table des matières dE MANILIUS
MANILIUS
ASTRONOMIQUES/ ASTRONOMICON
LIVRE I
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
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LIBER PRIMUS. |
LIVRE PREMIER. |
Carmine divinas artes et
conscia fati |
J’entreprends, dans mes chants, de faire descendre du ciel des connaissances véritablement divines, et les astres mêmes, confidents du destin, et dont le pouvoir, dirigé par une sagesse suprême, produit tant de vicissitudes dans le cours de la vie humaine. Je serai le premier des Romains qui ferai entendre sur l’Hélicon ces nouveaux concerts, et qui déposerai au pied de ses arbres, dont la cime toujours verte est sans cesse agitée, des dons qu’on ne leur a pas encore offerts. C’est vous, César,[1] vous prince et père de la patrie, vous qui, par des lois respectables, régissez l’univers soumis, vous vrai dieu, qui méritez une place dans le ciel où votre illustre père[2] a été admis; c’est vous qui m’inspirez, vous qui me donnez la force nécessaire pour chanter d’aussi sublimes objets. La nature, devenue plus favorable aux vœux de ceux qui cherchent à l’approfondir, semble désirer qu’on révèle, dans des chants mélodieux, les richesses qu’elle renferme. La paix seule peut donner ces loisirs. Il est doux de s’élever au plus haut de l’espace, de passer ses jours à en parcourir les routes immenses, de connaître les signes célestes et les mouvements des étoiles errantes,[3] opposés à celui de l’univers. Mais c’est peu de s’en tenir à ces premières connaissances il faut s’efforcer de pénétrer ce que le ciel a de plus secret; il faut montrer le pouvoir que ses signes exercent sur la production et la conservation de tout ce qui respire; il faut décrire ces choses dans des vers dictés par Apollon. Le feu sacré s’allume pour moi sur deux autels je dois mon encens à deux temples différents, parce que deux difficultés m’effraient, celle du vers, et celle du sujet. Je m’astreins à une mesure soumise à des lois sévères; et l’univers, faisant retentir autour de moi le bruit imposant des parties qui le composent, m’offre des objets qu’on pourrait à peine décrire dans un langage affranchi des entraves de la poésie. |
Quem primum interius licuit cognoscere
cœlum |
Quel est l’homme qui pénétra le premier les mystères du ciel, par la faveur des dieux? S’ils s’y fussent opposés, qui aurait osé dérober les secrets de cette puissance souveraine qui règle l’univers? Par quels efforts un audacieux mortel serait-il parvenu à paraître égaler les dieux, malgré les dieux eux-mêmes; [à s’ouvrir les routes sublimes du ciel; à suivre jusque sous l’horizon, et dans tous les retours de l’espace, les astres toujours fidèles à produire les effets qui leur sont commandés à connaître les noms, le cours, l’action des constellations célestes?} C’est à vous, ô Mercure, que nous sommes redevables de cette science divine; [c’est vous qui avez découvert à l’homme les mystères du ciel et des astres, pour agrandir ses idées sur l’univers; pour qu’il respectât non seulement les apparences extérieures du monde, mais surtout le pouvoir énergique des objets qu’il renferme ; pour qu’il pût enfin connaître Dieu dans toute l’étendue de son immensité.] Et la nature elle-même a encouragé les hommes à lever le voile qui la couvrait. Elle daigna d’abord se faire connaître aux rois, à ces âmes dont la puissance approche de la majesté divine; qui, dans les contrées de l’orient, out policé les nations sauvages, [dont les terres sont partagées par l’Euphrate, ou inondées par le Nil:] c’est là que le monde renaît, et voit la lumière s’élever au-dessus des villes enveloppées de ténèbres. Après les rois, les prêtres, choisis pour offrir en tout temps des sacrifices dans les temples et pour présenter aux dieux les hommages du peuple, se concilièrent leur faveur par ce saint office: la divinité, présente en eux, embrasa leur âme généreuse; elle se communiqua à ses ministres et leur manifesta son essence. Ils furent les premiers qui pénétrèrent dans cet auguste sanctuaire; qui, d’après des principes certains, reconnurent que les destinées des hommes dépendent du mouvement des astres. Renfermant dans leurs vastes combinaisons une longue suite de siècles, ils assignèrent à chaque instant l’événement qui s’y rapportait : ils remarquèrent le jour de la naissance de chaque homme, les vicissitudes de sa vie, le rapport de chaque circonstance avec l’heure à laquelle elle avait eu lieu, les différences surprenantes qu’un moment de plus ou de moins produisait dans les destinées humaines. Lorsque, après quelques révolutions célestes, ils eurent déterminé les parties du ciel où chaque astre doit être observé, et l’espèce de pouvoir que chacun d’eux exerçait sur le cours de notre vie, ils établirent des règles fondées sur une longue expérience: l’observation du passé traça la route pour l’avenir ; et, d’après des spéculations profondes, ils reconnurent que les astres ont sur l’homme un empire assujetti à des lois cachées; que les mouvements de l’univers sont réglés par des causes périodiques; que les vicissitudes de la vie dépendent des différentes