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table des matières de LOIS

 

LA LOI DE GORTYNE

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

LA LOI DE GORTYNE

 

TEXTE, TRADUCTION ET COMMENTAIRE

 

Par M. R. DARESTE

 

 

Le fragment le plus anciennement connu de la loi de Gortyne a été rapporté de Crète et publié dans la Revue archéologique, en 1863, par M. l’abbé Thenon. Il contient quelques lignes qui font partie des § 58-60. La pierre est déposée au Musée du Louvre. On peut voir, sur ce fragment, les travaux de M. Bréal (Revue archéologique, 1878) et de M. Roehl (Inscriptiones graecae antiquissimae, 1882). Il est reproduit dans le recueil de Cauer (Delectus inscriptionum graecarum, 4883) et dans celui de Dittenberger (Sylloge inscriptionum grcarurn, 1883).

En 1880, M. Haussoullier a publié dans le Bulletin de correspondance hellénique deux nouveaux fragments dont l’un, très mutilé, fait partie de l’article 39 et l’autre forme l’article 48. Ces fragments ont été publiés de nouveau par Roehl, dans le recueil précité, avec un essai de restitution par Blass. On les trouve également dans les recueils de Cauer et de Dittenberger.

Enfin, au mois de septembre 1884, l’inscription entière dont ces fragments avaient été détachés, a été découverte et copiée par MM. Halbherr et Fabricius. Elle a été publiée en 1885 par M. Comparetti dans le deuxième fascicule du Museo italiano di antichita classica, et par M. Fabricius, dans le quatrième cahier des Mittheilungen des deutschen archäologischen Instituts in Athen.

Dès le mois de mai 1885, nous avons publié dans le Bulletin de correspondance hellénique un premier assai de traduction en français. M. Comparetti publiait en même temps une traduction en italien. Depuis lors, il a déjà paru cinq traductions en allemand, dont voici les titres

Bücheler et Zitelmann, Das Recht von Gortyn;

J. et Th. Baunack, Die Inschrift von Gortyn;

H. Lewy, Altes Stradtrecht von Gortyn;

Bernhöft, Die Inschrift von Gortyn;

Simon, Die Inschrift von Gortyn.

Grâce à ces travaux, le texte de l’inscription parait être à peu près définitivement constitué, et le sens fixé autant qu’il peut l’être. Il ne reste plus qu’un très petit nombre de passages dont l’interprétation soit encore douteuse. Les lacunes mêmes, à l’exception de deux, l’une de sept lignes, entre les § 52 et 53, l’autre de huit lignes, entre les § 67 et 68, ont pu être en grande partie comblées par des restitutions qui, à défaut de certitude, offrent du moins une grande probabilité. Les philologues ont fait leur œuvre. C’est maintenant aux jurisconsultes qu’il appartient de parler. Le moment parait venu de les convier à cette étude en leur fournissant la base indispensable, à savoir un texte lisible et une traduction aussi exacte que possible. A cet effet, nous avons soumis notre premier travail à une révision attentive, en profitant des remarquables travaux de Comparetti et des éditeurs allemands. Nous rappelons ici, par forme d’introduction, quelques notions historiques.

Gortyne était, avec Cnosse et Lyctos, une des trois principales villes de la Crète. Comme toutes les villes doriennes, elle avait une constitution aristocratique. Le pouvoir était confié à certaines familles nobles qui l’exerçaient tour à tour. Les magistrats portaient le nom de Cosmes. L’autorité législative résidait dans l’assemblée du peuple. Quant au pouvoir judiciaire, il appartenait, du moins en matière civile, à un juge unique. Il semble résulter de notre texte que le territoire de Gortyne était divisé en plusieurs circonscriptions dont chacune avait son juge.

La loi distingue quatre classes de personnes, à sa voir les hommes libres (ἐλεύθεροι), les hommes de condition inférieure (ἀπεσταῖροι), les colons (Fοικῆες), et les esclaves (δῶλοι). La différence entre les deux premières classes tient à ce que les hommes libres, proprement dits, font seuls partie des confréries ou hétairies. Les autres, comme leur nom l’indique, en sont exclus. Les colons se rapprochent des esclaves en ce qu’ils ont un maître, et sont attachés à la glèbe, mais ils ont de droits sur la terre qu’ils cultivent. Le cheptel, les objets mobiliers leur appartiennent. Ils font en quelque sorte partie de la famille. Quant aux esclaves, le maître n’a pas sur eux un pouvoir illimité, et la loi les protège, au moins dans certains cas déterminés.

Ce qu’il y a de plus remarquable dans la loi de Gortyne, c’est le système des preuves. Devant le juge la preuve se fait de trois manières.

Le premier mode est le témoignage. Les témoins doivent être majeurs et libres, et leur nombre est fixé suivant les cas. Leur déposition lie le juge. Lorsqu’il y a des témoignages en sens contraire, ils se détruisent réciproquement et l’on a recours alors aux autres modes de preuve, à moins que la loi n’établisse une présomption, telle que la présomption de liberté en faveur de l’homme qui est revendiqué comme esclave.

Le second mode de preuve est le serment. Il ne s’agit pas ici d’un serment déféré par la partie adverse. C’est le juge ou plutôt la loi elle-même qui impose le serment, soit au demandeur, soit au défendeur, suivant les cas. Elle exige même, dans certaines circonstances, que la partie qui doit prêter serment soit assistée d’un certain nombre de cojureurs. Ainsi, pour prouver l’adultère de la femme, l’homme libre jure lui cinquième; l’homme de condition inférieure, lui troisième; le colon, lui second. C’est le système des lois barbares.

Mais la preuve par témoins ou par serments n’est pas toujours possible. Elle n’est même pas toujours admissible. Alors la loi n recours à un troisième moyen. C’est le Juge qui prête serment et statue d’après les débats, comme juré; dit la loi. Dans les deux premiers cas, elle emploie une autre expression,

Pour bien se rendre compte de ce système de preuves, il faut se placer au point de vue du droit primitif. Le serment est un mode de preuve. Il a remplacé les ordalies. C’est pour cette raison qu’il n’est prêté ni par les témoins, ni par le juge. Le témoin qui prêterait serment cesserait d’être un témoin et deviendrait un cojureur. Le juge ne prête serment que lorsqu’il n’y a pas de preuve, et alors c’est lui qui fait la preuve par son serment. Plus tard, les cojureurs disparurent. C’est alors que se répandit l’usage de faire prêter serment aux témoins pour donner plus de force à leur déposition, aux juges pour leur faire promettre l’impartialité.

Ces seules dispositions suffiraient pour faire assigner à la loi de Gortyne une date très ancienne. Mais la forme des lettres, et la direction des lignes, qui vont alternativement de gauche à droite et de droite à gauche ne permettent pas d’assigner à l’inscription une date plus récente que celle du vie siècle avant notre ère. La loi de Gortyne est donc contemporaine de celle de Solon, et ce n’est pas la plus ancienne. Elle proclame elle-même qu’elle n’a pas d’effet rétroactif et renvoie pour le passé à une loi antérieure qui parait avoir été plus rigoureuse, surtout en ce qui concerne la situation des adoptés, et celle des filles. Elle ne comprend d’ailleurs ni le droit politique, ni certaines parties du droit civil et criminel, comme tout ce qui touche à la propriété et au meurtre. Il existait donc sur ces matières une loi antérieure que la loi nouvelle a laissé subsister en cette partie, comme Solon a conservé les lois de Dracon.

Nous n’avons pas besoin de signaler l’importance de ce monument législatif. C’est peut-être la plus belle découverte qui ait été faite depuis longtemps et la plus féconde en résultats pour l’histoire du droit dans l’antiquité.


 

LA LOI DE GORTYNE

I.

