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table des matières de l'œuvre d'ISOCRATE

 

ŒUVRES

COMPLÈTES

D'ISOCRATE

TRADUCTION  NOUVELLE

AVEC    TEXTE   EN   REGARD

LE DUC DE CLERMONT-TONNERRE

(AIMÉ-MARIE-GASPARD)

Ancien Ministre de la guerre et de la marine

Ancien élève de l'École polytechnique

TOME TROISIÈME

PARIS

LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES,   FILS  ET Cie

Imprimeur de l'Institut, rue Jacob, 56.

ET CHEZ AUGUSTE DURAND, LIBRAIRE Rue des Grès. 7

 

M  DCCC LXIV

 

EXCEPTION CONTRE CALLIMAQUE.

 

Παραγραφή πρὸς Καλλίμαχον

 

ARGUMENT.

Ce ISOCRATE.
DISCOURS ÉGINÉTIQUE.
ARGUMENT.
Le nom d'Éginétique donné à ce plaidoyer vient de ce que l'affaire se plaide devant un tribunal siégeant à Égine. Il s'agit d'une succession contestée au légataire, fils adoptif du testa¬teur, par une sœur naturelle de ce même testateur. L'accusé commence par montrer les liens qui unissaient sa famille et celle du défunt. Thrasyllus, père du testateur, avait eu des enfants de plusieurs femmes ; parmi eux se trouvait une fille qui réclame aujourd'hui sa succession ; mais il n'avait reconnu aucun des enfants qu'il avait eus illégitimement. Plus tard, il contracta successivement deux alliances avec la fa¬mille de l'accusé. Une troisième épouse, qu'il prit après la mort de sa seconde femme, lui donna Sopolis, Thrasylochus, et une fille, mariée dans la suite avec celui qui parle ici. Thrasylochus et lui resserrèrent les liens de l'amitié trans¬mise par leurs pères. Partout, toujours, on les voit ensem¬ble ; même dans l'exil ils ne se quittent pas un moment. Cependant Thrasylochus tombe malade de la peste ; son frère Sopolis était mort; sa mère et sa sœur étaient absentes. Ayant perdu l'espoir de recouvrer la santé et voulant récompenser l'accusé des soins qu'il lui a prodigués, il l'adopte d'après la loi d'Égine, où il meurt, et d'après celle de Siphnos , dont l'un et l'autre sont originaires, loi qui est également celle de la ville où est née leur partie adverse. '

ARGUMENT. 393
Après avoir ainsi exposé les faits de la cause, l'accusé mon¬tre que cellequi demande l'annulation du testament n'a jamais cessé d'être en différend avec Thrasyloch'us, avec Sopolis et avec leur mère, tandis que lui, il s'est constamment signalé par son zèle envers eux. Il rapporte, au péril de sa vie, à Thrasylo-c.hus et à Sopolis leurs richesses secrètement déposées à Paros, chez ses hôtes, lorsque cette ville est tombée au pouvoir d'un, tyran. Contraint de s'enfuir de Siphnos, il n'abandonne pas Thrasylochus malade. A sa prière, il passe avec lui de Mélos k Trézène, malgré les instances de sa mère et de ses hôtes. Là, il tombe lui-même dangereusement malade et perd sa sœur d'abord, puis sa mère. Bien que dépouillé de sa fortune, bien que chez des étrangers, ses soins pour son ami ne se ralentis¬sent pas ; il le soigne seul pendant six mois entiers avec un dévouement qui inspire des craintes sérieuses pour sa vie. Voilà au mépris de quels services cette femme ose réclamer la succession d'un frère dont elle n'est pas même la sœur légi¬time, aux funérailles duquel elle n'a pas daigné assister, et cela, lorsqu'elle voyait s'y rendre tous ses concitoyens établis à Trézène, c'est-à-dire, tous les habitants de Siphnos, qui, dans les troubles de cette île, s'étaient réfugiés à Trézène, et s'y étaient établis. Dans l'impossibilité de nier l'existence du testament, elle prétend qu'il est contraire à la justice et aux règles de l'équité. Mais, en faisant entrer l'accusé dans sa fa¬mille par voie d'adoption, Thrasylochus assurait la durée de son nom, il établissait sa mère et sa sœur héritières, non-seulement de ses propres biens, mais aussi de ceux de l'ac¬cusé, puisqu'il lui faisait épouser l'une et le rendait fils de l'autre. L'accusé, d'ailleurs, n'était pas indigne d'être, adopté par Thrasylochus ; ses ancêtres étaient les premiers de Siph¬nos par leur naissance, leurs richesses et leur crédit. Et de plus, ou peut assurer que Thrasylochus , par ce testament, a surtout satisfait les mânes de Sopolis, à qui l'accusé a sauvé la vie lorsque leurs compagnons d'exil ont attaqué Siph¬nos, tandis que cette prétendue sœur, au moment même de la mort de son frère, offrait un sacrifice et célébrait une fête.
Son père lui-même, s'il ponvait savoir comment sa fille en a usé envers ses fils, serait pour elle le juge le plus redoutable et s'irriterait de voir infirmer les dernières volontés de ses

394 ARGUMENT.
enfants. L'accusé termine par une récapitulation et par une prière qu'il adresse aux juges de le maintenir en possession de l'héritage qui lui a été légué/
Benseler pense que ce plaidoyer doit avoir été composé l'an 402 avant J.-C.
lai
.

SOMMAIRE
1. Juges, je rends presque grâce à mes adversaires de m'avoir engagé dans ce débat ; car, si l'affaire n'eût pas été portée devant la justice, vous n'auriez pas pu savoir pour quels services rendus au défunt j'avais été constitué héritier de ses biens ; et vous n'auriez pas pu connaître le degré de méchanceté de ma partie adverse (a) comme de ceux qui appuient ses pré¬tentions en attaquant ce testament. Afin d'apprécier le plus promptement possible l'état de la cause, veuillez écouter ce que je vais dire. — 2. Thra-syllus, père de celui qui m'a laissé sa fortune, était devin; il était né à Siphnos; il s'arrêta dans plusieurs villes ; il eut des rapports avec diverses femmes, dont quelques-unes donnèrent le jour à des enfants qu'il ne reconnut jamais : ce fut à cette époque qu'il eut des relations avec la mère de ma partie adverse. Après avoir rompu ces liaisons et acquis de grandes richesses, il revint dans sa patrie, et épousa d'abord la sœur, ensuite la cousine germaine de mon père, et, enfin, une femme de Sé-riphos, dont il eut trois enfants, Sopolis, Thrasylochus et ma femme. Ces enfants furent les seuls qu'il reconnut pour légitimes ; et il leur laissa sa fortune en mourant.^r— 3. Thrasylochus et moi, depuis notre enfance jusqu'à la mort, nous resserrâmes les liens de l'amitié que nos pères nous avaient transmise. Attaqué d'une maladie grave, il souffrait depuis longtemps ; son frère Sopolis était déjà mort; sa mère et sa sceurn'étaient pasàÉginejil était abandonné de tout le monde; je le soignai avec autant de fidélité que d'intelligence; mais, sa maladie devenant de plus en plus grave, il appela des témoins, m'adopta et me fît don de sa sœur et de safortune. — 4. Le testament est fait suivant la loi communedes Éginctes, chez lesquels il mourut, — 5. et des Siphniens, chez lesquels il avait vécu autrefois, loi qui permet l'adoption entre les hommes de même condition. J'étais son concitoyen et son ami ; je n'étais inférieur par ma naissance à aucun des habitants de Siphnos, et j'avais reçu la même éducation, la même instruction que lui. — C. La loi admise dans la patrie de mes adver¬saires est d'accord avec celle des Ëginètes et celle des Siphniens. —
7. Ainsi, ils conviennent que le testament est régulier; ils reconnaissent
qu'aucune loi n'appuie les prétentions de celle qui m'attaque et que
toutes me sont favorables; et alors, je le demande, de quel crime
s'abstiendront des hommes qui s'efforcent de vous persuader d'infirmer ce
testament, quand vous avez fait serment de juger conformément aux lois?—
8. Mais, afin que personne ne croie que j'ai reçu cet héritage pour de faibles
motifs, et que celle qui le réclame en a été privée injustement, il convient
que vous sachiez que cette femme qui me dispute, en vertu de sa pa¬
renté, la fortune laissée par Thrasylochus, a vécu dans un état d'hostilité conti-
(a) II s'agit ici d'une femme qui, aidée de ses protecteurs, intente un procès d'hérédité à un homme pour lequel Isocrate a composé ce discours.

396 SOMMAIRE.
miellé avec lui, avec Sopoîis et leurmère, et qu'elleles a poursuivis de sa haine incessante, tandis que j'ai agi de la manière la plus généreuse envers Thrasylochus et son frère, non-seulement pour ce qui touchait à leurs per¬sonnes, mais relativement àleurs intérêts. — 9. A l'époque où Pasinus oc¬cupait l'île de Paros, étant monté la nuit sur un vaisseau, j'ai retiré de cette île, au péril de ma vie, la plus grande partie de leur fortune, qui y était déposée en secret chez mes amis ; et cela, lorsque déjà mon père, mon • frère et trois de mes parents qui y demeuraient, avaient été assassinés. — 10. Les circonstances nous ayant ensuite obligésde fuir de Siphnos, et So-polis étant absent, j'enlevai Thiasylochus malade, avec sa mère, sa sœur et toutes ses richesses. — 11. Plus tard et pendant que je me consacrais à lui donner des soins, je fus accablé par les plus cruelles calamités. — 12. Thrasylochus m'ayant persuadé de quitter Mélos, où nous nous étions réfugiés, je fis voile avec lui vers Trézène ; là, étant moi-même près de la
<mort, j'ensevelis ma sœur et ma mère, peu de jours après mon arrivée, et, dépouillé, exilé, privé de. ceux qui m'étaient les plus chers, je continuai à le soigner sur une terre étrangère. — 13. Ce qui suit fera voir, avec plus d'évidence encore et de certitude, quel a clé mon dévouement pour lui. Lorsqu'il se fut relire à Ëgine daus l'intention d'y habiter, et qu'il y eut contracté la maladie dont il est morl, je lui prodiguai mes soins avec une
• telle abnégation que je ne sais pas si jamais un homme en a montré une semblable pour un autre homme. Il resta dans son lit pendant six mois en¬tiers, sans qu'aucun de ses parents le visitât, excepté sa mère et sa sœur qui, malades elles-mêmes, vinrent de Trézène pour le voir, et, durant cette longue période, je le soignai, aidé des secours d'uu seul esclave. Nous
.ne passions pas un jour sans verser des larmes ; et à ces calamités, il faut ajouter qu'il ne consentait jamais à ce que je m'éloignasse de lui.— ,14.,Toutes les choses pénibles, toutes les angoisses qui se rattachent à cette maladie, ne pourraient facilement être décrites; ma santé était
; tellement altérée par tant de souffrances, que tous ceux de mes amis qui venaient me voir craignaient, disaient-ils, que je ne périsse avec lui ; et alors je leur répondais que je préférais mourir moi-même plutôt que d'avancer le terme de sa vie par la privation des soins d'un
•ami dévoué. — 15. Et c'est contre moi, qui me suis montré si dé¬voué pour Thrasylochus, qu'une telle femme ose lutter, elle qui, dans
', tout le cours d'une aussi longue maladie, ne l'a pas visité une seule fois, qui n'a pas même daigné paraître à ses funérailles; mais qui,
•comme, si elle eût été parente de sa fortune, et nou de sa personne,
^est accourue, avant dix jours écoulés, pour intenter un proeàs qui la mît en possession des biens du défunt. Si c'est par .suite de l'inimitié qui régnait entre elle et Thrasylochus qu'elle n'a pas agi comme elle aurait dû le faire, Thrasylochus a eu raison de me laisser sa fortune plutôt qu'à elle : s'il n'existait point de dissidence entre eux, il a en¬core agi avec plus de justice en la privant de ses biens qu'en la faisant son héritière. Il est d'ailleurs équitable qu'en prononçant votre sen¬tence , vous ayez moins égard à ceux qui se disent les plus rappro-



