆσάν ἐστι τὼ πόλη τούτω, λέγω δὲ τὴν ἡμετέραν καὶ τὴν Λακεδαιμονίων, ἐκ ταπεινῶν μὲν πραγμάτων ἑκατέραν ὁρμηθεῖσαν ἄρξαι τῶν Ἑλλήνων, ἐπεὶ δ' ἀνυπέρβλητον τὴν δύναμιν ἔλαβον, περὶ ἀνδραποδισμοῦ κινδυνεῦσαι· [117] καὶ διὰ τίνας αἰτίας Θετταλοὶ μέν, μεγίστους πλούτους παραλαβόντες καὶ χώραν ἀρίστην καὶ πλείστην ἔχοντες, εἰς ἀπορίαν καθεστήκασι, Μεγαρεῖς δέ, μικρῶν αὐτοῖς καὶ φαύλων τῶν ἐξ ἀρχῆς ὑπαρξάντων, καὶ γῆν μὲν οὐκ ἔχοντες οὐδὲ λιμένας οὐδ' ἀργυρεῖα, πέτρας δὲ γεωργοῦντες, μεγίστους οἴκους τῶν Ἑλλήνων κέκτηνται· [118] κἀκείνων μὲν τὰς ἀκροπόλεις ἄλλοι τινὲς ἀεὶ κατέχουσιν, ὄντων αὐτοῖς πλέον τρισχιλίων ἱππέων καὶ πελταστῶν ἀναριθμήτων, οὗτοι δὲ μικρὰν δύναμιν ἔχοντες τὴν αὑτῶν ὅπως βούλονται διοικοῦσιν· καὶ πρὸς τούτοις οἱ μὲν σφίσιν αὐτοῖς πολεμοῦσιν, οὗτοι δὲ μεταξὺ Πελοποννησίων καὶ Θηβαίων καὶ τῆς ἡμετέρας πόλεως οἰκοῦντες εἰρήνην ἄγοντες διατελοῦσιν. [119] Ἢν γὰρ ταῦτα καὶ τὰ τοιαῦτα διεξίητε πρὸς ὑμᾶς αὐτούς, εὑρήσετε τὴν μὲν ἀκολασίαν καὶ τὴν ὕβριν τῶν κακῶν αἰτίαν γιγνομένην, τὴν δὲ σωφροσύνην τῶν ἀγαθῶν.

Ἣν ὑμεῖς ἐπὶ μὲν τῶν ἰδιωτῶν ἐπαινεῖτε, καὶ νομίζετε τοὺς ταύτῃ χρωμένους ἀσφαλέστατα ζῆν καὶ βελτίστους εἶναι τῶν πολιτῶν, τὸ δὲ κοινὸν ἡμῶν οὐκ οἴεσθε δεῖν τοιοῦτο παρασκευάζειν. [120] Καίτοι προσήκει τὰς ἀρετὰς ἀσκεῖν καὶ τὰς κακίας φεύγειν πολὺ μᾶλλον ταῖς πόλεσιν ἢ τοῖς ἰδιώταις. Ἀνὴρ μὲν γὰρ ἀσεβὴς καὶ πονηρὸς τυχὸν ἂν φθάσειε τελευτήσας πρὶν δοῦναι δίκην τῶν ἡμαρτημένων· αἱ δὲ πόλεις διὰ τὴν ἀθανασίαν ὑπομένουσι καὶ τὰς παρὰ τῶν ἀνθρώπων καὶ τὰς παρὰ τῶν θεῶν τιμωρίας.

[121] Ὧν ἐνθυμουμένους χρὴ μὴ προσέχειν τὸν νοῦν τοῖς ἐν τῷ παρόντι μὲν χαριζομένοις, τοῦ δὲ μέλλοντος χρόνου μηδεμίαν ἐπιμέλειαν ποιουμένοις, μηδὲ τοῖς φιλεῖν μὲν τὸν δῆμον φάσκουσιν, ὅλην δὲ τὴν πόλιν λυμαινομένοις· ὡς καὶ πρότερον, ἐπειδὴ παρέλαβον οἱ τοιοῦτοι τὴν ἐπὶ τοῦ βήματος δυναστείαν, εἰς τοσαύτην ἄνοιαν προήγαγον τὴν πόλιν, ὥστε παθεῖν αὐτὴν οἷά περ ὀλίγῳ πρότερον ὑμῖν διηγησάμην. [122] Ἃ καὶ πάντων μάλιστ' ἄν τις θαυμάσειεν, ὅτι προχειρίζεσθε δημαγωγοὺς οὐ τοὺς τὴν αὐτὴν γνώμην ἔχοντας τοῖς μεγάλην τὴν πόλιν ποιήσασιν, ἀλλὰ τοὺς ὅμοια καὶ λέγοντας καὶ πράττοντας τοῖς ἀπολέσασιν αὐτήν, καὶ ταῦτ' εἰδότες οὐ μόνον ἐν τῷ ποιῆσαι τὴν πόλιν εὐδαίμονα τοὺς χρηστοὺς τῶν πονηρῶν διαφέροντας, [123] ἀλλὰ καὶ τὴν δημοκρατίαν ἐπὶ μὲν ἐκείνων ἐν πολλοῖς ἔτεσιν οὔτε κινηθεῖσαν οὔτε μεταστᾶσαν, ἐπὶ δὲ τούτων ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ δὶς ἤδη καταλυθεῖσαν, καὶ τὰς φυγὰς τὰς ἐπὶ τῶν τυράννων καὶ τὰς ἐπὶ τῶν τριάκοντα γενομένας οὐ διὰ τοὺς συκοφάντας κατελθούσας, ἀλλὰ διὰ τοὺς μισοῦντας τοὺς τοιούτους καὶ μεγίστην ἐπ' ἀρετῇ δόξαν ἔχοντας.

[124] Ἀλλ' ὅμως τηλικούτων ἡμῖν ὑπομνημάτων καταλελειμμένων ὡς ἐφ' ἑκατέρων αὐτῶν ἡ πόλις ἔπραττεν, οὕτω χαίρομεν ταῖς τῶν ῥητόρων πονηρίαις, ὥσθ' ὁρῶντες διὰ τὸν πόλεμον καὶ τὰς ταραχάς, ἃς οὗτοι πεποιήκασι, τῶν μὲν ἄλλων πολιτῶν πολλοὺς ἐκ τῶν πατρῴων ἐκπεπτωκότας, τούτους δ' ἐκ πενήτων πλουσίους γεγενημένους, οὐκ ἀγανακτοῦμεν οὐδὲ φθονοῦμεν ταῖς εὐπραγίαις αὐτῶν, [125] ἀλλ' ὑπομένομεν τὴν μὲν πόλιν διαβολὰς ἔχουσαν ὡς λυμαίνεται καὶ δασμολογεῖ τοὺς Ἕλληνας, τούτους δὲ τὰς ἐπικαρπίας λαμβάνοντας, καὶ τὸν μὲν δῆμον, ὅν φασιν οὗτοι δεῖν τῶν ἄλλων ἄρχειν, χεῖρον πράττοντα τῶν ταῖς ὀλιγαρχίαις δουλευόντων, οἷς δ' οὐδὲν ὑπῆρχεν ἀγαθόν, τούτους δὲ διὰ τὴν ἄνοιαν τὴν ἡμετέραν ἐκ ταπεινῶν εὐδαίμονας γεγενημένους. [126] Καίτοι Περικλῆς ὁ πρὸ τῶν τοιούτων δημαγωγὸς καταστάς, παραλαβὼν τὴν πόλιν χεῖρον μὲν φρονοῦσαν ἢ πρὶν κατασχεῖν τὴν ἀρχήν, ἔτι δ' ἀνεκτῶς πολιτευομένην, οὐκ ἐπὶ τὸν ἴδιον χρηματισμὸν ὥρμησεν, ἀλλὰ τὸν μὲν οἶκον ἐλάττω τὸν αὑτοῦ κατέλιπεν ἢ παρὰ τοῦ πατρὸς παρέλαβεν, εἰς δὲ τὴν ἀκρόπολιν ἀνήγαγεν ὀκτακισχίλια τάλαντα χωρὶς τῶν ἱερῶν. [127] Οὗτοι δὲ τοσοῦτον ἐκείνου διενηνόχασιν, ὥστε λέγειν μὲν τολμῶσιν ὡς διὰ τὴν τῶν κοινῶν ἐπιμέλειαν οὐ δύνανται τοῖς αὑτῶν ἰδίοις προσέχειν τὸν νοῦν, φαίνεται δὲ μὲν ἀμελούμενα τοσαύτην εἰληφότα τὴν ἐπίδοσιν, ὅσην οὐδ' ἂν εὔξασθαι τοῖς θεοῖς πρότερον ἠξίωσαν, τὸ δὲ πλῆθος ἡμῶν, οὗ κήδεσθαί φασιν, οὕτω διακείμενον ὥστε μηδένα τῶν πολιτῶν ἡδέως ζῆν μηδὲ ῥᾳθύμως, ἀλλ' ὀδυρμῶν μεστὴν εἶναι τὴν πόλιν. [128] Οἱ μὲν γὰρ τὰς πενίας καὶ τὰς ἐνδείας ἀναγκάζονται διεξιέναι καὶ θρηνεῖν πρὸς σφᾶς αὐτούς, οἱ δὲ τὸ πλῆθος τῶν προσταγμάτων καὶ τῶν λειτουργιῶν καὶ τὰ κακὰ τὰ περὶ τὰς συμμορίας καὶ τὰς ἀντιδόσεις· ἃ τοιαύτας ἐμποιεῖ λύπας, ὥστ' ἄλγιον ζῆν τοὺς τὰς οὐσίας κεκτημένους ἢ τοὺς συνεχῶς πενομένους.

[129] Θαυμάζω δ' εἰ μὴ δύνασθε συνιδεῖν ὅτι γένος οὐδέν ἐστι κακονούστερον τῷ πλήθει πονηρῶν ῥητόρων καὶ δημαγωγῶν· πρὸς γὰρ τοῖς ἄλλοις κακοῖς καὶ τῶν κατὰ τὴν ἡμέραν ἑκάστην ἀναγκαίων οὗτοι μάλιστα βούλονται σπανίζειν ὑμᾶς, ὁρῶντες τοὺς μὲν ἐκ τῶν ἰδίων δυναμένους τὰ σφέτερ' αὐτῶν διοικεῖν τῆς πόλεως ὄντας καὶ τῶν τὰ βέλτιστα λεγόντων, [130] τοὺς δ' ἀπὸ τῶν δικαστηρίων ζῶντας καὶ τῶν ἐκκλησιῶν καὶ τῶν ἐντεῦθεν λημμάτων ὑφ' αὑτοῖς διὰ τὴν ἔνδειαν ἠναγκασμένους εἶναι, καὶ πολλὴν χάριν ἔχοντας ταῖς εἰσαγγελίαις καὶ ταῖς γραφαῖς καὶ ταῖς ἄλλαις συκοφαντίαις ταῖς δι' αὑτῶν γιγνομέναις. [131] Ἐν οὖν ταῖς ἀπορίαις, ἐν αἷς αὐτοὶ δυναστεύουσιν, ἐν ταύταις ἥδιστ' ἂν ἴδοιεν ἅπαντας ὄντας τοὺς πολίτας. Τεκμήριον δὲ μέγιστον· οὐ γὰρ τοῦτο σκοποῦσιν, ἐξ οὗ τρόπου τοῖς δεομένοις βίον ἐκποριοῦσιν, ἀλλ' ὅπως τοὺς ἔχειν τι δοκοῦντας τοῖς ἀπόροις ἐξισώσουσιν.

