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table des matières de LOIS

 

LA LEX RHODIA

 

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

Extrait de la

 

Nouvelle revue historique de droit français et étranger, 1905

LA LEX RHODIA[1]

par

Rodolphe DARESTE.

 

I. Histoire de la loi rhodienne.

 

Le plus ancien recueil des lois et usages maritimes de la Grèce portait le nom de loi rhodienne. Lorsque la puissance d’Athènes fut abattue par la conquête macédonienne, l’empire de la mer hellénique passa des successeurs d’Alexandre aux Rhodiens, qui le conservèrent longtemps sous le protectorat de Rome. Cicéron en fait l’éloge.[2] Strabon, sous le règne d’Auguste, a été témoin de la prospérité de Rhodes. Il vante les règlements qu’elle avait faits pour la police de la mer et qui furent adoptés par tous les grands ports de commerce.[3] Rome elle-même ne dédaigna pas de les appliquer. Fidèle à ses habitudes politiques, elle laissait aux Grecs leurs lois, sauf à les corriger au besoin, et s’appropriait ce qu’elle y trouvait de bon pour elle-même. La loi rhodienne était devenue l’usage général du commerce. Auguste l’approuva expressément dans un rescrit.

Plus d’un siècle après, la loi rhodienne reçut de nouveau l’approbation impériale.

Sous le règne de l’empereur Antonin le Pieux (138-161), un navire grec, venant de Nicomédie sur la Propontide, fit naufrage à l’entrée des Cyclades, à l’île d’Icaria. Les gens du fisc, inquisitores algae, comme les appelle Juvénal, saisirent les débris jetés à la côte, prétendant que ces objets appartenaient à l’empereur comme biens vacants et sans maître. Eudémon, qui était le patron du navire, adressa à l’empereur un mémoire en réclamation. Antonin répondit par un rescrit ainsi conçu : « Je suis le maître du monde, mais c’est la loi qui règne sur la mer. C’est par la loi maritime des Rhodiens que le litige doit être jugé, en tant qu’elle n’est contraire à aucune loi rendue par nous. Ainsi a déjà jugé le divin Auguste ».

Ces faits sont rapportés par le jurisconsulte Volusius Maecianus, auteur d’un livre sur la loi rhodienne, dont nous ne possédons pas d’autre fragment. Celui que nous venons de citer a passé dans le Digeste où il forme la loi 9 du titre de lege rhodia de jactu (XIV, 2). Volusius Maecianus était un jurisconsulte considérable qui avait enseigné le droit à Marc-Aurèle. Le fait s’était passé presque sous ses yeux, et il avait qualité pour en perpétuer le souvenir.

Près d’un siècle après Volusius Maecianus, un autre jurisconsulte, d’une grande autorité, le célèbre Julius Paulus, qui fut préfet du prétoire sous Alexandre Sévère (222-235), a parlé aussi de la lex Rhodia, au livre II, chap. 7 de ses Sentences, sous la rubrique ad legem rhodiam. La principale disposition de cette loi consiste en ce qu’elle impose à tous les chargeurs l’obligation de contribuer à la perte des marchandises jetées à la mer, ou des mâts abattus pour le salut du navire menacé par la tempête. Mais pour que la contribution ait lieu, il faut que le navire et ce qui est resté de marchandises sur le navire aient été sauvés. Si le navire et le chargement ont péri, la contribution peut toutefois être fournie par les objets qui, jetés à la mer pour le salut commun, ont été retrouvés par des plongeurs.

Les trois premières lignes de ce texte ont été insérées dans le Digeste de Justinien, sous la même rubrique que le texte de Volusius Maecianus : de lege rhodia de jactu; en voici les termes « Paulus libro secundo sententiarum : Lege rhodia cavetur ut, si levandae navis gratia jactus mercium factus est, omnium contributione sarciatur quod pro omnibus datum est ».

Vers le milieu du viiie siècle, la loi rhodienne reparaît dans l’histoire. Cette fois, c’est sous la forme d’un livre, d’un recueil qui aurait été composé sous le règne de l’empereur Léon l’Isaurien (717-741) et comprendrait environ cinquante articles dont quelques-uns textuellement empruntés au Digeste et au Code de Justinien, Était-ce un recueil privé, un simple livre de pratique? ou avait-il un caractère officiel? On ne peut rien dire de précis à cet égard, on sait seulement que le livre eut, en fait, une grande autorité, si l’on en juge par le nombre des copies qui en furent faites et sont aujourd’hui répandues dans toutes les grandes bibliothèques de l’Europe. Malheureusement ces manuscrits sont loin de s’accorder entre eux. Le texte qu’ils contiennent est très corrompu et souvent interpolé, défiguré par des gloses inutiles ou même ineptes. Les premiers éditeurs ont vainement essayé de donner un texte intelligible, et le dernier, M. Pardessus (Lois maritimes, tome I, 1817) n’a pas mieux réussi que ses prédécesseurs.

A défaut d’un texte critique qu’il serait extrêmement difficile d’établir dans l’état des manuscrits, il n’y a évidemment qu’un moyen d’obtenir un résultat à peu près satisfaisant c’est de s’attacher au manuscrit qui paraît le plus ancien et le meilleur. Ce manuscrit a été trouvé dans la bibliothèque Ambrosienne à Milan, où il porte le n° 68. Il paraît être du xie siècle.

M. Mercati, bibliothécaire de l’Ambrosienne, qui a reconnu et déchiffré le codex rescriptus du livre 53 des Basiliques, a donné dans le volume publié à Leipzig en 1897 les variantes du Ms. n° 68. On peut ainsi facilement reconstituer ce texte, et on reconnaît sans peine que, s’il n’est pas complètement exempt de fautes, il est au moins intelligible et ne présente ni doubles emplois ni interpolations.