SOMMAIRE. 397
chés par le sang et qui, en réalité, se sont montrés ennemis dans le
malheur, qu'à ceux qui, dans l'infortune, se sont montrés plus amis que
des parents.— 16. Thrasylochus a donc agi avec raison^ avec sagesse, en
prouvant sa reconnaissance envers ses amis, en me faisant épouser sa
sœur, en me faisant adopter par sa mère, assurant ainsi à ses parents,
non-seulement sa fortune, mais la mienne. — 17. Je n'étais pas d'ailleurs
indigne d'être adopté pour fils par Thrasylochus, puisque mes ancêtres
avaient été, par leur naissance, par leur1 richesse, par leur crédit, les
premiers de leur ville, et que, quand même j'aurais été le plus humble des
citoyens, j'aurais cependant encore, à cause des services que je lui avais
rendus, obteuu justement de lui les plus grandes marques d'affection. —
18. Je pense aussi que ce testament eût été agréable à Sopolis, à son
frère, qui haïssait ma partie adverse, qui la régardait comme malveil¬
lante à son égard, et qui m'accordait plus d'estime qu'à tous ses autres
amis. En effet, tandis que je rapportais du champ de bataille Sopolis
blessé, elle, aussitôt après avoir reçu la nouvelle de sa mort, offrait des
sacrifices et célébrait une fête. — 19. Mais peut-être diront-ils que
Thrasyllus, le père de cette femme, s'il existe chez les morts quelque sen¬
timent des choses de la terre, s'indignerait en voyant sa fille dépouillée de
son héritage et les richesses qa'il avait amassées pendant sa vie de¬
venues ma possession. — 20. Pour moi, je,suis convaincu que le père
de Thrasylochus serait de tous les juges le plus sévère, s'il pouvait savoir
ce qu'elle a été pour ses enfants; qu'il ressentirait surtout l'irritation
la plus vive s'il voyait annuler le testament de son fils, qui n'a pas fait
passer sa fortune dans ma famille, mais qui m'a fait entrer dans la sienne
par l'adoption.— 21. Thrasyllus, le père, avait d'ailleurs reçu ses richesses
de Polémœnétès, non par droit de parenté, mais à cause de sa vertu,' et il
attachait un tel prix à nos relations de famille, qu'il avait épousé la sœur
et ensuite la cousiue de mon père. — 22. Par conséquent, si vous m'ad¬
jugez son héritage, vous ferez une chose agréable à lui et à tous ceux
qui, pour un motif quelconque, prennent intérêt à cette affaire. Il vous
convient aussi de soutenir une loi par laquelle il nous est permis, d'a¬
dopter des enfants, et de disposer de nos biens à notre gré, 'en nous
pénétrant de celte pensée que c'est une loi commune à tout l'univers et
qui est donnée aux hommes pour leur tenir en quelque sorte lieu d'enfants.
— 23. Considérez en oulre, d'une part, mon amitié pour ceux qui m'ont
laissé cet héritage, amitié reçue de nos ancêtres et conservée sans inter¬
ruption jusqu'à la mort; de l'autre, les grands et nombreux bienfaits dont
ils ont été l'objet, lorsque le malheur les a frappés; enfin ajoutez que le
testament n'est pas nié par nos adversaires enx-mêmes, et que'la loi qui
appuie ce testament est approuvée par tous les Grecs.r Je vous demande
donc de prononcer suivant l'équité et la justice, et d'être pour moi des
juges tels que vous désireriez en rencontrer'pour vous-mêmes.
' ■ - LANGE.



 

 

Παραγραφή πρὸς Καλλίμαχον

[1] Εἰ μὲν καὶ ἄλλοι τινὲς ἦσαν ἠγωνισμένοι τοιαύτην παραγραφήν, ἀπ' αὐτοῦ τοῦ πράγματος ἠρχόμην ἂν τοὺς λόγους ποιεῖσθαι· νῦν δ' ἀνάγκη περὶ τοῦ νόμου πρῶτον εἰπεῖν καθ' ὃν εἰσεληλύθαμεν, ἵν' ἐπιστάμενοι περὶ ὧν ἀμφισβητοῦμεν, τὴν ψῆφον φέρητε, καὶ μηδεὶς ὑμῶν θαυμάσῃ διότι φεύγων τὴν δίκην πρότερος λέγω τοῦ διώκοντος.

[2] Ἐπειδὴ γὰρ ἐκ Πειραιέως κατελθόντες ἐνίους ἑωρᾶτε τῶν πολιτῶν συκοφαντεῖν ὡρμημένους καὶ τὰς συνθήκας λύειν ἐπιχειροῦντας, βουλόμενοι τούτους τε παῦσαι καὶ τοῖς ἄλλοις ἐπιδεῖξαι ὅτι οὐκ ἀναγκασθέντες ἐποιήσασθ' αὐτὰς ἀλλ' ἡγούμενοι τῇ πόλει συμφέρειν, εἰπόντος Ἀρχίνου νόμον ἔθεσθε, ἄν τις δικάζηται παρὰ τοὺς ὅρκους, ἐξεῖναι τῷ φεύγοντι παραγράψασθαι, τοὺς δ' ἄρχοντας περὶ τούτου πρῶτον εἰσάγειν, λέγειν δὲ πρότερον τὸν παραγραψάμενον, [3] ὁπότερος δ' ἂν ἡττηθῇ, τὴν ἐπωβελίαν ὀφείλειν, ἵν' οἱ τολμῶντες μνησικακεῖν μὴ μόνον ἐπιορκοῦντες ἐξελέγχοιντο μηδὲ τὴν παρὰ τῶν θεῶν τιμωρίαν ὑπομένοιεν ἀλλὰ καὶ παραχρῆμα ζημιοῖντο. Δεινὸν οὖν ἡγησάμην, εἰ τῶν νόμων οὕτως ἐχόντων ἐγὼ περιόψομαι τὸν μὲν συκοφάντην ἐν τριάκοντα δραχμαῖς κινδυνεύοντα, ἐμαυτὸν δὲ περὶ τῆς οὐσίας ἁπάσης ἀγωνιζόμενον.

[4] Ἀποδείξω δὲ Καλλίμαχον οὐ μόνον παρὰ τὰς συνθήκας δικαζόμενον, ἀλλὰ καὶ περὶ τῶν ἐγκλημάτων ψευδόμενον, καὶ προσέτι δίαιταν ἡμῖν γεγενημένην περὶ αὐτῶν. Βούλομαι δ' ἐξ ἀρχῆς ὑμῖν διηγήσασθαι τὰ πραχθέντα· ἂν γὰρ τοῦτο μάθητε ὡς οὐδὲν ὑπ' ἐμοῦ κακὸν πέπονθεν, ἡγοῦμαι ταῖς τε συνθήκαις ὑμᾶς ἥδιον βοηθήσειν καὶ τούτῳ μᾶλλον ὀργιεῖσθαι.

[5] Ἦρχον μὲν γὰρ οἱ δέκα οἱ μετὰ τοὺς τριάκοντα καταστάντες, ὄντος δέ μοι Πατροκλέους ἐπιτηδείου, τοῦ τότε βασιλεύοντος, ἔτυχον μετ' αὐτοῦ βαδίζων. Ἐκεῖνος δ' ἐχθρὸς ὢν Καλλιμάχῳ τῷ νῦν ἐμὲ διώκοντι τὴν δίκην, ἀπήντησεν ἀργύριον φέροντι. Λαβόμενος δ' αὐτοῦ Πάμφιλον ἔφασκεν αὐτὸ καταλιπεῖν καὶ δημόσιον γίγνεσθαι· ἐκεῖνον γὰρ εἶναι τῶν ἐν Πειραιεῖ. [6] Ἀμφισβητοῦντος δὲ τούτου καὶ λοιδορίας αὐτοῖς γενομένης ἄλλοι τε πολλοὶ συνέδραμον, καὶ κατὰ τύχην Ῥίνων εἷς τῶν δέκα γενόμενος προσῆλθεν. Εὐθὺς οὖν πρὸς αὐτὸν τὴν φάσιν τῶν χρημάτων ὁ Πατροκλῆς ἐποιεῖτο· ὁ δ' ὡς τοὺς συνάρχοντας ἦγεν ἀμφοτέρους. Ἐκεῖνοι δ' εἰς τὴν βουλὴν περὶ αὐτῶν ἀπέδοσαν· κρίσεως δὲ γενομένης ἔδοξε τὰ χρήματα δημόσι' εἶναι. Μετὰ δὲ ταῦτ', [7] ἐπειδὴ κατῆλθον οἱ φεύγοντες ἐκ Πειραιέως, οὗτος ἐνεκάλει τῷ Πατροκλεῖ καὶ δίκας ἐλάγχανεν ὡς αἰτίῳ τῆς συμφορᾶς γεγενημένῳ· διαλλαγεὶς δὲ πρὸς ἐκεῖνον καὶ πραξάμενος αὐτὸν δέκα μνᾶς ἀργυρίου Λυσίμαχον ἐσυκοφάντει· λαβὼν δὲ καὶ παρὰ τούτου διακοσίας δραχμὰς ἐμοὶ πράγματα παρεῖχεν. Καὶ τὸ μὲν πρῶτον ἐνεκάλει φάσκων με συμπράττειν ἐκείνοις, τελευτῶν δ' εἰς τοῦτ' ἀναιδείας ἦλθεν ὥσθ' ἁπάντων με τῶν γεγενημένων ᾐτιᾶτο· ἅπερ ἴσως καὶ νῦν τολμήσει κατηγορεῖν. [8] Ἐγὼ δ' ὑμῖν παρέξομαι μάρτυρας πρῶτον μὲν τοὺς ἐξ ἀρχῆς παραγενομένους, ὡς οὔτ' ἐπελαβόμην οὔτ' ἐφηψάμην τῶν χρημάτων, ἔπειτα Ῥίνωνα8 καὶ τοὺς συνάρχοντας, ὡς οὐκ ἐγὼ τὴν φάσιν ἀλλὰ Πατροκλῆς ἐποιήσατο πρὸς αὐτούς, ἔτι δὲ τοὺς βουλευτάς, ὡς ἐκεῖνος ἦν ὁ κατηγορῶν. Καί μοι κάλει τούτων μάρτυρας.

Μάρτυρες

[9] Οὕτω τοίνυν πολλῶν παραγενομένων τοῖς πραχθεῖσιν, ὥσπερ οὐδενὸς συνειδότος αὐτὸς μὲν οὗτος ἐφιστάμενος εἰς τοὺς ὄχλους καὶ καθίζων ἐπὶ τοῖς ἐργαστηρίοις λόγους ἐποιεῖτο ὡς δεινὰ πεπονθὼς ὑπ' ἐμοῦ καὶ τῶν χρημάτων ἀπεστερημένος, τῶν δὲ χρωμένων τινὲς τούτῳ προσιόντες μοι συνεβούλευον ἀπαλλάττεσθαι τῆς πρὸς τοῦτον διαφορᾶς καὶ μὴ βούλεσθαι κακῶς ἀκούειν μηδὲ κινδυνεύειν περὶ πολλῶν χρημάτων, μηδ' εἰ σφόδρα πιστεύω τῷ πράγματι, λέγοντες ὡς πολλὰ παρὰ γνώμην ἐν τοῖς δικαστηρίοις ἀποβαίνει, [10] καὶ ὅτι τύχῃ μᾶλλον ἢ τῷ δικαίῳ κρίνεται τὰ παρ' ὑμῖν, ὥστε λυσιτελεῖν μοι μίκρ' ἀναλώσαντι μεγάλων ἐγκλημάτων ἀπαλλαγῆναι μᾶλλον ἢ μηδὲν ἀποτείσαντι κινδυνεύειν περὶ τηλικούτων. Τί δ' ἂν ὑμῖν τὰ πολλὰ καθ' ἕκαστον διηγοίμην; Οὐδὲν γὰρ παρέλιπον τῶν εἰθισμένων περὶ τῶν τοιούτων λέγεσθαι. Τελευτῶν δ' οὖν ἐπείσθην, ἅπαντα γὰρ εἰρήσεται τἀληθῆ πρὸς ὑμᾶς, δοῦναι τούτῳ διακοσίας δραχμάς. Ἵνα δὲ μὴ πάλιν ἐξείη συκοφαντεῖν αὐτῷ, δίαιταν ἐπὶ ῥητοῖς ἐπετρέψαμεν Νικομάχῳ Βατῆθεν. ...

Μάρτυρες

[11] Τὸ μὲν τοίνυν πρῶτον ἐνέμεινε τοῖς ὡμολογημένοις, ὕστερον δ' ἐπιβουλεύσας μετὰ Ξενοτίμου, τοῦ τοὺς νόμους διαφθείροντος καὶ τὰ δικαστήρια δεκάζοντος καὶ τὰς ἀρχὰς λυμαινομένου καὶ πάντων κακῶν αἰτίου, λαγχάνει μοι δίκην μυρίων δραχμῶν. Προβαλλομένου δ' ἐμοῦ μάρτυρα, ὡς οὐκ εἰσαγώγιμος ἦν ἡ δίκη διαίτης γεγενημένης, ἐκείνῳ μὲν οὐκ ἐπεξῆλθεν, [12] εἰδὼς ὅτι, εἰ μὴ μεταλάβοι τὸ πέμπτον μέρος τῶν ψήφων, τὴν ἐπωβελίαν ὀφλήσει, πείσας δὲ τὴν ἀρχὴν πάλιν τὴν αὐτὴν δίκην ἐγράψατο, ὡς ἐν τοῖς πρυτανείοις μόνον κινδυνεύσων. Ἀπορῶν δ' ὅ τι χρησαίμην τοῖς κακοῖς, ἡγησάμην εἶναι κράτιστον ἐξ ἴσου καταστήσαντ' ἀμφοτέροις τὸν κίνδυνον εἰσελθεῖν εἰς ὑμᾶς. Καὶ τὰ μὲν γενόμενα ταῦτ' ἐστίν.