configurations des corps célestes. En effet, avant ces sages observateurs, les hommes, sans principes, sans discernement, ne s’attachant qu’à ce qui tombait sous leurs sens, ignoraient les causes de tout ce qu’ils voyaient. Le lever du soleil leur paraissait un phénomène surprenant: la disparition des astres était pour eux une perte affligeante, leur réapparition un motif de joie: ils ne soupçonnaient point la cause de l’inégalité des jours et des nuits, ni même pourquoi la longueur des ombres varie selon le plus grand éloignement ou la plus grande proximité du soleil. La sagacité de l’esprit humain n’avait pas encore enfanté les arts; la terre ne fournissait point aux besoins d’habitants qui ne la cultivaient pas; l’or était enseveli dans le sein des montagnes désertes; des mondes nouveaux étaient séparés de nous par un océan qu’on ne fréquentait point; on n’osait confier sa vie à la mer, ni au vent ses espérances; et chacun était content du peu de connaissances qu’il avait. Mais quand la succession des siècles eut exercé l’esprit des mortels, que la peine eut donné l’essor aux réflexions, que la Fortune, en contrariant les désirs de l’homme, l’eut convaincu de la nécessité de veiller à son bien-être; les intelligences s’appliquèrent à l’envi à différents genres d’études, et tout ce qu’une expérience raisonnée fit découvrir devint une source d’utilité publique, par le plaisir que chacun se fit de communiquer le fruit de ses recherches. Alors le langage barbare se polit et s’assujettit à des lois; la terre cultivée produisit toute espèce de fruits; le navigateur inquiet affronta des flots inconnus, et facilita le commerce entre des nations qui ne se connaissaient pas. De là, bientôt, on vit naître l’art de la guerre et les occupations de la paix; une connaissance acquise par l’expérience étant nécessairement le germe d’une découverte nouvelle. Et, pour ne point m’arrêter sur des objets généralement connus, on parvint à entendre le langage des oiseaux, à lire l’avenir dans les entrailles des victimes, à faire périr les serpents par des enchantements, à évoquer les ombres, à ébranler l’Achéron jusque dans ses plus profonds abîmes, à changer le jour en nuit et la nuit en jour: l’industrie de l’homme, toujours susceptible de nouveaux progrès, tenta tout, vint à bout de tout, et ne mit un terme à ses recherches qu’après avoir pénétré jusqu’au ciel, qu’après avoir surpris la nature dans ses plus profondes retraites, qu’après avoir compris tout ce qui est. On sut alors pourquoi les nuages, en se heurtant, produisent un si terrible bruit; pourquoi la neige de l’hiver a moins de consistance que la grêle de l’été : on connut la cause des volcans, des tremblements de terre, de la formation de la pluie, de l’impétuosité des vents; et l’esprit éclairé cessa d’admirer ces effets naturels comme des prodiges. Arrachant à Jupiter sa foudre et le droit de tonner, il attribua le bruit du tonnerre aux vents, et le feu de l’éclair aux nuages. Après avoir ainsi restitué les effets à leurs véritables causes, l’homme s’appliqua à étudier l’univers au centre duquel il est placé; il voulut connaître tout ce que renferme l’étendue du ciel : il décrivit la forme des signes célestes; il les désigna par des noms convenables; il détermina les lois qui règlent leurs divers mouvements : il découvrit que tous les événements de la vie sont subordonnés u la puissance et à l’état actuel de l’univers; que nos destinées sont sujettes à des variations qui dépendent des diverses dispositions des corps célestes. Tel est le sujet que je me propose de développer, et que personne avant moi n’a consacré par ses chants. Puisse la Fortune favoriser cette grande entreprise! puissent mes jours n’être terminés que par une longue et heureuse vieillesse, qui me laisse le temps de traiter à fond ce sujet immense, et d’entrer dans un détail également intéressant des parties grandes et petites qui en dépendent! |
Ac quoniam cœlo descendit carmen ab
alto, |
Puisque mes chants embrassent toute la profondeur du ciel, et que je me propose d’amener sur la terre la connaissance des secrets du destin, mon premier soin doit être de tracer le tableau de la nature, et de faire connaître la disposition générale de tout ce qui compose l’univers. Que le monde ne reconnaisse aucun principe de son existence, qu’il ne la doive qu’à soi-même; qu’il ait toujours existé, qu’il doive exister toujours; qu’il n’ait jamais eu de commencement, qu’il ne puisse jamais avoir de fin;[4] que le chaos l’ait engendré par la séparation des éléments primitivement entremêlés sans aucun ordre; que les ténèbres, après avoir produit un monde éclatant de lumière, aient été contraintes de se retirer au plus profond de l’abîme;[5] que le monde ait été produit par le feu; que les astres, ces yeux de la nature, doivent leur existence à une vive flamme répandue dans tous les corps, et formant dans le ciel le terrible tonnerre;[6] que l’eau soit le principe universel, sans lequel la matière, toujours engourdie, reste sans action; et qu’elle ait engendré le feu, par lequel elle est elle-même anéantie;[7] ou qu’enfin la