C’est donc sur ce texte qu’a été faite la traduction ci-jointe de la loi rhodienne. Ce monument du droit maritime du Moyen âge est très important et offre un grand intérêt historique, en ce qu’il a substitué au droit romain un système nouveau et complet. Le principe romain de la gestion d’affaires et de l’actio exercitoria a fait place à un régime d’association et d’assurance mutuelle, entre toutes les personnes intéressées dans un voyage de mer.

A la loi rhodienne proprement dite nous rattachons un groupe de 49 articles donnés comme provenant de la même source, et trouvés par M. Mercati dans le même codex rescriptus que le 3e livre des Basiliques. Ces articles ne sont pas dépourvus d’intérêt, car ils complètent la loi en fixant le coefficient qui exprime la part revenant dans la perte comme dans le gain à chacune des personnes employées sur un navire. Il y a aussi des dispositions de date récente, par exemple celle qui porte qu’en cas de vol commis sur le navire le patron et les passagers se justifieront en prêtant serment sur les évangiles. Ces dispositions ne faisaient pas partie du groupe principal, mais on peut les considérer comme des gloses ou notes à part.

Un certain nombre de manuscrits contiennent en outre un prétendu prologue de la loi rhodienne, où se retrouve le rescrit d’Antonin le pieu avec des fables absurdes. Nous le laissons absolument de côté. Ceux qui voudront s’en faire une idée le trouveront dans le recueil de Pardessus.

Pour terminer cette histoire externe des lois rhodiennes il nous reste à dire quelques mots des emprunts qui leur ont été faits par les statuts des villes dalmates, au Moyen âge.

Après la chute de l’empire d’Occident et, ensuite, du royaume des Ostrogoths, l’Italie et ses dépendances se trouvèrent rattachées à l’empire d’Orient. Pendant plusieurs siècles (du vie au xie) les communautés de Dalmatie reconnurent la protection des empereurs de Constantinople. C’était précisément l’époque florissante de la loi rhodienne. Aussi cette loi fut-elle adoptée par toutes les villes des bords de l’Adriatique et leurs statuts lui ont emprunté les dispositions les plus remarquables. Nous nous bornerons à en citer quelques-uns. Quoiqu’ils ne remontent qu’au xiiie ou au xive siècle, et qu’à l’époque de leur rédaction, le protectorat eût passé des Grecs aux Vénitiens, le droit byzantin continua de régir les affaires maritimes.

En cas d’avarie au chargement par fortune de mer, sans faute de la part du patron, la responsabilité de la perte est supportée par le navire tout entier « navilium vel lignum totum illud damnum teneatur emendare » dit le statut de Lissa[4] (V, 1). La perte des agrès est classée comme avarie commune (V, 2). Aucun homme de l’équipage ne peut quitter le navire sans la permission du patron, à peine de quinze livres d’amende dont moitié pour la communauté et moitié pour le navire « cujus pœnae medietas sit communis et alia navilii » (V, 3).

L’article 14 donne un exemple de répartition de gain dans les termes suivants « si navilium val lignum inveniret aliquam affacturam vel caperet aliquod navilium vel lignum inimicorurn, totum quod inventum fuerit in ipso navilio sive ligno in quatuor partes debeat dividi; unam partem habeat ipsum navilium sive lignum, aliam partem habeat ipsum havere quod erit in dicto navilio sive ligno; reliquas duas partes habeant marinarii et mercatores, aequaliter inter eos ».

De même dans le statut de Raguse de 1272 tout dommage causé par fortune de mer aux marchandises ou aux agrès est une avarie commune qui doit être réparée aux frais du navire, « de habere proprio pertinenti ad navem — de communi habere navis et etiam de ipsa nave, appreciando dictam navim vel lignum et prohiciendo ipsam tercium minus » (Statut de Raguse VII, 6, 7). Les esclaves qui sont embarqués comme ayant une part gardent cette part alors même qu’ils désertent ou tombent malades ou sont faits prisonniers. On dit alors que leur part navigue et travaille à leur place jusqu’à la fin du voyage. Les marins s’engagent généralement à la part, quelquefois pour un salaire fixe, ad marinariciam (Statut VII, 18 et 19).[5]

V. aussi le chap. 31, de marinariis capitis, et le chap. 35, de afilaturis. A vrai dire, les 67 chapitres qui forment le viie livre seraient tous à citer.

On remarquera que dans les statuts dalmates comme dans la loi byzantine l’assurance mutuelle est la règle. Le contrat est toujours sous-entendu et obligatoire. Au contraire, dans la compilation du xiiie siècle comme sous le nom de Consulat de la mer, et applicable sur toutes les côtes de la Méditerranée occidentale, il faut, pour obtenir le même résultat, un contrat en forme et exprès. C’est l’agermanament dont il est parlé dans l’article 150 du Consulat de la mer et dans les articles suivants. Sans un contrat de ce genre les intéressés n’ont aucun recours les uns contre les autres. On applique rigoureusement la règle Res perit domino. [6]

II. Loi rhodienne.

Traduction. La loi rhodienne est un traité bien ordonné, comme on peut s’en assurer au moyen de la table suivante :

1. Des vols commis à bord ou par l’équipage;

2. Des querelles et blessures et de leur punition;

3. Rupture du voyage par détournement de route;

4. Du jet à la mer;

5. Responsabilité des chargeurs;

6. Dépôt des objets précieux entre les mains du patron;

7. Personnes abandonnées en route;

8. Prêts maritimes;

9. Nolissement, arrhes;

10. Association entre navires;

11. Responsabilité des fautes;

12. Contribution aux avaries;

13. Salaire des gens de l’équipage;

14. Sauvetage des effets et marchandises.

Voici maintenant les dispositions de la loi.