1.[1] Celui qui voudra, revendiquer comme sien un homme libre ou un esclave ne pourra l’emmener avant jugement. S’il l’emmène, il sera condamné à payer dix statères pour un homme libre, et cinq pour un esclave, pour le fait de l’avoir emmené, et il lui sera enjoint de mettre cet homme en liberté, dans les trois jours. S’il ne le met pas en liberté, il sera condamné à payer pour un homme libre un statère, pour un esclave une drachme, par chaque jour de retard. Pour le calcul du temps le juge prononcera comme juré. Si le revendiquant nie avoir emmené l’homme, le juge prononcera comme juré, à moins qu’il n’y ait déclaration faite par un témoin.

2. Si les parties prétendent l’une que le revendiqué est libre, l’autre qu’il est esclave, les témoins qui l’auront déclaré libre seront préférés. Si les parties se disputent un esclave que chacune des deux prétend être à elle, en ce cas, s’il y a déclaration faite par un témoin, le jugement sera rendu conformément au témoignage. Si les témoignages sont également favorables ou également défavorables à l’un et à l’autre, le juge prononcera comme juré.

3.[2] Si celui qui succombe est en possession, il mettra l’homme libre en liberté dans les cinq jours, et il remettra l’esclave entre les mains de l’adversaire. S’il n’effectue pas cette mise en liberté ou cette remise, il sera contraint, par jugement, à payer à raison de l’homme libre cinquante statères, plus un statère par chaque jour de retard, et à raison de l’esclave dix statères, plus une drachme par chaque jour de retard. Si le juge prononce une condamnation de ce genre, il ne pourra être exigé pour une année que trois fois l’amende, ou moins, mais pas plus.

4.[3] Si, au moment où le défendeur est vaincu, l’esclave a cherché un asile dans un temple, le vaincu fera sommation au vainqueur devant deux témoins majeurs et libres et lui fera voir l’esclave dans le temple où il est réfugié, et il fera cela lui-même, ou un autre pour lui. A défaut par lui de faire cette sommation ou cette montrée, il payera la somme ci-dessus fixée. S’il ne livre pas l’esclave dans l’année, il payera en outre une fois la valeur de cet esclave. Si l’esclave meurt pendant le procès, le vaincu payera une fois la valeur de cet esclave.

5.[4] Si c’est un cosme qui emmène un homme ou si toute autre personne emmène un homme qu’un cosme prétend lui appartenir, l’action sera intentée lorsque les fonctions du cosme auront cessé. La partie qui succombera payera au vainqueur tout ce qui est porté par la loi, à partir du jour où l’homme a été emmené. Si l’homme emmené a été adjugé ou donné en gage, il n’y aura aucune action contre celui qui l’emmène.

II.

6.[5] Celui qui, par violence, aura commerce avec un homme libre ou une femme libre, payera cent statères, et avec (le fils ou) la fille d’un homme de condition inférieure, dix statères. L’esclave qui commettra le même fait sur un homme libre ou une femme libre payera le double. L’homme libre qui le commettra sur un homme ou une femme de la classe des colons payera cinq drachmes; le colon qui le commettra sur un homme ou une femme de la classe des colons, cinq drachmes. Celui qui fera violence à sa propre esclave domestique payera deux statères. Dans le cas où elle n’était pas vierge, il payera, si c’est de jour, une obole; si c’est de nuit, deux oboles. L’esclave en sera crue sur son serment.

7.[6] Celui qui aura tenté d’avoir commerce avec une fille libre qui est sous la garde d’un parent, payera dix statères, s’il y a un témoin qui déclare le fait.

8.[7] Celui qui sera pris en adultère avec une femme libre dans la maison du père, ou du frère, ou du mari de celle-ci, payera cent statères, et dans la maison de toute autre personne, cinquante; si c’est avec la femme d’un homme de condition inférieure, dix. Si c’est un esclave qui est pris en adultère avec une femme libre, il payera le double; avec la femme d’un esclave, il payera cinq.

9.[8] L’offensé déclarera, en présence de trois témoins, aux parents de l’homme pris en flagrant délit, qu’ils peuvent le racheter dans les cinq jours. Si c’est un esclave, la déclaration faite à son maître pourra l’être en présence de deux témoins. Si le coupable n’est pas racheté, ceux qui l’auront pris pourront en faire leur volonté.

10.[9] Si l’homme pris en flagrant délit prétend avoir été attiré dans un piège, en ce cas celui qui a pris en flagrant délit prêtera serment, à savoir : celui qui a droit à cinquante statères ou plus, lui cinquième, chacun d’eux jurant avec imprécation sur lui-même, l’homme de condition inférieure, lui troisième, le maître d’un colon lui second. Les termes du serment seront qu’il a pris l’homme en flagrant délit d’adultère, et qu’il n’a tendu aucun piège.

III.

11.[10] Si un mari et une femme divorcent, la femme emporte les biens apportés par elle en mariage à son époux, la moitié des fruits, s’il y en a, provenus des biens qui lui appartiennent, et la moitié des étoffes qu’elle a tissées, s’il y en a, et en outre cinq statères si le divorce est imputable au mari. Si le mari soutient que le divorce ne lui est pas imputable, le juge statue comme juré.

12.[11] Si la femme emporte quelque autre chose, appartenant à son mari, elle payera cinq statères et elle restituera en nature ce qu’elle aura emporté ou soustrait. Si elle nie à l’égard de certains objets, le juge lui enjoindra de se justifier en jurant par Artémis, la déesse d’Amyclae, qui porte l’arc, et si, après qu’elle se sera justifiée par serment, quelqu’un lui enlève ces objets, il payera cinq statères et restituera lesdits objets en nature. Si un tiers se rend complice du détournement, il payera dix statères et restituera au double l’objet qu’il sera reconnu avoir aidé à emporter. Le juge statuera comme juré.

13.[12] Si le mari meurt laissant des enfants, la femme peut, si elle veut, se remarier, en emportant tout ce qui lui appartient, et ce que son mari lui a donné conformément à la loi, devant trois témoins majeurs et libres. Si elle emporte quelque objet appartenant aux enfants, il y aura action contre elle.

14.[13] Si la femme resté veuve sans enfants, elle aura tout ce qui lui appartient, et en outre la moitié de ce qu’elle a tissé. Elle prendra, en concours avec les ayants droit, une part des fruits trouvés dans la maison, et ce que son mari lui a donné conformément à la loi. Si elle emporte quelque autre chose, il y aura action contre elle.

15. Si la femme meurt sans enfants, les ayants-droit prendront ses biens personnels, la moitié de ce qu’elle a tissé et la moitié des fruits provenant de ses biens personnels.

16.[14] Un mari ou une femme pourront léguer, s’ils le veulent, des aliments, ou un vêtement, ou douze statères, ou un objet valant douze statères, mais pas plus.

17.[15] Si la femme colone d’un mari colon fait valoir ses droits, du vivant ou après la mort de son mari, elle aura ses biens personnels, mais si elle emporte autre chose, il y aura action contre elle.

IV.

18.[16] Si une femme divorcée accouche d’un enfant, il sera présenté à l’homme qui a été l’époux, devant la demeure de celui-ci, en présence de trois témoins. Si cet homme refuse de recevoir l’enfant, la femme pourra, à son choix, nourrir l’enfant ou l’exposer. La preuve de la présentation sera faite par le serment des parents (de la femme) et des témoins.

19. Si une femme de la classe des colons, étant divorcée, accouche d’un enfant, il sera présenté au maître de l’homme qui a été l’époux, en présence de deux témoins. S’il refuse de recevoir l’enfant, cet enfant appartiendra au maître de la femme. Mais si la femme épouse de nouveau le même homme, dans l’année, l’enfant appartiendra au maître de ce colon. La preuve sera faite par le serment de celui qui aura fait la présentation, et des témoins.