terre, le feu, l’air et l’eau existent par eux-mêmes; que ces quatre éléments soient les membres de la divinité, qu’ils aient formé l’univers, et que, créateurs de tout ce qui est, ils ne permettent de reconnaître aucun être qui leur soit antérieur; qu’ils aient tout disposé de manière que le froid se combine avec le chaud, le sec avec l’humide, les solides avec les fluides; que, toujours en guerre et toujours agissant de concert, ils se soient trouvés par cela même intimement réunis, capables d’engendrer, assez puissants pour produire tout ce qui subsiste;[8] ces diverses opinions seront toujours débattues; l’origine du monde sera toujours un secret au-dessus de l’intelligence des hommes et de celle des dieux. Mais, quelle que soit cette origine, on s’accorde au moins sur la disposition de ses parties, toutes placées dans un ordre invariable. Le feu, plus subtil, monta vers la région la plus élevée, et, se fixant dans le ciel étoilé, il y forma comme une barrière de flamme, qui sert de rempart à la nature. L’air léger occupa la région qui suivait immédiatement; il s’étendit dans le vide de l’espace, et, placé au-dessous des astres, il fournit au feu l’aliment nécessaire. La troisième place fut occupée par l’eau, dont les flots, toujours agités, ont formé les immenses plaines des mers : ce fluide, en s’exhalant en vapeurs, devient le germe de l’air qu’elle alimente. La terre, par son poids, s’arrondit et se trouva fixée au-dessous des autres éléments: elle n’était d’abord qu’une masse de vase, mêlée de sable mouvant, que le fluide abandonnait pour se porter vers une région plus élevée. Plus ce fluide se raréfiait et se dissipait dans les airs, plus la terre desséchée resserrait les eaux et les forçait de couler dans des vallées. Les montagnes sortirent du fond de la mer, la terre naquit du sein des flots, environnée cependant de tous côtés par le vaste océan. Elle est immobile, parce que l’univers s’écarte d’elle en tout sens avec une égale force; elle est tellement tombée de toutes parts, qu’elle ne peut plus tomber d’aucune: elle est le centre et en même temps le lieu le plus bas de tout l’univers, [Les corps qui la composent, également pressés partout, se soutiennent réciproquement, et ne lui permettent pas de se déplacer.] Si un juste équilibre ne retenait pas la terre au centre du monde, le soleil, suivi de tous les astres du ciel, ne dirigerait plus sa course à l’occident, pour reparaître ensuite à l’orient; la lune ne routerait pas son char dans l’espace qui est notre horizon ; l’étoile du jour ne brillerait pas le matin, après avoir répandu son éclat du côté de l’occident, sous le nom d’étoile de soir. Or, si la terre n’est pas reléguée au plus bas de l’espace, mais qu’elle en occupe exactement le milieu, tous les chemins sont libres autour d’elle; toutes les parties du ciel peuvent descendre sous l’horizon à l’occident, et se relever à l’orient. Car enfin l’on ne me persuadera jamais ou que le lever des astres soit l’effet d’un pur hasard, ou que le ciel se reproduise si souvent de nouveau, et que le soleil périsse et renaisse tous les jours, surtout lorsque je considère que la disposition des signes célestes est la même depuis tant de siècles; que le même soleil parcourt les mêmes parties du ciel; que la lune varie ses phases et ses retours dans un ordre invariable; que la nature ne s’en tient point à des essais incertains, mais qu’elle suit inviolablement les lois qu’elle s’est imposées elle-même; que le jour, accompagné d’une clarté toujours constante, et parcourant la circonférence de la terre, fait compter successivement à toutes les nations les mêmes heures; qu’un nouvel orient s’offrant sans cesse à la vue de ceux qui s’avancent vers l’orient, et un occident nouveau se présentant toujours à ceux qui voyagent vers l’occident, semblent embrasser, ainsi que le soleil, la circonférence entière du ciel. |
Nec vero natura tibi admiranda videri
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Au reste, il ne faut pas s’étonner que la terre demeure ainsi suspendue : le ciel ne l’est-il pas aussi lui-même? Il n’a autour de lui aucun appui, [son mouvement et la rapidité de sa course en sont une preuve convaincante. Le soleil, suspendu pareillement, promène çà et là son char agile, en se tenant dans les bornes de la route qui lui est prescrite. La lune et les étoiles volent dans l’espace : la terre, se modelant sur les lois célestes, y reste également suspendue. La terre se trouve donc placée au centre de la région éthérée, à une distance égale des parties extrêmes qui la terminent. Sa surface ne s’étend point en une plaine immense; elle est sphérique, elle s’élève et s’abaisse également de toutes parts. Telle est aussi la figure de l’univers. Le ciel, par son mouvement de rotation, imprime cette même forme à tous les astres. Nous voyons que le corps du soleil est rond: il en est de même de celui de la lune; elle reçoit sur une surface convexe les rayons du soleil; et ces rayons, devenant de plus en plus obliques, ne peuvent éclairer toute sa circonférence. Telle est donc la figure invariable des astres; elle