1. Vol des ancres. — Si, au mouillage dans le port ou en rade, les ancres d’un navire sont dérobées et si le voleur arrêté avoue le fait, la loi veut qu’il reçoive la punition corporelle et qu’il supporte en outre l’amende au double.[7]

2. Vol des ancres et autres agrès. — Si par ordre du patron l’équipage dérobe les ancres d’un autre navire mouillé dans le port ou en rade, que la conséquence soit la perte du navire privé de ses ancres, et que le tout soit exactement prouvé, l’indemnité sera payée pour le navire et pour ceux qui sont dans le navire par le patron qui a donné ordre de commettre le vol. Si quelqu’un vole les agrès du navire ou quelque objet employé au service du navire, tels que cordages, canots, voiles, peaux et autres, l’auteur du vol en devra la restitution au double.[8]

3. Vol commis par un homme de l’équipage. — Si sur l’ordre du patron un homme de l’équipage commet un vol au préjudice d’un marchand ou d’un passager, le patron rendra le double à ceux qui ont souffert du vol ; l’homme de l’équipage qui a commis le vol recevra cent coups de bâton. Si l’homme de l’équipage a commis le vol de son propre mouvement et si, arrêté ensuite, il a été convaincu par témoins, il sera rudement bâtonné, surtout si l’objet volé est de l’or, et il en fera la restitution à ceux qu’il en a dépouillés.

4. Navire pillé par voleurs ou pirates. — Si le patron a conduit le navire dans un lieu où il y a des voleurs et des pirates, malgré l’opposition des passagers qui lui déclarent la mauvaise réputation de l’endroit, et qu’un vol soit commis, le patron rendra les objets volés à ceux qui ont souffert le vol. Si, au contraire, le patron ayant refusé d’aborder dans l’endroit suspect les passagers y conduisent le navire et qu’il se commette un vol, l’indemnité sera à la charge des passagers.[9]

5. Coups et blessures dans une rixe entre gens de l’équipage. — Si les gens de l’équipage se querellent entre eux, ils doivent le faire en paroles seulement, et ne pas se frapper l’un l’autre. Si quelqu’un frappe à la tête et y ouvre une plaie, ou fait quelque autre blessure, il supportera les frais de médecin, dépenses faites pour le blessé et les salaires dus pour tout le temps qu’aura duré l’incapacité de travail.[10]

6. Meurtre commis en rixe. — Si des gens de l’équipage se battent entre eux, et que l’un d’eux frappe avec une pierre ou un bâton, si l’homme frappé frappe à son tour celui qui a porté le coup, il l’a fait par nécessité. Si l’homme ainsi frappé vient à mourir et qu’il soit prouvé par témoins que cet homme a porté le premier coup avec une pierre ou une arme de fer, le meurtrier n’est pas responsable, car l’autre n’a souffert que le mal qu’il voulait faire souffrir.[11]

7. Coups portés par toute personne. — Si un des patrons, des marchands ou des gens de l’équipage frappe du poing un autre homme et lui crève l’œil, ou lui donne un coup de pied d’où résulte une hernie, l’auteur du coup payera les frais de médecin, plus pour l’œil crevé douze pièces d’or, pour la hernie dix. Si l’homme qui a reçu le coup de pied en meurt, celui qui a porté le coup sera responsable de cette mort.

8. — Si le patron à qui le navire a été confié s’est détourné en cours de route, de concert avec l’équipage, pour se rendre dans un pays différent, en emportant les fonds, si la somme trouvée sur eux tous est suffisante pour faire la contrevaleur du navire et du chargement, on fera la compensation ; sinon, l’équipage et le patron seront engagés de nouveau pour parfaire le montant de la somme à payer.

9. — Si le patron tient conseil avec le chargeur sur le jet à la mer, que le chargeur s’y oppose et que le navire se perde, c’est le chargeur qui payera l’amende. S’il n’y a d’opposition ni de lui, ni du patron, ni de l’équipage et que le navire reçoive des avaries ou fasse naufrage, tout ce qui sera sauvé du navire et du chargement viendra en contribution.[12]

10. Deest.

11. Précautions à prendre par les affréteurs. — Les marchands et les passagers ne doivent pas charger sur un vieux navire des objets encombrants ni précieux. S’ils le font et que le navire ayant pris la mer, ces objets s’avarient ou se perdent, celui qui a chargé sur un vieux navire s’est lui-même perdu par son propre fait, du jour où il a quitté la terre. Quand les marchands nolisent un navire, ils doivent s’enquérir avec soin auprès des autres personnes qui ont navigué sur ce navire avant eux, et n’y charger leurs ballots que si le navire a tout son outillage au complet et un équipage suffisant et propre au service. Si tout est en bon état, ils peuvent charger leurs ballots, comme il est dit ci-dessus.[13]

12. Dépôt en général.[14] — Si quelqu’un fait un dépôt à bord d’un navire, il doit contracter avec un dépositaire connu de lui et ayant sa confiance, et devant trois témoins. Si la chose déposée est importante, il doit faire un contrat écrit avant de s’en dessaisir. Si celui qui a accepté la charge de garder cette chose dit, qu’il l’a perdue, il est tenu de prouver l’effraction ou le vol et la cause de la perte, et d’affirmer par serment qu’il est exempt de dol. S’il ne fait pas cette preuve, il rendra la chose en bon état, telle qu’il l’a reçue.