[132] Τίς οὖν ἀπαλλαγὴ γένοιτ' ἂν τῶν κακῶν τῶν παρόντων; Διείλεγμαι μὲν τὰ πλεῖστα περὶ αὐτῶν τούτων, οὐκ ἐφεξῆς, ἀλλ' ὡς ἕκαστον τῷ καιρῷ συνέπιπτεν· μᾶλλον δ' ἂν ὑμῖν ἐγγένοιτο μνημονεύειν, εἰ συναγαγὼν τὰ μάλιστα κατεπείγοντα πάλιν ἐπανελθεῖν αὐτὰ πειραθείην.

[133] Ἔστι δ' ἐξ ὧν ἂν ἐπανορθώσαιμεν τὰ τῆς πόλεως καὶ βελτίω ποιήσαιμεν, πρῶτον μὲν ἢν συμβούλους ποιώμεθα τοιούτους περὶ τῶν κοινῶν, οἵους περ ἂν περὶ τῶν ἰδίων ἡμῖν εἶναι βουληθεῖμεν, καὶ παυσώμεθα δημοτικοὺς μὲν εἶναι νομίζοντες τοὺς συκοφάντας, ὀλιγαρχικοὺς δὲ τοὺς καλοὺς κἀγαθοὺς τῶν ἀνδρῶν, γνόντες ὅτι φύσει μὲν οὐδεὶς οὐδέτερον τούτων ἐστίν, ἐν ᾗ δ' ἂν ἕκαστοι τιμῶνται, ταύτην βούλονται καθεστάναι τὴν πολιτείαν·

[134] δεύτερον δ' ἢν ἐθελήσωμεν χρῆσθαι τοῖς συμμάχοις ὁμοίως ὥσπερ τοῖς φίλοις, καὶ μὴ λόγῳ μὲν αὐτονόμους ἀφιῶμεν, ἔργῳ δὲ τοῖς στρατηγοῖς αὐτοὺς ὅ τι ἂν βούλωνται ποιεῖν ἐκδιδῶμεν, μηδὲ δεσποτικῶς ἀλλὰ συμμαχικῶς αὐτῶν ἐπιστατῶμεν, ἐκεῖνο καταμαθόντες, ὅτι μιᾶς μὲν ἑκάστης τῶν πόλεων κρείττους ἐσμέν, [135] ἁπασῶν δ' ἥττους·

τρίτον ἢν μηδὲν περὶ πλείονος ἡγῆσθε, μετά γε τὴν περὶ τοὺς θεοὺς εὐσέβειαν, τοῦ παρὰ τοῖς Ἕλλησιν εὐδοκιμεῖν· τοῖς γὰρ οὕτω διακειμένοις ἑκόντες καὶ τὰς δυναστείας καὶ τὰς ἡγεμονίας διδόασιν.

[136] Ἢν οὖν ἐμμείνητε τοῖς εἰρημένοις, καὶ πρὸς τούτοις ὑμᾶς αὐτοὺς παράσχητε πολεμικοὺς μὲν ὄντας ταῖς μελέταις καὶ ταῖς παρασκευαῖς, εἰρηνικοὺς δὲ τῷ μηδὲν παρὰ τὸ δίκαιον πράττειν, οὐ μόνον εὐδαίμονα ποιήσετε ταύτην τὴν πόλιν, ἀλλὰ καὶ τοὺς Ἕλληνας ἅπαντας. [137] Οὐδὲ γὰρ ἄλλη τῶν πόλεων οὐδεμία τολμήσει περὶ αὐτοὺς ἐξαμαρτάνειν, ἀλλ' ὀκνήσουσι καὶ πολλὴν ἡσυχίαν ἄξουσιν, ὅταν ἴδωσιν ἐφεδρεύουσαν τὴν δύναμιν τὴν ἡμετέραν καὶ παρεσκευασμένην τοῖς ἀδικουμένοις βοηθεῖν. Οὐ μὴν ἀλλ' ὁπότερον ἂν ποιήσωσι, τό γ' ἡμέτερον καλῶς ἕξει καὶ συμφερόντως. [138] Ἤν τε γὰρ δόξῃ τῶν πόλεων ταῖς προεχούσαις ἀπέχεσθαι τῶν ἀδικημάτων, ἡμεῖς τούτων τῶν ἀγαθῶν τὴν αἰτίαν ἕξομεν· ἤν τ' ἐπιχειρῶσιν ἀδικεῖν, ἐφ' ἡμᾶς ἅπαντες οἱ δεδιότες καὶ κακῶς πάσχοντες καταφεύξονται, πολλὰς ἱκετείας καὶ δεήσεις ποιούμενοι, καὶ διδόντες οὐ μόνον τὴν ἡγεμονίαν ἀλλὰ καὶ σφᾶς αὐτούς. [139] Ὥστ' οὐκ ἀπορήσομεν μεθ' ὧν κωλύσομεν τοὺς ἐξαμαρτάνοντας, ἀλλὰ πολλοὺς ἕξομεν τοὺς ἑτοίμως καὶ προθύμως συναγωνιζομένους ἡμῖν. Ποία γὰρ πόλις ἢ τίς ἀνθρώπων οὐκ ἐπιθυμήσει μετασχεῖν τῆς φιλίας καὶ τῆς συμμαχίας τῆς ἡμετέρας, ὅταν ὁρῶσι τοὺς αὐτούς, ἀμφότερα, καὶ δικαιοτάτους ὄντας καὶ μεγίστην δύναμιν κεκτημένους, καὶ τοὺς μὲν ἄλλους σώζειν καὶ βουλομένους καὶ δυναμένους, αὐτοὺς δὲ μηδεμιᾶς βοηθείας δεομένους; [140] Πόσην δὲ χρὴ προσδοκᾶν ἐπίδοσιν τὰ τῆς πόλεως λήψεσθαι, τοιαύτης εὐνοίας ἡμῖν παρὰ τῶν ἄλλων ὑπαρξάσης; Πόσον δὲ πλοῦτον εἰς τὴν πόλιν εἰσρυήσεσθαι, δι' ἡμῶν ἁπάσης τῆς Ἑλλάδος σωζομένης; Τίνας δ' οὐκ ἐπαινέσεσθαι τοὺς τοσούτων καὶ τηλικούτων ἀγαθῶν αἰτίους γεγενημένους; [141] Ἀλλὰ γὰρ οὐ δύναμαι διὰ τὴν ἡλικίαν ἅπαντα τῷ λόγῳ περιλαβεῖν, ἃ τυγχάνω τῇ διανοίᾳ καθορῶν, πλὴν ὅτι καλόν ἐστιν ἐν ταῖς τῶν ἄλλων ἀδικίαις καὶ μανίαις πρώτους εὖ φρονήσαντας προστῆναι τῆς τῶν Ἑλλήνων ἐλευθερίας, καὶ σωτῆρας ἀλλὰ μὴ λυμεῶνας αὐτῶν κληθῆναι, καὶ περιβλέπτους ἐπ' ἀρετῇ γενομένους τὴν δόξαν τὴν τῶν προγόνων ἀναλαβεῖν.

[142] Κεφάλαιον δὲ τούτων ἐκεῖν' ἔχω λέγειν, εἰς ὃ πάντα τὰ προειρημένα συντείνει καὶ πρὸς ὃ χρὴ βλέποντας τὰς πράξεις τὰς τῆς πόλεως δοκιμάζειν. Δεῖ γὰρ ἡμᾶς, εἴπερ βουλόμεθα διαλύσασθαι μὲν τὰς διαβολὰς ἃς ἔχομεν ἐν τῷ παρόντι, παύσασθαι δὲ τῶν πολέμων τῶν μάτην γιγνομένων, κτήσασθαι δὲ τῇ πόλει τὴν ἡγεμονίαν εἰς τὸν ἅπαντα χρόνον, μισῆσαι μὲν ἁπάσας τὰς τυραννικὰς ἀρχὰς καὶ τὰς δυναστείας, ἀναλογισαμένους τὰς συμφορὰς τὰς ἐξ αὐτῶν γεγενημένας, ζηλῶσαι δὲ καὶ μιμήσασθαι τὰς ἐν Λακεδαίμονι βασιλείας. [143] Ἐκείνοις γὰρ ἀδικεῖν μὲν ἧττον ἔξεστιν ἢ τοῖς ἰδιώταις, τοσούτῳ δὲ μακαριστότεροι τυγχάνουσιν ὄντες τῶν βία τὰς τυραννίδας κατεχόντων, ὅσον οἱ μὲν τοὺς τοιούτους ἀποκτείναντες τὰς μεγίστας δωρεὰς παρὰ τῶν συμπολιτευομένων λαμβάνουσιν, ὑπὲρ ἐκείνων δ' οἱ μὴ τολμῶντες ἐν ταῖς μάχαις ἀποθνήσκειν ἀτιμότεροι γίγνονται τῶν τὰς τάξεις λειπόντων καὶ τὰς ἀσπίδας ἀποβαλλόντων. [144] Ἄξιον οὖν ὀρέγεσθαι τῆς τοιαύτης ἡγεμονίας. Ἔνεστι δὲ τοῖς πράγμασιν ἡμῶν τυχεῖν παρὰ τῶν Ἑλλήνων τῆς τιμῆς ταύτης, ἥνπερ ἐκεῖνοι παρὰ τῶν πολιτῶν ἔχουσιν, ἢν ὑπολάβωσι τὴν δύναμιν τὴν ἡμετέραν μὴ δουλείας ἀλλὰ σωτηρίας αἰτίαν αὑτοῖς ἔσεσθαι.

[145] Πολλῶν δὲ καὶ καλῶν λόγων ἐνόντων περὶ τὴν ὑπόθεσιν ταύτην, ἐμοὶ μὲν ἀμφότερα συμβουλεύει παύσασθαι λέγοντι, καὶ τὸ μῆκος τοῦ λόγου καὶ τὸ πλῆθος τῶν ἐτῶν τῶν ἐμῶν· τοῖς δὲ νεωτέροις καὶ μᾶλλον ἀκμάζουσιν ἢ ἐγὼ παραινῶ καὶ παρακελεύομαι τοιαῦτα καὶ λέγειν καὶ γράφειν, ἐξ ὧν τὰς μεγίστας τῶν πόλεων καὶ τὰς εἰθισμένας ταῖς ἄλλαις κακὰ παρέχειν προτρέψουσιν ἐπ' ἀρετὴν καὶ δικαιοσύνην, ὡς ἐν ταῖς τῆς Ἑλλάδος εὐπραγίαις συμβαίνει καὶ τὰ τῶν φιλοσόφων πράγματα πολλῷ βελτίω γίγνεσθαι.

 

VIII. DISCOURS SUR LA PAIX.

1. Tous les orateurs qui se présentent à cette tribune ont pour usage d'annoncer que les affaires sur lesquelles ils vont offrir des conseils sont les plus importantes et les plus dignes de fixer l'attention du pays; si jamais un tel exorde a pu être convenablement place, il me semble que c'est lorsqu'il s'agit des grands intérêts qui nous sont soumis aujourd'hui. [2] Nous sommes rassemblés pour délibérer sur la guerre et sur la paix; or la paix et la guerre exercent la plus grande influence sur la destinée des hommes, et ceux qui prennent  sur ces deux sujets des résolutions sagement calculées obtiennent nécessairement des avantages auxquels les autres ne peuvent atteindre. Telle est la grandeur de l'objet qui nous réunit en ce moment.