est une vive image de la divinité; on ne peut y distinguer ni commencement ni fin; elle se ressemble dans toute son étendue, clic est partout la même. C’est par une conséquence de la sphéricité de la terre, qu’on ne voit pas partout les mêmes constellations. Vous chercheriez en vain Canope dans le ciel, jusqu’à ce qu’après avoir traversé la mer, vous soyez parvenu sur les rives du Nil. Mais les peuples qui voient cette étoile au-dessus de leur tête ne peuvent découvrir la grande ourse; la convexité de la terre y met obstacle, et leur dérobe la vue de cette partie du ciel. Je vous appelle vous-même à témoin, astre des nuits, de la sphéricité de notre globe. Lorsqu’au milieu de la nuit vous vous trouvez plongé dans d’épaisses ténèbres, l’ombre qui vous couvre n’épouvante pas toutes les nations à la même heure : les peuples orientaux sont les premiers à qui manque votre lumière; cette perte devient ensuite sensible à ceux qui vous cherchent dans l’ombre; l’obscurité de votre char s’étend enfin sur les nations qui peuplent l’occident; ce sont les dernières qui croient vous rendre votre éclat par le son bruyant des instruments. Si la surface de la terre était plane, il suffirait que vous fussiez sur l’horizon, pour que votre éclipse inquiétât à la même heure toutes les nations. Mais la terre étant de figure sphérique, la déesse de Délos éclaire d’abord un peuple, et puis un autre; elle se lève et se couche au même instant, en tournant autour de hi surface convexe de la terre : si elle monte relativement à un point de cette surface, elle descend relativement à un autre; et quand elle commence dominer sur une partie, elle cesse de dominer sur la partie voisine. La surface de la terre est habitée par diverses nations, par différentes espèces d’animaux, par des oiseaux. Une partie s’élève vers les deux ourses; une autre, également habitable, s’étend vers les climats méridionaux; celle-ci est sous nos pieds, elle nous croit sous les siens : c’est un effet de la pente insensible du globe, dont chaque point est dans un sens plus élevé, dans un autre plus abaissé que celui qui le précède. Lorsque le soleil, parvenu à notre occident, commence à éclairer l’horizon de ces peuples, le jour, renaissant pour eux, les arrache au sommeil, et les rappelle à la nécessité du travail : la nuit commence pour nous, et nous invite aux douceurs du repos. Le vaste océan sépare ces deux parties de la terre, et leur sert de commune enceinte. |
Hoc opus immensi constructum
corpore mundi |
Ce bel ouvrage, embrassant le corps entier de l’univers et tous les membres de la nature, produits par les diverses combinaisons de l’air et du feu, de la terre et de l’eau, est dirigé par une céleste : la divinité l’entretient par une influence secrète, en gouverne les ressorts cachés, en réunit toutes les parties par plusieurs sortes de rapports, de manière qu’elles se soutiennent réciproquement, qu’elles se communiquent mutuellement leur énergie, et que le tout reste fermement uni, malgré la variété des parties qui le composent. |
Nunc tibi signorum lucentes undique
flammas |
Je vais vous nommer maintenant, dans un ordre méthodique, les constellations qui dardent leurs feux étincelants de tous les points du ciel; et je commencerai par celles qui, de leur cercle oblique, ceignent le milieu de l’univers; elles jouissent tour a tour de la présence du soleil et de celle des autres étoiles errantes, qui, par leur mouvement propre, semblent lutter contre celui du monde entier. Par un ciel serein, il est facile de les distinguer; c’est par elles qu’on peut pénétrer les décrets du destin : il est naturel de commencer par la partie de l’univers qui a sur nous le plus d’influence. |
Aurato princeps aries in
vellere fulgens |
Le bélier, premier des signes célestes, remarquable par l’or de sa toison, regarde avec admiration le taureau qui vient d’un point opposé, et qui, le front baissé, semble appeler les gémeaux, que suit l’écrevisse, après laquelle se présentent le lion, puis la vierge. La balance, après avoir égalé la durée du jour et de la nuit, se fait suivre du scorpion, qu’on distingue à son feu étincelant ! Le sagittaire, composé d’homme et de cheval, tend son arc, et est prêt décocher sa flèche sur la queue du scorpion. On voit ensuite le capricorne, réduit à un assez petit espace. Après lui, le verseau vide son urne inclinée, et les poissons reçoivent avec avidité l’eau qui en tombe, et où ils vivent; suivis eux-mêmes du bélier, ils sont les derniers des signes célestes. Tels sont les signes qui divisent le ciel en autant de parties égales; autant de tableaux étincelants qui en forment comme la voûte. Rien n’est au-dessus d’eux; ils occupent le faîte de l’univers, ils servent d’enceinte à ce palais commun de la nature, dont le centre contient la terre et l’océan. Tous éprouvent, avec le plus admirable concert, les vicissitudes constantes du lever et du coucher, passant successivement des lieux où le ciel se plonge sous l’horizon à ceux où il semble renaître. |
At qua fulgentes cœlum consurgit ad
Arctos, |