20. La femme divorcée qui exposera son enfant avant de l’avoir présenté suivant la loi payera, si elle y est condamnée, cinquante statères si l’enfant était libre, et vingt-cinq statères s’il était esclave. Si l’homme n’a pas de maison où la présentation puisse être faite, ou si on ne le trouve pas, la femme aura le droit d’exposer l’enfant. »

21.[17] Si une femme de la classe des colons devient enceinte et accouche n’étant pas mariée, l’enfant appartiendra au maître du père (de la femme). Si le père n’est pas vivant, l’enfant appartiendra au maître des frères (de la femme).

V.

22.[18] Le père sera le maître des enfants et des biens, et il dépendra de lui de faire un partage. La mère sera la maîtresse de ses biens personnels. Tant qu’ils vivront, le partage ne pourra pas être exigé, mais si l’un des coparçonniers est condamné à une amende, il faudra lui donner sa part, conformément à la loi.

23.[19] Si une personne meurt, les maisons de ville et tout ce qui se trouve dans ces maisons, et les habitations rurales qui ne sont pas occupées par un colon, ainsi que les moutons et le gros bétail qui ne seront pas la propriété d’un colon, appartiendront aux fils. Tous les autres biens seront équitablement partagés. Les fils, quel que soit leur nombre, prendront chacun deux parts; les filles, quel que soit leur nombre, prendront chacune une part.

24. Les biens maternels, si la mère vient à mourir, seront partagés comme les biens paternels. S’il n’y a pas d’autres biens qu’une maison, les filles y auront part, conformément à la loi.

25.[20] Si le père veut, de son vivant, faire un don à sa fille en la mariant, il donnera conformément à la loi, mais pas plus. Les dons ou promesses faits par un père à sa fille avant la présente loi sont maintenus; mais, en ce cas, la fille ne viendra pas au partage des autres biens. Lorsqu’une femme n’aura pas de biens à elle donnés ou promis par son père ou par son frère, ou recueillis par elle dans un partage, si le mariage a eu lieu depuis l’année où, la famille des AEthaléens étant au pouvoir, Kyllos et ses collègues furent cosmes, elle viendra à partage ; si le mariage est antérieur, elle n’aura pas droit à partage.

26.[21] En cas de décès du mari ou de la femme, s’il y a des enfants, ou des enfants des enfants, ou des enfants de ces derniers, ceux-là auront les biens. A leur défaut, les frères du défunt et les enfants des frères, et les enfants de ces enfants, ceux-là auront les biens. A leur défaut encore, les sœurs du défunt et les enfants de leurs enfants, et les enfants de ces enfants, ceux-là auront les biens. A leur défaut encore, les ayants-droit, quels qu’ils soient, recueilleront les biens. S’il n’y a pas d’ayant-droit, les tenanciers du domaine, quels qu’ils soient, ceux-là auront les biens.

27.[22] Si parmi les ayants-droit les uns veulent partager les biens et les autres non, le juge décidera que tous les biens seront à la disposition de ceux qui veulent partager, jusqu’à ce qu’ils partagent.

28. Si, après la décision du juge, une des parties, employant la force, déplace, enlève ou emporte quelque chose, elle paiera dix statères et restituera l’objet au double. Si quelques-uns des héritiers ne veulent pas partager un cheptel, ou des fruits, ou des vêtements ou des joyaux ou d’autres meubles, le juge statuera comme juré, après avoir entendu les parties.

29.[23] Si les héritiers partageant les biens ne sont pas d’accord sur l’opération du partage, les biens seront mis en vente. Ils seront adjugés au plus offrant et les héritiers se partageront le prix, chacun suivant ses droits. Au partage des biens assisteront témoins majeurs et libres au nombre de trois ou plus. Les dons faits par un père à sa fille seront faits dans la même forme.

V.

30. Tant que le père est vivant, les biens paternels ne peuvent être ni vendu ni donnés en hypothèque par le fils. Mais ce que le fils aura acquis pur lui-même ou par l’effet d’un mariage, il peut le vendre s’il veut. Le père ne pourra ni vendre ni promettre les biens que ses enfants auront acquis par eux-mêmes ou par l’effet d’un partage. Le mari n’aura pas plus de droit sur les biens de sa femme, ni le fils sur les biens de sa mère.

34. Si quelqu’un achète ou prend en hypothèque ou se fait promettre lesdits biens, contrairement à ce qui est écrit dans la présente loi, les biens resteront la propriété de la mère ou de la femme. Celui qui aura vendu, donné en hypothèque ou promis payera le double à l’acheteur, au créancier hypothécaire ou au stipulant, et s’il y quelque autre dommage il en payera la valeur simple. Pour ce qui s’est passé antérieurement, il n’y aura point d’action. Si l’adversaire se défend au sujet de la chose litigieuse, et soutient qu’elle n’appartient pas à la mère ou à la femme, on plaidera devant le juge compétent et ainsi qu’il est écrit dans la loi pour chaque cas.

32.[24] Si la mère meurt laissant des enfants, le père sera le maître des biens maternels, mais il ne pourra ni les vendre ni les donner en hypothèque, à moins que ses enfants ne ratifient, étant devenus majeurs. Si quelqu’un achète ou prend en hypothèque, contrairement à cette loi, les biens resteront la propriété des enfants; celui qui aura vendu ou donné en hypothèque payera à l’acheteur ou au créancier hypothécaire le double du prix, et pour tout autre dommage la valeur simple. Si le père épouse une autre femme, les enfants seront maîtres des biens maternels.

VII.

33.[25] …………………………… de l’étranger où il était retenu par force, et si, de son consentement, il est racheté par quelqu’un, il appartiendra à celui qui l’aura racheté jusqu’à ce qu’il ait payé ce qu’il faut. S’ils ne sont pas d’accord sur la somme, ou sur le consentement de la personne rachetée, le juge statuera comme juré, après avoir entendu les parties.

VIII.

34.[26] Si un . . . vient à une femme libre et l’épouse les enfants seront libres. Si une femme libre vient à un esclave, les enfants seront esclaves. Si de la même mère naissent des enfants dont les uns soient libres et les autres esclaves, si la mère vient à mourir et qu’il y ait des biens, les enfants libres auront les biens. A défaut d’enfants libres les ayants-droit recueilleront les biens.

IX.

35. Si quelqu’un ayant acheté un esclave au marché ne l’a pas revendu dans les soixante jours, et si l’esclave a fait quelque tort avant ou depuis (l’achat au marché) il y aura action contre le détenteur.

X.

36.[27] La fille patroïoque épousera le frère de son père, le plus âgé de ceux qui existent. S’il y a plusieurs filles patroïoques et plusieurs frères du père, la seconde épousera celui qui vient après le plus âgé. S’il n’y a pas de frère du père, et qu’il y ait des fils de frère, la fille épousera celui qui est issu du frère aîné. S’il y a plusieurs filles patroïoques et plusieurs fils issus de frères, la seconde fille épousera celui qui vient après le fils du frère aîné. Un ayant-droit recevra une fille patroïoque, mais pas plus.

37. Si l’ayant-droit n’est pas en âge d’épouser, ou si la fille patroïoque n’a pas l’âge requis, la fille patroïoque aura la maison, s’il y en a une, et l’ayant-droit qui est appelé à épouser prendra la moitié de tous les revenus.

38. Si l’ayant-droit, qui était mineur quand son droit s’est ouvert, refuse d’épouser lorsque tous deux sont en âge, la fille patroïoque aura tous les biens et tous les fruits jusqu’à ce qu’il épouse. Si l’ayant-droit étant majeur ne veut pas épouser, alors que la fille patroïoque est majeure et consent au mariage, les parents de la fille patroïoque intenteront une action et le juge ordonnera par jugement que le mariage ait lieu dans les deux mois. Si le mariage n’a pas lieu comme il est écrit dans la loi, la fille, ayant tous les biens, épousera celui qui vient après, s’il y en a un. S’il n’y en a pas, elle épousera qui elle voudra parmi ceux de la tribu qui la demanderont.