[3] 2. Je sais que vous n'écoutez point avec une égale impartialité ceux qui portent la parole devant vous ; qu'aux  uns vous accordez une attention bienveillante, tandis que nous ne supportez pas même la voix des autres. Nous ne faites en cela rien qui doive étonner, puisque autrefois vous aviez pour habitude de chasser tous les orateurs qui ne parlaient pas dans le sens de vos désirs.  [4] Mais il n'en est pas moins vrai que vous méritez de juste reproches parce que  sachant que des familles puissantes ont souvent péri victimes de la flatterie, el repoussant, lorsqu'il est question d'intérêts privés, ceux qui exercent une si funeste influence, vous n'êtes pas à leur égard dans les mêmes dispositions lorsqu'il s'agit des intérêts publics : d'une part, vous blâmez ceux qui recherchent de tels hommes et qui se plaisent dans leur intimité; et de l'autre, vous accordez à ces mêmes hommes plus de confiance qu'à tous les autres citoyens.     [5] C'est donc vous que l'on doit accuser, si les orateurs, au lieu de penser et de réfléchir à ce qui peut être utile à la république, ne sont occupés qu'a préparer des discours qui vous plaisent, et si maintenant ils se portent en foule vers les compositions de cette nature. Il est d'ailleurs évident que vous prenez plus de plaisir à écouter ceux qui vous exhortent à la guerre que ceux qui vous donnent des conseils de paix, [6] parce que les premiers vous font entrevoir l'espérance de recouvrer celles de nos possessions que retiennent les autres États, et de reprendre la puissance que nous avions autrefois; tandis que. loin de vous rien proposer de semblable, les seconds vous disent qu'il faut rester en repos, ne pas même souhaiter les plus grands avantages, lorsqu'ils sont en opposition avec la justice, et nous contenter de noire fortune présente, ce qui. pour la plupart des hommes est la chose la plus difficile de toutes. [7] Nous avons un tel besoin d'espérance, nous sommes si avides de ce qui nus paraît un accroissement de fortune, que ceux mêmes qui jouissent des plus grandes richesses ne veulent pas se tenir pour satisfaits, et que dominés sans cesse par le désir s'acquérir, ils s'exposent au hasard de perdre ce qu'ils possèdent.  Ce qui est surtout à craindre, c'est que nous nous laissions entraîner dans de pareilles erreurs ; [8] car il existe aujourd'hui parmi nous des hommes qui semblent se précipiter vers la guerre, non comme s'ils eussent reçu le conseil d'hommes sans importance, mais comme si les dieux leur avaient promis que, partout le succès couronnant nos efforts, il nous serait facile de triompher de nos ennemis. Les hommes sages ne doivent pas délibérer sur les affaires dont ils ont une connaissance complète; car c'est un soin superflu; ils doivent exécuter les résolutions qu'ils ont prises, et quant aux affaires sur lesquelles ils délibèrent, ils ne doivent pas se persuader qu'il leur appartient de connaître l'avenir, mais ils doivent procéder par conj cet ures, et s'en remettre pour l'événement à la décision de la fortune.

[9] 3. Or vous ne faites ni l'un ni l'autre, et votre esprit s'égare au milieu de la plus grande confusion. Tous vous êtes assemblés pour choisir, entre toutes les opinions, la plus utile au pays ; et, comme si vous saviez déjà d'une manière certaine le parti qu'il convient de prendre, vous ne voulez écouter que ceux qui parlent pour vous être agréables. [10] Si vous vouliez chercher ce qui est utile à votre patrie, il faudrait écouter les hommes qui parlent contre votre opinion, plutôt que ceux qui cherchent a vous plaire; car vous n'ignorez pas que, parmi les orateurs qui montent à cette tribune, ceux qui disent les choses que nous voulez entendre peuvent aisément vous tromper (tout discours prononcé dans l'intention de vous plaire jetant [11] sur ce qu'il y a de plus utile un voile qui le dérobe à vos yeux); tandis que vous n'avez rien à craindre de semblable de la pari des hommes dont les conseils n'ont pas pour but de flatter vos désirs, car ils ne peuvent nous faire changer, de résolution s'ils ne rendent pas évident ce qu'il y a de plus avantageux. Comment d'ailleurs pourrait-on bien juger le passé ou prendre de sages résolutions pour l'avenir, sans rapprocher, sans comparer les discours des orateurs qui soutiennent des opinions opposées, et sans les écouter tous avec une égale impartialité ?

[12] 4. Je m'étonne que les vieillards ne se souviennent plus et que les jeunes gens n'aient appris de personne que nous n'avons jamais éprouvé aucun malheur pour avoir suivi les conseils de ceux qui nous exhortaient à nous attacher à la paix, et que nous avons au contraire été précipités dans une suite de longues et cruelles calamités par les hommes qui se déterminaient facilement à la guerre. Mais ce sont des vérités dont nous ne gardons point la mémoire, et, oubliant les leçons du passé, nous sommes toujours prêts à équiper des galères, à lever des contributions, à secourir ou à attaquer les premiers qui se présentent, comme si les intérêts que nous mettons en péril étaient les intérêts d'une ville étrangère. La cause de cette erreur est que, [13] tandis qu'il serait convenable de soigner les intérêts de votre pays avec le même zèle que les vôtres, vous ne les envisagez pas de la même manière, et qu'après avoir pris pour conseillers, lorsque vous délibérez sur vos propres affaires, des hommes dont le jugement est supérieur au vôtre, le jour ou vous êtes assemblés pour traiter les affaires de la république. vous cessez de croire ces mêmes hommes, vous les poursuivez de votre jalousie, et, entourant de soins et d'égards les orateurs les plus pervers d'entre tous ceux qui montent à la tribune, vous vous persuadez que ceux qui se livrent à l'ivrognerie sont plus dévoués au peuple que les hommes sobres, les insensés plus que les sages,  ceux qui partagent entre eux les revenus publics plus que ceux qui sacrifient leur fortune pour le service de l'état; de sorte qu'on aurait droit de s'étonner si quelqu'un espérait qu'une ville abandonnée à de semblables conseillers put obtenir une situation meilleure.

[14] 5.  je crois qu'il est difficile de s'opposer devant vous à une opinion que vous avez adoptée, et que la liberté de parler, encore que nous vivions sous une démocratie, n'existe pas, si ce n'est, à la tribune, pour les hommes les plus insensés, pour les hommes qui vous méprisent, et, au théâtre, pour les poètes comiques. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est de vous voir accorder à ceux qui divulguent chez les autres Grecs les fautes de notre patrie une faveur refusée aux hommes qui vous rendent des services, et de vous voir irrités contre ceux qui vous reprennent et vous avertissent de vos erreurs, comme s'ils avaient causé quelque préjudice à l'État. [15] Quoi qu'il en soit, je ne me départirai pas de la résolution que j'ai prise. Je me suis présenté à cette tribune, non pour vous être agréable ou pour mendier des suffrages, mais pour vous dire ma pensée; d'abord, sur les objets que les prytanes ont soumis à votre délibération, ensuite sur les autres affaires de la république; car les résolutions que vous aurez adoptées relativement à la paix seront sans utilité, si vous ne délibérez pas avec une égale sagesse sur le reste de vos intérêts.

[16] 6. Je dis donc qu'il faut faire la paix, non seulement avec Chio, Rhodes et Byzance, mais avec tous les peuples, et ne pas établir pour conditions celles que l'on vient de vous proposer, mais celles qui se trouvent inscrites dans le traité conclu avec le Roi et les Lacédémoniens, traité qui porte que les Grecs se gouverneront par leurs lois, que les garnisons placées dans les villes étrangères en sortiront, et que chaque peuple restera maître de qui lui appartient. Jamais nous ne  trouveront de conditions plus justes,  plus utiles à notre pays.

[17] 7. Si je bornais là mon discours, je sais que je paraîtrais porter atteinte à notre dignité, puisque les Thébains conserveraient Platée, Thespies et les autres villes dont ils se sont emparés au mépris des serments. tandis qu'on nous verrait sans aucune nécessité sortir des villes que nous occupons ; mais, si vous voulez m'écouter avec attention jusqu'à la fin, je pense que vous condamnerez tous, comme atteints de stupidité et de folie, ceux qui croient que l'injustice est une source d'avantages, et ceux qui par la violence retiennent des villes étrangères, sans calculer les malheurs qui sont la conséquence ordinaire de pareils actes.

[18] 8. Telles sont les vérités que nous essayerons de vous démontrer dans toute la suite de ce discours. Parlons d'abord de ce qui concerne la paix, et nous examinerons ensuite ce que nous devons désirer pour nous-mêmes dans l'état présent des choses. Si nous établissons ces deux points avec prudence, avec sagesse, les yeux constamment fixés vers le but que nous voulons atteindre, nous délibérerons plus sûrement sur les objets qui nous resteront à traiter.

[19] 9. Ne nous suffirait-il donc pas d'habiter notre ville avec sécurité, et de vivre dans une abondance toujours croissante, de maintenir entre nous une parfaite harmonie et de posséder l'estime des Grecs? Pour moi, je suis convaincu que, si ces avantages nous étaient complètement assurés, notre patrie serait heureuse. La guerre seule nous a privés de tous ces biens ; c'est elle qui a diminué nos richesses ; c'est elle qui nous a forcés de vivre au milieu des dangers ; c'est elle qui nous a rendus odieux aux Grecs, et qui nous a accablés de calamités de toute nature. [20] Si nous faisons la paix, si nous exécutons les traités, nous vivrons dans une grande sécurité; affranchis des luttes, des combats et des troubles qui nous divisent aujourd'hui, nous ajouterons chaque jour à notre prospérité, nous cesserons de payer des contributions, d'armer des galères pour l'État, de supporter les autres sacrifices que la guerre nous impose ; délivrés de toute crainte, nous cultiverons nos champs, nous parcourrons les mers et nous reprendrons les travaux que la guerre a interrompus. [21] Nous verrons notre ville doubler ses revenus, et nous y verrons affluer les marchands, les étrangers qui viendront la visiter ou s'y établir, avantage dont maintenant elle est privée. Enfin, et ce résultat est de tous le plus important, nous compterons tous les peuples pour alliés, non par la contrainte et la violence, mais par l'ascendant de la persuasion; et, au lieu de nous accepter pour amis dans les temps de sécurité, à cause de notre puissance, sauf à nous abandonner dans le péril, ils seront en réalité pour nous ce que doivent être de fidèles alliés, de véritables amis. [22] J'ajoute que ce qu'il nous est impossible de recouvrer par la guerre et par des dépenses énormes, nous l'obtiendrons avec une grande facilité par de simples négociations. Ne croyez pas que Kersoblepte veuille nous déclarer la guerre à cause de la Chersonèse, ou Philippe pour Amphipolis, lorsqu'ils auront reconnu que nous ne convoitons plus les possessions étrangères. Aujourd'hui ils craignent, avec raison, de nous rendre voisins de leurs États, [23] parce qu'ils voient qu'au lieu d'être satisfaits de ce que nous avons, nous voulons ajouter sans cesse à notre puissance; mais, si nous changeons de système et si nous obtenons une meilleure renommée, ils s'abstiendront non seulement do toucher à notre territoire, mais ils nous donneront une partie de celui qui leur appartient, parce qu'ils trouveront, dans l'accroissement de notre puissance, l'avantage d'une garantie de sécurité pour leurs propres États. [24] Que dis-je? nous pourrons même occuper une partie de la Thrace assez grande pour nous assurer d'abondantes ressources, et pour nous permettre de procurer une existence suffisante aux Grecs que la misère force à mener une vie errante. N'est-il pas évident que, dans un pays où Athénodore et Callistrate, l'un simple particulier, l'autre exilé, ont pu fonder des villes, il nous sera possible de nous emparer, si nous le voulons, d'un grand nombre de positions qui nous offriront la même faculté? Il appartient à des hommes qui se croient dignes du premier rang parmi les Grecs, de se mettre à la tête de semblables entreprises, plutôt que de provoquer des guerres et d'entretenir des armées mercenaires, comme nous en éprouvons le désir maintenant.