Vers le lieu où le ciel s’élève jusqu’aux ourses, jusqu’à ces deux brillantes constellations qui, du sommet de l’univers, voient en bas tous les astres, [qui ne se couchent jamais, qui, du plus haut du ciel ou elles sont différemment placées, font circuler autour d’elles le monde et ses constellations,] un axe sans épaisseur prend naissance au centre des frimas, et coupe également l’univers, dont il peut être regardé comme le pivot. Tout le globe céleste roule autour de lui, tout y est dans un mouvement perpétuel; lui seul, immobile, traverse diamétralement l’espace et la terre même, et va se terminer près des ourses australes. Cet axe n’a aucune consistance; ce n’est pas son poids qui lui permet de porter la charge de toute la machine céleste. Mais la substance éthérée étant toujours agitée d’un mouvement circulaire, et toutes ses parties conservant nécessairement ce mouvement primitif, la ligne qui est au centre de cette espèce de tourbillon, et autour de laquelle tout éprouve une rotation continuelle, cette ligne si dépourvue de toute épaisseur qu’on ne peut la regarder comme tournant autour d’elle-même, cette ligne [incapable de s’incliner, d’éprouver aucun mouvement de rotation,] a été nommée axe, parce que, immobile elle-même, elle voit tout l’univers se mouvoir autour d’elle. |
Summa tenent ejus miseris notissima
nautis |
A l’une de ses extrémités sont deux constellations bien connues des infortunés navigateurs: elles sont leurs guides, lorsque l’appât du gain leur fait affronter les périls de la mer. Hélice[9] est la plus grande, et décrit un plus grand cercle; elle est remarquable par sept étoiles, qui disputent entre elles d’éclat et de beauté: c’est sur elle que les Grecs se règlent dans leurs navigations. Cynosure,[10] plus petite, roule dans un espace plus resserré; elle a moins d’étendue, moins d’éclat, mais plus d’utilité, au jugement des Tyriens les Carthaginois ne croient pouvoir choisir un meilleur guide, lorsque, sur mer, ils veulent aborder à une côte qui ne paraît pas encore. Ces deux ourses ne sont point placées de front; chacune tourne sa queue vers le museau de l’autre, de sorte qu’elles paraissent réciproquement se suivre. Entre elles est un dragon qui les environne, les sépare l’une de l’autre, et les renferme dans l’enceinte de ses brillantes étoiles, de manière qu’elles ne peuvent se joindre, ni quitter la place qui leur est assignée. Entre le dragon et le milieu du ciel, où sept astres, précipitant leur course, parcourent les douze signes qui semblent s’opposer à leur marche, on remarque plusieurs constellations, dont les forces, dues à des causes opposées, sont nécessairement mélangées : voisines du pôle d’une part, de l’autre des feux du ciel, cites en reçoivent des influences qui, se combattant, modèrent réciproquement leur activité : il arrive de là que ces constellations rendent fertiles les terres au-dessus desquelles elles dominent. On voit d’abord, près des ourses brillantes et de l’aquilon glacé, la constellation toujours agenouillée;[11] elle sait sans doute pourquoi elle garde cette posture. Derrière elle est Arctophylax,[12] nommé aussi le bouvier, parce qu’il est dans l’attitude d’un homme qui pique des bœufs attelés : il transporte avec lui l’étoile Arcturus,[13] placée sur sa poitrine. D’un autre côté paraît le cercle lumineux formé par la couronne : l’éclat n’en est point partout le même; l’étoile qu’on voit dans sa partie la plus élevée surpasse les autres en grandeur, et les feux dont elle brille éclipsent leur tendre blancheur c’est un monument consacré à Ariadne abandonnée. La lyre, les bras étendus, se distingue aussi parmi les constellations célestes : c’est l’instrument avec lequel Orphée charmait autrefois tout ce que ses chants allaient frapper; Orphée, qui s’ouvrit une route jusqu’aux enfers mêmes, et dont la voix mélodieuse en fit révoquer les immuables décrets: de là les honneurs du ciel accordés à sa lyre, qui y exerce le même pouvoir ; elle attirait les forêts et les rochers ; elle entraîne maintenant les astres, et se fait suivre par le globe immense de l’univers. La constellation nommée par les Grecs Ophiuchos[14] serre le serpent par le milieu, et semble s’appliquer à le retenir, à développer les nœuds de son vaste corps, à en étendre les replis: le serpent tourne cependant vers cet ennemi son cou flexible, se dérobe à cette étreinte, et rend ses efforts inutiles. Près de là est le cygne, que Jupiter même a placé au ciel pour prix de sa beauté, qui lui servit à séduire une amante : ce dieu, descendu du ciel, prit la forme d’un cygne plus blanc que la neige, et prêta son dos couvert de plumes à l’imprudente Léda. Le cygne étend encore, comme pour voler, ses ailes parsemées d’étoiles. On voit briller ensuite cette constellation qui a l’aspect et la rapidité de la flèche. Après elle l’oiseau du grand Jupiter[15] cherche à s’élever au plus bout du ciel, et semble porter le foudre en des lieux où il fait son séjour : oiseau digne de Jupiter et des cieux, auxquels il fournit des armes redoutables. Il est suivi du dauphin, sorti du sein des mers pour prendre place entre les astres: ornement de l’océan et du ciel, ou il s’est