[13] Πυνθάνομαι δὲ Καλλίμαχον οὐ μόνον περὶ τῶν ἐγκλημάτων διανοεῖσθαι ψευδῆ λέγειν, ἀλλὰ καὶ τὴν δίαιταν μέλλειν ἔξαρνον εἶναι καὶ παρεσκευάσθαι λέγειν τοιούτους λόγους, ὡς οὐκ ἄν ποτ' ἐπέτρεψε Νικομάχῳ δίαιταν, ὃν ἠπίστατο πάλαι χρώμενον ἡμῖν, καὶ ὡς οὐκ ἐικὸς ἦν αὐτὸν ἀντὶ μυρίων δραχμῶν διακοσίας ἐθελῆσαι λαβεῖν.

[14] Ὑμεῖς δ' ἐνθυμεῖσθε πρῶτον μὲν ὅτι τὴν δίαιταν οὐκ ἀμφισβητοῦντες ἀλλ' ἐπὶ ῥητοῖς ἐπετρέψαμεν, ὥστ' οὐδὲν ἄτοπον ἐποίησεν, εἰ Νικόμαχον εἵλετο διαιτητήν, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον εἰ περὶ τῶν πραγμάτων ὡμολογηκὼς περὶ τοῦ διαιτητοῦ διεφέρετο. Ἔπειτ' ὀφειλομένων μὲν αὐτῷ μυρίων δραχμῶν οὐκ εἰκὸς ἦν αὐτὸν ἐπὶ δυοῖν μναῖν ποιήσασθαι τὴν διαλλαγήν· ἀδίκως δ' αἰτιώμενον καὶ συκοφαντοῦντα οὐδὲν θαυμαστὸν τοσοῦτον ἐθελῆσαι λαβεῖν. Ἔτι δ', εἰ μεγάλ' ἐγκαλῶν ὀλίγ' ἐπράξατο, οὐ τούτῳ τοῦτο τεκμήριόν ἐστιν, ὡς ἡ δίαιτα οὐ γέγονεν, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον ἡμῖν, ὡς καὶ τὴν ἀρχὴν οὐ δικαίως ἐνεκάλεσεν. [15] Θαυμάζω δ' εἰ αὑτὸν μὲν ἱκανὸν γνῶναι νομίζει ὅτι οὐκ εἰκὸς ἀντὶ μυρίων δραχμῶν διακοσίας ἐθελῆσαι λαβεῖν, ἐμὲ δ' οὐκ ἂν οἴεται τοῦτ' ἐξευρεῖν, εἴπερ ἠβουλόμην ψευδῆ λέγειν, ὅτι πλέον ἔδει φάσκειν τούτων δεδωκέναι. Ἀξιῶ δ', ὅσον περ ἂν τούτῳ σημεῖον ἦν ὡς ἡ δίαιτα οὐ γέγονεν, ἑλόντι τὰ διαμαρτυρηθέντα, τοσοῦτον ἐμοὶ γενέσθαι τεκμήριον ὡς ἀληθῆ λέγω περὶ αὐτῆς, ἐπειδὴ τῷ μάρτυρι φανερός ἐστιν οὐδ' ἐπεξελθεῖν ἀξιώσας.

[16] Ἡγοῦμαι δ', εἰ μήθ' ἡ δίαιτα ἐγεγόνει μήτε τῶν πεπραγμένων ἦσαν μάρτυρες, ἔδει δ' ἐκ τῶν εἰκότων σκοπεῖν, οὐδ' οὕτω χαλεπῶς ἂν ὑμᾶς γνῶναι τὰ δίκαια. Εἰ μὲν γὰρ καὶ τοὺς ἄλλους ἀδικεῖν ἐτόλμων, εἰκότως ἄν μου κατεγιγνώσκετε καὶ περὶ τοῦτον ἐξαμαρτάνειν· νῦν δ' οὐδένα φανήσομαι τῶν πολιτῶν οὔτε χρήμασι ζημιώσας οὔτε περὶ τοῦ σώματος εἰς κίνδυνον καταστήσας, οὔτ' ἐκ μὲν τῶν μετεχόντων τῆς πολιτείας ἐξαλείψας, εἰς δὲ τὸν μετὰ Λυσάνδρου κατάλογον ἐγγράψας. [17] Καίτοι πολλοὺς ἐπῆρεν ἡ τῶν τριάκοντα πονηρία τοιαῦτα ποιεῖν· οὐ γὰρ ὅτι τοὺς ἀδικοῦντας ἐκόλαζον, ἀλλ' ἐνίοις καὶ προσέταττον ἐξαμαρτάνειν. Ἐγὼ μὲν τοίνυν οὐδ' ἐπὶ τῆς ἐκείνων ἀρχῆς οὐδὲν εὑρεθήσομαι τοιοῦτον ἐργασάμενος· οὗτος δ' ἀδικηθῆναί φησιν, ὅτ' ἐξεβέβληντο μὲν οἱ τριάκοντα, ὁ δὲ Πειραιεὺς ἦν κατειλημμένος, ἐκράτει δ' ὁ δῆμος, περὶ διαλλαγῶν δ' ἦσαν οἱ λόγοι. [18] Καίτοι δοκεῖ ἂν ὑμῖν, ὅστις ἐπὶ τῶν τριάκοντα κόσμιον αὑτὸν παρέσχεν, εἰς τοῦτον ἀποθέσθαι τὸν χρόνον ἀδικεῖν, ἐν ᾧ καὶ τοῖς πρότερον ἡμαρτηκόσι μετέμελεν; Ὃ δὲ πάντων δεινότατον, εἰ τῶν μὲν ὑπαρχόντων ἐχθρῶν μηδ' ἀμύνεσθαι μηδέν' ἠξίωσα, τοῦτον δὲ κακῶς ποιεῖν ἐπεχείρουν, πρὸς ὃν οὐδὲν πώποτέ μοι συμβόλαιον ἐγένετο.

[19] Ὡς μὲν οὖν οὐκ αἴτιός εἰμι Καλλιμάχῳ τῆς τῶν χρημάτων δημεύσεως, ἱκανῶς ἀποδεδεῖχθαί μοι νομίζω· ὡς δ' οὐκ ἐξῆν αὐτῷ δικάζεσθαι περὶ τῶν τότε γεγενημένων, οὐδ' εἰ πάντα ταῦτ' ἦν πεποιηκὼς ἅ φησιν αὐτός, ἐκ τῶν συνθηκῶν γνώσεσθε. Καί μοι λαβὲ τὸ βιβλίον.

Συνθῆκαι

[20] Ἆρα μικρῷ τῷ δικαίῳ πιστεύων τὴν παραγραφὴν ἐποιησάμην, ἀλλ' οὐ τῶν μὲν συνθηκῶν διαρρήδην ἀφιεισῶν τοὺς ἐνδείξαντας ἢ φήναντας ἢ τῶν ἄλλων τι τῶν τοιούτων πράξαντας, ἐμαυτὸν δ' ἔχων ἀποφαίνειν, ὡς οὔτε ταῦτα πεποίηκα οὔτ' ἄλλ' οὐδὲν ἐξήμαρτον; Ἀνάγνωθι δή μοι καὶ τοὺς ὅρκους.

Ὅρκοι

[21] Οὐκ οὖν δεινόν, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὕτω μὲν τῶν συνθηκῶν ἐχουσῶν, τοιούτων δὲ τῶν ὅρκων γενομένων, τοσοῦτον φρονεῖν Καλλίμαχον ἐπὶ τοῖς λόγοις τοῖς αὑτοῦ ὥσθ' ἡγεῖσθαι πείσειν ὑμᾶς ἐναντία τούτοις ψηφίσασθαι; Καὶ εἰ μὲν ἑώρα μεταμέλον τῇ πόλει τῶν πεπραγμένων, οὐκ ἄξιον ἦν θαυμάζειν αὐτοῦ· νῦν δ' οὐ μόνον ἐν τῇ θέσει τῶν νόμων ἐπεδείξασθε περὶ πολλοῦ ποιούμενοι τὰς συνθήκας, [22] ἀλλὰ καὶ Φίλωνα τὸν ἐκ Κοίλης ἐνδειχθέντα παραπρεσβεύεσθαι, καὶ περὶ μὲν τοῦ πράγματος οὐδὲν ἔχοντ' ἀπολογήσασθαι, τὰς δὲ συνθήκας παρεχόμενον, ἔδοξεν ὑμῖν ἀφεῖναι καὶ μηδὲ κρίσιν περὶ αὐτοῦ ποιήσασθαι. Καὶ ἡ μὲν πόλις οὐδὲ παρὰ τῶν ὁμολογούντων ἐξαμαρτάνειν ἀξιοῖ δίκην λαβεῖν, οὗτος δὲ καὶ τοὺς οὐδὲν ἠδικηκότας τολμᾷ συκοφαντεῖν. [23] Καὶ μὴν οὐδὲ τάδ' αὐτὸν λέληθεν, ὅτι Θρασύβουλος καὶ Ἄνυτος μέγιστον μὲν δυνάμενοι τῶν ἐν τῇ πόλει, πολλῶν δ' ἀπεστερημένοι χρημάτων, εἰδότες δὲ τοὺς ἀπογράψαντας, ὅμως οὐ τολμῶσιν αὐτοῖς δίκας λαγχάνειν οὐδὲ μνησικακεῖν, ἀλλ' εἰ καὶ περὶ τῶν ἄλλων μᾶλλον ἑτέρων δύνανται διαπράττεσθαι, [24] ἀλλ' οὖν περὶ γε τῶν ἐν ταῖς συνθήκαις ἴσον ἔχειν τοῖς ἄλλοις ἀξιοῦσιν. Καὶ οὐχ οὗτοι μόνοι ταῦτ' ἠξιώκασιν, ἀλλ' οὐδ' ὑμῶν οὐδεὶς τοιαύτην δίκην εἰσελθεῖν τετόλμηκεν. Καίτοι δεινόν, εἰ ἐπὶ μὲν τοῖς ὑμετέροις αὐτῶν πράγμασιν ἐμμένετε τοῖς ὅρκοις, ἐπὶ δὲ τῇ τούτου συκοφαντίᾳ παραβαίνειν ἐπιχειρήσετε, καὶ τὰς μὲν ἰδίας ὁμολογίας δημοσίᾳ κυρίας ἀναγκάζετ' εἶναι, τὰς δὲ τῆς πόλεως συνθήκας ἰδίᾳ τὸν βουλόμενον λύειν ἐάσετε. [25] Ὃ δὲ πάντων ἄν τις μάλιστα θαυμάσειεν, εἰ, ὅτε μὲν ἄδηλον ἦν, εἰ συνοίσουσιν αἱ διαλλαγαὶ τῇ πόλει, τοιούτους ὅρκους ἐποιήσασθε περὶ αὐτῶν, ὥστ' εἰ καὶ μὴ συνέφερεν ἀναγκαῖον εἶναι τοῖς ὡμολογημένοις ἐμμένειν, ἐπειδὴ δ' οὕτω καλῶς ὑμῖν συμβέβηκεν ὥστε καὶ μηδεμιᾶς πίστεως γεγενημένης ἄξιον εἶναι τὴν παροῦσαν πολιτείαν διαφυλάττειν, [26] τηνικαῦτα τοὺς ὅρκους παραβήσεσθε· καὶ τοῖς μὲν εἰρηκόσιν ὡς χρὴ τὰς συνθήκας ἐξαλείφειν ὠργίζεσθε, τουτονὶ δ', ὃς γεγραμμένας αὐτὰς τολμᾷ παραβαίνειν, ἀζήμιον ἀφήσετε. Ἀλλ' οὔτ' ἂν δίκαια οὔτ' ἄξι' ὑμῶν αὐτῶν οὔτ' ἂν πρέποντα τοῖς πρότερον ἐγνωσμένοις ποιήσαιτε.

[27] Ἐνθυμεῖσθε δ' ὅτι περὶ τῶν μεγίστων ἥκετε δικάσοντες· περὶ γὰρ συνθηκῶν τὴν ψῆφον οἴσετε, ἃς οὐδὲ πώποτ' οὔθ' ὑμῖν πρὸς ἑτέρους οὔτ' ἄλλοις πρὸς ὑμᾶς ἐλυσιτέλησε παραβῆναι, τοσαύτην δ' ἔχουσι δύναμιν ὥστε τὰ πλεῖστα τοῦ βίου καὶ τοῖς Ἕλλησι καὶ τοῖς βαρβάροις διὰ συνθηκῶν εἶναι. [28] Ταύταις γὰρ πιστεύοντες ὡς ἀλλήλους ἀφικνούμεθα καὶ ποριζόμεθα ὧν ἕκαστοι τυγχάνομεν δεόμενοι· μετὰ τούτων καὶ τὰ συμβόλαια τὰ πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς ποιούμεθα καὶ τὰς ἰδίας ἔχθρας καὶ τοὺς κοινοὺς πολέμους διαλυόμεθα· τούτῳ μόνῳ κοινῷ πάντες ἄνθρωποι διατελοῦμεν χρώμενοι. Ὥσθ' ἅπασι μὲν προσήκει βοηθεῖν αὐταῖς, μάλιστα δ' ὑμῖν.