13. Dépôt d’or ou d’objet précieux. — Si un passager est monté à bord du navire ayant sur lui de l’or, ou toute autre chose, il doit en faire le dépôt entre les mains du patron. S’il ne fait pas ce dépôt et qu’il vienne dire ensuite : « J’ai perdu mon or ou mon argent », tout ce qu’il dira sera inutile. Le patron, l’équipage et toutes les personnes qui sont sur le navire se justifieront par serment.

14. Dépôt nié par le dépositaire. — Si quelqu’un, patron ou homme de confiance, ayant reçu un dépôt le nie, et soit ensuite convaincu par témoins, il rendra cette chose au double, et s’il a juré, il subira la peine du parjure.

15. Passagers, marchands, esclaves abandonnés en route. — Si un navire transporte des passagers, des marchands ou même des esclaves reçus en dépôt, que le patron arrive dans une ville, ou dans un port ou sur une rade, et que là, quelques personnes étant sorties du navire, il survienne une poursuite de corsaires ou une attaque de pirates, que le patron ayant donné l’alarme emmène son navire, qu’enfin le navire soit sauvé avec tout le chargement qu’y ont mis les passagers et les marchands, chacun reprendra son bien, et chacun de ceux qui seront descendus à terre reprendra pareillement ce qui lui appartient. Si quelqu’un veut chercher querelle au patron, lui reprochant de les avoir abandonnés sur le rivage dans un lieu infesté de corsaires, tout ce qu’il dira sera inutile, parce que le patron et l’équipage n’ont pris la fuite que pour échapper à ceux qui les poursuivaient. Si ayant pris un esclave en dépôt il l’a abandonné en quelque lieu que ce soit, il sera tenu d’en faire la restitution au maître de l’esclave.

16. Prêts sur le navire ou sur le chargement. —Tous, patrons et marchands, qui emprunteront de l’argent sur un navire, ne peuvent enregistrer l’opération comme acte de prêt terrestre.

17. — Si quelqu’un donne de l’or ou de l’argent pour un besoin commun, en cours de route, et qu’il y ait acte fixant les clauses du prêt et le terme stipulé, si celui qui a reçu l’or ou l’argent ne le remet pas au bailleur de fonds à l’échéance du terme et qu’ensuite la somme soit perdue par incendie, piraterie ou naufrage, le bailleur de fonds restera indemne et reprendra intégralement tout ce qui lui appartient. Mais si avant l’échéance du terme fixé, il arrive une perte par fortune de mer, comme il aurait pris sa part du gain, il prendra sa part du dommage.

18. — Si quelqu’un ayant emprunté de l’argent se rend à l’étranger, le créancier, quand le jour du terme convenu sera expiré, se paiera sur les biens terrestres, suivant la loi. Si on n’en retire pas somme suffisante, le prêt sera considéré comme prêt terrestre; seulement les intérêts seront dus au taux maritime, tant que l’emprunteur restera à l’étranger.[15]

19. Nolissement. — Si quelqu’un nolise un navire, donne des arrhes, et dit ensuite « Je n’en ai pas besoin », il perd les arrhes; si au contraire c’est le patron qui ne tient plus le marché, il rendra au marchand le double de arrhes.[16]

20. Deest.

21. Navires associés.[17] — Si deux navires font une société sans acte écrit[18] et s’il est reconnu de part et d’autre que ce n’est pas la première fois qu’ils ont fait une société sans écrit, qu’ils l’ont fidèlement observée et qu’ils ont payé partout les droits de douane comme s’il n’y avait qu’un seul chargement et non deux; en ce cas, si l’un des deux navires sur lest ou chargé éprouve quelque avarie, les objets sauvés devront contribuer pour le quart du dommage éprouvé par le navire qui a souffert. Cette part est fixée au quart, parce qu’il n’est pas produit d’acte écrit et qu’on a fait un simple contrat verbal. Si, au contraire, il y a eu un acte écrit et scellé, tout ce qui a été sauvé viendra en contribution pour ce qui a été perdu.

22. Navire loué en entier. Chargement fait par le patron. — Le patron n’apportera rien que de l’eau et des provisions de voyage, des cordages et tout ce qui fait partie de l’équipement du navire. Si le marchand occupe toute la capacité du navire, conformément au contrat écrit, et que le patron veuille introduire en outre d’autres marchandises, il peut le faire s’il reste encore de la place. S’il n’en reste pas, le marchand, en présence de trois témoins, s’opposera à la volonté du patron et de l’équipage, et alors, s’il y a lieu à jet, c’est le patron qui le supportera. Si le marchand n’a pas fait d’opposition, tous entreront en contribution.

23. Contrat de nolis fait loi. — Si le patron et le marchand ont fait un contrat par écrit, ce contrat fait loi. Si le marchand n’emplit pas toute la capacité du navire, il paiera le nolis dans les termes du contrat.

24. Dédit après nolissement. — Si le patron prend la mer après avoir reçu la moitié du nolis, et que le marchand veuille retourner, quand il y a un contrat écrit et scellé, je marchand perd le demi-nolis pour la rupture du voyage. Si c’est le patron qui refuse d’exécuter le contrat écrit, il rendra au double ce qu’il a reçu.

25. Terme fixé pour le chargement. — Si le terme fixé par le contrat écrit est dépassé de moins de dix jours, le marchand fournira les rations de l’équipage. A l’expiration du second délai le marchand descendra à terre après avoir tout d’abord complété le paiement du nolis; si le marchand veut ajouter au nolis une certaine somme, il paiera le tout et ensuite s’embarquera comme il était convenu.

26. Négligence des patrons ou de l’équipage. — Si un des gens de l’équipage ou le patron ayant couché hors du navire, le navire vient à se perdre de nuit ou de jour, les gens de l’équipage ou les patrons qui auront couché dehors seront responsables de tout le dommage; ceux qui seront restés sur le navire resteront indemnes.