39. Si étant en âge la fille patroïoque refuse d’épouser l’ayant-droit, ou si, ce dernier étant encore en bas âge, elle ne veut pas attendre elle aura la maison, s’il y en a une dans la ville, et tout ce qu’il y a dans la maison, et la moitié du reste. Elle épousera un autre, celui qu’elle voudra, parmi ceux de la tribu qui la demanderont, et elle partagera les biens avec le premier.

40. S’il n’y a point d’ayant-droit à la fille patroïoque conformément à la loi, elle aura tous les biens et épousera qui elle voudra dans la tribu.

41. Si personne dans la tribu ne veut l’épouser, les parents de la fille patroïoque diront dans la tribu : « Personne ne veut-il épouser? » Si quelqu’un se présente pour épouser, il faut que le mariage ait lieu dans les trente jours qui suivront la déclaration des parents, sinon la fille épousera qui elle pourra.

42. Lorsqu’une fille, après avoir été donnée en mariage par son père ou son frère, devient fille patroïoque, si celui à qui la fille a été donnée veut rester marié mais que la fille ne le veuille pas, en ce cas, si elle a des enfants, elle partagera les biens conformément à la loi, et épousera un autre de la tribu; s’il n’y a pas d’enfants, elle aura tous les biens et épousera l’ayant droit s’il y en a un; sinon on suivra la loi.

43. Si le mari meurt laissant à la fille patroïoque des enfants, celle-ci épousera si elle veut un homme de la tribu, mais elle ne sera pas contrainte. Si le défunt ne laisse pas d’enfants, elle épousera l’ayant-droit, conformément à la loi.

44. Si l’ayant droit à la fille patroïoque n’est pas dans le pays, et que la fille soit en âge, elle épousera l’ayant- droit qui vient après, comme il est écrit.

45. La fille patroïoque est celle qui n’a ni père ni frère issu du même père.

46. La gestion des biens appartiendra aux oncles par le père, et en ce cas la fille aura la moitié des fruits jusqu’à ce qu’elle soit en âge.

47.[28] Si la fille est mineure et qu’il n’y ait pas d’ayant-droit, elle aura les biens elles fruits, et, jusqu’à ce qu’elle soit en âge elle sera nourrie auprès de sa mère. Si elle n’a pas de mère, elle sera nourrie auprès des oncles maternels. Si quelqu’un épouse une fille patroïoque contrairement à ce qui est écrit dans la loi ……………..

48.[29] …………………………………………………………………………………………………….

49. Mais si quelqu’un achète ou prend en hypothèque de toute autre manière les biens de la fille patroïoque, ces biens resteront la propriété de celle-ci, et celui qui aura vendu ou donné en hypothèque sera tenu, s’il perd son procès, au double, envers celui qui aura acheté ou pris en hypothèque; et s’il y a quelque autre dommage, il en paiera la valeur au simple, ainsi qu’il est écrit dans la présente loi. Mais il n’y aura pas d’action pour les conventions faites avant la présente loi. Si la partie adverse soutient, à l’égard d’un objet litigieux, que cet objet n’appartient pas à la fille patroïoque, le juge statuera comme juré. Si la partie adverse obtient gain de cause par un jugement déclarant que l’objet n’appartient pas à la fille patroïoque, il y aura action de la manière prescrite, ainsi qu’il est écrit pour chaque cas.

XI.

50.[30] Si quelqu’un meurt s’étant porté caution, ou ayant été condamné par jugement, ou étant obligé de restituer un gage, ou en retard de rendre un dépôt, ou ayant pris jour pour payer, ou réciproquement si l’autre partie vient à mourir, l’action sera intentée dans l’année. Le juge statuera d’après les déclarations faites devant lui. Ces déclarations seront faites, lorsqu’il s’agira d’une condamnation prononcée, par le juge et le mnémon s’ils sont encore vivants et habitant le pays, et par les témoins de l’affaire, et s’il s’agit d’un cautionnement, ou d’un gage à restituer ou d’un dépôt à rendre, ou d’une promesse de payer à jour fixe, par les témoins du contrat. S’ils font ces déclarations, le juge donnera gain de cause au demandeur, au simple, à condition qu’il prêtera serment, lui et les témoins.

51.[31] Si un fils se porte caution, du vivant de son père on ne pourra saisir que sa personne et les biens acquis par lui.

52.[32] Lorsque quelqu’un ………, si des témoins majeurs viennent faire leur déclaration, à savoir s’il s’agit de cent statères ou plus trois témoins, s’il s’agit de moins de cent jusqu’à dix statères deux témoins, et s’il s’agit de moins de dix statères un seul témoin, le juge décidera conformément aux déclarations. Mais s’il n’y a pas de témoins qui déclarent le fait ……..

53.[33] Le fils pourra donner à sa mère ou le mari à sa femme cent statères ou moins, mais pas plus. Si le don est de plus forte somme, les ayants-droit pourront, s’ils le veulent, prendre les biens en payant la somme entière.

54. Si quelqu’un, devant de l’argent, ou condamné à payer, ou dans le cours d’un procès, fait une donation, et que les biens qui lui restent ne soient pas suffisants pour acquitter la dette, la donation n’aura aucun effet.

55. Un homme donné en gage ne pourra être acheté avant que celui qui l’a donné en gage se soit arrangé avec son créancier. De même pour un esclave litigieux, on ne pourra ni en recevoir ni en stipuler la livraison, ni le prendre en gage. Si l’on fait quelqu’une de ces choses, l’acte sera sans effet, si la preuve est faite par la déclaration de deux témoins.

XIII.

56.[34] On adoptera qui on voudra. L’adoption se fera dans l’agora, en présence des citoyens assemblés, du haut de la pierre où l’on monte pour parler au peuple. L’adoptant donnera à sa confrérie la chair d’une victime et une mesure de vin.

57.[35] Si l’adopté recueille tous les biens, et qu’il n’y ait pas avec lui d’enfant légitime, il acquittera les obligations de l’adoptant envers les dieux et envers les hommes et recueillera les biens comme il est écrit pour les enfants légitimes. S’il ne veut pas acquitter ces obligations comme, il est écrit, les biens passeront aux ayants-droit.

58.[36] Lorsqu’il y a des enfants légitimes de l’adoptant, si ce sont des enfants mâles, l’adopté prendra parmi eux une part égale à celle que prennent des sœurs en concours avec des frères. Si ce sont des filles, l’adopté partagera également avec elles. Il ne sera pas tenu d’acquitter les obligations de l’adoptant, et recueillera néanmoins les biens que l’adoptant lui aura laissés, sans pouvoir prendre davantage.

59. Si l’adopté meurt sans laisser d’enfants légitimes, les biens reviendront aux ayants-droit de l’adoptant.

60.[37] Si l’adoptant veut rétracter l’adoption, il proclamera sa volonté dans l’agora, du haut de la pierre où l’on monte pour parler au peuple, en présence des citoyens assemblés, et il déposera au tribunal statères. Le mnémon, qui siège devant le cosme des étrangers, remettra cette somme à l’adopté congédié.

61.[38] Une femme ne pourra pas adopter, non plus qu’un mineur.

62. Ces dispositions seront observées telles qu’elles sont écrites dans la présente loi. Quant aux actes antérieurs, pour tous les droits constitués au profit d’un adopté ou contre lui, il n’y aura pas d’action.

63.[39] Lorsqu’un homme sera emmené avant jugement, toute personne pourra lui donner asile.

64. Le juge sera tenu de juger suivant la déclaration des témoins, comme il est écrit, ou selon le serment de la partie, comme il est écrit. En tout autre cas, il statuera comme juré sur les points en litige.