[29] Ὑπόγυιον γὰρ ἐστιν, ἐξ οὗ καταπολεμηθέντες, ἐπὶ τοῖς ἐχθροῖς γενόμενοι, πολλῶν ἐπιθυμησάντων διαφθεῖραι τὴν πόλιν, εἰς ὅρκους καὶ συνθήκας κατεφύγομεν, ἅς εἰ Λακεδαιμόνιοι τολμῷεν παραβαίνειν, σφόδρ' ἂν ἕκαστος ὑμῶν ἀγανακτήσειεν. [30] Καίτοι πῶς οἷόν τ' ἐστὶν ἑτέρων κατηγορεῖν οἷς αὐτός τις ἔνοχός ἐστιν; Τῷ δ' ἂν δόξαιμεν ἀδικεῖσθαι παρὰ τὰς συνθήκας κακῶς πάσχοντες, εἰ μηδ' αὐτοὶ φαινοίμεθ' αὐτὰς περὶ πολλοῦ ποιούμενοι; Τίνας δὲ πίστεις πρὸς τοὺς ἄλλους εὑρήσομεν, εἰ τὰς πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς γεγενημένας οὕτως εἰκῇ λύσομεν; [31] Ἄξιον δὲ καὶ τῶνδε μνησθῆναι, διότι πολλῶν καὶ καλῶν τοῖς προγόνοις ἐν τῷ πολέμῳ πεπραγμένων οὐχ ἥκισθ' ἡ πόλις ἐκ τούτων τῶν διαλλαγῶν εὐδοκίμησεν. Πρὸς μὲν γὰρ τὸν πόλεμον πολλαὶ πόλεις ἂν εὑρεθεῖεν καλῶς ἠγωνισμέναι, περὶ δὲ στάσεως οὐκ ἔστιν ἣν ἄν τις ἐπιδείξειεν ἄμεινον τῆς ἡμετέρας βεβουλευμένην. [32] Ἔτι δὲ τῶν μὲν τοιούτων ἔργων, ὅσα μετὰ κινδύνων πέπρακται, τὸ πλεῖστον ἄν τις μέρος τῇ τύχῃ μεταδοίη· τῆς δ' εἰς ἡμᾶς αὐτοὺς μετριότητος οὐδεὶς ἂν ἄλλ' ἢ τὴν ἡμετέραν γνώμην αἰτιάσαιτο. Ὥστ' οὐκ ἄξιον προδότας ταύτης τῆς δόξης γενέσθαι.

[33] Καὶ μηδεὶς ἡγείσθω μ' ὑπερβάλλειν μηδὲ μείζω λέγειν, ὅτι δίκην ἰδίαν φεύγων τούτους εἴρηκα τοὺς λόγους. Οὐ γὰρ μόνον περὶ τῶν ἐπιγεγραμμένων χρημάτων ἐστιν οὗτος ὁ ἀγών, ἀλλ' ἐμοὶ μὲν περὶ τούτων, ὑμῖν δὲ περὶ τῶν ὀλίγῳ πρότερον εἰρημένων· ὑπὲρ ὧν οὐδεὶς οὔτ' ἂν εἰπεῖν ἀξίως δύναιτο οὔτ' ἂν τίμημ' ἱκανὸν ἐπιγράψαιτο. [34] Τοσοῦτον γὰρ αὕτη διαφέρει τῶν ἄλλων δικῶν, ὥστε τῶν μὲν τοῖς ἀγωνιζομένοις μόνον προσήκει, ταύτῃ δὲ τὸ κοινὸν τῆς πόλεως συγκινδυνεύει. Περὶ ταύτης δύ' ὅρκους ὀμόσαντες δικάζετε, τὸν μὲν, ὅνπερ ἐπὶ ταῖς ἄλλαις εἴθισθε, τὸν δ' ὃν ἐπὶ ταῖς συνθήκαις ἐποιήσασθε. Ταύτην ἀδίκως γνόντες οὐ τοὺς τῆς πόλεως μόνον νόμους ἀλλὰ καὶ τοὺς ἁπάντων κοινοὺς παραβήσεσθε. Ὥστ' οὐκ ἄξιον οὔτε κατὰ χάριν οὔτε κατ' ἐπιείκειαν οὔτε κατ' ἄλλ' οὐδὲν ἢ κατὰ τοὺς ὅρκους περὶ αὐτῶν ψηφίσασθαι.

[35] Ὡς μὲν οὖν χρὴ καὶ συμφέρει καὶ δίκαιον ὑμᾶς ἐστὶν οὕτω περὶ τῶν συνθηκῶν γιγνώσκειν, οὐδ' αὐτὸν ἡγοῦμαι Καλλίμαχον ἀντερεῖν· οἶμαι δ' αὐτὸν ὀδυρεῖσθαι τὴν παροῦσαν πενίαν καὶ τὴν γεγενημένην αὑτῷ συμφοράν, καὶ λέξειν ὡς δεινὰ καὶ σχέτλια πείσεται, εἰ τῶν χρημάτων, ὧν ἐπὶ τῆς ὀλιγαρχίας ἀφῃρέθη, τούτων ἐν δημοκρατίᾳ τὴν ἐπωβελίαν ὀφλήσει, καὶ εἰ τότε μὲν διὰ τὴν οὐσίαν τὴν αὑτοῦ φυγεῖν ἠναγκάσθη, νυνὶ δ' ἐν ᾧ χρόνῳ προσῆκεν αὑτὸν δίκην λαβεῖν, ἅτιμος γενήσεται. [36] Κατηγορήσει δὲ καὶ τῶν ἐν τῇ μεταστάσει γενομένων, ὡς ἐκ τοὺτων μάλισθ' ὑμᾶς εἰς ὀργὴν καταστήσων· ἴσως γὰρ τινος ἀκήκοεν, ὡς ὑμεῖς, ὅταν μὴ τοὺς ἀδικοῦντας λάβητε, τοὺς ἐντυγχάνοντας κολάζετε. Ἐγὼ δ' οὔθ' ὑμᾶς ταύτην ἔχειν τὴν γνώμην ἡγοῦμαι, πρὸς τε τοὺς ὑπειρημένους λόγους ῥᾲδιον ἁντειπεῖν νομίζω.

[37] Πρὸς οὖν τοὺς ὀδυρμούς, ὅτι προσήκει βοηθεῖν ὑμᾶς, οὐχ οἵτινες ἂν δυστυχεστάτους σφᾶς αὐτοὺς ἀποδείξωσιν, ἀλλ' οἵτινες ἂν περὶ ὧν ἀντωμόσαντο δικαιότερα λέγοντες φάνωνται. Περὶ δὲ τῆς ἐπωβελίας, εἰ μὲν ἐγὼ τοὺτων τῶν πραγμάτων αἴτιος ἦν, εἰκότως ἂν αὐτῷ μέλλοντι ζημιώσεσθαι συνήχθεσθε· νῦν δ' οὗτος ἐστιν ὁ συκοφαντῶν, ὥστ' οὐδὲν ἂν δικαίως αὐτοῦ λέγοντος ἀποδέχοισθε. [38] Ἔπειτα κἀκεῖνο χρὴ σκοπεῖν, ὅτι πάντες οἱ κατελθόντες ἐκ Περαίεως ἔχοιεν ἂν τοὺς αὐτοὺς λόγους εἰπεῖν, οὕσπερ οὗτος, ὧν οὐδεὶς ἄλλος τετόλμηκε τοιαύτην δίκην εἰσελθεῖν. Καίτοι χρὴ μισεῖν ὑμᾶς τοὺς τοιούτους καὶ κακοὺς πολίτας νομίζειν, οἵτινες ταῖς μὲν συμφοραῖς ὁμοίας τῷ τῷ πλήθει κέχρηνται, τὰς δὲ τιμωρίας διαφόρους τῶν ἅλλων ἀξιοῦσι ποιεῖσθαι. [39] Πρὸς δὲ τοὺτοις ἔτι καὶ νῦν ἔξεστιν αὐτῷ, πρὶν ἀποπειραθῆναι τῆς ὑμετὲρας γνώμης, ἁφέντι τὴν δίκην ἀπηλλάχθαι πάντων τῶν πραγμάτων. Καίτοι πῶς οὐκ ἄλογόν ἐστιν ἐν τούτῳ τῷ κινδύνῳ ζητεῖν αὐτόν ἐλέου παρ' ὑμῶν τυγχάνειν, οὗ κύριος αὐτός ἐστι, καὶ εἰς ὃ αὐτὸς αὑτὸν καθίστησι, καὶ ὃ ἔτι καὶ νῦν ἔξεστιν αὐτῷ μὴ κινδυνεύειν;

[40] Ἂν δ' ἄρα μέμνηται τῶν ἐπὶ τῆς ὀλιγαρχίας γεγενημένων, ἁξιοῦτε αὐτὸν μὴ 'κείνων κατηγορεῖν, ὑπὲρ ὧν οὐδεὶς ἀπολογήσεται, ἀλλ' ὡς ἐγὼ τὰ χρήματα εἴληφα διδάσκειν, περὶ οὗπερ ὑμᾶς δεῖ ψηφίζεσθαι, μηδ' ὡς αὐτός δεινὰ πέπονθεν ἀποφαίνειν, ἀλλ' ὡς ἐγὼ πεποίηκα ἐξελέγχειν, παρ' οὗπερ ἀξιοῖ τἀπολωλότα κομίζεσθαι· [41] ἐπεὶ κακῶς γ' αὑτὸν πράττοντα ἐπιδεῖξαι καὶ πρὸς ἄλλον ὁντινοῦν ἀγωνιζόμενος τῶν πολιτῶν δύναται. Καίτοι χρὴ μέγα παρ' ὑμῖν δύνασθαι τῶν κατηγοριῶν, οὐχ αἷς ἔξεστι χρῆσθαι καὶ πρὸς τοὺς μηδέν ἡμαρτηκότας, ἀλλ' ἃς οὐχ οἷ τ' εἰπεῖν ἀλλ' ἢ κατὰ τῶν ἠδικηκότων. Πρὸς μὲν οὖν τούτους τοὺς λόγους καὶ ταῦτ' ἴσως ἀρκέσει καὶ τάχ' ἀντειπεῖν ἐξέσται.

[42] Ἐνθυμεῖσθε δ', εἰ καὶ τῳ δόξω δὶς περὶ τῶν αὐτῶν λέγειν, ὅτι πολλοὶ προσέχουσι ταύτῃ τῇ δίκῃ τὸν νοῦν, οὐ τῶν ἡμετέρων πραγμάτων φροντίζοντες, ἀλλ' ἡγούμενοι περὶ τῶν συνθηκῶν εἶναι τὴν κρίσιν. Οὓς ὑμεῖς τὰ δίκαια γνόντες ἀδεῶς οἰκεῖν ἐν τῇ πόλει ποιήσετε· εἰ δὲ μή, πῶς οἴεσθε διακείσεσθαι τοὺς ἐν ἄστει μείναντας, ἤν ὁμοίως ἅπασιν ὀργιζόμενοι φαίνησθε τοῖς μετασχοῦσι τῆς πολιτείας; [43] Τίνα δὲ γνώμην ἕξειν τοὺς μικρὸν ἁμάρτημα σφίσιν αὐτοῖς συνειδότας, ὅταν ὁρῶσι μηδὲ τοὺς κοσμίως πεπολιτευμένους τῶν δικαίων τυγχάνοντας; Πόσην δὲ χρὴ προσδοκᾶν ἔσεσθαι ταραχήν, ὅταν οἱ μὲν ἐπαρθῶσι συκοφαντεῖν ὡς ὑμῶν αὐτοῖς ἤδη ταὔτ' ἐγνωκότων, οἱ δὲ δεδίωσι τὴν παροῦσαν πολιτείαν ὡς οὐδεμιᾶς αὐτοῖς ἔτι καταφυγῆς ὑπαρχούσης; [44] Ἆρ' οὐκ ἄξιον φοβεῖσθαι μὴ συγχυθέντων τῶν ὅρκων πάλιν εἰς ταὐτὰ καταστῶμεν ἐξ ὧνπερ ἠναγκάσθημεν τὰς συνθήκας ποιήσασθαι; Καὶ μὴν οὐ δεῖ γ' ὑμᾶς παρ' ἑτέρων μαθεῖν. Ὅσον ἐστὶν ὁμόνοια ἀγαθὸν ἢ στάσις κακόν· οὕτω γὰρ ἀμφοτέρων σφόδρα πεπείρασθε, ὥστε καὶ τοὺς ἄλλους ὑμεῖς ἄριστ' ἂν διδάξαιτε περὶ αὐτῶν.