27. Suite du précédent. — Si un navire part pour prendre un chargement fourni par un marchand ou par la communauté, et que ce navire subisse une avarie ou périsse par la négligence de l’équipage ou du patron, les marchandises restées en magasin[19] seront hors du risque. Si des témoins déclarent que le sinistre a eu pour cause une tempête, tout ce qui aura été sauvé du navire et des marchandises viendra à contribution, et le patron gardera la moitié du nolis. Si quelqu’un nie la communauté et qu’il soit convaincu par la déclaration de trois témoins, il paiera sa part de communauté et supportera la peine de sa dénégation.

28. Faute du marchand. — Si un navire, au moment de sortir du port, est empêché par un marchand ou un associé, le délai étant expiré, et que le navire périsse par un acte de piraterie ou par un incendie ou par un naufrage, l’auteur de l’empêchement supportera le dommage.

29. Suite du précédent. Chargement fait avant le terme a quo ou après le terme ad quem. — Si, à l’expiration du terme fixé, le marchand ne présente pas ses marchandises au lieu convenu dans l’acte écrit, et que le navire vienne périr par un acte de piraterie ou par un incendie ou un naufrage, le marchand est responsable de tout le dommage du navire. Mais si le terme est expiré quand l’accident se produit, on viendra à contribution.

30.[20] Contribution de l’or que le marchand a porté sur lui. — Si le marchand, ayant chargé ses marchandises sur un navire, a gardé de l’or sur lui, et que le navire vienne à souffrir de quelque péril de mer, que le chargement soit perdu et le navire brisé, tout ce qui aura été sauvé du navire et du chargement entrera en contribution. Quant à. l’or, le marchand l’emportera sur lui. S’il a été sauvé sans le secours de quelque agrès du navire, il paiera la moitié du nous porté au contrat.

Si, au contraire, il s’est aidé de quelque agrès du navire, il paiera le cinquième.

31. Contribution de l’argent. — Si, après que le marchand a chargé ses marchandises sur un navire, il arrive un accident au navire, tout ce qui aura été sauvé viendra en contribution de part et d’autre. L’argent sauvé paiera le cinquième. Le patron et l’équipage fourniront leur aide pour le sauvetage.

32. Deest.

33. Le navire lui-même et tout ce qui s’y trouve entrent en contribution. —Si le patron décharge les marchandises au lieu convenu, et qu’il survienne ensuite un accident au navire, le patron recouvrera intégralement le nolis sur le marchand. Mais les marchandises débarquées dans le magasin seront à l’abri de toute réclamation qui serait intentée par les personnes naviguant sur le même navire.

34. Avarie des marchandises. Avertissement. — Si un navire transporte du linge ou des étoffes, le patron fournira des prélarts en bon état, pour que les marchandises ne soient pas détériorées en cas de tempête par l’invasion des flots. Si le navire fait eau, le patron avertira immédiatement ceux qui possèdent des marchandises sur le navire, pour qu’on puisse déployer ces marchandises. Si le patron n’a rien dit, il sera responsable, mais si des témoins déclarent qu’il a dit aux marchands : « le navire fait eau, déployez vos marchandises » et que les chargeurs de ces marchandises aient négligé de prendre leurs précautions, le patron et les gens de l’équipage seront indemnes.

35. Contribution générale en principe. — Si un navire a fait un jet, après avoir perdu son mât, abattu ou rompu par accident, tous, hommes d’équipage et marchands, marchandises et navire, en un mot tout ce qui a été sauvé viendra à contribution.

36. Abordage. — Si un navire faisant voile se précipite sur un autre navire mouillé ou ayant cargué ses voiles, et cela en plein jour, tout le dégât et toute la perte sont à la charge du patron et de ceux qui se trouvent sur le navire, et le chargement même viendra à contribution. Si l’accident a lieu de nuit, celui qui a cargué ses voiles allumera du feu; s’il n’a pas de feu, il poussera de grands cris. S’il néglige de prendre ces précautions et qu’un malheur arrive, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, s’il y a preuve par témoins. Si l’homme qui manœuvre les voiles a été négligent ou que le veilleur se soit endormi, il a péri comme s’il s’était jeté dans des bas fonds, et il doit indemniser celui qu’il a heurté.[21]

37. Sauvetage des marchandises. Primes. — Si un navire chargé de blé est assailli par la tempête, le patron fournira des seaux de cuir en bon état, et l’équipage travaillera aux pompes. S’ils négligent de le faire et que le chargement ait été inondé pur les pompes, l’équipage supportera la perte. Si le chargement a été détérioré par la tempête, le dommage sera constaté par le patron et l’équipage, en présence du marchand, et le patron, le navire et l’équipage recevront le centième des objets sauvés. Lorsqu’il se fera un jet à la mer le marchand jettera, le premier, et les hommes de l’équipage ensuite. Après cela aucun homme de l’équipage ne devra s’emparer d’un objet quelconque. S’il le fait, il perdra le double et perdra tout droit au gain éventuel.

38. Responsabilité du marchand à l’égard du navire. — Si un navire parti avec un chargement de blé, de vin ou d’huile, dirigé par la volonté du patron, et l’équipage ayant cargué les voiles, aborde, dans un lieu ou sur une côte, malgré le marchand, que ce navire vienne à périr et que le chargement ou les marchandises soient sauvés, le marchand n’aura rien à payer pour le navire, puisqu’il ne consentait pas à ce qu’on abordât au lieu dont il s’agit. Mais si le navire faisant voile le marchand dit au patron: « Je désire aborder à tel endroit, non désigné dans l’acte écrit », et que le navire vienne à se perdre, le chargement étant sauvé, le patron recevra du marchand le navire entier. Si le navire périt par la volonté des deux parts, tout viendra à contribution.