[25] 10. Pour ce qui touche aux propositions apportées par les ambassadeurs, ce qui précède suffit, et pourtant il serait possible d'ajouter encore beaucoup de choses. Je crois que nous ne devons nous séparer qu'après avoir non seulement décrété la paix, mais délibéré sur les moyens de la rendre durable, afin de ne pas, selon notre coutume, après quelque temps écoulé, replonger notre pays dans les mêmes embarras, et qu'ainsi nous arriverons, non à un simple ajournement, mais à la délivrance des maux que nous souffrons. [26] Aucun de ces avantages ne peut se réaliser, si vous n'êtes pas convaincus que le repos est plus profitable et plus utile que l'agitation inquiète, l'équité plus que l'injustice, le soin de vos intérêts plus que le désir d'usurper des possessions étrangères. Mais ce sont là des vérités dont jamais aucun de vos orateurs n'a osé vous entretenir; et moi, je prétends leur consacrer la plus grande partie de mes discours, car j'aperçois dans ces vérités le gage d'une félicité que nous ne pouvons obtenir avec le système que nous suivons aujourd'hui. [27] Il est indispensable toutefois pour l'orateur qui entreprend de sortir du cercle des discussions ordinaires, et qui veut vous faire adopter des opinions nouvelles, d'aborder un grand nombre de questions, de donner un plus grand développement à ses paroles, de réveiller vos souvenirs, de blâmer certaines choses, d'en louer d'autres, d'offrir des conseils sur quelques-unes, et encore c'est à peine s'il parviendra, à l'aide de toutes ces ressources, à vous inspirer des pensées plus sages.

[28] 11. Telle est la vérité. Tous les hommes me paraissent désirer ce qui leur est utile, et vouloir s'assurer des avantages qui les élèvent au-dessus de leurs semblables ; mais tous ne connaissent pas les moyens d'y parvenir et diffèrent dans leurs opinions: les uns possèdent un jugement sain, capable d'apprécier ce qu'il faut faire; les autres manquent autant qu'il est possible le but qu'il faut atteindre. [29] C'est ce qui est arrivé à notre patrie. Nous nous sommes persuadés qu'en couvrant la mer de nos vaisseaux, en contraignant par la violence les villes à nous payer des tributs, à envoyer vers nous des hommes qui les représentent, nous faisions un calcul habile, et nous nous sommes gravement trompés ! Nous n'avons vu se réaliser aucune de nos espérances ; des haines, des guerres, des dépenses énormes, ont été pour nous les seuls fruits de cette politique, [30] et c'est avec raison, car, dès les premiers moments, l'ardeur qui nous portait à nous jeter au milieu des embarras et des affaires nous avait précipités dans les derniers dangers ; mais lorsque ensuite notre ville s'est montrée fidèle observatrice de la justice, et prête à secourir les opprimés, lorsqu'elle s'est abstenue de convoiter les possessions étrangères, les Grecs nous ont offert spontanément le droit décommander, ces mêmes Grecs, que maintenant et déjà depuis longtemps, sans raison comme sans prudence, nous accablons de nos mépris.

[31] 12. Quelques hommes eu sont venus à un tel point de démence que, tout en reconnaissant que l'injustice est blâmable, ils pensent qu'elle peut être utile aux intérêts journaliers de la vie et donner d'heureux résultats, tandis que, considérant la justice comme honorable en elle-même, ils la regardent comme privée de toute utilité et pouvant plutôt servir les autres que ceux qui la possèdent; [32] ignorant apparemment que, pour accroître sa fortune, pour acquérir de la gloire, pour réussir dans ses entreprises, pour s'assurer, en un mot, le bonheur sur la terre, rien ne donne autant de force que la vertu et tout ce qui s'y rapporte. C'est par les qualités de notre âme que nous obtenons les biens dont nous sentons le besoin, d'où il résulte que ceux qui négligent le soin de leur intelligence ne s'aperçoivent pas qu'ils laissent échapper eux-mêmes le véritable moyen de penser et d'agir plus sagement que les autres. [33] Je m'étonne que l'on puisse croire que ceux qui pratiquent la piété et la justice s'y attachent et y persévèrent avec la pensée de recueillir des résultats moins utiles que les méchants, et non avec la confiance d'obtenir des avantages plus grands de la part des dieux et des hommes. Pour moi, je suis convaincu que les premiers sont les seuls qui obtiennent les biens vraiment désirables, et que les autres réussissent dans les choses où le succès ne mérite pas d'être ambitionné. [34] Je vois d'ailleurs que ceux qui préfèrent l'injustice et qui regardent comme le plus grand des biens de s'emparer de ce qui appartient aux autres, sont comme les animaux que leur voracité a attirés dans un piège : ils commencent par jouir de la chose dont ils se sont rendus les maîtres, et bientôt après ils tombent dans l'excès du malheur; tandis que les hommes qui restent fidèles à la piété et à la justice vivent dans le présent avec sécurité, et se livrent, pour l'éternité tout entière, à de plus douces espérances. [35] Si les choses ne se produisent pas toujours ainsi, du moins la plupart du temps elles arrivent de cette manière, et comme il ne nous est pas donné de reconnaître toujours ce qui doit nous être le plus utile, la prudence veut que les hommes sages choisissent ce qui réussit le plus souvent. Rien donc ne me paraît plus opposé à la raison que l'opinion de ceux qui, regardant l'équité comme une règle de conduite plus noble que l'injustice et plus agréable aux dieux, croient cependant ceux qui lui restent fidèles moins heureux que ceux qui préfèrent l'iniquité.

[36] 13. Je voudrais qu'il fût également facile de louer la vertu et d'en faire observer les préceptes à ceux qui m'écoutent; mais je crains de parler en vain. Nous sommes, et depuis longtemps, corrompus par des hommes qui ne possèdent de puissance que pour tromper, et qui méprisent le peuple à tel point que lorsque, gagnés à prix d'argent, ils veulent allumer quelque guerre, ils osent lui dire qu'il faut imiter nos ancêtres, ne pas permettre qu'on se joue de notre puissance, et ne pas souffrir que la mer reste ouverte aux peuples qui refusent de nous payer des tributs.

[37] 14. Je demanderais volontiers à ces hommes quels sont, parmi nos ancêtres, ceux qu'ils nous conseillent d'imiter, et s'ils nous offrent pour modèles ceux qui vivaient à l'époque des guerres persiques, ou ceux qui gouvernaient l'État dans les temps qui ont précédé la guerre de Dêcélie. Si ce sont les derniers, de tels conseils ne nous conduiraient à rien moins qu'à nous exposer de nouveau au danger d'être réduits en esclavage, [38] et s'ils nous offrent, au contraire, pour exemple les vainqueurs de Marathon ou la génération qui les a précédés, comment ne seraient-ils pas les plus impudents des hommes, puisqu'en même temps qu'ils loueraient ceux qui nous gouvernaient alors, ils nous conseilleraient  d'adopter une conduite entièrement opposée  à celle qu'ils ont suivie, et à commettre des fautes telles que je suis incertain sur le parti que je dois prendre, ou de dire la vérité comme je l'ai fait pour tout le reste, ou de garder le silence dans la crainte de m'attirer votre haine ? Quoi qu'il en soit, il me semble préférable de parler, encore que je ne puisse pas ignorer que vous êtes plus disposés à vous irriter contre ceux qui vous reprochent vos fautes que contre les auteurs de vos maux.

15. Je rougirais [39] de paraître plus occupé de ma renommée que du salut de mon pays ; c'est donc un devoir pour moi, comme pour tous les hommes qui prennent soin des intérêts publics, de préférer aux discours les plus agréables ceux qui ont le plus d'utilité. Vous devez savoir d'abord que, s'il existe pour les maladies du corps des moyens de guérison divers et multipliés, dont les médecins ont découvert le secret, il n'existe, pour les esprits malades, pour les âmes remplies de funestes désirs, d'autre remède qu'une parole qui ose les réprimander; [40] et que, si l'ordre des médecins suffit pour nous faire supporter, afin d'éviter de plus grands maux, des opérations qui s'accomplissent par le feu et par le fer, rien ne serait plus contraire à la raison que de rejeter un discours avant de s'être assuré s'il n'aura pas la puissance d'être utile à ceux qui l'entendront.

[41] 16. Je vous ai présenté ces réflexions préliminaires parce que je dois vous entretenir avec un entier abandon, cl sans rien dissimuler, sur les objets qui me restent à traiter. Quel homme arrivant d'un pays étranger, n'ayant pas encore participé à notre corruption et se trouvant tout à coup placé au milieu de nos désordres, ne nous croirait tombés dans une sorte de fureur et de délire, nous qui nous enorgueillissons des œuvres de nos ancêtres, nous qui vantons notre patrie pour les grandes choses accomplies de leur temps, et qui, loin de les imiter, [42] marchons dans une voie absolument contraire ? Nos ancêtres faisaient aux Barbares une guerre incessante dans l'intérêt de la Grèce, tandis que nous avons appelé, pour les conduire contre les Grecs, les malfaiteurs qui vivaient aux dépens de l'Asie ; nos ancêtres, en donnant la liberté aux villes grecques, en les secourant dans leurs dangers, ont mérité d'être placés à leur tête; et nous, qui réduisons les villes en esclavage, nous qui faisons des actes contraires à ceux dont ils se glorifiaient, nous nous indignons de ne pas obtenir le même honneur ! [43] Nous sommes si loin des hommes de cette époque, par nos actions comme par nos sentiments, que, lorsqu'ils n'ont pas craint d'abandonner leur patrie pour le salut de la Grèce, qu'ils ont combattu les Barbares sur terre et sur mer, qu'ils les ont vaincus partout, nous ne voulons pas même exposer notre vie dans l'intérêt de notre ambition. Nous prétendons commander à tous les peuples, [44] et nous ne voulons pas prendre les armes ; nous entreprenons la guerre pour ainsi dire contre tous les peuples, et, au lieu de nous livrer aux exercices militaires, qui pourraient nous rendre capables de la soutenir, nous remplissons nos armées de transfuges, d'hommes sans patrie, de brigands qui affluent vers notre ville et qui marcheront contre nous avec celui qui leur offrira une solde meilleure. [45] Nous éprouvons pour ces misérables une telle sympathie que, si nos enfants avaient commis quelques fautes, nous refuserions d'en accepter la responsabilité, tandis que lorsqu'il s'agit des brigandages, des violences, des excès auxquels ces hommes se livrent, et dont le blâme retombe sur nous, loin de nous irriter, nous nous réjouissons d'entendre dire qu'ils ont commis quelque crime de cette nature. [46] Nous en sommes arrivés à un tel point de folie que, manquant nous-mêmes du nécessaire de chaque jour, nous faisons les derniers efforts pour entretenir des mercenaires, et nous opprimons nos alliés, nous les chargeons de tributs pour assurer le salaire de ces communs ennemis de tous les hommes. [47] Nous sommes tellement inférieurs à nos ancêtres, non seulement à ceux qui se sont couverts de gloire, mais à ceux qui ont encouru la haine des Grecs, que, lorsqu'ils avaient décrété d'entreprendre quelque guerre, ils regardaient comme un devoir, bien que l'acropole regorgeât d'argent et d'or, de s'exposer au danger pour assurer le succès de leur résolution; tandis que maintenant, dans l'état de pauvreté où nous sommes réduits, et lorsque nous possédons une population si nombreuse, on nous voit, à l'exemple du Grand Roi, recruter nos armées avec des soldats mercenaires. [48] Lorsqu'ils armaient des galères, ils embarquaient, pour le service maritime, les étrangers et les esclaves, et envoyaient les citoyens armés combattre l'ennemi; tandis qu'aujourd'hui, couvrant les soldats étrangers de nos armures, nous forçons les citoyens à ramer sur les galères; et lorsque nous descendons sur le territoire ennemi, ces hommes, qui prétendent commander à. la Grèce, se montrent sur le rivage emportant sous leur bras le coussin du rameur, pendant que les misérables dont je viens de présenter le tableau s'avancent au combat les armes à la main.