[45] Ἵνα δὲ δοκῶ διὰ τοῦτο πολὺν χρόνον περὶ τὰς συνθήκας διατρίβειν, ὅτι ῥᾴδιόν ἐστι περὶ αὐτῶν πολλὰ καὶ δίκαια εἰπεῖν, τοσοῦτον ὑμῖν ἔτι διακελεύομαι μνημονεύειν, ὅταν φέρητε τὴν ψῆσον, ὅτι πρὶν μὲν ποιήσασθαι ταύτας ἐπολεμοῦμεν, οἱ μὲν τὸν κύκλον ἔχοντες, οἱ δὲ τὸν Πειραιᾶ κατειληφότες, μᾶλλον ἀλλήλους μισοῦντες ἢ τοὺς ὑπὸ τῶν προγόνων πολεμίους ἡμῖν καταλειφθέντας, [46] ἐπειδὴ δὲ τὰς πὶστεις ἀλλήλοις ἔδομεν εἰς ταὐτὸν συνελθόντες, οὕτω καλῶς καὶ κοινῶς πολιτευόμεθα, ὤσπερ οὐδεμιᾶς ἡμῖν συμφορᾶς γεγενημένης. Καὶ τότε μὲν ἀμαθεστάτους καὶ δυστυχεστάτους πάντες ἡμᾶς ἐνόμιζον· νῦν δ' εὐδαιμονέστατοι καὶ σωφρονέστατοι τῶν Ἑλλήνων δοκοῦμεν εἶναι. [47] Ὥστ' ἄξιον οὐ μόνον τηλικαύταις ζημίαις κολάζειν τοὺς παραβαίνειν τολμῶντας τὰς συνθήκας ἀλλὰ ταῖς ἐσχάταις, ὡς τῶν μεγίστων κακῶν αἰτίους ὄντας, ἄλλως τε καὶ τοὺς ὥσπερ Καλλίμαχος βεβιωκότας.

Ὃς δέκα μὲν ἔτη συνεχῶς ὑμῖν Λακεδαιμονίων πολεμησάντων οὐδὲ μίαν παρέσχεν αὑτὸν ἡμέραν τάξαι τοῖς στρατηγοῖς, [48] ἀλλ' ἐκεῖνον μὲν τὸν χρόνον διετέλεσεν ἀποδιδράσκων καὶ τὴν οὐσίαν ἀποκρυπτόμενος, ἐπειδὴ δ' οἱ τριάκοντα κατέστησαν, τηνικαῦτα κατέπλευσεν εἰς τὴν πόλιν. Καὶ φησὶ μὲν εἶναι δημοτικός, τοσούτῳ δὲ μᾶλλον τῶν ἄλλων ἐπεθύμει μετασχεῖν ἐκείνης τῆς πολιτείας, ὥστ' οὐδ' εἰ κακῶς ἔπαθεν, ἠξίωσεν ἀπελθεῖν, ἀλλ' ᾑρεῖτο μετὰ τῶν ἡμαρτηκότων εἰς αὑτὸν πολιορκεῖσθαι μᾶλλον ἢ μεθ' ὑμῶν τῶν συνηδικημένων πολιτεύεσθαι. [49] Καὶ μέχρι τῆς ἡμέρας ἐκείνης παρέμεινε μετέχων τῆς πολιτείας, ἐν ᾗ προσβαλεῖν ἠμέλλετε πρὸς τὸ τεῖχος· τότε δ' ἐξῆλθεν, οὐ τὰ παρόντα μισήσας ἀλλὰ δείσας τὸν ἐπιόντα κίνδυνον, ὡς ὕστερον ἐδήλωσεν. Ἐπειδὴ γὰρ Λακεδαιμονίων ἐθόντων ὁ δῆμος ἐν τῷ Πειραιεῖ κατεκλείσθη, πάλιν ἐκεῖθεν διαδρὰς ἐν Βοιωτοῖς διῃτᾶτο· ὥστ' αὐτῷ προσήκει μετὰ τῶν αὐτομόλων ἀναγεγράφθαι πολὺ μᾶλλον ἢ τῶν φυγόντων ὀνομάζεσθαι. [50] Καὶ τοιοῦτος γεγενημένος καὶ περὶ τοὺς ἐκ Πειραιέως καὶ περὶ τοὺς ἐν ἄστει μείναντας καὶ περὶ πᾶσαν τὴν πόλιν, οὐκ ἀγαπᾷ τῶν ἴσων τυγχάνειν τοῖς ἄλλοις ἀλλὰ ζητεῖ πλέον ἔχειν ὑμῶν, ὥπερ ἢ μόνος ἀδικηθεὶς ἢ βέλτιστος ὢν πολιτῶν ἢ μεγίσταις συμφοραῖς δι' ὑμᾶς κεχρημένος ἢ πλείστων ἀγαθῶν αἴτιος τῇ πόλει γεγενημένος. [51] Ἠβουλόμην δ' ἂν ὑμᾶς ὁμοίως ἐμοὶ γιγνώσκειν αὐτόν, ἵν' αὐτῷ μὴ τῶν ἀπολωλότων συνήχθεσθε ἀλλὰ τῶν ὑπολοίπων ἐφθονεῖτε. Νῦν δὲ περὶ μὲν τῶν ἄλλων ὅσοις ἐπιβεβούλευκε, καὶ δὶκας οἵας δεδίκασται καὶ γραφὰς ἃς εἰσελήλυθε, καὶ μεθ' ὧν συνέστηκε καὶ καθ' ὧν τὰ ψευδῆ μεμαρτύρηκεν, οὐδ' ἂν δὶς τοσοῦτον ὕδωρ ἱκανὸν διηγήσασθαι γένοιτο· [52] ἓν δὲ μόνον ἀκούσαντες τῶν τούτῳ πεπραγμένων ῥᾳδίως καὶ τὴν ἄλλην αὐτοῦ πονηρίαν γνώσεσθε.

Κρατῖνος γὰρ ἠμφισβήτησε χωρίου τῷ τούτου κηδεστῇ. Μάχης δ' αὐτοῖς γενομένης, ὑποκρυψάμενοι θεράπαιναν ᾐτιῶντο τὸν Κρατῖνον συντρῖψαι τῆς κεφαλῆς αὐτῆς, ἐκ δὲ τραύματος φάσκοντες ἀποθανεῖν τὴν ἄνθρωπον λαγχάνουσιν αὐτῷ φόνου δίκην ἐπὶ Παλλαδίῳ. [53] Πυθόμενος δ' ὁ Κρατῖνος τὰς τούτων ἐπιβουλὰς τὸν μὲν ἄλλον χρόνον ἡσυχίαν ἦγεν, ἵνα μὴ μεταθεῖντο τὸ πρᾶγμα μηδ' ἑτέρους λόγους ἐξευρίσκοιεν, ἀλλ' ἐπ' αὐτοφώρῳ ληφθεῖεν κακουργοῦντες· ἐπειδὴ δ' ὁ κηδεστὴς μὲν ἦν ὁ τούτου κατηγορηκώς, οὗτος δὲ μεμαρτυρηκὼς ἦ μὴν τεθνάναι τὴν ἄνθρωπον, [54] ἐλθόντες εἰς τὴν οἰκίαν ἵν' ἦν κεκρυμμένη, βίᾳ λαβόντες αὐτὴν καὶ ἀγαγόντες ἐπὶ τὸ δικαστήριον ζῶσαν ἅπασι τοῖς παροῦσιν ἐπέδειξαν. Ὥσθ' ἑπτακοσίων μὲν δικαζόντων, τεττάρων δὲ καὶ δέκα μαρτυρησάντων ἅπερ οὗτος, οὐδεμίαν ψῆφον μετέλαβε. Καί μοι κάλει τούτων μάρτυρας.

Μάρτυρες

[55] Τίς οὖν ἀξίως δύναιτο κατηγορῆσαι τῶν τούτω πεπραγμένων; Ἤ τίς ἂν εὑρεῖν ἔχοι παράδειγμα μεῖζον ἀδικίας καὶ συκοφαντίας καὶ πονηρίας; Ἔνια μὲν γὰρ τῶν ἀδικημάτων οὐκ ἂν ὅλον τὸν τρόπον δηλώσειε τῶν ἀδικησάντων, ἐκ δὲ τῶν τοιούτων ἔγρων ἅπαντα τὸν βίον τῶν ἐξαμαρτανόντων ῥᾴδιον κατιδεῖν ἐστίν. [56] Ὅστις γὰρ τοὺς ζῶντας τεθνάναι μαρτυρεῖ, τίνος ἂν ὑμῖν ἀποσχέσθαι δοκεῖ; Ἣ ὅστις ἐπὶ τοῖς ἀλλοτρίοις πράγμασιν οὕτω πονηρός ἐστι, τί οὐκ ἂν ἐπὶ τοῖς αὑτοῦ τολμήσειεν; Πῶς δὲ χρὴ τούτῳ πιστεύειν ὑπὲρ αὑτοῦ λέγοντι, ὃς ὑπὲρ ἑτέρων ἐπιορκῶν ἐξελέγχεται; Τίς δὲ πώποτε φανερώτερον ἐπεδείχθη τὰ ψευδῆ μαρτυρῶν; Τοὺς μὲν γὰρ ἄλλους ἐκ τῶν λεγομένων κρίνετε, τὴν δὲ τούτου μαρτυρίαν, ὅτι ψευδὴς ἦν, εἶδον οἱ δικάζοντες. [57] Καὶ τοιαῦθ' ἡμαρτηκὼς ἐπιχειρήσει λέγειν, ὡς ψευδόμεθα, ὅμοιον ἐργαζόμενος, ὥσπερ ἂν εἴ τῳ Φρυνώνδας πανουργίαν ὀνειδίσειεν ἢ Φιλουργὸς ὁ τὸ Γοργόνειον ὑφελόμενος τοὺς ἄλλους ἱεροσύλους ἔφασκεν εἶναι. Τίνα δὲ προσήκει τῶν μὴ γενομένων παρασχέσθαι μάρτυρας μᾶλλον ἢ τοῦτον, ὃς αὐτὸς ἑτέροις τὰ ψευδῆ τολμᾷ μαρτυρεῖν;

[58] Ἀλλὰ γὰρ Καλλιμάχου μὲν ἐξέσται πολλάκις κατηγορεῖν, οὕτω γὰρ παρεσκεύασται πολιτεύεσθαι, περὶ δ' ἐμαυτοῦ τὰς μὲν ἄλλας ἁπάσας παραλείψω λειτουργίας, ἧς δ' οὐ μόνον ἄν μοι δικαίως ἔχοιτε χάριν ἀλλὰ καὶ τεκμηρίῳ χρήσαισθε περὶ τοῦ παντὸς πράγματος, ταύτης δὲ μνησθήσομαι πρὸς ὑμᾶς. [59] Ὅτε γὰρ ἡ πόλις ἀπώλεσε τὰς ναῦς τὰς ἐν Ἐλλησπόντῳ καὶ τῆς δυνάμεως ἐστερήθη, τῶν μὲν πλείστων τριηράρχων τοσοῦτον διήνεγκον, ὅτι μετ' ὀλίγων ἔσωσα τὴν ναῦν, αὐτῶν δὲ τούτων, ὅτι καταπλεύσας εἰς τὸν Πειραιᾶ μόνος οὐ κατέλυσα τὴν τριηραρχίαν, [60] ἀλλὰ τῶν ἄλλων ἀσμένως ἀπαλλαττομένων τῶν λῃτουργιῶν καὶ πρὸς τὰ παρόντ' ἀθύμως διακειμένων, καὶ τῶν μὲν ἀνηλωμένων αὐτοῖς μεταμέλον, τὰ δὲ λοιπὰ ἀποκρυπτομένων, καὶ νομιζόντων τὰ μὲν κοινὰ διεφθάρθαι, τὰ δ' ἴδια σκοπουμένων, οὐ τὴν αὐτὴν ἐκείνοις γνώμην ἔσχον, ἀλλὰ πείσας τὸν ἀδελφὸν συντριηραρχεῖν, παρ' ἡμῶν αὐτῶν μισθὸν διδόντες τοῖς ναύταις κακῶς ἐποιοῦμεν τοὺς πολεμίους. [61] Τὸ δὲ τελευταῖον πρὸ εἰπόντος Λυσάνδρου, εἴ τις εἰσάγοι σῖτον ὡς ὑμᾶς, θάνατον τὴν ζημίαν, οὕτω φιλοτίμως εἴχομεν πρὸς τὴν πόλιν, ὥστε τῶν ἄλλων οὐδὲ τὸν σφέτερον αὐτῶν εἰσάγειν τολμώντων ἡμεῖς τὸν ὡς ἐκείνους εἰσπλέοντα λαμβάνοντες εἰς τὸν Πειραιᾶ κατήγομεν. Ἀνθ' ὧν ὑμεῖς ἐψηφίσασθ' ἡμᾶς στεφανῶσαι καὶ πρόσθε τῶν ἐπωνύμων ἀνειπεῖν ὡς μεγάλων ἀγαθῶν αἰτίους ὄντας. [62] Καίτοι χρὴ τούτους δημοτικοὺς νομίζειν, οὐχ ὅσοι κρατοῦντος τοῦ δήμου μετασχεῖν τῶν πραγμάτων ἐπεθύμησαν, ἀλλ' οἳ δυστυχησάσης τῆς πόλεως προκινδυνεύειν ὑμῶν ἠθέλησαν, καὶ χάριν ἔχειν, οὐκ εἴ τις αὐτὸς κακῶς πέπονθεν, ἀλλ' εἴ τις ὑμᾶς εὖ πεποίηκε, καὶ πένητας γενομένους ἐλεεῖν οὐ τοὺς ἀπολωλεκότας τὴν οὐσίαν ἀλλὰ τοὺς εἰς ὑμᾶς ἀνηλωκότας.