39. Contribution de l’or et des objets précieux. — S’il arrive que le navire fasse naufrage et qu’on sauve une partie du navire et du chargement, les passagers ayant pris sur eux de l’or, de l’argent, des étoffes de soie, ou des perles, l’or sauvé ainsi contribuera pour in dixième, l’argent pour un cinquième; les étoffes de soie si elles n’ont pas été mouillées donneront un dixième, soit autant que l’or. Si elles ont été mouillées elles entreront en contribution, déduction faite de l’usure et de la mouillure.

40. Contribution des passagers, ou pour eux. — S’il y a des passagers sur le navire et que le navire soit avarié ou perdu, mais que les effets des passagers soient sauvés, les passagers contribueront à couvrir la perte. Si deux ou trois passagers ont perdu leur or ou leurs effets, il sera fait une contribution générale pour les indemniser, eu égard aux ressources de chacun et à l’importance de la perte, et le navire lui-même contribuera.

41. Voie d’eau, marchandises débarquées. — Si un navire portant des marchandises a une voie d’eau, que les marchandises soient débarquées, et que le patron les charge sur un autre navire, le patron payera tout le nolis (du second navire); quant aux propriétaires des marchandises, [ils n’auront rien à payer].

42. Contribution générale. — Si le navire est pris dans une tempête, et que les marchandises aient été jetées à la mer, qu’il y ait eu rupture des antennes, du mât, du gouvernail, des ancres, des chaloupes, tout cela entrera en contribution, avec le prix du navire et les marchandises sauvées.

43. Contribution en faveur du navire. — Si un navire est chargé et que dans une tempête il abatte son mât, qu’il casse son gouvernail ou perde ses chaloupes, s’il arrive que par suite de la tempête le chargement soit mouillé, tout cela doit entrer dans la contribution. S’il arrive que le chargement ait plus souffert des pompes que de la tempête, le patron recevra le nolis et rendra les marchandises sèches, dans la mesure où il les a reçues.

44. Sauvetage des épaves, prime. — Si un navire a chaviré ou s’est perdu en mer, celui qui sauvera quelque objet en provenant, et le portera à terre, recevra le cinquième pour prime de sauvetage.

45. Salaire des gens de l’équipage. — Si une chaloupe se détache du navire par rupture de câble et périt avec tout ce qui s’y trouve, si les gens qui s’y trouvaient se perdent ou meurent, le patron payera le salaire annuel en entier jusqu’au terme de l’année, à leurs héritiers. Celui qui aura sauvé la chaloupe et ses accessoires, rendra le tout tel qu’il l’a trouvé, et recevra le cinquième pour son salaire.[22]

46. Sauvetage, prime. — Si de l’or, de l’argent ou d’autres objets viennent à être retirés du fond de la mer où ils étaient à huit brasses de fond, le sauveteur en recevra le tiers. A quinze brases il en recevra la moitié. Quant aux objets qui sont rejetés par la mer sur le rivage et qui sont trouvés jusqu’à une coudée de distance, le sauveteur recevra le dixième des objets sauvés.

Les quatre derniers articles sont empruntés au Code et au Digeste.

Nous en donnons seulement l’analyse sans traduction.

47. — Cet article est emprunté à une constitution impériale de l’an 400, insérée au Code de Justinien, XI, 3, loi 3, et où on lit « quicumque in rapinis fuerit deprehensus, poena quadrupli teneatur ».

48. — Cet article est encore emprunté à une constitution impériale de l’an 395 insérée au Code de Justinien XI, 5, loi unique, qui interdit à tout particulier de charger des marchandises sur un navire qui a déjà un chargement de l’État à peine d’être responsable des dépenses et avaries. Enfin les art. 50 et 51 sont tirés des lois 1 et 4 § I, au Digeste de incendio, ruina et naufragio D. XLVII, 9, qui, outre la peine de restitution au quadruple, prononcent contre le voleur la peine de la relégation ou de l’opus publicum, conformément à une constitution de Marc-Aurèle.

III. Articles annexes formant le deuxième groupe.

Les quatre derniers articles (48-51) étaient dans le Ms. mais le feuillet qui les contenait est à peu près illisible, on voit seulement quatre ou cinq mots épars, et par exemple à l’art. 50 τετραπλοῦν au lieu de τετραπλάσιον.

Les articles 10, 20, 32 et 37 manquent dans le Ms. qui ne contient par conséquent que 43 articles, sans parler des 4 derniers. On en trouvera le texte dans Pardessus.

Quant aux 49 articles formant le groupe annexe, le Ms. palimpseste n’en donne que 18, et encore assez incorrects.

On a vu que la lex Rhodia institue entre toutes les personnes qui naviguent sur un même bâtiment une sorte d’association, ou, si l’on veut, d’assurance mutuelle, à la différence du droit romain qui, appliquant en matière maritime les principes généraux du droit, tels que l’actio exercitoria, l’actio locati conducti, l’actio legis Aquiliae, n’admettait qu’entre les chargeurs la contribution en cas de jet à la mer et exigeait pour le prêt à la grosse comme pour tout autre prêt une stipulation expresse des intérêts.

La contribution en cas de jet était sans doute un emprunt fait à la loi rhodienne, et fondée sur l’équité. C’était la tradition et il n’y a aucun motif pour ne pas l’admettre. La loi rhodienne allait beaucoup plus loin puisqu’elle étendait le principe de la contribution à tous les cas d’avaries, et à toutes les personnes du bord, enfin au navire lui-même considéré comme une personne.