[49] 17. Si cependant on nous voyait administrer avec sagesse le gouvernement intérieur de notre ville, on pourrait peut-être s'abandonner à la confiance pour le reste de nos intérêts; mais n'est-ce pas sous ce rapport que l'on doit avant tout s'indigner? Nous nous enorgueillissons d'être nés sur la terre que nous habitons ; nous prétendons que notre ville a été bâtie avant toutes les autres, et, lorsque nous devrions offrir à tous les peuples le modèle d'un gouvernement sage et régulier, nous administrons notre ville avec plus de désordre et de confusion qu'un peuple qui viendrait de jeter à l'instant les fondements d'une nouvelle patrie. [50] Nous sommes fiers de notre origine ; nous nous croyons, à cet égard, très supérieurs aux autres peuples, et nous admettons les premiers qui se présentent à partager cette illustration avec plus de facilité que ne le font les Triballes et les Lucaniens pour leur obscure nationalité. Nous faisons une multitude de lois, et nous les respectons si peu (un seul exemple vous permettra d'apprécier tout le reste), que, dans un pays où la peine de mort est établie contre le citoyen convaincu d'avoir acheté des suffrages, nous choisissons pour commander nos armées ceux qui se sont rendus le plus ouvertement coupables de ce crime; de sorte que l'homme qui a pu corrompre le plus grand nombre de citoyens est celui que nous chargeons de veiller sur nos plus grands intérêts. [51] Nous ressentons pour la forme de notre gouvernement la même sollicitude que pour le salut de la ville entière; nous savons que la démocratie s'accroît et se perpétue dans le repos et dans la sécurité; nous savons que déjà deux fois la nôtre a péri par la guerre, et néanmoins nous éprouvons la même colère contre ceux qui désirent la paix que contre les fauteurs de l'oligarchie, en même temps que nous considérons les hommes qui nous excitent à la guerre comme dévoues au gouvernement populaire. [52] Plus que les autres nations, nous possédons le don de la parole et l'expérience des affaires, et nous avons si peu de raison que nous ne conservons pas même un jour la même opinion sur les mêmes objets ; que, réunis, nous approuvons par nos suffrages ce que nous condamnions avant de nous assembler, et qu'à peine séparés, nous condamnons de nouveau ce que nous avons voté sur la place publique. Nous avons la prétention d'être les plus sages des Grecs, et, prenant pour conseillers des hommes que tout le monde méprise, nous plaçons à la tête des affaires publiques ces mêmes hommes auxquels personne ne voudrait confier le soin de ses intérêts privés. [53] Mais voici ce qu'il y a de plus déplorable : nous considérons comme les gardiens les plus fidèles de nos intérêts les hommes qui, de notre aveu, sont les plus pervers entre tous les citoyens; et quand nous jugeons les étrangers qui viennent habiter parmi nous, d'après ceux qu'ils choisissent pour protecteurs, nous nous refusons à croire que notre réputation sera analogue à celle des hommes qui nous gouvernent. [54] Enfin nous différons tellement de nos ancêtres, que ceux-ci confiaient le commandement de leurs armées aux mêmes hommes qu'ils investissaient du gouvernement de l'État, convaincus que celui qui peut donner les meilleurs conseils du haut de la tribune prendra aussi les meilleures résolutions le jour où il agira d'après les inspirations de son génie ; nous, au contraire, [55] évitant de désigner pour généraux, comme s'ils étaient des insensés, ceux dont nous suivons les avis dans les affaires les plus importantes, nous envoyons de préférence pour commander nos armées, avec des pouvoirs illimités, des hommes que personne ne voudrait consulter ni sûr les intérêts publics, ni sur sep intérêts particuliers ; comme si, dans cette position, de tels hommes devaient être plus sages qu'ils ne le sont au milieu de nous, et qu'il leur fut plus facile d'apprécier les intérêts généraux de la Grèce que les questions discutées dans nos assemblées! [56] Mes paroles ne s'adressent pas à tous, elles s'adressent à ceux qui sont coupables des choses que je viens d'indiquer. Ce qui reste de jour ne me suffirait pas, si je voulais rechercher toutes les fautes qui ont été commises dans la conduite de nos affaires.

[57] 18. Peut-être quelqu'un parmi ceux qui se sentent plus spécialement atteints par mes paroles demandera-t-il, dans son indignation, comment, lorsque nous suivons de si funestes conseils, nous échappons à leurs conséquences, et comment nous avons pu acquérir une puissance qui n'est inférieure à celle d'aucune autre ville. A cela je répondrai que nous avons des adversaires qui ne sont pas plus sages que nous. [58] Et en effet, si les Thébains, après la victoire qu'ils ont remportée sur les Lacédémoniens, avaient affranchi le Péloponnèse ; s'ils avaient donné aux Grecs la liberté de se gouverner conformément à leurs lois,, qu'ils fussent ensuite restés paisibles, et que, d'un autre côté, nous eussions fait les fautes que nous avons faites, on n'aurait pas eu à m'adresser cette question, et nous eussions reconnu à quel point les conseils de la prudence sont préférables à ceux d'une ambition inquiète. [59] Aujourd'hui, la situation des affaires a tellement changé, que les Thébains nous sauvent, et que nous sauvons les Thébains ; qu'ils nous donnent des auxiliaires et que nous leur en donnons. De telle sorte que, si nous étions sages, nous nous accorderions mutuellement des subsides pour convoquer des assemblées, parce que ceux qui se réunissent le plus souvent font prospérer les affaires de leurs rivaux. [60] Les hommes, et même ceux qui ne possèdent qu'une intelligence ordinaire, ne doivent pas fonder l'espoir de leur salut sur les fautes de leurs ennemis, mais ils doivent se confier dans leurs propres ressources et dans la sagesse de leurs conseils. Le bien qui nous arrive par les fausses combinaisons de nos adversaires peut facilement cesser ou se changer en mal ; celui qui vient de nous-mêmes est plus solide et plus durable.

[61] 19. Il n'est pas difficile de réfuter ceux qui critiquent au hasard; mais si quelqu'un, doué d'un esprit plus sensé, se présentait à moi, et, après avoir reconnu que je dis la vérité et que je blâme avec justice les choses qui se sont passées, ajoutait que ceux qui donnent des avis inspirés par la bienveillance ne doivent pas seulement incriminer les faits accomplis, [62] mais qu'ils doivent encore, après nous avoir indiqué ce qu'il faut faire comme ce qu'il convient d'éviter, nous donner des conseils à l'aide desquels nous puissions corriger notre opinion et notre conduite : un tel discours me mettrait dans l'embarras pour y faire une réponse, non pas vraie, non pas utile, mais qui fût de nature à vous plaire. Néanmoins, puisque j'ai entrepris de vous parler ouvertement, je n'hésiterai pas à m'expliquer, même sur ce sujet.

[63] 20. Nous avons indiqué tout à l'heure les qualités qui doivent exister chez les hommes pour qu'ils puissent être heureux : la piété, la sagesse, la justice et tout ce qui constitue la vertu. Quant aux institutions qui peuvent nous conduire le plus rapidement au but, ce que je dirai sera vrai, mais pourra vous sembler sévère lorsque vous l'entendrez, et à beaucoup d'égards éloigné de l'opinion commune.

[64] 21. Je crois que nous administrerons mieux notre ville, que nous deviendrons nous-mêmes meilleurs, et que nous obtiendrons des succès dans toutes nos affaires, si nous cessons d'aspirer à la suprématie sur la mer. C'est elle qui a produit les troubles au milieu desquels nous vivons ; qui a dissous la démocratie, sous l'empire de laquelle nos ancêtres ont été les plus heureux des Grecs; c'est elle qui est la cause de presque tous les maux que nous souffrons et de ceux que nous faisons souffrir aux autres. [65] Je sais qu'il est difficile de paraître s'exprimer d'une manière supportable, quand on accuse une domination objet de tous les vœux, but de tous les efforts ; mais puisque jusqu'ici vous avez consenti à entendre des paroles qui, bien qu'elles fussent vraies,pouvaient vous sembler odieuses, je vous demande de m'accorder encore la même tolérance [66] et de ne pas me condamner comme assez insensé pour avoir voulu vous entretenir d'objets aussi contraires à l'opinion générale, si je n'avais pas la vérité pour appui de mes assertions. J'ai d'ailleurs la ferme confiance de rendre évident pour tous que cette suprématie, à laquelle nous aspirons, n'est ni juste, ni possible, ni avantageuse pour nous.

[67] 22. Qu'ainsi donc cette domination ne soit pas juste, instruit par vous, je puis vous instruire à mon tour. Lorsque les Lacédémoniens possédaient la suprématie sur la mer, que de paroles n'avons-nous pas fait entendre pour accuser leur domination et pour montrer que les Grecs avaient le droit de se gouverner par leurs lois ! [68] Quelle est, parmi les villes de la Grèce possédant quelque puissance, celle que nous n'avons pas exhortée à entrer dans la coalition formée en vue de ces principes? Combien de fois n'avons-nous pas envoyé des ambassades au Grand Roi pour lui représenter qu'il n'était ni juste ni utile qu'une seule ville dominât la Grèce entière ! Enfin nous n'avons pas cessé de faire la guerre et de tenter, sur terre et sur mer, la fortune des combats, aussi longtemps que les Lacédémoniens n'ont pas consenti à reconnaître par un traité l'indépendance des Grecs.

[69] 23. Par conséquent, nous avons déclaré alors qu'il était contraire à l'équité que les plus forts commandassent aux plus faibles, et nous le déclarons encore aujourd'hui par la forme et la nature de notre gouvernement. Quant à l'impossibilité où nous sommes de constituer pour nous cette suprématie, je crois pouvoir l'établir en peu de mots. Si, avec dix mille talents, nous n'avons pas été en état de la conserver, comment pourrions-nous la reconquérir dans l'état d'épuisement où nous sommes, lorsque surtout les mœurs qui nous l'avaient fait obtenir sont remplacées par celles qui nous l'ont fait perdre ?

[70] 24. Il me semble qu'il vous sera facile de reconnaître par ce qui suit que, lors même que cette suprématie nous serait offerte, il ne serait pas utile à la république de l'accepter. Mais je préfère auparavant vous soumettre encore quelques observations sur ce sujet ; car je crains, en multipliant les reproches, de paraître, aux yeux de quelques personnes, avoir formé le dessein d'accuser la république.

[71] 25. Si j'entreprenais de m'expliquer comme je le fais devant un autre auditoire, je pourrais, avec quelque apparence de raison, encourir un tel reproche; mais c'est à vous-mêmes que je m'adresse, et je n'ai pas le désir de vous accuser devant des étrangers; mon but est uniquement de vous faire renoncer à un faux système et de vous amener, vous et les autres Grecs, à une paix durable, objet de tout ce discours. [72] Les hommes qui avertissent et les hommes qui accusent sont obligés d'employer à peu près les mêmes expressions, quoique leurs sentiments soient aussi opposés que possible. Vos dispositions ne doivent donc pas être les mêmes pour des orateurs qui disent des choses semblables; vous devez haïr comme des ennemis publics ceux qui profèrent des injures avec la pensée de vous nuire, tandis (me vous devez, louer et considérer comme les meilleurs citoyens ceux qui vous avertissent pour votre utilité. [73] Vous devez même estimer d'une manière toute spéciale celui qui peut vous montrer avec le plus d'évidence les fautes que vous avez commises et les malheurs qui en ont été le résultat; car c'est lui qui pourra le plus promptement vous amener à répudier ce qui doit l'être, à rechercher ce qui peut le mieux vous servir.  Voilà ce que j'ai cru devoir vous dire sur la sévérité de mes paroles, tant pour celles qui ont été prononcées, que pour celles qui doivent l'être. Je reviens au point d'où je suis parti.