également immortalisé. Le cheval,[16] remarquable par la belle étoile de sa poitrine, précipite sa course pour atteindre le dauphin : son train de derrière se perd dans Andromède. Aune distance assez considérable de cette constellation, on en voit une que sa figure a fait nommer Deltoton:[17] deux de ses côtés sont égaux, le troisième a moins d’étendue. Près de là sont Céphée, puis Cassiopée dans une attitude convenable à la punition qu’elle s’est attirée; enfin Andromède abandonnée s’épouvante à l’aspect du l’effroyable gueule du monstre[18] qui s’apprête à la dévorer. Cassiopée pleure sur la triste destinée de sa fille exposée et garrottée sur le rocher où elle devrait périr, si Persée, conservant dans le ciel son ancien amour, ne venait pas à son aide, armé de la tête formidable de la Gorgone, dépouille glorieuse pour lui, mortelle pour quiconque a le malheur de la voir. Non loin de là paraît le cocher,[19] dont les pieds touchent presque le taureau : son art lui mérita le ciel, et le nom sous lequel il est connu. Jupiter l’ayant vu voler le premier sur un char à quatre chevaux, le transporta parmi les astres. Avec lui paraissent les chevreaux, dont les feux rendent la navigation dangereuse; et la chèvre, dont les illustres mamelles ont nourri le roi du monde : c’est en les quittant que ce dieu devint maître de l’Olympe ; il dut à ce lait étranger la force de lancer la foudre et de faire gronder le tonnerre. Jupiter, reconnaissant, donna rang à la chèvre entre les astres éternels; une place dans le ciel devint le juste prix de l’empire du ciel. Les pléiades et les hyades font partie du fier taureau; elles déclinent vers le pôle boréal. Telles sont les constellations septentrionales.
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Aspice nunc infra solis
surgentia cursus, |
Passons à celles que l’on observe au delà du cours du soleil, qui roulent au-dessus des parties de la terre brûlées par ses feux, ou qui sont comprises entre le signe glacé du capricorne et le pôle inférieur du monde. Sous ces constellations est une autre partie de la terre, où nous ne pouvons pénétrer : les peuples qui l’habitent nous sont inconnus, nous n’avons aucun commerce avec eux. Ils jouissent du même soleil qui nous éclaire, leurs ombres sont opposées aux nôtres, la disposition du ciel paraît renversée à leur égard; les astres se couchent à leur gauche, se lèvent à leur droite. Ils voient un ciel aussi étendu et non moins éclairé que le nôtre; il ne se lève pas pour eux moins d’étoiles que pour nous. Tout, en un mot, est égal de part et d’autre : nous ne l’emportons sur eux que par le bonheur de posséder un astre tel qu’Auguste; César sur la terre, il sera un jour un des principaux dieux du ciel. |
Cernere vicinum Geminis licet Oriona,
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On voit dans le voisinage des gémeaux Orion,[20] étendant ses bras dans une grande partie des cieux : sa marche hardie franchit pareillement un vaste espace. Ses brillantes épaules sont marquées de deux belles étoiles; trois autres, obliquement rangées, soutiennent son épée. Sa tête se perd dans le plus haut du ciel: trois étoiles la caractérisent; on les voit à peine, non qu’elles aient moins d’éclat que les autres, mais elles sont à une plus grande distance. Dans leur course rapide, les astres du ciel regardent Orion comme leur chef. La canicule[21] le suit, fournissant sa carrière avec une promptitude extrême: il n’est point de constellation dont la terre doive plus redouter la première apparition. Ceux qui observent son lever de la cime élevée du mont Taurus, en augurent l’abondance ou la disette des fruits de la terre, la température des saisons, les maladies qui régneront, les alliances qui devront se conclure. Elle est l’arbitre de la guerre et de la paix: variant les circonstances de sa première apparition, elle produit des effets relatifs aux aspects qu’elle prend alors, et nous gouverne par son seul regard. Qu’elle ait ce pouvoir, nous en avons pour garant sa couleur, sa vivacité, l’éclat de ses feux : presque égale au soleil, elle n’en diffère qu’en ce qu’étant beaucoup plus éloignée, elle ne nous lance que des rayons azurés, dont la chaleur est fort affaiblie. Tous les autres astres pâlissent devant elle; de tous ceux qui se plongent dans l’océan et qui en ressortent pour éclairer le monde, il n’en est aucun dont l’éclat soit comparable au sien. A la canicule succèdent Procyon,[22] et le lièvre rapide, et le célèbre navire Argo, qui, des mers où il s’est hasardé le premier, a été transporté au ciel, dont il s’était rendu digne par l’audace de ses courses périlleuses : après avoir sauvé des dieux, il est devenu dieu lui-même. L’hydre est près de lui; ses étoiles brillantes semblent autant d’écailles qui la couvrent. Là aussi on voit l’oiseau consacré à Phébus,[23] la coupe chère à Bacchus, et ensuite le centaure à la double forme; homme en partie, il a, depuis la poitrine jusqu’en bas, les membres d’un cheval. Après le centaure est le temple de monde : on y voit briller un autel consacré par les dieux, quand ils eurent à repousser ces énormes