Ainsi tous les appelés à contribuer avaient une part d’intérêt dans l’association, mais laquelle? Le texte fondamental est muet sur ce point, et c’est pour suppléer à ce silence qu’a été rédigé un tarif dont voici la traduction.

TARIF.

1. Salaire du patron : deux parts.

2. Salaire du timonier : une part et demie.

3. Salaire du pilote : une part et demie.

4. Salaire du charpentier : une part et demie.

5. Salaire du chaloupier : une part et demie.

6. Salaire de l’homme d’équipage : une part.

7. Salaire du cuisinier : une demi-part.

8. Il est permis à tout marchand d’avoir deux valets sur le navire, mais il doit payer leur place.

POLICE A BORD.

9. L’espace occupé par un passager aura trois coudées de longueur et une de largeur.

10. Aucun passager ne fera frire un poisson sur le navire et le patron ne le permettra pas.

11. Aucun passager ne fendra du bois sur le navire, et le patron ne le permettra pas.

12. Chaque passager recevra sur le navire une mesure d’eau, mais pas deux.

13. Une femme recevra sur le navire un espace d’une coudée. Un enfant qui n’a pas toute sa croissance recevra une demi-coudée.

14. L’article du tarif reproduit l’art. 13 de la loi. Il ajoute que le patron ne peut pas être contraint à recevoir le dépôt.

15. L’article du tarif ajoute que les personnes qui sont sur le navire, quand un vol a été commis, se justifieront par serment prêté sur l’évangile.

16. Le millier d’amphores, avec tous les agrès contenus dans cet espace sera compté pour cinquante pièces d’or et viendra en contribution pour ce chiffre. Le navire vieux vaudra trente pièces d’or. On retranchera le tiers de cette somme et c’est le surplus qui entrera en contribution.[23]

17 et 18. L’art. 17 renvoie à l’art. 16 de la loi qu’il reproduit en d’autres termes. Cet article et le suivant se rapportent au prêt à la grosse et aux caractères qui le distinguent du prêt terrestre. Le texte en est trop peu sûr pour qu’il y ait lieu d’en donner une traduction.

 


 

[1] Cet article sur la loi rhodienne a déjà paru dans la Revue de philologie de janvier 1905. Nous le reproduisons ici à raison du grand intérêt qu’il offre aux jurisconsultes. Nous avons toutefois laissé de côté le texte grec. Ceux de nos lecteurs qui voudraient s’y reporter le trouveront dans la Revue de philologie.

[2] Cicéron, pro lege Manilia 18 « Rhodii... quorum osque ad nostram memoriam disciplina navalis et gloria remansit. »

[3] Strabon, XIV, 2, 5.

[4] Stutula communitatis Lesinae, in-4°. Venetiis, 1643. Le statut lui-même est du 1331.

[5] Ed. Bogisié et Jiresek, Zagrabiae, 1904, 1 vol. in-8°.

[6] V. Goldschmidt, Lex rhodia und Agermanament, dans le Recueil intitulé Zeitschrift für dus gesammte Handelsrecht. Année 1888. On trouvera aussi beaucoup d’observations judicieuses dans une thèse de l’Université de Leyde, intitulée La responsabilité limitée du débiteur, dans le droit moderne et dans te droit ancien, par Bürger, Leiden 1889 (en hollandais).

[7] Les quatre premiers articles sont relatifs à des cas de vol. L’Écloga, publié en 740 par l’empereur Léon l’Isaurien et son fils Constantin, a fait de la peine corporelle la peine principale en matière de vol. L’amende, ou plutôt la restitution au double, n’est qu’un accessoire, Ecloge XVII, 10 et 11.

[8] Dans l’art. 2 la restitution est faite au navire et à tous ceux qui sont dans le navire et qui par conséquent sont intéressés, puisque chacun avait une ou plusieurs parts.

[9] Dans l’article 4 il n’y a pas de punition corporelle, parce qu’il n’y a qu’une imprudence commise par le patron ou par les passagers.

[10] Les art. 5-7 prévoient les rixes entre gens de l’équipage, spécialement les coups et blessures, et la mort qui peut en résulter. Ils ne prévoient d’autre peine qu’une indemnité, comprenant le salaire du médecin, les frais de traitement. Il y a cependant dans l’article 7 une trace de wergeld, en cas d’œil crevé ou de coup de pied au ventre. Zachariae pense que ces dispositions sont d’origine lombarde (Loi de Rotharis, 112, 113) (Zachariae, Geschichte des Griechisch-Römischen Rechts, 3e éd., 1892, p. 326). En tout cas, ces deux dispositions isolées n’impliquent pas l’existence d’un système complet et suivi.

[11] L’art. 6 admet expressément l’exception de légitime défense.

[12] L’art. 9 est un des plus importants, car il contient l’application du principe établi par cette loi, qui est celui de la communauté des pertes et des gains entre tous les embarqués. C’est une assurance mutuelle obligatoire.

[13] La règle de la communauté et de la contribution générale souffre exception toutes les fois qu’il y a imprudence ou négligence prouvée. En ce cas l’auteur de la faute est responsable des conséquences. L’article 11 dit que si les marchands et passagers, avant de s’embarquer, ont négligé de prendre les précautions ordinaires pour s’assurer de l’état du navire, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes des suites de leur négligence. On trouve d’autres applications de la même règle dans les art. 38, 44, 49.

[14] Les art. 12-15 traitent du contrat de dépôt.

Le dépôt doit être fait devant trois témoins ou par écrit.

Si le dépositaire soutient que le dépôt lui a été dérobé, il doit se justifier par serment.

Si le dépôt n’a été fait ni par acte écrit ni devant témoins, le prétendu dépositaire peut être admis à se justifier par serment, mais si le dépôt est ensuite prouvé par le fuit le dépositaire porte la peine du parjure et restitue au double.