[74] 26. Je disais que vous pourriez reconnaître de la manière la plus évidente qu'il ne vous serait pas avantageux de vous emparer de la suprématie sur la mer, si vous vouliez examiner quelle était la position de la république avant d'avoir acquis cette puissance, et ce qu'elle a été après l'avoir obtenue ; car si vous rapprochez les deux situations par la pensée, vous reconnaîtrez combien de malheurs cette suprématie a causés à notre pays.

[75] 27. Notre système de gouvernement était, dans les temps anciens, pour l'utilité comme pour la puissance, aussi supérieur à celui qui a clé établi ensuite, qu'Aristide, Thémistocle et Miltiade étaient au-dessus d'Hyperbolus, de Cléophon et des hommes qui flattent aujourd'hui le peuple; vous trouverez en effet que le peuple qui décidait alors des intérêts publics n'était pas livré au désœuvrement, à la misère et aux vaines espérances, [76] mais qu'il savait vaincre sur le champ de bataille tous ceux qui envahissaient le territoire de la république; qu'il méritait le prix de la valeur dans les dangers auxquels il s'exposait pour l'intérêt de la Grèce ; et qu'il inspirait une telle confiance au dehors, que la plupart des villes se remettaient spontanément entre ses mains. [77] Les choses étaient dans cet état, lorsque renonçant à une politique admirée de tout l'univers, l'empire de la mer nous conduisit à un excès de licence que personne ne voudrait louer. Les citoyens formés sous cette influence, au lieu de vaincre ceux qui nous attaquaient, n'osaient plus franchir leurs remparts pour combattre l'ennemi ; [78] au lieu de la bienveillance qu'ils obtenaient de la part de nos alliés et de la renommée dont ils jouissaient parmi les autres Grecs, ce même empire de la mer les rendit l'objet d'une telle haine, que notre ville était au moment de se voir réduite en esclavage, si nous n'eussions rencontré dans les Lacédémoniens, nos anciens ennemis, des dispositions plus favorables que dans nos anciens alliés. [79] Certes, nous n'avons pas le droit d'adresser des reproches à ces derniers pour l'inimitié qu'ils nous portaient ; car ils n'avaient point été les agresseurs, ils n'avaient fait que se défendre, et c'était après avoir souffert des torts graves et multipliés, qu'ils avaient conçu pour nous des sentiments aussi hostiles. 

28. Comment aurait-on pu supporter l'insolence de nos pères qui s'étaient attiré la haine des Grecs en rassemblant de toutes les parties de la Grèce les hommes les plus lâches, les plus souillés de crimes, pour en former les équipages de leurs vaisseaux ; qui chassaient des villes les citoyens les plus recommandables, et distribuaient leurs biens aux plus scélérats des Grecs? [80] Mais si je me hasardais à entrer dans le détail des faits qui se sont produits alors, peut-être, en cherchant à vous persuader de suivre aujourd'hui de meilleurs conseils, deviendrais-je moi-même l'objet de vos accusations, car vous avez, pour usage de porter moins de haine aux auteurs de vos fautes qu'à ceux qui les blâment. [81] J'ai donc lieu de craindre, en vous voyant dans une telle disposition, qu'en cherchant à nous servir je ne recueille quelque fruit amer de mon dévouement. Toutefois je ne me départirai pas entièrement de ma résolution : je passerai sous silence ce qui serait trop pénible et surtout trop blessant pour vous, et je rappellerai seulement des faits qui vous serviront à connaître la folie des hommes qui nous gouvernaient alors.

[82] 29. Ces hommes mettaient un tel soin à rechercher tout ce qui pouvait exaspérer la haine, qu'un jour ils ordonnèrent, par un décret, de diviser en parties d'un talent chacune l'argent qui restait des tributs levés sur les alliés, et de le transporter, pendant les fêtes de Bacchus, sur l'orchestre, lorsque le théâtre serait rempli de spectateurs ; et en même temps qu'un tel ordre s'exécutait, ils introduisaient les enfants des citoyens qui avaient péri à la guerre, faisant voir d'une part, aux alliés, la valeur des richesses qui leur avaient été enlevées et qu'apportaient des mercenaires; de l'autre, montrant aux Grecs, dans la multitude des orphelins, les malheurs qu'avait produits une ambitieuse cupidité. [83] Et tandis qu'ils agissaient ainsi, ils vantaient le bonheur de leur patrie, qu'une foule insensée exaltait sans aucune prévoyance d'un avenir inévitable, admirant avec envie une opulence obtenue par l'injustice, et destinée à entraîner bientôt dans sa ruine les richesses légitimement acquises. [84] Ils en étaient venus à un tel point d'indifférence pour leur fortune personnelle, d'avidité pour celle des autres, qu'à l'époque où les Lacédémoniens envahissaient l'Attique, et lorsque déjà les fortifications de Décélie étaient élevées, ils équipaient des galères pour porter la guerre en Sicile, ne rougissant pas de voir leur pays dévasté et saccagé sous leurs yeux, en même temps qu'ils envoyaient une armée contre des peuples qui jamais ne nous avaient offensés : [85] leur aberration était si grande que, n'étant pas même les maîtres des faubourgs de leur ville, ils se croyaient au moment d'établir leur domination sur l'Italie, la Sicile et Carthage. Leur folie dépassait tellement celle du reste des mortels, que les malheurs qui font rentrer les hommes en eux-mêmes, qui les rendent plus circonspects, ne leur apportaient aucun enseignement. [86] Et cependant, cette suprématie maritime leur avait apporté des calamités plus grandes et plus nombreuses que celles qui avaient frappé notre ville dans tout le cours de son existence. Deux cents galères à trois rangs de rames avaient fait voile vers l'Égypte, et elles y avaient trouvé leur perte avec les équipages qui les montaient : cent cinquante avaient été anéanties autour de Cypre; dix mille hoplites, les uns citoyens d'Athènes, les autres alliés de la république, avaient trouvé la mort à Datos ; quarante mille avaient succombé en Sicile avec deux cent quarante galères, et récemment deux cents galères avaient péri dans l'Hellespont. [87] Qui pourrait compter en outre les vaisseaux perdus par cinq, par dix, ou môme en plus grand nombre, les hommes tombés sous le fer de l'ennemi par mille, par deux mille? Bien plus, chaque année voyait se renouveler les cérémonies funèbres auxquelles venaient assister un grand nombre de nos voisins, ainsi que beaucoup d'autres Grecs, moins pour pleurer les morts avec nous, que pour se réjouir ensemble de nos malheurs. [88] Enfin ils ne s'apercevaient pas que, tandis que les citoyens remplissaient les sépultures publiques, les tableaux des tribus, les registres de l'État se couvraient de noms portés par des hommes que rien n'attachait à la patrie. Voici un fait qui pourrait servir à juger l'immensité de nos perles. Les races des hommes les plus célèbres et les plus nobles familles, qui avaient échappé aux luttes contre la tyrannie et à la guerre persique, ont disparu sous l'empire de celte suprématie que nous désirons encore. [89] Si donc on voulait, par les familles dont je parle, juger des autres, on trouverait que nous sommes un peuple pour ainsi dire renouvelé.

30. Il faut considérer comme heureuse, non pas la ville qui a rassemblé au hasard dans son enceinte des citoyens empruntés à toutes les nations, mais celle qui a conservé, plus que les autres, la race de ses premiers fondateurs ; il ne faut pas porter envie à ceux qui se maintiennent par la violence en possession de la tyrannie, ou qui ont acquis une puissance excessive, mais à ceux qui, dignes des plus grands honneurs, se montrent satisfaits tics récompenses que le peuple leur accorde. [90] Aucune ville, aucun homme ne pourrait obtenir une position plus noble, plus sûre, plus digne d'estime. C'était celle dont jouissaient nos ancêtres à l'époque de la guerre persique : on ne les voyait point vivre comme les brigands, tantôt dans une abondance supérieure à tous les besoins, tantôt dans la privation des premiers moyens d'existence, assiégés par leurs ennemis et en proie aux plus terribles calamités; mais ils étaient, pour la vie de chaque jour, dans un état également éloigné du besoin et d'une abondance exagérée ; ils rivalisaient de justice dans la conduite du gouvernement, de vertu dans leurs relations privées, et obtenaient ainsi une existence plus douce que le reste des mortels. [91] Ceux qui vinrent après eux, négligeant de suivre leurs traces, éprouvèrent le désir, non d'exercer une autorité légitime, niais de commander en tyrans : deux situations qui semblent avoir la même puissance, encore qu'elles soient séparées par un intervalle immense. Les souverains légitimes regardent comme un devoir d'employer ions leurs efforts pour augmenter le bonheur de ceux qui vivent sous leurs lois, tandis que les tyrans ont pour usage de se procurer des satisfactions au prix des travaux et des souffrances de leurs sujets. Ajoutons que les hommes qui se livrent aux œuvres de la tyrannie tombent nécessairement dans les malheurs que la tyrannie engendre, et souffrent des maux semblables à ceux qu'ils font souffrir aux autres. Ce malheur, notre ville l'a subi ; [92] car, au lieu de placer des garnisons dans les citadelles étrangères, nos pères ont vu leur citadelle au pouvoir de leurs ennemis ; au lieu de prendre pour otages des enfants qu'ils arrachaient à leurs pères et à leurs mères, un grand nombre de citoyens ont été contraints, pendant la durée du siège, de nourrir et d'élever leurs propres enfants d'une manière indigne de leur fortune; et, au lieu de cultiver pour eux-mêmes des terres étrangères, ils n'ont pu, et cela pendant un grand nombre d'années, apercevoir celles qui leur appartenaient.

[93] 31. Par conséquent, si l'on nous proposait d'exercer la même domination pendant le même temps, à la condition de voir notre ville souffrir ce qu'elle a souffert, quel homme pourrait accepter une telle proposition, sinon quelque insensé, qui ne s'occuperait ni des choses saintes, ni de ses parents, ni de ses enfants, et qui ne tiendrait compte d'aucun intérêt, si ce n'est du temps pendant lequel il lui serait donné de vivre ? Non, ce n'est pas sur les pensées des hommes de ce caractère que nous devons régler nos sentiments, mais nous devons rivaliser avec la sagesse de ceux qui, ayant profondément médité sur de si grands intérêts, ne sont pas moins jaloux de la gloire de leur patrie que de leur propre renommée, et qui préfèrent une existence modeste d'accord avec la justice à une grande opulence appuyée sur l'iniquité. [94]Tels se sont montrés nos ancêtres, cl c'est ainsi qu'en transmettant notre patrie parvenue au plus haut degré de prospérité à ceux qui les ont remplacés, ils ont laissé de leur vertu une éternelle mémoire. De là il est facile de tirer deux conséquences : la première, qu'il appartient à notre pays de produire des hommes d'une nature supérieure ; la seconde, que ce qu'on appelle le pouvoir suprême n'est en réalité qu'un malheur, et qu'il est dans son essence de corrompre tous ceux qui en sont investis.