[63] Ὧν εἷς ἐγὼ φανήσομαι γεγενημένος, ὃς πάντων ἂν εἴην δυστυχέστατος, εἰ πολλὰ τῶν ἐμαυτοῦ δεδαπανημένος εἰς τὴν πόλιν εἶτα δόξαιμι τοῖς ἀλλοτρίοις ἐπιβουλεύειν καὶ περὶ μηδενὸς ποιεῖσθαι τὰς παρ' ὑμῖν διαβολάς, ὃς οὐ μόνον τὴν οὐσίαν ἀλλὰ καὶ τὴν ψυχὴν τὴν ἐμαυτοῦ περὶ ἐλάττονος φαίνομαι ποιούμενος τοῦ παρ' ὑμῖν εὐδοκιμεῖν. [64] Τῷ δ' οὐκ ἂν ὑμῶν μεταμελήσειεν, εἰ καὶ μὴ παραχρῆμα ἀλλ' ὀλίγον ὕστερον, εἰ τὸν μὲν συκοφάντην ἴδοιτε πλούσιον γεγενημένον, ἐμὲ δ' ἐξ ὧν ὑπέλιπον λῃτουργῶν, καὶ τούτων ἐκπεπτωκότα; Καὶ τὸν μὲν μηδὲ πώποτε ὑπὲρ ὑμῶν κινδυνεύσαντα μεῖζον καὶ τῶν νόμων καὶ τῶν συνθηκῶν δυνάμενον, [65] ἐμὲ δὲ τὸν οὕτω πρόθυμον περὶ τὴν πόλιν γεγενημένον μηδὲ τῶν δικαίων ἀξιούμενον τυγχάνειν; Τίς δ' οὐκ ἂν ὑμῖν ἐπιτιμήσειεν, εἰ πεισθέντες ὑπὸ τῶν Καλλιμάχου λόγων τοσαύτην πονηρίαν ἡμῶν καταγνοίητε, οὓς ἐκ τῶν ἔργων κρίναντες δι' ἀνδραγαθίαν ἐστεφανώσατε, ὅτ' οὐδ' οὕτω ῥᾴδιον ἦν ὥσπερ νῦν τυχεῖν ταύτης τῆς τιμῆς; [66] Τοὐναντίον δ' ἡμῖν συμβέβηκεν ἢ τοῖς ἄλλοις· οἱ μὲν γὰρ ἄλλοι τοὺς εἰληφότας τὰς δωρεὰς ὑπομιμνῄσκουσιν, ἡμεῖς δ' ὑμᾶς τοὺς δεδωκότας ἀξιοῦμεν μνημονεύειν, ἵν' ὑμῖν τεκμήριον τῶν εἰρημένων ἁπάντων καὶ τῶν ἐπιτηδευμάτων τῶν ἡμετέρων γένηται. [67] Δῆλον δ' ὅτι ταύτης τῆς τιμῆς ἀξίους ἡμᾶς αὐτοὺς παρείχομεν, οὐχ ἵν' ὀλιγαρχίας γενομένης τἀλλότρια διαρπάζοιμεν, ἀλλ' ἵνα σωθείσης τῆς πόλεως οἵ τ' ἄλλοι τὰ σφέτερ' αὐτῶν ἔχοιεν, ἡμῖν τε παρὰ τῷ πλήθει τῶν πολιτῶν χάρις ὀφείλοιτο· ἣν ὑμᾶς νῦν ἀπαιτοῦμεν, οὐ πλέον ἔχειν τοῦ δικαίου ζητοῦντες, ἀλλ' ἀποφαίνοντες μὲν ὡς οὐδὲν ἀδικοῦμεν, ἀξιοῦντες δὲ τοῖς ὅρκοις καὶ ταῖς συνθήκαις ἐμμένειν. [68] Καὶ γὰρ ἄν εἴη δεινὸν εἰ τοὺς μὲν ἠδικηκότας τιμωρίας ἀφεῖναι κύριαι γένοιντο, ἐφ' ἡμῖν δὲ τοῖς εὖ πεποιηκόσιν ἄκυροι κατασταθεῖεν. Ἄξιον δὲ τὴν παροῦσαν τύχην διαφυλάττειν, ἐνθυμουμένους, ὅτι ἑτέρας μὲν πόλεις ἐποίησαν ἤδη συνθῆκαι μᾶλλον στασιάσαι, τὴν δ' ἡμετέραν μᾶλλον ὁμονοεῖν. Ὧν χρὴ μεμνημένους ἅμα τά τε δίκαια καὶ τὰ συμφέροντα ψηφίσασθαι.

XVIII. EXCEPTION CONTRE CALLIMAQUE.

[1] 1. Si d'autres orateurs avaient déjà plaidé une exception de cette nature, je commencerais par traiter l'affaire en elle-même ; mais ici je suis obligé de parler d'abord de la loi en vertu de laquelle nous nous présentons devant votre tribunal, afin que vous donniez votre suffrage avec une connaissance entière des circonstances de notre litige, et que personne de vous ne soit surpris de ce qu'étant défendeur, je parle avant celui qui m'attaque,

[2] Lorsqu'après votre retour du Pirée, vous reconnûtes que quelques hommes s'attachaient à calomnier les citoyens et s'efforçaient d'anéantir les traités, voulant réprimer leur audace et montrer en même temps que vous n'aviez pas fait ces traités par contrainte, mais parce que vous étiez convaincus qu'ils étaient utiles à la République, vous fîtes, sur la proposition d'Archînus, une loi portant que si on attaquait quelqu'un en justice contre les serments, l'accusé pourrait porter directement l'affaire devant les archontes, que les archontes lui donneraient action d'abord, qu'il parlerait le premier, [3] et qu'enfin celui des deux qui succomberait payerait l'épobélia, afin que ceux qui osent réveiller des souvenirs de colère ne soient pas seulement regardés comme parjures, mais qu'ils soient, en attendant la vengeance des dieux, frappés d'un châtiment immédiat. Je croirais avoir fait un acte contraire à la raison, si, en présence de telles lois, j'avais pu consentir à ce que le calomniateur ne courût que la chance d'une amende de trente drachmes, tandis que j'aurais à lutter pour la totalité de ma fortune.

[4] 2. Je ferai voir que Callimaque ne m'appelle pas seulement en justice au mépris des traités, mais que, dans ses accusations, il articule des mensonges, et qu'en outre un arbitrage a eu lieu sur les choses dont il se plaint. Mais je veux auparavant vous présenter, à partir de l'origine, les faits tels qu'ils se sont passés, car je crois que, du moment où vous reconnaîtrez que Callimaque n'a éprouvé de ma part aucun préjudice, vous serez plus disposés à maintenir l'exécution des traités, en même temps que vous ressentirez contre lui une indignation plus vive.

[5] 3. Les Dix avaient remplacé les Trente et gouvernaient l'État. Patrocle était mon ami; il remplissait alors les fonctions d'archonte-roi, et je marchais avec lui. Il était l'ennemi de Callimaque qui m'accuse aujourd'hui ; il le rencontre portant une somme d'argent. Il l'arrête en disant que c'est Philus qui a laissé cet argent et qu'il appartient au Trésor, parce que Philus fait partie des citoyens du Pirée. [6] Une dispute s'élève entre eux; ils en viennent aux injures, et un grand nombre de citoyens accourent de divers côtés. Le hasard amène Rhinon, qui faisait partie des Dix. Patrocle aussitôt lui rend compte de ce qui concerne l'argent; Rhinon les conduit tous les deux devant ses collègues. L'affaire est renvoyée par eux devant le Sénat ; un jugement est rendu qui déclare que l'argent appartient au Trésor. [7] Plus tard, les réfugiés étant revenus du Pirée, Callimaque accuse Patrocle et le cite en justice, comme ayant été l'auteur du tort qu'il a éprouvé; il s'arrange ensuite avec lui, et se fait donner dix mines d'argent ; puis, après cette réconciliation, il intente une accusation mensongère à Lysimaque, reçoit de ce dernier deux cents drachmes, et dirige alors ses attaques contre moi. Dans le premier moment, il me reprochait seulement ma complicité; mais, à la fin, il en vint à un tel excès d'impudence, qu'il m'attribua tout ce qui était arrivé ; et peut-être osera-t-il m'en accuser encore aujourd'hui. [9] Mais je vais produire pour témoins : d'abord ceux qui étaient présents au commencement de l'affaire, qui attesteront que je n'ai ni porté la main sur lui, ni touché à son argent; ensuite Rhinon et ses collègues, qui diront que l'accusation a été intentée devant eux, non par moi, mais par Patrocle ; enfin, les sénateurs eux-mêmes qui déclareront que c'est Patrocle qui s'est porté accusateur. Appelez les témoins de ces faits.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[9] 4. C'est pourtant lorsqu'un aussi grand nombre de citoyens avaient été présents à tonte l'affaire, que l'on a vu Callimaque, Corinne si personne n'eût connu la vérité, s'approcher des groupes populaires, s'asseoir dans les ateliers, tenir enfin le même langage que s'il eût éprouvé de ma part les traitements les plus barbares, et que je l'eusse dépouillé de son argent ; et, d'un autre côté, des hommes qui vivaient en intimité avec lui m'abordaient et me conseillaient d'arranger nos différends; de ne pas laisser répandre des bruits flétrissants pour ma réputation, et de ne pas m'exposer à perdre des sommes considérables même alors que j'aurais, dans la bonté de ma cause, la confiance la plus entière. Ils ajoutaient que, devant les tribunaux, beaucoup de choses se passaient contrairement à l'opinion que l'on s'en était formée; [10] et que chez vous les affaires étaient plus souvent jugées au hasard que conformément aux règles de l'équité, de sorte qu'il y aurait de l'avantage pour moi à m'affranchir d'accusations graves par un faible sacrifice, plutôt que de n'en faire aucun et de m'exposer à de telles chances. Mais que me servirait de vous présenter en détail les nombreux arguments que j'ai passés sous silence, arguments qu'il est d'usage d'employer dans de semblables circonstances ? En définitive, je me laisse persuader (car toutes les vérités seront dites en votre présence) de lui donner deux cents drachmes, et, afin qu'il ne lui soit pas possible de me calomnier de nouveau, nous remettons le traité, à des conditions déterminées, entre les mains de Nicomaque, du dème de Bato.

DÉPOSITION DES TÉMOINS.

[11] 5. Callimaque observe d'abord nos conventions, mais plus tard, s'étant concerté avec Xénotimus, celui qui falsifie les lois, qui corrompt les tribunaux, qui outrage les magistrats, et qui est désigné comme la cause de toutes nos calamités, il m'intente une action pour dix mille drachmes. Comme je produisis alors des témoins qui établissaient qu'un arbitrage ayant eu lieu, la cause ne pouvait pas être introduite, [12] Callimaque, sachant que s'il n'obtenait pas la cinquième partie des suffrages, il serait forcé de payer l'épobélia, n'attaque pas le témoin, mais il gagne le juge et m'intente de nouveau la même action de manière à n'exposer que le dépôt judiciaire commun aux deux parties (a). Pour moi, en présence de ce malheur, ignorant à quelle résolution m'arrêter, j'ai pensé que le parti le plus sage était de paraître devant vous, afin de pouvoir lutter avec des chances égales. Voilà les faits tels qu'ils se sont passés.

[13] 6. J'entends dire que Callimaque n'a pas seulement l'intention d'outrager la vérité dans la manière dont il établira ses griefs, mais qu'il doit nier l'arbitrage, et qu'il se prépare à dire que jamais il ne l'aurait confié à Nicomaque, parce qu'il le connaît depuis longtemps pour un de mes amis, et qu'en outre, il n'est pas probable qu'il ait voulu accepter deux cents drachmes au lieu de dix mille.