Ces principes généraux reçoivent une modification en matière maritime, en que si un passager veut faire un dépôt, il doit le faire entre les mains du patron. Autrement il n’est pas recevable à se plaindre d’avoir été voté. Le patron qui a reçu un dépôt et qui a abandonné en route le déposant ne peut être poursuivi s’il n’a pris la fuite avec son navire que pour éviter d’être pris par les corsaires.

[15] L’idée est nécessairement celle-ci : Tout prêt, fait au patron sur le navire ou à un marchand sur le chargement, est un prêt maritime, à la grosse aventure, avec libération de l’emprunteur en cas de perte du navire ou du chargement. Si au contraire l’un et l’autre arrivent à bon port, l’emprunteur doit rendre le capital et en outre payer l’intérêt maritime. — Le prêteur se soumet nécessairement et implicitement au risque, et ne peut s’y soustraire par aucune convention. Par contre, il ne peut renoncer à l’intérêt maritime. Toutefois, s’il y a terme stipulé pour l’échéance du prêt, le prêt cesse d’être un prêt maritime, et cela à partir de l’échéance. En conséquence, le prêteur ne court plus aucun risque et devient simple créancier d’une somme fixe portant intérêt au taux civil, ordinaire. Si, au jour de l’échéance, le débiteur est absent, le créancier se paiera sur les biens qui sont à terre. S’il ne peut être remboursé, il restera créancier, comme un prêteur ordinaire, mais on calculera l’intérêt au taux maritime pour tout le temps pendant lequel l’emprunteur aura été absent. Les anciennes éditions lisaient χρήματα ἔγγυα et ne pouvaient pas se comprendre, mais le Ms. 68 de Milan, que nous suivons, lit eggea ce qui fait disparaître toutes les difficultés.

[16] Le contrat de nolissement est soumis aux régies ordinaires des contrats et doit être rédigé par écrit en forme de συγγραγή, et chacune des parties doit y apposer son cachet. L’acte ainsi fait emporte exécution parée, καθάπερ ἐκ δίκης. Le preneur donne des arrhes qu’il perd s’il n’exécute pas, et qui lui sont rendues au double si c’est l’autre partie qui refuse l’exécution. Le paiement du fret est assuré par des clauses pénales. Le marchand qui a payé le fret entier peut occuper toute la capacité du navire. Le patron n’y a aucun droit. S’il charge des effets sur le tillac, il en supporte seul le risque. Il en est du fret comme des arrhes. Si le marchand rompt le voyage, il perd la moitié du fret; si c’est le patron qui rompt, il rend le fret tout entier. Le marchand affréteur a dix jours pour charger; après quoi il supporte les frais de nourriture de l’équipage, et le fret peut être augmenté. Si le retard amène la perte du navire, c’est le marchand qui en répond. Tout acte de négligence oblige ceux qui l’ont commis à réparer le dommage. Ainsi en est-il des patrons ou gens de l’équipage qui ont couché hors du navire, ou qui n’ont pas enfermé les marchandises dans le magasin. — En l’absence d’une faute imputable à quelqu’un, tout ce qui a péri ou a été avarié par force majeure est une avarie commune à la réparation de laquelle tout ce qui est sur le navire doit contribuer.

[17] Société entre deux navires. Il s’agit d’une association, ou plutôt d’une assurance mutuelle entre deux navires. La contribution du navire sauvé pour le navire avarié est du quart du dommage éprouvé, à moins qu’il n’y ait un chiffre d’indemnité plus fort ou plus faible dans le contrat écrit.

[18] Le Ms. porte ἐγγράφως et répète un peu plus loin la même faute, mais il faut évidemment lire ἀγράφως, sans quoi la fin de l’article n’aurait plus de sens.

[19] Le texte en ἐν ὠρείῳ — Ὠρεῖον est le mot latin horreum et signifie le magasin, le dock.

[20] A l’exception de l’art. 36 qui est relatif à l’abordage, les art. 30-44 sont les plus importants, en ce qu’ils règlent la répartition des avaries et appliquent le principe de l’assurance mutuelle.

La contribution porte sur tout ce qui a été sauvé— équipage et marchands marchandises et navire, art. 35.

Si le chargement seul a été avarié, tout contribue. Les marchandises sauvées paient 1/100.

Si le marchand s’est sauvé avec de l’or sur lui, dans un cas de perte générale il paiera 1/10 plus une moitié ou un cinquième du fret, suivant qu’il s’est ou non servi des agrès pour se sauver, art. 30.

L’argent sauvé paie 1/5, art. 31. et 40.

Les marchandises débarquées au lieu convenu sont désormais exemptes de toute contribution, art. 33.

Les marchandises précieuses paient comme or, mais déduction faite de la mouillure, art. 40.

Les effets des passagers, seuls sauvés, contribuent, art. 41.

Voie d’eau, transfert du chargement sur un autre navire dont le patron paie le fret, art. 42.

La contribution a lieu non seulement pour les marchandises jetées, mais pour les dégâts matériels sur le navire, art. 43.

[21] Le dommage causé par l’abordage est en général à la charge du navire abordeur. — Toutefois si le navire abordé est en faute, c’est le coupable qui doit la réparation.

[22] Le salaire des gens de l’équipage est dû pour l’année. Il est dû intégralement aux héritiers de ceux qui ont péri.

[23] La part d’intérêt appartenant au navire dans l’association est ainsi fixée à forfait en tenant compte de l’âge du navire et de sa capacité. — La pièce d’or, aureus ou solidus, du Bas-Empire valait 45 francs et quelques centimes. — L’amphore valait, environ 20 litres (exactement 19,44).