65.[40] Lorsqu’un homme meurt étant débiteur d’une somme d’argent, ou condamné dans un procès, si les ayants-droit veulent prendre les biens, ils se chargeront de payer au créancier l’amende prononcée et la somme due, et à ce prix ils garderont les biens. S’ils ne veulent pas le faire, les biens seront à la disposition de ceux qui ont obtenu la condamnation ou à qui l’argent est dû, et les ayants-droit n’auront aucune autre charge à supporter.

66. Pour les dettes du père, on saisira les biens paternels, et pour celles de la mère les biens maternels.

67.[41] Lorsqu’une femme plaide contre son mari, si le juge ordonne une prestation de serment, la femme prêtera serment dans les vingt jours, en présence du juge. Le demandeur fera connaître ses griefs à la femme, au juge et au mnémon quatre jours à l’avance, devant témoins.

68.[42] Si le fils a donné à la mère ou le mari à la femme, comme il était écrit dans la loi qui a précédé la présente loi, il n’y aura pas d’action; mais, à l’avenir, on se conformera pour ces donations à ce qui est écrit dans la présente loi.

69.[43] Pour les filles patroïoques, s’il n’y a pas de juges des orphelins, jusqu’à ce qu’elles soient en âge, elles seront traitées d’après la présente loi.

70.[44] Lorsqu’une fille patroïoque, à défaut d’ayants-droit et de juge des orphelins, est, nourrie auprès de sa mère, l’oncle du côté paternel, et l’oncle du côté maternel, tels qu’ils sont désignés dans la présente loi, prendront soin des biens et des fruits, le mieux qu’ils pourront, jusqu’à coque la fille soit mariée. Elle sera mariée à douze ans, ou plus. »

 


 

[1] Suivant Platon (Lois, xi, 2), un maître peut emmener son esclave, ou l’esclave d’un de ses parents ou amis. Mais toute personne peut revendiquer comme libre celui qui est emmené comme esclave, et l’arracher à celui qui l’emmène, à la condition de fournir trois cautions.

Celui qui arrache un esclave sans fournir ces cautions s’expose une action de violence et peut être condamné, par cette action, au double du dommage, d’après l’évaluation faite par le demandeur. De même, à Athènes, dans le plaidoyer de Lysias contre Pancléon, nous voyons Nicomède emmener Pancléon qu’il prétend être son esclave. Les amis de Pancléon interviennent et se portent cautions pour lui. Le lendemain, un tiers se présente et revendique Pancléon comme son esclave. Lysias reproche à Pancléon de n’avoir pas intenté contre Nicomède une action en dommages-intérêts. Les actes d’affranchissement recueillis à Delphes, et publiés par MM. Wescher et Foucart, portent tous que si quelqu’un veut emmener l’affranchi, prétendant que c’est son esclave, toute personne pourra intervenir et s’opposer, même par la force, sans s’exposer ni à une amende ni à un procès.

Il y avait, en effet, une action en dommages-intérêts, ouverte à la partie qui avait commencé à emmener le prétendu esclave, contre la partie qui, à tort, s’était opposée à cette mainmise. Dans le plaidoyer de Démosthène contre Nééra (§ 45), nous voyons Phrynion intenter à Stéphanos une action de ce genre, pour lui avoir indûment arraché Nééra. V. aussi dans les fragments d’Isée le plaidoyer pour Eumathès.

A Rome, les choses se passaient de même. On connaît l’histoire de Virginie (Liv. III, 44) : « Virgini venienti in forum... manum injecit... sequi se jubebat. » Le premier venu pouvait s’opposer à cette voie de fait, liberali causa manu adserere. Il y avait provision en faveur de la liberté, vindiciae secun dum libertatem. Enfin, le procès s’engageait par la legis actio sacramento. Les situations de ce genre se rencontrent fréquemment dans les comédies de Plaute et de Térence, et se trouvaient sans doute déjà dans les pièces de Ménandre et de Diphile qui leur ont servi de modèle.

La loi de Gortyne ne dit pas, mais elle suppose évidemment que la personne arrêtée comme esclave ne peut se défendre elle-même. Le procès ne peut être engagé que par un tiers intervenant. Il n’y a pas, comme à Rome, provision en faveur de la liberté.

Il faut expliquer ici le système des monnaies de Gortyne. L’unité est la drachme, qui vaut à peu près un franc. Le statère est une monnaie d’argent qui vaut deux drachmes. La drachme se divise en six oboles.

μωλεῖ μάχεται, καὶ ἀντιμωλία δίκη, Hesychius.

λαγάσσαι ἀφεῖναι, Hesychius.

[2] Cette disposition impose une limite à l’accumulation des dommages-intérêts. L’amende pour un homme libre ne pourra dépasser 150 statères, et pour un esclave 30 statères. Autrement elle pourrait s’élever, dans le premier cas, à 360 statères, dans le second à 180. — Suivant Baunack, il s’agit non de trois fois l’amende, mais de trois fois la valeur de l’esclave. Τὰ τριτρά peut aussi signifier le tiers, mais il est alors plus difficile de comprendre la disposition.

[3] ναύειν, ἱκετεύειν. Hésychius. Il s’agit ici du droit d’asile.

Les témoins doivent être δρομέες, c’est-à-dire majeurs de dix-sept ans. A cet âge, en effet, les jeunes gens étaient enrôlés dans les acelai , et exercés à la chasse ou à la course, ἐπὶ θήραν καὶ δρόμον, dit Éphore, cité par Strabon, liv. X. - Ἀπάγελος, dit Hesychus, ὁ μηδέπω συναγελαζόμενος παῖς, ὁ μέχρι ἐτῶν ἐπτακαίδεκα. Κρῆτες.

[4] L’action à intenter par le magistrat ou contre lui est suspendue jusqu’au jour où cessent les fonctions de ce magistrat. Ces fonctions étaient annuelles (Aristote. Politique, ii, 7, 5, et Polybe, vi, 43). — De même, à Rome, le magistrat en fonctions ne pouvait être appelé en justice, l. 2, D. De in jus vocando (ii, 4). — Raunack cite ici, avec raison, un passage parallèle d’un décret de Dréros (Cauer, Delectus inscriptionum grœcarum, n° 121) où chacun des citoyens s’engage par serment à poursuivre les cosmes, s’ils manquent à leurs devoirs, devant le Sénat, dans les deux mois qui suivront la démission de ces magistrats, αἵ κα ἀποστᾶντι.

[5] ἀφέταιρος est l’homme de condition libre, utile inférieure, exclu des etaireiai ou corporations politiques, dont il est parlé dans le traité entre Dreros et Gnossos (Cauer, n° 121), V. Pollux, 111, 58, ἀπολίται καὶ ἀφέταιροι καὶ ἀπαθηναῖοι.

La raison de la différence est facile à comprendre. La nuit, il est plus difficile à la femme de se défendre et d’appeler au secours.

[6] ἀκέυει τηρεῖ, Κύπριοι. Hésychius.

[7] D’après Elien, xii, 12, la loi de Gortyne instituait en outre une peine pour l’homme pris en adultère. Il était exposé en public avec une couronne de laine, frappé d’atimie et condamné à une amende de 50 statères au profit du trésor public.

[8] La loi de Dracon, à Athènes, permettait aussi de tuer l’adultère pris en flagrant délit, et les mœurs autorisaient à accepter une réparation pécuniaire. V. le plaidoyer de Lysias pour le meurtre d’Eratosthène, et Démosthène contre Aristocrate (§ 53), contre Nééra (§ 66). La loi de Gortyne a cela de particulier qu’elle fixe elle-même le taux de l’indemnité, suivant le cas, et oblige l’offensé à recevoir cette indemnité pourvu qu’elle soit payée dans les cinq jours.