géants [armés contre eux, engendrés des crevasses de leur mère, et aussi remarquables par la diversité des traits de leur visage que par l’immensité de leurs corps]. La terre en fureur les souleva contre le ciel; les dieux alors se crurent abandonnés par les dieux supérieurs : Jupiter hésita lui-même, dans la crainte de ne pouvoir pas ce qu’il pouvait réellement. Il voyait la terre révoltée, la nature bouleversée de fond en comble, les montagnes entassées sur les montagnes, les astres reculant d’effroi à l’approche de ces masses énormes. Il n’avait point encore éprouvé de pareils assauts; il ignorait qu’il pût y avoir des puissances capables de contrebalancer la sienne. Il éleva cet autel, et le décora des feux que nous y voyons briller encore aujourd’hui. Près de l’autel est la baleine, roulant son dos couvert d’écailles, se pliant et repliant sur elle-même, et fendant les eaux de sa vaste poitrine : [avide de dévorer sa proie, elle semble prête à la saisir.] Telle autrefois, en s’approchant avec fureur de la fille de Céphée, exposée sur le rocher, elle fit jaillir l’eau de la mer fort au delà de ses limites. Elle est voisine du poisson austral, ainsi appelé du nom de la partie du ciel qu’il occupe. Vers cette même partie coulent, par mille sinuosités, les ondes étoilées que répand le verseau; et ce fleuve, continuant de diriger son cours vers les régions australes, réunit ses eaux à la tête du poisson, et paraît ne faire avec lui qu’un même astérisme. Telles sont les constellations qui sous le nom d’australes, que leur ont donné les anciens astronomes, embellissent la partie du ciel la plus éloignée de nous; elle est comprise entre la route du soleil et les ourses qui nous sont invisibles, et qui, vers l’autre pôle, font plier sous leur poids l’essieu de l’univers. |
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Ultima, quæ mundo semper volvuntur in imo, |
Les astres qui font leur révolution dans la partie la plus basse du ciel, qui servent comme de fondement au brillant palais de l’univers, qui ne se montrent jamais au-dessus de notre horizon, ressemblent sans doute à ceux qui décorent le faîte du monde: ce sont, de part et d’autre, les mêmes astérismes, et l’on voit près de chaque pôle deux ourses en des attitudes opposées. |
Hæc igitur magno divisas
æthere sedes |
Telles sont donc les constellations dispersées dans les différentes régions du ciel, et qui en occupent la vaste étendue. Mais ne vous figurez pas que vous reconnaîtrez dans le ciel des figures analogues à leurs noms, et qu’un éclat égal vous en fera distinguer tous les membres de manière qu’il ne vous reste rien à désirer, et que tous les linéaments soient marqués par des traits de lumière. Si des feux égaux embrasaient tous leurs membres, l’univers ne pourrait supporter un si grand incendie. En ménageant ces feux, la nature s’est ménagée elle-même; elle a craint de succomber sous le poids : elle s’est donc contentée de distinguer les formes des constellations, et de nous les faire reconnaître à des signes certains. Les étoiles répondent tellement les unes aux autres, celles qui sont au milieu à celles qui occupent les extrémités, les plus basses aux plus hautes, qu’il ne faut qu’un simple trait pour les déterminer; il doit nous suffire que toutes leurs pailles ne soient pas invisibles. Lorsque la lune surtout, au milieu de sa révolution, montre tout son disque éclairé, les plus belles étoiles brillent en même temps dans le ciel; les plus petites, peuple vil et sans nom, paraissent fuir devant elle; on peut alors découvrir et compter les astres les plus lumineux, ils ne sont plus confondus avec les plus petits. Voulez-vous reconnaître avec plus de facilité ces brillants astérismes? Remarquez qu’ils ne varient jamais sur le lieu de leur lever et de leur coucher; l’heure de leur lever est pareillement déterminée pour chaque jour de l’année; le temps de leur apparition et de leur disparition est réglé sur des lois invariables. Dans ce vaste univers, rien n’est si étonnant que son uniformité, que l’ordre constant qui en règle tous les ressorts: le nombre des parties ne cause aucune confusion, rien ne se déplace; les mouvements ne se précipitent jamais, jamais ils ne se ralentissent, ils ne changent jamais de direction. Peut-on concevoir une machine plus composée dans ses ressorts, plus uniforme dans ses effets? |
Ac mihi tam præsens ratio non ulla
videtur, |