[14] 7. Considérez d'abord que nous avons établi un arbitrage, non sur un objet contesté, mais sur des articles déjà réglés, d'où il résulte que Callimaque n'a rien fait de contraire à la raison s'il a choisi Nicomaque pour arbitre ; et qu'il eût bien plutôt manqué de bon sens, si, après avoir accepté la transaction, il eût élevé des difficultés sur l'arbitre. En second lieu, s'il lui eût été dû dix mille drachmes, il n'est pas probable qu'il eût voulu transiger pour deux mines, mais, comme il faisait une réclamation injuste et mensongère, il n'y a rien d'extraordinaire à ce qu'il se soit contenté de cette somme. D'ailleurs, si, après avoir demandé beaucoup, il a traité pour peu, ce n'est pas un témoignage en sa faveur établissant qu'il n'y a pas eu d'arbitrage ; mais c'est bien plutôt un indice pour nous que dès le premier moment il avait réclamé sans droit. [15] Je m'étonne de ce que, se regardant lui-même comme assez intelligent pour comprendre qu'il n'est pas vraisemblable qu'il ait consenti à recevoir deux cents drachmes au lieu de dix mille, il ne me croie pas capable, si je voulais mentir, de trouver que je devais dire avoir donné davantage. Dans tous les cas, je demande qu'autant l'indication serait résultée pour lui que l'arbitrage n'avait pas eu lieu, s'il eût détruit les témoignages produits, autant la preuve de la vérité de mes assertions au sujet de cet arbitrage, ressorte pour moi de ce qu'évidemment il n'a pas jugé à propos d'attaquer mon témoin.

[16] 8. Mais, en supposant qu'il n'eût existé ni arbitrage, ni témoin déposant des faits, et qu'il fallût  recourir à des présomptions, il ne vous serait pas difficile, même alors, je le crois, de reconnaître de quel côté se trouve la justice. Si, auparavant, je me fusse permis de nuire à mes concitoyens, vous pourriez avec quelque vraisemblance me condamner comme coupable même envers Callimaque. Mais on ne verra nulle part que j'aie fait infliger une amende à un citoyen ; que je l'aie exposé à un danger personnel, ni que je l'aie, fait effacer de la liste de ceux qui participaient aux droits politiques, en l'inscrivant sur le catalogue de Lysandre. [17] Certes, la perversité des Trente a poussé un grand nombre d'hommes à de mauvaises actions de cette nature; car les Trente, non seulement ne punissaient pas les crimes, mais ils ordonnaient d'en commettre. Moi cependant, même sous leur domination, on ne trouvera pas que jamais j'aie rien fait de semblable. Callimaque prétend en outre que l'injustice a été commise envers lui au moment, où les Trente étaient chassés, où le Pirée était pris, où le peuple était vainqueur, où l'on traitait de la paix. [16] Comment pourriez-vous croire que celui qui s'est: montré plein de modération sous les Trente ait attendu, pour se rendre coupable d'une injustice, le moment où les autres citoyens se repentaient de celles qu'ils avaient commises ? Ce serait la chose la plus étrange, qu'après ne m'être vengé d'aucun de mes ennemis, j'eusse essayé de nuire à un homme avec qui je n'avais jamais eu aucun rapport.

[18] 9. Je crois avoir suffisamment démontré que je ne suis pas l'auteur de la confiscation des biens de Callimaque. Vous allez voir maintenant par les traités, que, même en admettant que j'eusse été coupable de toutes les choses dont il m'accuse, il n'aurait pas le droit de me citer en justice pour les faits qui se sont passés alors. Lisez les traités.

LECTURE DES TRAITÉS.

[20] 10. Était-ce, je le demande, en m'appuyant sur un droit de peu de valeur, que j'ai invoqué l'exception ? N'avais-je pas complètement pour moi les traités qui affranchissaient de toute poursuite ceux qui avaient accusé, dénoncé leurs concitoyens, ou fait quelque acte semblable? Et n'était-il pas en mon pouvoir de prouver que je n'avais commis aucun de ces actes, ni aucun autre délit? Lisez aussi les serments.

LECTURE DES SERMENTS.

[21] 10. Juges, n'est-ce donc pas un fait odieux, qu'en présence de pareils traités, et quand il existe de tels serments, Callimaque pousse la confiance dans ses paroles jusqu'à croire qu'il pourra vous persuader de prononcer un arrêt contraire à ces traités et à de tels serments ? S'il voyait notre ville se repentir de ce qu'elle a fait, on ne devrait pas s'étonner de sa conduite ; mais ce n'est pas seulement dans l'établissement des lois que vous avez montré quel prix vous attachiez aux traités ; [22] lorsque Philon de Cœlé, accusé de prévarication dans une ambassade, et ne pouvant rien alléguer pour sa justification, invoqua les traités, vous avez regardé comme un devoir de le renvoyer de la plainte, sans prononcer aucun jugement à son égard. C'est donc lorsque la République s'abstient de punir même ceux qui font l'aveu de leurs crimes, que Callimaque ose calomnier des hommes qui n'ont commis aucune faute. [23] Il n'ignore pas cependant que Thrasybule et Anytus, qui jouissent de la plus grande autorité dans la République, qui ont été dépouillés de sommes considérables, et qui connaissent leurs accusateurs, n'osent, ni les traduire en justice, ni rappeler des souvenirs odieux; et, quoiqu'ils aient, dans l'ensemble des affaires, plus de pouvoir que les autres citoyens, [24] ils croient que, pour ce qui touche aux traités, ils doivent se soumettre aux conditions de l'égalité. Ils ne sont pas les seuls qui aient eu cette opinion, car personne parmi vous n'a osé intenter un procès de cette nature. Ce serait une chose monstrueuse, lorsque vous êtes fidèles à vos serments dans les affaires qui vous sont personnelles, que vous voulussiez les enfreindre dans l'intérêt des calomnies de Callimaque ; et quand l'autorité publique assure l'exécution des transactions particulières, que vous permissiez à quiconque en a la volonté d'anéantir, dans son propre intérêt, des traités faits dans l'intérêt général. [25] Mais ce qui exciterait l'étonnement le plus profond, ce serait qu'à une époque où l'on était incertain sur l'utilité des traités, vous les eussiez consacrés par des serments tels que, dussiez-vous n'en tirer aucun avantage, vous seriez encore obligés d'y rester fidèles; et qu'ensuite, lorsque ces traités ont produit des effets si heureux que, n'y eût-il pas d'engagements, il faudrait persévérer dans la même politique, [26] vous violassiez ces mêmes serments. De sorte qu'on vous verrait, d'une part, vous irriter contre les hommes qui demandent l'abolition des traités, et, de l'autre, renvoyer impuni celui qui ose les violer, alors qu'ils sont consignés dans les actes publics. Agir ainsi ne serait ni juste, ni digne de vous, ni conforme à vos précédentes décisions.

[27] 12. Persuadez-vous bien que vous allez prononcer sur les plus grands intérêts. C'est sur les traités mêmes que vous allez donner votre suffrage : or jamais la violation des traités n'a eu d'heureux résultats, ni pour vous à l'égard des autres, ni pour les autres relativement à vous ; leur puissance est si grande qu'on y a recours pour régler la plupart des affaires les plus importantes de la vie chez les Grecs comme chez les Barbares. C'est en nous confiant à leurs garanties que nous nous rendons sans crainte les uns chez les autres, et que chacun de nous se procure les objets dont il peut avoir besoin; c'est par les traités que nous sanctionnons nos transactions mutuelles, et que nous faisons cesser les haines entre les particuliers, les guerres entre les nations ; en un mot, les traités sont la seule chose commune à tous, dont les hommes fassent entre eux un continuel usage, de sorte qu'il convient à tout le monde, mais surtout à vous, de les défendre.

[29] 13. Il n'y a pas encore longtemps que, vaincus et tombés sous la puissance de nos ennemis dont un grand nombre voulaient anéantir notre ville, nous avons trouvé un refuge dans les serments et les traités ; aujourd'hui même, si les Lacédémoniens osaient les enfreindre, chacun de vous s'en indignerait. Comment serait-il possible d'accuser les autres pour des actes dont, soi-même, on se rendrait coupable? A qui paraîtrions-nous injustement opprimés, si nous éprouvions quelque dommage par suite de l'infraction des traités, lorsqu'on nous verrait ne pas y attacher nous-mêmes le plus grand prix ? Quelles garanties, enfin, pourrions-nous présenter aux autres peuples, si nous anéantissions avec tant de légèreté celles que nous nous sommes données à nous-mêmes ? [31] Nous ne devons pas oublier que, si nos ancêtres se sont autrefois signalés dans la guerre par un grand nombre d'actions glorieuses, notre ville ne s'est pas moins illustrée par cette réconciliation. On peut trouver un grand nombre de villes qui ont lutté noblement sur les champs de bataille ; mais on n'en montrerait pas une qui, relativement aux dissensions civiles, ait pris une résolution plus sage que la nôtre. [32] Dans les hauts faits qui s'accomplissent au milieu des dangers, la plus forte part appartient à la fortune ; mais personne ne pourrait assigner à la modération dont nous avons usé dans nos relations intimes une autre cause que notre propre sagesse. Trahir cette gloire serait indigne de nous.

[33] 14. Et que personne ne croie que j'exagère, que je dépasse les bornes de la vérité, parce que j'ai tenu ce langage dans l'intérêt de ma défense personnelle. Le débat n'existe pas seulement sur les sommes réclamées ; pour moi il porte sur ces sommes; mais, pour vous, il porte sur les choses dont je viens de parler, et sur lesquelles personne ne pourrait s'exprimer assez dignement, ni conclure à une amende en rapport avec leur gravité. [34] Ce procès diffère essentiellement des litiges ordinaires ; ces derniers concernent exclusivement les plaideurs, tandis qu'ici l'intérêt du pays est engagé dans les chances du jugement. Enfin, vous allez rendre votre arrêt après avoir fait deux serments : celui qui est d'usage dans les affaires ordinaires, et celui qui a été consacré par les traités. Si donc vous rendez un arrêt contraire à la justice, outre les lois de votre pays, vous violerez les lois communes à tous les hommes. Il serait indigne de vous, dans l'affaire présente, d'écouter la faveur, la clémence , ou tout autre sentiment que le respect dû aux traités.

[35] 15. Callimaque lui-même ne pourra pas, je pense, contester qu'il ne soit nécessaire, utile et juste à la fois, de prononcer conformément aux traités; mais je suppose qu'il va déplorer devant vous et sa misère présente, et le malheur qu'il a éprouvé ; il dira que ce serait pour lui une chose odieuse et cruelle d'être obligé de payer, sous la démocratie, l'épobélia, pour des sommes dont il a été dépouillé sous l'oligarchie ; et, lorsqu'il a dû s'exiler de sa patrie à cause de ses richesses, de se voir flétri au moment où il devrait obtenir justice. [36] Il rappellera, pour mieux exciter votre indignation, les excès commis pendant son exil, parce que, sans doute, il aura entendu dire que, lorsque vous ne pouviez pas atteindre les coupables, vous sévissiez contre ceux que le hasard vous présentait. Je suis loin de croire que vous puissiez être dominés par de pareils sentiments, et, de plus, je crois qu'il est possible de répondre à ces arguments.

[37] 16. Quant aux plaintes de Callimaque, je dis que vous devez donner votre appui, non pas à ceux qui se présentent eux-mêmes comme les plus malheureux des hommes, mais à ceux qui, dans les litiges où ils se trouvent engagés, vous paraissent s'exprimer de la manière la plus conforme à la justice. Quant à l'épobélia, si j'étais l'auteur de ce débat, ce serait avec raison que vous vous uniriez à la douleur du citoyen menacé de la payer ; mais Callimaque est un calomniateur, et vous ne pouvez dès lors admettre aucune de ses assertions. [38] Considérez d'ailleurs que tous les citoyens qui sont revenus du Pirée auraient le droit de tenir le même langage que lui, et que cependant aucun d'eux n'a osé intenter un tel procès. Or vous devez haïr les hommes de la nature de Callimaque, et regarder comme de mauvais citoyens ceux qui, ayant éprouvé les mêmes malheurs que les autres, prétendent obtenir des réparations différentes. [39] Remarquez, en outre, que, même aujourd'hui, il est encore loisible à Callimaque de se délivrer de toute inquiétude, en abandonnant l'instance, avant de s'exposer aux chances de votre arrêt. Or ne serait-il pas absurde qu'il intéressât votre pitié pour un péril auquel il est le maître de se soustraire, où il s'est placé lui-même, et que, maintenant encore, il dépend de lui d'éviter ?

[40] 17. Si par hasard Callimaque voulait rappeler les faits qui remontent au temps de l'oligarchie, exigez qu'au lieu de condamner ici des actes dont personne ne fait l'apologie, il montre que c'est moi qui me suis emparé de son argent, parce que c'est sur cet objet que vous avez à prononcer; ordonnez-lui de prouver, non pas qu'il a souffert un tort considérable, mais que c'est moi qui en ai été l'auteur, moi dont il prétend retirer les sommes qu'il a perdues ; [41] car, établir qu'il est dans une position malheureuse, est une chose qu'il peut faire en plaidant contre tout autre citoyen. Les accusations qui doivent avoir un grand poids auprès de vous, ne sont pas celles dont on pourrait se servir, même contre des hommes exempts de toute faute, mais celles qui ne peuvent être articulées que contre de vrais coupables. Ceci suffirait, je pense, pour repousser les arguments de Callimaque : l'occasion d'ailleurs se présentera peut-être d'ajouter d'autres réfutations.