Le droit romain et le droit germanique permettaient aussi au mari ou au père de tuer l’adultère pris en flagrant délit. La loi des Visigoths ajoute qu’il faut que le crime ait été commis dans la maison. « Si filiam in adulterio pater in domo sua occiderit. » (L. Visig., iii, 4. 5).

[9] Comme exemple de guet-apens de ce genre, on peut voir le plaidoyer de Démosthène contre Nééra (§§ 41 et 64 et suiv.).

[10] Ainsi la femme, en se mariant, reçoit une dot qu’elle reprend lors de la dissolution du mariage. De plus, entre époux libres, il y a une sorte de communauté d’acquêts qui se partage par moitié entre le mari et la femme. — A Rome, la femme avait pour l’exercice de ses reprises l’action rei uxoriœ.

[11] Le droit romain prévoyait aussi les détournements commis par la femme. Le mari, ou ses représentants, avait de ce chef l’action rerum amotarum (Dig. xxv, 2). La preuve se faisait aussi, du moins en général, par le serment de l’époux auquel un détournement était imputé. « De rebus amotis, dit Paul (l. 14, h. t.) permittendum marito vel uxori de quibusdam rebus jusjurandum deferre, de quibusdam probare. »

Amyclae, ville de Crête, voisine de Gortyne.

[12] La donation faite par le mari sa femme au moment du mariage est subordonnée a la condition que la femme survivra au mari. Il ne paraît pas qu’elle produisit effet en cas de divorce. C’était du reste une institution très répandue dans tout l’Orient et qui apparaît même dans le droit romain du iiie siècle ap. J.-C. sous le nom de donatio propter nuptias.

[13] Les ayants-droit, οἱ ἐποβάλλοντες, Nous essaierons d’expliquer ce terme au § 27.

La femme restée veuve sans enfants prend, non pas la moitié des fruits, comme lorsqu’il y a des enfants, mais une part qui peut varier suivant le nombre des copartageants. Au fond la règle est la même, car les enfants, quel que soit leur nombre, représentent le mari et ne comptent que pour une tête. Zitelmann incline à penser que, dans un cas, il s’agit des fruits des biens de la femme, et, dans l’autre cas, des fruits de tous les biens. Mais nous ne croyons pas qu’on puisse donner ce sens aux mots τῶ καρπῶ τῶ ἔνδοθεν.

[14] Cet article règle la quotité disponible, mais est-ce entre époux seulement, ou d’une manière générale, entre toutes personnes? Nous croyons qu’il s’agit ici des dons ou legs fait par un mari ou une femme à des tiers. Autre chose est le legs fait par un mari à sa femme à titre de gain de survie, legs qui doit être fait en présence de trois témoins, et dont il est question aux articles 13 et 14.

[15] Cette différence entre le ménage des colons et le ménage libre est remarquable. Si la loi restreint ici les reprises de la femme, c’est sans doute dans l’intérêt du domaine auquel le ménage colon est attaché, et pour prévenir les soustractions.

[16] Lewy cite avec raison un passage d’Andocide (sur les Mystères, 124 et s.). La concubine de l’Athénien Callias accouche après le divorce. Ses parents portent l’enfant devant l’autel à la fête des Apaturies. Caillas est obligé de reconnaître l’entant.

A Rome, le S. C. Plancianum, qui paraît avoir été émis sous Vespasien, prescrit une mesure analogue. V. au Digeste le titre De agnosendis et alendis liberis (xxv, 3). « Permittit mulieri parentive in cujus potestate est, vel ei cui mandatum ab eis est, si se putet praegnantem, denuntiare ante dies triginta post divortium connumerandos ipsi marito vel parenti in cujus potestate est, aut domum denuntiare si nullius eorum copiam habeat. » L. 1, § 1, h. t.

[17] L’enfant d’une fille colone non mariée appartient an maître du père ou des frères de cette fille. La reconnaissance faite par le père naturel ne peut rien changer à la condition de l’enfant. C’est encore là une disposition particulière au régime du colonat, c’est-à-dire à la servitude de la glèbe. L’enfant doit rester attaché à l’habitation dans laquelle il est né.

[18] Le maître des enfants, κύριος; il ne s’agit point ici, bien entendu de la puissance paternelle du droit romain. Les lois grecques, et en particulier la loi de Gortyne, ne reconnaissent au père qu’un pouvoir de tutelle et de protection, qui cesse à la majorité des enfants.

Ainsi, chacun des époux administre ses biens personnels, et en dispose librement, sans que la femme ait besoin de l’autorisation du mari.

Tant que vivent le père et la mère, le partage ne peut pas être exigé. Pour comprendre cette disposition, il faut se figurer la famille comme vivant en communauté. Dans ce régime, les enfants sont en quelque sorte copropriétaires avec le père et la mère, du moins pour les biens qui ont le caractère de propres à l’exclusion des acquêts. Primitivement, le fils pouvait quitter la communauté et se retirer en emportant sa part, comme on le voit dans la parabole de l’enfant prodigue: « Et le fils dit à son père : Mon père, donnez-moi la part qui me revient dans les biens, δός μοι τὸ ἐπεβάλλον μέρος τῆς οὐσίας. »

Une disposition semblable existe encore aujourd’hui dans les coutumes des Slaves méridionaux, et même dans quelques-unes de leurs lois. Comme on le voit, la loi de Gortyne supprime ce droit, et ne permet plus de demander le partage qu’au décès de l’un des époux. Elle maintient cependant l’ancien droit pour un cas, celui où un des coparçonniers vient à être condamné à une amende pour un délit. En effet, la communauté ne peut être obligée, par le délit d’un de ses membres, au delà de la part qui revient à celui-ci.

Quant à la dot, elle peut être fournie, soit par le père, soit par le frère, c’est-à-dire par le chef de la maison, ayant pouvoir et autorité pour donner la fille à un mari. Elle peut être donnée actuellement ou promise, comme en droit romain. .Dos, disait Ulpien, Reg., vi, 1, aut datur, aut dicitur, aut promittitur. Enfin, la quantité est fixée. C’est la part héréditaire de la fille, ni plus ni moins; c’est pourquoi la fille dotée ne vient pas à partage: elle a déjà reçu sa part en avancement d’hoirie.

Cette règle existait encore en Crète au temps d’Éphore, et même au temps de Strabon, qui cite Éphore · φερνὴ δ' ἐστίν, ἂν ἀδελφοὶ ὦσι, τὸ ἥμισυ τῆς τοῦ ἀδελφπῦ μερίδος. Strab., Geogr., x, 4, § 20.

[19] Cet article donne aux fils un préciput. Ils prennent seuls, à l’exclusion des filles, les maisons de ville, et hors de la ville tout ce qui n’est pas occupé par un colon, ou propriété d’un colon. En conséquence, la masse à partager entre les fils et les filles ne comprend en réalité que les meubles et les rentes ou redevances dues par les colons, sauf le cas prévu à l’article suivant.

[20] Cet article est un des plus importants de la loi. D’abord, ainsi que nous l’avons vu, il en donne la date, en second lieu, il montre clairement en quoi consiste l’innovation résultant de cette loi. D’après le droit antérieur, la fille pouvait bien recevoir une dot, mais, dotée ou non, elle n’avait aucun droit dans la succession de son père ou plutôt dans les biens communs de la famille. C’est la loi nouvelle qui appelle les filles au partage et leur donne une part égale à la moitié de celle des fils. Mais il est expressément déclaré que cette disposition n’aura pas d’effet rétroactif, στράτοι· αἱ τάξεις τοῦ πλήθους. Hésych. Les Aethalées étaient une des familles qui exerçaient le pouvoir à tour de rôle. Les magistrats ou cosmes, étaient choisis dans leur sein, Le terme de στράτος se retrouve dans plusieurs inscriptions crétoises dont Comparetti annonce la publication prochaine.