[95] 32. En voici la preuve la plus évidente : nous ne sommes pas les seuls que la puissance suprême ait corrompus ; son action s'est également exercée sur les Lacédémoniens, de sorte que les hommes accoutumés à louer leurs vertus ne pourraient pas dire que, si nous avons fait un mauvais usage du pouvoir, c'est parce que nous vivons sous une démocratie, et que, si les Lacédémoniens avaient possédé une puissance semblable à la nôtre, ils auraient fait le bonheur des autres peuples en même temps que celui de leur patrie. La suprématie, dans leurs mains, a montré beaucoup plus vite que dans les nôtres ce qu'elle est par sa nature ; car elle a, en peu de temps, ébranlé et presque détruit un gouvernement que, pendant sept siècles, aucun danger, aucun malheur, à la connaissance des hommes, n'avait encore fait chanceler. [96] Au lieu des mœurs sévères établies parmi eux, elle a rempli l'esprit des citoyens d'injustice, de mollesse, d'illégalités, d'avarice; le gouvernement, de mépris pour ses alliés, de désir d'usurper les possessions étrangères, d'indifférence pour les serments et les traités. Les Lacédémoniens ont tellement dépassé nos pères dans leurs outrages envers les Grecs, qu'aux massacres et aux séditions qui avaient lieu auparavant dans les villes, ils en ont ajouté d'autres d'où sont résultées des haines dont le souvenir est ineffaçable. [97] Ils étaient devenus si passionnés pour la guerre et les combats, eux qui, dans d'autres temps, s'étaient montrés à cet égard plus réservés que les autres peuples, qu'ils n'épargnaient pas même leurs alliés, pas même leurs bienfaiteurs; soutenus par le Roi, qui leur avait donné plus de cinq mille talents pour les aider dans la guerre contre nous, par les habitants de Chio, qui s'étaient unis avec plus d'ardeur que tous les autres alliés, à leurs dangers sur la mer, [98] par les Thébains, qui les avaient secondés avec la plus forte partie de leur infanterie, ils ne furent pas plutôt en possession de la suprême puissance qu'ils dressèrent des embûches aux Thébains, qu'ils envoyèrent Cléarque avec une armée contre le Roi, et qu'en exilant de leur patrie les principaux citoyens de Chio, ils firent sortir des arsenaux tous les navires, s'en emparèrent et les conduisirent dans leurs ports.

[99] 33. Et, comme si ce n'était pas assez de ces attentats, ils ravageaient en même temps le continent, insultaient les îles, renversaient les républiques d'Italie et de Sicile pour y établir des tyrans, désolaient le Péloponnèse et le remplissaient de divisions et de guerres. Quelle ville n'ont-ils pas attaquée ? Quel peuple, parmi leurs alliés, n'a pas été en butte à leurs injustices ? [100] N'ont-ils pas enlevé aux Éléens une partie de leur territoire? N'ont-ils pas ravagé celui de Corinthe? N'ont-ils pas divisé Mantinée en bourgs, séparés les uns des autres ; assiégé les Phliasiens, envahi la terre d'Argos? Ont-ils jamais cessé de nuire aux autres peuples, et de préparer pour eux-mêmes le désastre qui les a frappés à Leuctres ? Quelques-uns prétendent que cette défaite a été l'origine des malheurs de Sparte, mais i!s ne disent pas la vérité : car ce n'et pas à cause de cette catastrophe que les Lacédémoniens ont encouru la haine de leurs alliés. Les outrages que, dans les temps antérieurs, ils leur avaient fait endurer, ont été la véritable cause de leur défaite à Leuctres, et de la nécessité où ils ont été réduits de combattre pour leurs propres foyers. [101] Il ne faut pas imputer la cause des malheurs aux événements qui les réalisent, mais aux fautes qui, les premières, les préparent et les amènent. Ce serait donc avec beaucoup plus de justice que l'on rapporterait l'origine des calamités des Spartiates au jour où ils ont acquis le commandement sur la mer et une puissance hors de proportion avec celle qu'ils possédaient auparavant. [102] La suprématie sur terre, l'exacte discipline, la patience dans les travaux qui en étaient le résultat, leur avaient fait obtenir facilement l'empire de la mer, mais ils en furent bientôt privés par suite de la licence que cette autorité leur inspira. Loin d'observer désormais les lois qu'ils avaient reçues de leurs ancêtres, et de rester fidèles aux mœurs dans lesquelles ils avaient été constamment élevés, ]103] ils crurent qu'ils avaient le droit de tout faire, et s'abandonnèrent à une foule de désordres. Ils ne savaient pas combien il est difficile d'user de la souveraine puissance, à laquelle tout le monde aspire, et dans quel délire elle jette ceux qui s'y attachent avec passion ; ils ignoraient que la toute-puissance est semblable, par sa nature, aux courtisanes, qui perdent par la jouissance ceux dont elles se font aimer.

[104] 34. La toute-puissance a d'ailleurs montré d'une manière évidente que telle est l'action qu'elle exerce ; car on peut remarquer que la plupart des peuples qui en ont été investis sont tombés dans les plus terribles calamités, à commencer par nous et par Lacédémone. Les deux villes, dans l'origine, avaient été gouvernées avec la plus grande sagesse, et jouissaient de la plus noble renommée; mais, lorsque ensuite elles eurent acquis la toute-puissance et commandèrent à la Grèce, les conséquences qui en résultèrent furent les mêmes pour l'une et pour l'autre ; et, comme il arrive toujours à ceux qui sont dominés par les mêmes passions, ou qui sont atteints de la même maladie, elles firent les mêmes entreprises, commirent à peu près les mêmes fautes, et finirent par tomber dans les mêmes malheurs. [105] Objet de la haine de nos alliés, exposés à être réduits en esclavage, nous fûmes sauvés par les Lacédémoniens ; et les Lacédémoniens, lorsque tous les autres Grecs avaient résolu de les perdre, ayant eu recours à nous, nous furent redevables de leur salut. Comment serait-il possible de louer une suprématie qui conduit à des résultats si funestes? Comment ne pas haïr et comment ne pas fuir un pouvoir qui a porté ces deux villes à commettre un si grand nombre d'actes coupables, et les a contraintes à subir de si cruelles infortunes?

[106] 35. Il ne faut pas s'étonner si, dans les temps qui ont précédé le nôtre, personne ne s'est aperçu que la toute-puissance fut une source abondante de calamités pour ceux qui la possédaient, et si cette puissance a été pour nous et pour les Lacédémoniens un objet de lutte et de rivalité. Vous trouverez généralement que la plupart des hommes se trompent dans le choix du but auquel ils aspirent, qu'ils désirent avec plus d'ardeur ce qui peut leur nuire que en qui peut leur être utile, et qu'ils prennent des résolutions meilleures pour leurs ennemis que pour eux-mêmes. [107] On en voit la preuve dans les grandes transactions politiques : ou plutôt, en fut-il jamais autrement ? N'avons-nous pas adopté un système d'action, par suite duquel les Lacédémoniens sont devenus les maîtres de la Grèce? Et, d'un autre coté, les Lacédémoniens n'ont-ils pas dirigé les affaires avec si peu de sagesse, qu'après un petit nombre d'années, nous avions reconquis la supériorité et nous étions devenus les arbitres de leur salut? [108] L'ardeur inquiète des partisans d'Athènes n'a-t-elle pas fait passer les villes de la Grèce dans le parti de Lacédémone, et l'insolence des partisans de Lacédémone n'a-t-elle pas forcé les mêmes villes à se rattacher à Athènes? N'est-ce pas la perversité des orateurs populaires qui a fait désirer au peuple l'oligarchie des Quatre-Cents? Et ne sommes-nous pas devenus tous, à cause de la frénésie des Trente, plus ardents sectateurs du pouvoir populaire que ceux qui s'étaient emparés de Phylé? [109] On pourrait enfin montrer, dans les choses d'une moindre importance, et dans ce qui touche à la vie de chaque jour, que beaucoup d'hommes préfèrent les aliments, se livrent aux habitudes qui nuisent au corps et flétrissent l'âme : qu'ils regardent comme fastidieux et incommode ce qui est utile à l'un et à l'autre ; et qu'ils considèrent comme des hommes d'énergie ceux qui persistent dans celle aberration. [110] Comment alors s'étonner que des hommes qui, dans les choses dont leur vie habituelle se compose et qui sont l'objet particulier de leurs soins, préfèrent ce qui doit leur nuire, ignorent ce qu'est l'empire de la mer, et luttent entre eux pour une suprématie dont jamais ils n'ont jugé sainement ?

[111] 36. Considérez, les monarchies établies dans les villes, voyez combien de prétendants y aspirent, et combien est grand le nombre de ceux qui consentent à tout souffrir dans le but de s'en emparer ; et voyez, en même temps quelles difficultés, quels périls en sont inséparables. Ceux qui usurpent le souverain pouvoir ne se trouvent-ils pas, aussitôt qu'ils en sont les maîtres, engagés dans des difficultés telles [112] qu'ils sont forcés d'être en guerre avec tous leurs concitoyens, de haïr des hommes dont ils n'ont reçu aucune offense, de se méfier de leurs amis, de leurs compagnons, de confier la sûreté de leur personne à des mercenaires qu'ils n'ont jamais vus ; de redouter ceux qui les gardent, autant que ceux qui leur dressent des embûches ; de vivre enfin à regard de tous dans un tel étal de défiance qu'ils n'abordent pas même avec sécurité leurs parents les plus proches ? [113]  Et c'est avec raison, car ils savent que les hommes qui avant eux ont exercé la tyrannie ont été immolés, les uns par leurs pères, les autres par leurs enfants ; d'autres, par leurs frères ou par leurs femmes, et que leur race a disparu de dessus la terre. Néanmoins c'est par leur propre volonté qu'ils se précipitent dans de si nombreuses calamités. Lorsque des hommes qui tiennent le premier rang dans leur pays et qui jouissent de la plus haute considération souhaitent avec tant d'ardeur ce qui entraîne de si grands maux, comment peut-on s'étonner que d'autres hommes éprouvent des désirs de la même nature ?

[114] 37. Je n'ignore pas que vous approuvez mon discours en ce qui touche aux tyrans, mais je sais aussi que vous écouter avec défaveur ce qui a rapport au commandement, parce que, dominés par le plus honteux et le plus lâche des sentiments, vous n'apercevez pas en vous-mêmes ce que vous voyez dans les autres. Cependant juger les mêmes choses d'après les mêmes principes, dans toutes les positions, n'est pas dans les hommes le signe le moins caractéristique d'un  sens droit. [115] Mais c'est une de ces vérités dont jamais vous ne vous êtes occupés ; vous considérez la tyrannie comme un poids accablant, comme une chose funeste, non seulement pour ceux qui la subissent, mais pour ceux mêmes qui la possèdent ; et en même temps vous regardez comme le plus grand des biens l'empire de la mer, qui ne diffère en rien des monarchies, ni par ses actes ni par les calamités qu'il entraîne. Enfin vous êtes convaincus que les affaires des Thébains sont dans une situation fâcheuse, parce qu'ils oppriment leurs voisins, et, lorsque vous ne traitez pas mieux vos alliés que les Thébains ne traitent la Béotie, vous croyez suivre les lois d'une sage politique.

[116] 38. Si donc vous m'accordez votre confiance, abandonnant de vaines délibérations, vous appliquerez les facultés de votre esprit à vos intérêts véritables et à ceux de votre patrie; vous rechercherez avec soin, avec sagesse, pour quelles raisons les deux villes (j'entends la nôtre et celle de Lacédémone), parties de faibles commencements, sont parvenues à commander à la Grèce ; pourquoi, après avoir acquis une puissance qu'aucun peuple ne pouvait surpasser, elles se sont vues exposées au danger d'être réduites en esclavage; [117] par quelles causes les Thessaliens, qui, avec de grandes richesses, jouissaient de la contrée la plus étendue et la plus fertile, sont tombés dans le dénuement; comment les Mégariens, dont les ressources étaient d'abord faibles et restreintes, qui ne possèdent ni terres, ni ports, ni mines d'argent, et qui cultivent des rochers, ont acquis les plus beaux établissements de la Grèce ; [118] pourquoi les Thessaliens, qui ont plus de trois mille hommes de cavalerie et une innombrable infanterie légère, voient toujours leurs forteresses occupées par l'étranger; tandis que les Mégariens, qui n'ont qu'une armée peu nombreuse, gouvernent comme il leur plaît leur république ; pourquoi, enfin, les Thessaliens sont continuellement en guerre les uns contre les autres, tandis que les Mégariens, placés entre le Péloponnèse, les Thébains et le territoire de l'Attique, vivent dans une paix constante. [119] Si vous voulez réfléchir sur ces faits et sur d'autres semblables, vous reconnaîtrez que la licence et l'orgueil sont la source de tous les maux, la modération celle de tous les biens.