[42] 18. Considérez encore (dût-on m'accuser de revenir deux fois sur le même sujet,) qu'un grand nombre de citoyens suivent avec attention ces débats ; non qu'ils prennent intérêt à ce qui nous touche, mais parce qu'ils sont convaincus que votre arrêt portera aussi sur les traités. Or, si vous prononcez un jugement équitable, vous affranchirez de toute crainte leur séjour au milieu de vous; et, s'il en est autrement, quelle sera l'opinion de ceux qui sont restés à Athènes, alors que vous vous montrerez également irrités contre tous ceux qui ont pris part au gouvernement ? [43] Que penseront ceux qui se sentent coupables d'une faute, quelque légère qu'elle soit, lorsqu'ils verront même les hommes qui ont agi avec modération ne pouvoir jouir des droits qui leur appartiennent ? A quel désordre ne faut-il pas nous attendre, lorsque les uns se sentiront enhardis à calomnier, comme s'ils étaient sûrs d'avance de votre approbation, et que les autres redouteront le gouvernement actuel comme ne leur offrant aucune garantie ? [44] N'aurions-nous pas lieu de craindre, après la violation des serments, de nous trouver de nouveau replacés dans les circonstances qui nous avaient forcés de conclure les traités ? Vous n'avez pas besoin d'apprendre des autres peuples à quel point la concorde est un bien et la division un malheur, car vous' avez fait de toutes les deux une telle expérience que vous pourriez parfaitement l'enseigner aux autres.

[45] 19. Mais, pour qu'on ne m'accuse pas de m'arrêter trop longtemps sur les traités, parce qu'il est facile de dire à leur égard beaucoup de choses conformes à la justice, je vous supplie seulement de vous rappeler, au moment où vous donnerez vos suffrages, qu'avant d'avoir fait ces traités, nous étions en proie à la guerre civile; que les uns occupaient l'enceinte des murailles, que les autres s'étaient rendus maîtres du Pirée ; enfin, que nous étions animés de plus de haine entre nous que contre les ennemis que nous avaient laissés nos pères ; [46] tandis qu'à partir du jour où, réunis dans le même lieu, nous nous sommes donné des garanties mutuelles, nous nous sommes constamment gouvernés avec autant de sagesse et de concorde que s'il n'y avait jamais eu de division entre nous. Aussi, après avoir été regardés partout comme les plus insensés et les plus malheureux des hommes, nous passons aujourd'hui pour les plus heureux et les plus sages des Grecs. [47] Par conséquent, il est juste de punir; ceux qui osent transgresser les traités, non seulement de peines sévères, mais des derniers châtiments, comme étant les auteurs des plus grands maux, surtout quand ils ont vécu comme a vécu Callimaque.

20. Pendant les dix années où les Lacédémoniens nous faisaient une guerre sans relâche, Callimaque ne s'est pas présenté une seule fois aux généraux pour prendre rang parmi ceux qui défendaient le pays; [48] il n'a cessé pendant tout ce temps de se dérober au service et de cacher sa fortune ; mais, aussitôt que les Trente furent établis, il fit voile vers la ville. Et il se présente maintenant comme ami du peuple, tandis qu'il préférait à tel point le gouvernement des tyrans que, malgré les mauvais traitements auxquels il était en butte de leur part, il n'a pas voulu quitter Athènes, et a préféré subir les malheurs d'un siège avec ceux qui l'avaient outragé, plutôt que de se réunir à vous, ses concitoyens, victimes comme lui de l'injustice ! [49]  Il resta donc avec les Trente, participant aux affaires, jusqu'au jour où vous deviez donner l'assaut aux remparts ; et ce fut alors seulement qu'il sortit de la ville, non par haine de ce qui existait, mais, comme il le montra plus tard, par la crainte du danger qui s'approchait. En effet, lorsque, les Lacédémoniens ayant envahi l'Attique, le peuple se trouva renfermé dans le Pirée, Callimaque s'échappa une seconde fois et alla vivre en Béotie ; de sorte qu'il est beaucoup plus convenable de l'inscrire au nombre des transfuges qu'au nombre des exilés. [50] C'est pourtant après s'être conduit de cette manière envers les citoyens qui occupaient le Pirée, envers ceux qui étaient restés dans l'enceinte, et envers la ville tout entière, que, peu satisfait de jouir des droits communs aux autres citoyens, il cherche aujourd'hui à obtenir plus que nous, comme s'il était la seule victime des événements, qu'il fût le meilleur des citoyens, qu'il eût souffert pour vous les derniers malheurs, ou bien encore qu'il eût rendu à sa patrie les plus grands services.  [51] Je voudrais que vous connussiez Callimaque aussi bien que je le connais ; et alors, au lieu de le plaindre pour les pertes qu'il a faites, vous verriez, avec envie ce qu'il a conservé. S'il me fallait mettre devant vos yeux le tableau des embûches qu'il a dressées, des procès qu'il a intentés, des accusations qu'il a introduites, comme aussi vous faire connaître les hommes avec lesquels il a conspiré, et ceux contre lesquels il a porté de faux témoignages, le double de l'eau qui m'est accordée ne me suffirait pas ; [52] mais, si vous voulez écouter le récit d'une seule de ses actions, vous apprécierez facilement toute sa perversité.

21. Une rixe s'était élevée relativement à un domaine entre Cratinus et un parent de Callimaque. Un combat ayant été la suite de cette altercation, Callimaque et son parent font disparaître une esclave ; ils accusent Cratinus de lui avoir brisé la tête, et, après avoir affirmé qu'elle est morte de sa blessure, ils intentent à Cratinus une action pour cause de meurtre au tribunal du temple de Pallas. [53] Cratinus, informé des embûches qu'ils lui dressent, garde le silence pendant quelque temps, afin que, ne changeant pas leur plan et ne combinant pas d'autres mensonges, ils soient pris en flagrant délit dans leur crime. Le parent de Callimaque était accusateur ; Callimaque déposait que la femme était morte : [54] Cratinus et ses amis se rendent alors dans la maison où elle était cachée, l'enlèvent de force, la conduisent au tribunal et la montrent vivante aux yeux des assistants. Sur sept cents juges, et après l'audition de quatorze témoins qui confirmaient les dépositions de Callimaque, il n'obtient pas un seul suffrage. Appelez les témoins de ces faits.

AUDITION DES TÉMOINS.

[55] 22. Qui pourrait s'élever avec assez de force contre de pareils crimes ? Et comment pourrait-on trouver un exemple plus frappant d'iniquité, de perversité, de mensonge? Il y a des crimes qui ne suffisent pas pour dévoiler entièrement le caractère de ceux qui les ont commis, mais il est facile, dans des actes de cette nature, de lire la vie entière de leurs auteurs. [56] De quel forfait s'abstiendra celui qui ne craint pas d'attester que des êtres vivants sont morts? Et que n'osera pas entreprendre l'homme arrivé à ce point de perversité pour des intérêts étrangers, alors qu'il agira dans ses propres intérêts ? Comment serait-il possible d'accorder quelque confiance, quand il parle pour lui-même, à celui qui a été convaincu de s'être parjuré pour d'autres ? Et quel homme a jamais été démontré faux témoin avec plus d'évidence ? Vous jugez les autres coupables d'après les paroles que vous entendez ; mais lui, ses juges ont vu de leurs yeux que son témoignage était un mensonge. [57] C'est pourtant après s'être rendu coupable d'un pareil crime qu'il essayera de dire que nous trahissons la vérité : comme si Phrynondas reprochait à quelqu'un sa fourberie, ou bien comme si Philorgos, celui qui a dérobé le bouclier de Minerve, accusait les autres de sacrilège ! Quel homme serait plus capable de présenter des témoins pour attester des faits mensongers, que celui qui n'a pas craint d'être lui-même faux témoin?

[58] 23. On peut, au reste, renouveler fréquemment les accusations contre Callimaque, car il a toujours établi sa vie politique de manière qu'il en soit ainsi. Venant désormais à ce qui me touche, je passerai sous silence les autres services que j'ai rendus à l'État; il en est un toutefois qui non seulement me donne des droits à votre reconnaissance, mais qui peut servir à apprécier l'ensemble de l'affaire ; et celui-là, je le rappellerai devant vous. [59] A l'époque où notre patrie perdit ses vaisseaux dans l'Hellespont et fut dépouillée de sa puissance, je me distinguai tellement de la plupart des triérarques, qu'après avoir sauvé mon vaisseau comme le firent un petit nombre d'entre eux, seul, parmi ceux-ci, lorsque je fus rentré au Pirée, je conservai mon commandement, [60] et, tandis que les autres s'empressaient de résigner leurs charges, qu'ils désespéraient du présent, qu'ils regrettaient les dépenses qu'ils avaient faites, dissimulaient ce qui leur restait, et, regardant les affaires de la République comme perdues, songeaient à leurs intérêts personnels, loin de partager ces sentiments, je persuadai à mon frère de se réunir avec moi dans mes fonctions de triérarque ; et, payant la solde des matelots avec nos propres ressources, nous fîmes une guerre active aux ennemis. [61] Enfin, pour dernier trait, Lysandre ayant décrété peine de mort contre quiconque vous apporterait du blé, notre dévouement à la République fut tel que, dans un moment où les autres n'osaient pas même transporter chez vous leur propre grain, nous nous emparions de celui qui était destiné aux Lacédémoniens, et nous le conduisions au Pirée. Aussi avez-vous ordonné, pour récompenser notre conduite, que nous serions couronnés et proclamés devant les statues des héros éponymes, comme les bienfaiteurs du pays. [62] Il faut considérer comme amis du peuple, non pas ceux qui, lorsque le peuple était vainqueur, ont désiré s'unir à lui, mais ceux qui les premiers, dans des temps de détresse, ont voulu braver des dangers pour vous ; il faut montrer de la reconnaissance, non pour celui qui a éprouvé des malheurs, mais pour celui qui vous a rendu des services; il faut ressentir de la pitié pour ceux qui sont devenus pauvres , non pas en dissipant leur fortune, mais en la sacrifiant pour vous.

[63] 24. Vous devez reconnaître que je fais partie de ce nombre, car je serais le plus malheureux des hommes si, après avoir employé une partie considérable de mes richesses pour servir mon pays, je pouvais paraître à vos yeux convoiter celles des autres citoyens, et regarder avec indifférence les accusations portées devant vous ; tandis que l'on me voit, au contraire, attacher, non seulement à ma fortune, mais à ma vie, moins de prix qu'à votre estime. [64] Qui de vous n'éprouverait des regrets, sinon dans ce moment, du moins dans un avenir prochain, envoyant le calomniateur accroître sa fortune, et moi, dépouillé même de ce qui m'était resté après les charges que j'avais remplies; en voyant celui qui jamais n'a bravé un danger pour vous, plus puissant que les lois, plus fort que les traités; [65] et moi, qui ai fait preuve de tant de dévouement pour notre ville, ne pas jouir même de ce qui m'appartient ? Qui pourrait ne pas vous blâmer si, à la persuasion de Callimaque, vous nous regardiez comme coupables d'une pareille scélératesse, nous que vous avez . couronnés pour notre valeur, en nous jugeant d'après nos actions, dans un temps où il n'était pas si facile qu'aujourd'hui d'obtenir un tel honneur ? [66] Il nous arrive le contraire de ce qui arrive aux autres hommes : ceux-ci réveillent la mémoire des dons que l'on a reçus d'eux ; et nous, nous vous supplions de vous rappeler ceux que vous nous avez faits, afin qu'ils deviennent pour vous le témoignage de nos paroles aussi bien que dé nos actions. [67] Il est évident que nous nous sommes rendus dignes des honneurs que nous avons reçus, non pour nous emparer, sous l'oligarchie, de biens qui ne nous appartenaient pas, mais pour que, la patrie étant sauvée, les uns jouissent en sécurité de leurs droits, et nous, de la reconnaissance méritée du peuple. Cette reconnaissance, nous ne la réclamons pas aujourd'hui, dans la pensée de rien obtenir au-delà de ce qui nous est dû, mais seulement de montrer que jamais nous n'avons violé la justice et que nous sommes demeurés fidèles aux serments et aux traités. [68] Il serait odieux que ces traités aient eu la puissance d'exempter de châtiment les coupables, et qu'ils fussent sans valeur pour nous, qui avons agi conformément à tous nos devoirs. J'ajoute qu'il est utile de conserver l'état où vous vous trouvez maintenant, en vous pénétrant de cette vérité, que les traités ont porté le trouble dans d'autres villes, mais qu'ils ont accru la concorde dans la nôtre. C'est en présence de tels souvenirs que vous devez déposer vos suffrages conformément à la justice et à l'utilité du pays.

(a) Prytaneia.