[21] La loi de Gortyne ne nomme ici que trois générations, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale. En effet, le premier cercle de la parenté, l’ἀγχιστεία du droit athénien s’arrêtait à ces trois générations. C’est d’ailleurs une idée qui se retrouve jusque dans l’Inde brahmanique. Faut-il conclure de là que la quatrième génération était exclue? Il semble que oui, mais il faut ajouter que le cas est extrêmement rare, et que d’ailleurs on pouvait y pourvoir par une adoption.

En général, le droit grec n’admet les filles à succéder qu’à défaut de fils. Ici la loi de Gortyne, modifiant la législation antérieure, admet les filles concurremment avec les fils, seulement elle ne leur donne que demi-part.

Les ayants-droit, οἱ ἐπιβάλλοντες. Ce terme sert à désigner : 1° les patents appelés à succéder en seconde ligne; 2° les parents appelés à épouser la fille patroïoque; 3° les témoins qui ont assisté à un acte ou qui ont déposé dans un procès.

Dans le premier cas, les ayants-droit ne recueillent la succession qu’à défaut de descendants et de frères on sœurs, ou descendants d’eux. Ainsi, la ligne directe et la première ligne collatérale n’appartiennent pas à la classe des ayants-droit. Il faut en dire autant des ascendants qui ne sont pas nommés dans la loi de Gortyne, pas plus que dans la loi athénienne, parce que les anciens ne comprenaient pas que la succession pût remonter. Quant à la ligne directe et à la première ligne collatérale, elles ne succèdent pas non plus. Elles prennent les biens jure non decrescendi, à raison de la communauté qui comprenait primitivement toute la famille, jusqu’aux cousins inclusivement. Les parents plus éloignés ne font pas partie de la communauté. Ils viennent d’une autre maison et recueillent les biens du défunt à titre de successeurs, non à titre de communistes.

Lorsqu’il s’agit d’épouser la fille patroïoque, l’oncle et le cousin sont désignés comme ayants-droit, quoiqu’ils ne le soient pas au point de vue de droit de succession. En effet, ce n’est pas à titre de communistes qu’ils sont appelés à épouser. C’est uniquement à raison de leur parenté. C’est pourquoi, à ce point de vue particulier, ils deviennent des ἐπιβάλλοντες. V. les §§ 36-40.

Enfin, les témoins qui ont assisté à un acte ou qui ont déposé dans un procès sont naturellement, nécessairement, appelés à fournir la preuve de l’ἐπιβάλλοντες ou du jugement auquel ils ont assisté. Ce sont donc aussi des ἐπιβάλλοντες. V. § 50.

Après les ἐπιβάλλοντες, la loi appelle à la succession les tenanciers qui sont attachés au domaine, ὁ κλᾶρος τῆς οἰκίας, c’est-à-dire, οἱ κλαρωταί, les serfs ou vassaux, c’est-à-dire les descendants des anciens habitants du pays, les paysans, dont un certain nombre avait été attribué lors de la conquête dorienne à chacune des maisons de Gortyne. Ce droit de succession donné aux paysans est très remarquable. Rappelons toutefois qu’à Rome les clients faisaient partie de la gens, or, la loi des XII Tables portait: Si agnatus nec escit, gentiles familiam habento.

[22] Cette mesure, comme le fait observer Zitelmann, est un moyen de contrainte pour forcer les récalcitrants à partager. Le juge ne peut pas faire lui-même le partage, ni intervenir directement dans les opérations, sauf dans le cas de l’article suivant.

[23] Les dons faits par un père sa fille sont assimilés aux partages quant à la forme. En effet, ils tiennent lieu de partage. Dans le droit antérieur, la fille dotée était exclue de la succession. D’après la loi nouvelle elle y vient, mais sans doute à charge de rapport. Le rapport ἀναφορά existait dans les lois athéniennes, et, quoique la loi de Gortyne n’en parle pas, on doit supposer qu’elle l’admet.

[24] Zitelmann rapproche de ce texte une constitution de Constantin de l’an 319, au Code de Justinien, 1, De bonis maternis (vi, 60) : « Res, quae ex matris successione fuerint ad filios devolutae ita sint in parentum potestate, ut fruendi duntaxat habeant facultatem, dominio videlicet earum ad liberos pertinente ........... Si quando rem alienare voluerint, emptor, vel is cui res donatur, observet ne quam partem earum rerum, quas alienari prohibitum est, sciens accipiat vel ignorans. Docere enim pater debet proprii juris eam rem esse, quam donat aut distrahit; et emptori, si velit, fidejussorem licebit accipere, quia nullam poterit praecriptionem opponere filiis quandoque ram vindicantibus. »

[25] Il s’agit ici d’un homme libre qui a été fait esclave à l’étranger et qui est racheté par un Gortynien. Il est question d’un cas semblable dans le plaidoyer de Démosthène contre Nicostrate. « Tu sais bien, dit l’orateur, qu’aux termes des lois le captif délivré des mains de l’ennemi appartient à son libérateur s’il ne rembourse pas la rançon payée. » Il en était de même à Rome. Cicéron, De officiis, ii, 18; Ulpien caractérise le droit du libérateur comme un droit de rétention, l. 3, § 3., D., De homine libero exhibendo (xliii, 29). Paul en fait un droit de gage, l. 19, § 9, D., De captivis et de postliminio (xlix, 15)

[26] Lorsqu’un esclave a commis un délit le possesseur de cet esclave est responsable, et non pas celui qui possédait au moment où le délit a été commis, mais le possesseur actuel au moment où l’action est intentée. L’obligation de réparer le dommage ou de faire l’abandon noxal se transmet avec la possession. C’est ce que les Romains exprimaient par l’adage noxa caput sequitur. La loi de Gortyne proclame le même principe, la condition, toutefois, que la possession ait duré plus de soixante jours. Celui qui achète un esclave au marché a ce délai pour s’enquérir du passé de cet esclave et pour se décharger de toute responsabilité, en mettant l’esclave hors de ses mains si celui-ci n’est pas noxa solutus. Tel est du moins le sens le plus probable. Zitelmann entend περαιόω dans le sens de fixer un délai.

[27] La fille patroïoque, qu’Hérodote appelle πατροῦχος, est l’épicière du droit athénien. L’institution, dont les plus anciens vestiges remontent à l’Inde brahmanique, se retrouve dans toute la Grèce. Nous nous contentons de renvoyer à Fustel de Coulanges: La cité antique, 2e éd. (1878), p. 81.

« Un ayant-droit recevra une fille patroïoque, mais pas plus. » Il ne s’agit pas ici d’une interdiction de la polygamie. Le législateur a sans doute voulu dire que le droit de ne pourrait être exercé plus d’une fois. On ne lui permet pas d’épouser successivement plusieurs filles patroïoques, afin de ne pas accumuler toutes les successions sur une même tête.

[28] La personne et les biens de la fille patroïoque sont confiés par la loi à l’ἐπιβάλλων qui doit l’épouser quand elle sera en âge. A défaut d’ἐπιβάλλων, la tutelle appartient à la mère pour l’éducation et aux oncles maternels pour la gestion des biens.

La loi de Charondas donnait la garde de la mineure aux parents maternels, et la tutelle des biens aux parents paternels. V. Diodore, xii, 15.

[29] Cette partie de l’inscription est trop mutilée pour qu’on puisse la restituer avec certitude. Nous ne croyons pas utile de reproduire ici les conjectures de Blass et de Comparetti. Tout ce qu’on peut affirmer, c’est qu’il s’agit des biens de la fille patroïoque et des cas dans lesquels ces biens peuvent être vendus ou hypothéqués, ἦμεν τάν ὠνὰν καὶ κα[τάθεσιν..