Vous louez la modération dans les particuliers; vous reconnaissez que la plus parfaite sécurité est le partage de ceux qui la mettent en pratique ; vous les considérez comme les meilleurs citoyens ; et, d'un autre côté, vous ne croyez pas devoir adopter cette vertu comme règle de votre conduite politique. [120] Il convient cependant aux États, plus encore qu'aux particuliers, de pratiquer les vertus et de fuir les vices. Un homme impie et méchant peut prévenir par sa mort le châtiment dû à ses crimes ; mais les villes, qui ne meurent pas, restent pour être punies par la vengeance et des hommes et des dieux.

[121] 39. Pénétrés de ces vérités, vous ne devez écouter ni ceux qui cherchent à vous plaire dans le présent et qui ne tiennent aucun compte de l'avenir, ni ceux qui prétendent aimer le peuple, et qui bouleversent l'État ; comme on l'a vu autrefois, lorsque des hommes de ce caractère, après avoir usurpé l'empire de la tribune, ont poussé notre patrie à un tel excès d'égarement qu'elle a dû souffrir tous les maux que j'exposais, il y a peu d'instants, devant vous. [122] Mais ce qui surtout doit étonner, c'est de vous voir donner au peuple pour chefs, au lieu de citoyens animés du même esprit que ceux qui ont fait la grandeur de notre patrie, des hommes qui parlent et qui agissent comme ceux qui l'ont perdue; et cela, lorsque vous savez que les citoyens vertueux non seulement ont plus de puissance que les méchants pour rendre leur patrie heureuse, [123] mais aussi que, sous leur gouvernement, pendant un grand nombre d'années, notre démocratie n'a éprouvé ni secousse ni révolution; tandis que, sous le gouvernement des hommes pervers, elle a été deux fois détruite dans un court espace de temps, et que les citoyens exilés sous les tyrans et sous les Trente sont revenus dans leur pays, non avec l'appui des sycophantes, mais avec le secours de ceux qui, haïssant les hommes de ce caractère, s'étaient acquis la plus grande renommée à cause de leurs vertus.

[124] 40. C'est pourtant lorsqu'il existe de semblables monuments de l'état de notre patrie sous l'un et l'autre système, que nous prenons un tel plaisir aux méchancetés des orateurs, qu'en voyant de nombreux citoyens dépouillés de l'héritage de leurs pères par suite de la guerre et des troubles dont ces hommes ont été les instigateurs, et en voyant ces mêmes hommes de pauvres devenus riches, loin de nous irriter, loin de porter envie à leur opulence, [125] nous supportons que notre ville soit accusée d'opprimer les Grecs, de les accabler par des tributs dont ces hommes seuls recueillent les fruits; et que ce peuple, auquel ils attribuent le droit de commander aux autres, soit plus malheureux que ceux qui gémissent sous le joug îles oligarchies, pendant que des hommes qui ne possédaient rien s'élèvent, par l'effet de notre démence, de la position la plus humble aux plus brillantes prospérités. Avant eux, et dans un temps où il y avait déjà moins sagesse qu'avant l'établissement de notre suprématie, mais où l'État néanmoins était encore gouverné d'une manière tolérable, [126] Périclès, placé par le peuple à la tête des affaires, loin de profiter de cette position pour accroître ses richesses, laissa une fortune inférieure à celle qu'il avait reçue de son père, et fit porter huit mille talents dans la citadelle, sans compter les sommes consacrées aux dieux. [127] Mais les hommes d'aujourd'hui lui ressemblent si peu que, dans le même moment où ils ne craignent pas de dire que le soin des intérêts publics leur enlève la faculté de s'occuper de leurs propres intérêts, on voit ces intérêts, si négligés, prendre un accroissement que jamais ils n'auraient osé implorer de la faveur des dieux ; et cependant le peuple, qu'ils disent être l'unique objet de leur sollicitude, est plongé dans un tel état de souffrance qu'aucun citoyen ne jouit d'une existence douce et tranquille, et que la ville est remplie de lamentations et de plaintes. [128] Ainsi les uns sont contraints à dévoiler leur dénuement et leur misère, ou à gémir en secret ; les autres à déplorer la multitude des taxes et des fonctions publiques, les suites funestes des répartitions et des permutations. Enfin, nous en sommes arrivés à un tel excès d'infortune que la vie de ceux qui possèdent des propriétés est plus pénible que celle des malheureux condamnés à une perpétuelle indigence.

[129] 41. Je m'étonne que vous ne puissiez pas comprendre qu'il n'est pas de race plus mal disposée pour le peuple que celle des orateurs pervers et des démagogues. Sans parler des autres maux dont ils sont la cause, ils voudraient, par-dessus tout, vous voir manquer des choses nécessaires à votre existence de chaque jour. Ils savent que les hommes qui peuvent subvenir à leurs besoins avec leurs propres ressources sont les hommes du pays et ceux qui parlent le mieux dans ses intérêts ; [130] tandis que ceux qui vivent des tribunaux, des assemblées et des profits qui s'y rattachent, sont forcés par la misère d'être dans leur dépendance, et d'éprouver de la gratitude pour les avantages qu'ils retirent des dénonciations, des accusations, des calomnies de toute nature, dont ces hommes sont les instigateurs. [131] Aussi verraient-ils avec plaisir tous les citoyens plongés dans une détresse qui fait leur force. En voici la preuve: loin de chercher de quelle manière ils procureront aux pauvres les moyens de vivre, ils cherchent, au contraire, comment ils parviendront a rabaisser ceux qui possèdent quelque chose au niveau de ceux qui ne possèdent rien.

[132] 42. Quels seront les moyens de remédier aux maux que nous souffrons? J'ai parlé de la plupart d'entre eux, non dans un ordre suivi, mais à mesure qu'il s'est présenté pour chacun d'eux une occasion favorable ; vous les garderez mieux dans votre mémoire, si, réunissant les plus importants, j'essaye de les replacer sous vos yeux.

[133] 43. Le premier moyen de relever notre patrie et de rendre sa position meilleure est de choisir pour guides, dans les affaires publiques, des hommes semblables à ceux que nous voudrions avoir pour conseillers dans nos affaires privées ; et de ne plus regarder les sycophantes comme les amis du peuple, les hommes loyaux et intègres comme les partisans de l'oligarchie, sachant bien que personne n'est par nature ami de l'oligarchie ou du pouvoir populaire, mais que chacun veut établir la forme de gouvernement qui lui offre le plus de chances pour parvenir aux honneurs.

[134] 44. Le second moyen est d'agir avec nos alliés comme avec des amis ; de ne pas leur donner la liberté seulement en paroles, les livrant en réalité à la merci de nos généraux, et de nous placer à leur tête, non comme des maîtres, mais comme des alliés véritables, convaincus que, si nous sommes plus forts que chaque ville prise à part, nous sommes plus faibles [135] que toutes les villes réunies.

45. Le troisième moyen est, après la piété envers les dieux, de ne rien estimer plus qu'une bonne renommée parmi les Grecs; car, de leur propre mouvement, ils remettent la suprématie et se remettent eux-mêmes entre les mains de ceux qui sont animés de ces nobles sentiments.

[136] 46. Si donc vous vous attache/, aux principes que j'ai développés, et si, de plus, vous vous montrez belliqueux, par les exercices et l'appareil militaire; pacifiques, par le soin que vous mettrez à ne rien entreprendre contre la justice, vous ferez non seulement le bonheur de votre patrie, mais celui de tous les Grecs. [137] Aucune ville n'osera essayer de leur nuire; toutes seront retenues par la crainte, toutes resteront dans une paix profonde, lorsqu'elles verront notre puissance veiller sans cesse sur le salut commun, et se tenir toujours prête à secourir les opprimés. Quelle que soit d'ailleurs la conduite que ces villes adopteront, la nôtre sera toujours aussi noble qu'avantageuse ; [138] car si les États prépondérants s'abstiennent de toute injustice, c'est à nous qu'on attribuera la cause de ce bienfait ; et, s'ils font des entreprises injustes, tous ceux qui éprouveront de leur part des craintes ou des injures se réfugieront vers nous, et nous adresseront des supplications et des prières, remettant entre nos mains, non seulement le commandement, mais leurs propres destinées ; [139] de sorte que, loin de manquer d'auxiliaires pour réprimer les tentatives criminelles, nous aurons de nombreux alliés disposés à s'unir à nous et à nous seconder avec zèle. Quelle ville, quel homme pourrait ne pas désirer d'avoir part à notre amitié et à notre alliance, lorsqu'on verra que nous sommes les plus justes des mortels et les plus puissants à la fois ; et qu'unissant à la volonté le pouvoir de sauver les autres, nous n'avons besoin du secours de personne ? [140] A quel accroissement de prospérité ne devons-nous pas nous attendre pour notre ville, lorsque des sentiments si bienveillants existeront chez, tous les Grecs? Quelles richesses ne verrons-nous pas affluer vers notre patrie, lorsque la Grèce tout entière aura été sauvée par nous? Qui pourrait ne pas combler de louanges les auteurs de tant et de si grands bienfaits ? [141] Il ne m'est pas donné, à cause de mon grand âge, de renfermer dans mon discours tout ce que j'aperçois dans ma pensée ; mais, du moins, puis-je affirmer qu'il serait glorieux pour nous, au milieu des injustices et des violences des autres peuples, de donner, les premiers, l'exemple du retour à une sage modération, de nous présenter comme les gardiens de la liberté des Grecs, d'être appelés leurs sauveurs plutôt que leurs destructeurs, et, en nous illustrant par notre vertu, de faire revivre en nous la gloire de nos ancêtres.

[142] 47. Pour terminer mon discours, je vous rappellerai le but vers lequel tendent toutes mes paroles, et sur lequel nous devons avoir les yeux fixés pour apprécier les actes de notre patrie. Si nous voulons détruire les accusations qui pèsent aujourd'hui sur nous, faire cesser les guerres entreprises sans motif, acquérir à notre patrie la prééminence pour toujours, il nous faut haïr tous les pouvoirs tyranniques, toutes les suprématies, nous rappeler les malheurs qu'elles enfantent, et prendre pour objet de notre rivalité comme de notre imitation la double royauté établie chez, les Lacédémoniens. [143] Les rois de Lacédémone ont, pour commettre une injustice, moins de pouvoir que les simples particuliers; et leur sort est d'autant plus digne d'envie, si on le compare à celui des princes qui maintiennent par la force un pouvoir tyrannique, que les meurtriers de ceux-ci reçoivent de leurs concitoyens les plus magnifiques récompenses, tandis qu'à Lacédémone, ceux qui n'ont pas le courage de mourir, en combattant, pour sauver la vie de leurs rois, sont converti de plus d'opprobre que ceux qui abandonnent leur rang, ou qui jettent leur bouclier. [144] C'est donc à une telle suprématie qu'il nous convient d'aspirer. Dans l'état présent des choses, nous pouvons obtenir, de la part des Grecs, le même honneur que les rois de Lacédémone reçoivent de leurs concitoyens ; il suffit pour cela qu'ils reconnaissent que notre puissance ne sera pas pour eux une cause d'esclavage, mais un gage de salut.

[145] 48. De nombreux et puissants arguments pourraient encore être produits sur le sujet que j'ai traité, mais deux choses, l'étendue de mon discours et le nombre de mes années, m'avertissent que je dois cesser de parler. J'engage donc et j'exhorte ceux qui sont plus jeunes que moi, et qui ont une force que je n'ai plus, à prononcer et à écrire des discours qui puissent déterminer les États les plus puissants, comme aussi ceux qui ont pour habitude d'opprimer les autres, à diriger leurs pensées vers la vertu et la justice; car les prospérités de la Grèce sont aussi une source abondante de prospérités pour les hommes qui se vouent aux lettres et à la philosophie.