[30] On n’est pas encore absolument fixé sur le sens de tous les termes employés dans cet article. Au lieu de οἰόταυς que Comparetti traduit par « obligation écrite sur une peau de mouton » je lis avec Baunack et les autres éditeurs allemands ἐγκοιόταυς. Ce mot vient de koion, qui signifie gage d’après Hésychius. κοῖον, ἐνέχυρον· κοίαζει, ἐνεχύραζει. On peut aussi rattacher ce mot à κοίης, ἱρεὺς Καβείρων ὁ καθαίρων φονέα. Il s’agirait alors d’une composition pour meurtre.

La condamnation est prononcée au simple parce que la bonne foi de l’héritier ne permet pas de lui appliquer la règle Lis infitiatione in duplum crescit.

Au lieu de ὀμόσας τὰ αὐτῶν il faut évidemment lire ὀμοσάντα αὐτόν.

[31] L’obligation résultant du cautionnement est considérée dans les anciennes législations comme la plus rigoureuse de toutes. Le cautionnement est toujours un acte judiciaire, ou tout au moins solennel, emportant exécution parée. Le défaut d’exécution volontaire de la part de la caution entraîne généralement contre elle une peine pécuniaire, par exemple, une condamnation au double. Dès lors, il avait pu paraître naturel de dire que si le fils est poursuivi comme caution, il y aura lieu à partage, comme dans le cas où le fils a encouru quelque amende. Mais c’est précisément ce que la loi ne permet pas. Le fils poursuivi comme caution n’engage que sa personne et ses acquêts, mais non sa part des propres.

[32] Comparetti lit  αἵ κά τις πέραι συναλλάξηι ἢ ἐς πέραν ἐπιθέντι μὴ ἀποδιδῶι. mais la leçon est loin d'être certaine, et les interprétations données par les différents traducteurs sont tellement divergentes que, provisoirement, il paraît prudent de s’abstenir. Un seul point est certain, c’est qu’il s’agit d’un débiteur qui ne rend pas, mais on ne sait de quelle dette il s’agit. Au surplus, ce qu’il y a d’intéressant dans cet article, c’est surtout la forme du serment. — Le mot epiqhkh se retrouve dans une loi éphésienne (Dittenberger, n° 253, ligne 52). On trouve dans Hésychius la glose ἐπιθήκη φερνή. Dans ce cas, il s’agirait de ce que les Athéniens appelaient ἀποτίμημα.

[33] Le maximum introduit par cet article est une disposition nouvelle, dérogeant à la loi antérieure (V. § 68). Toutefois, la donation qui dépasse ce maximum n’est pas absolument nulle. Elle n’est pas obligatoire pour les héritiers du mari ou du fils donateur, mais elle peut être ratifiée par eux. Tel est, du moins, le sens que nous croyons devoir donner à ce passage. Suivant Zitelmann, les héritiers peuvent s’affranchir de la charge en payant le maximum.

La donation faite par le fils à sa mère, à titre de gain de survie, est rapprochée ici de la donation faite par le mari à sa femme parce qu’elle remplit la même fonction. On suppose, sans doute, que la femme veuve est restée dans la maison dont son fils est le chef. A la mort du fils, elle sera peut-être obligée d’en sortir.

[34] A Athènes, l’adoption se faisait par déclaration à la phratrie et inscription sur le registre. Les membres de la phratrie recevaient cette occasion la chair de la victime et une distribution de vin. V. Isée, Sur la succession d’Apollodore, § 15. Sur la succession d’Astyphile, § 33, et Pollux au mot οἰνιστρία(vi, 22).

[35] L’adopté n’est pas héritier nécessaire. Il peut renoncer à la succession et s’affranchir ainsi de l’obligation d’acquitter les dettes et charges. — Les biens passent alors aux ayants-droit, c’est-a-dire ici aux collatéraux. Ainsi les oncles, neveux et cousins sont compris Ici parmi les ayants-droit, tandis qu’ils en étaient exclus a l’article 26. Nouvelle preuve du sens relatif qu’il faut attribuer au mot ἐπιβαλλόντες.

[36] Lorsque l’adopté est en concours avec des enfants légitimes, la part qu’il prend est affranchie de toutes dettes et charges.

[37] A Athènes, l’adoption ne pouvait être rétractée que d’un commun accord. Mais le père pouvait chasser son fils par mesure disciplinaire prise en la forme d’une déclaration publique, ἀποκήρυξις. V. Platon, Lois, xx, 9, et un rescrit de Dioclétien de l’an 288, l. 5 au Code, viii, 46, De patria potestate. Le sens que nous donnons ces mots ὁ μνάμων πρὸ κοενίω résulte d’une inscription qui vient d’être publiée par Comparetti dans la dernière livraison du Museo italiano (1886), p. 227.

[38] De même à Rome: « Feminae vero nullo modo adoptare possunt, dit Gaius (i, 104). — Minorem natu majorem non posse adoptare placet (Just., Inst., I, tit. xi, § 4, et Gaius, i, 106), p. 227.

[39] Il faut lire αἱ κ' ἀγῆι et non αἱ κα λῆι. Quant au mot ἐπιδεκέθαι , j'en trouve l’explication dans un passage de Démosthène (contre Néera, § 45), où l’on voit Phrynion intenter une action en dommages-intérêts contre Stéphanos, pour lui avoir arraché Nééra et l’avoir reçue chez lui, ὅτι αὐτοῦ ἀφείλετο Νέαιραν ταυτηνὶ εἰς ἐλευθέριαν καὶ ὅτι ἃ ἐξῆλθεν ἔχουσα παρ' αὐτοῦ αὔτη, ὑπεδέξατο . — Baunack cite un décret relatif l’asile de Téos (Cauer, n° 123), où on lit : ἐξέστω τῷ παραγενομένῳ Τηίων ἐπιλαβέσθαι καὶ τῶν σωμάτων, καὶ τὰ χρήματα εἴ τίς κα ἄγῃ..

[40] De même à Rome, d’après l’édit du préteur. « Sed his (suis et necessariis) praetor perrnittit abstinere se ab hereditate, ut potius parentis bona veneant. » Gaius, ii, 158. « Mortuorum bona veneunt, dit le même Gaius, velut eorum quibus certum est neque heredes neque bonorum possessores, neque ullum alium justum successorem existere » (iii, 78).

[41] Il s’agit non du divorce, qui est un acte extrajudiciaire, dépendant exclusivement de la volonté des époux, mais des conséquences du divorce, c’est-à-dire de la restitution de la dot et de la peine de cinq statères pour celui des époux qui a commis une faute. V. l’article 11.

Pour le terme ὁ ἄρχων τῶς δίκης, v. l’inscription d’Ephèse citée par Comparetti (Dittenberger, n° 344, lignes 53, 97).

[42] Il n’y aura pas d’action, sans doute, en répétition des sommes données sous l’empire de l’ancienne loi. C’est le principe déjà souvent exprimé. La loi nouvelle n’a pas d’effet rétroactif,

[43] Les juges des orphelins étaient sans doute une magistrature chargée, certains moments et d’une façon intermittente, de la surveillance des ὀφρανοφύλακας. On trouve, à Athènes, des orjanojulakeV, à Éphèse, des συνορφανισταί. V. Xénophon, De vectig., ii, 7, 7, et l’inscription éphésienne (Dittenberger, n° 344, ligne 29). Cf. Suidas et Photius au mot orjanistai. Suivant Lewy, les ὀφρανοδικασταί seraient des tuteurs testamentaires.

[44] Dans les lois de Platon (xi, 7), à défaut de tuteurs testamentaires, la tutelle appartient à un conseil de cinq personnes, à savoir deux parents du côté maternel, deux du côté paternel et un ami.

De même à Rome, la puberté pour les femmes était fixée l’âge de douze ans. A cet âge, la femme pouvait être mariée et la tutelle prenait fin. Just., Ins., i, 22, pr.