Quant à moi, je ne pense pas qu’il soit possible de démontrer avec plus d’évidence que le monde est gouverné par une puissance divine, qu’il est dieu lui-même; que ce n’est point un hasard créateur qui l’a produit, comme a prétendu nous le persuader ce philosophe[24] qui s’imagina le premier que ce bel univers n’était dû qu’au concours fortuit d’atomes imperceptibles, dans lesquels il devait un jour se résoudre; qui enseigna que ces atomes étaient les vrais principes de la terre, de l’eau, des feux célestes, de l’air même, doué par cela seul de la puissance de former une mutité de mondes, et d’en détruire autant d’autres; qui ajouta que tout retournait à ces premiers principes, et changeait sans cesse de forme. [A qui persuadera-t-on que ces masses immenses sont l’ouvrage de légers corpuscules sans que la divinité s’en soit mêlée, et que le monde est l’ouvrage d’un aveugle hasard?] Si c’est le hasard qui l’a formé, qu’on dise donc que c’est le hasard qui le gouverne. Mais pourquoi le lever successif des astres est-il si régulier? comment leur marche est-elle assujettie à des lois si constantes? pourquoi aucun d’eux ne hâte-t-il sa course, et ne laisse-t-il derrière lui l’astérisme dont il fait partie? pourquoi les nuits d’été sont-elles constamment éclairées des mêmes étoiles; et pourquoi en est-il de même des nuits d’hiver? Pourquoi les mêmes jours de l’année nous ramènent-ils les mêmes figures célestes? pourquoi en font-ils invariablement disparaître d’autres? Dès le temps où les peuples de la Grèce détruisirent Ilion, l’ourse et Orion étaient déjà dans les attitudes opposées où on les voit aujourd’hui: l’ourse se bornait a une révolution circonscrite autour du rôle; Orion semblait s’élever vers elle comme pour venir à sa rencontre, et ne quittait jamais le milieu du ciel.[25] Dès lors on distinguait les temps de la nuit par la position des étoiles, et les heures en étaient gravées au firmament. Depuis la ruine de Troie, combien de trônes renversés! combien de peuples réduits en captivité! que de fois la fortune inconstante a fait succéder la puissance à l’esclavage, la servitude à l’autorité! quel vaste empire elle a fait naître des cendres oubliées de Troie! la Grèce, enfin, a été soumise au sort qu’elle avait fait subir à l’Asie. Je ne finirais pas, si je voulais compulser les fastes de tous les siècles, et compter les vicissitudes que les feux du soleil ont éclairées. Tout ce qui est créé pour finir est sujet au changement; après quelques années, les nations ne se reconnaissent plus elles-mêmes; chaque siècle en change l’état et les mœurs. Mais le ciel est exempt de ces révolutions; ses parties n’éprouvent aucune altération, la succession des âges n’en augmente pas le nombre, et la vieillesse ne le diminue pas : il sera toujours le même, parce qu’il a toujours été le même. Tel que l’ont observé nos pères, tel le verront nos neveux: il est dieu, puisqu’il est immuable. Que le soleil ne s’égare jamais vers les ourses voisines du pôle, qu’il ne varie point dans sa marche, que sa route ne le porte jamais vers l’orient; que l’aurore naisse constamment dans les mêmes parties de l’horizon; que la lumière de la lune soit assujettie à des progrès certains et limités, qu’elle croisse et décroisse conformément à des lois invariables; que les astres, suspendus dans l’espace, ne tombent pas sur la terre, mais qu’ils circulent dans des temps déterminés, conjointement avec les constellations dont ils font partie; ce n’est point un effet du hasard, c’est un ordre établi par la sagesse divine. |
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Ipse autem quantum convexo mundus Olympo |
Mais quelle est l’étendue de l’espace qu’occupe la voûte du monde? quelle est celle des douze signes célestes? La raison seule suffit pour nous en instruire. La raison ne connaît point d’obstacles; l’immensité des objets, leur obscurité, rien ne l’arrête; tout cède à sa force; son activité s’étend jusqu’au ciel même. Elle enseigne que la distance des signes célestes à la terre et à la mer est égale à. l’étendue de deux de ces signes. Toute ligne qui traverse une sphère, en passant par son centre, a de longueur le tiers de la circonférence de la sphère; c’est, à bien peu de chose près, sa juste mesure: donc, puisque quatre signes forment le tiers de l’étendue des douze signes célestes, il s’ensuit que la distance de la partie la plus haute à la partie la plus basse du ciel est de quatre signes, et que la terre, suspendue au milieu de cet espace, est distante de l’intervalle de deux signes de chacune de ces deux extrémités. Donc toute l’étendue que vous voyez au-dessus de vous, cet espace que votre vue embrasse et celui qu’elle ne peut plus atteindre, doit être égale à deux signes : prise six fois, elle vous donnera la circonférence de cette zone céleste, parcourue par les douze signes qui tapissent le ciel en compartiments égaux. Ne vous étonnez donc pas si, sous les mêmes signes, on voit naître des hommes d’un caractère différent, et dont les destinées sont entièrement opposées : considérez l’étendue de chaque signe, et le temps qu’il met à la parcourir; un jour entier suffit à reine à leur lever successif. |
Restat ut æthereos fines tibi reddere
coner, |
Il me reste à vous exposer quels sont les limites célestes, les bornes établies au ciel dans un ordre régulier, les termes qui règlent la course des astres étincelants. Un cercle du côté de l’aquilon soutient l’ourse brillante; six parties entières le séparent du sommet du ciel. Un second cercle passe par l’extrémité la plus boréale de l’écrevisse: c’est là que Phébus semble s’arrêter, lancer ses plus chauds rayons, et, dans des révolutions plus visibles, nous prodiguer le plus longtemps ses feux : ce cercle, déterminant la saison des plus grandes chaleurs, en a pris le nom de cercle d’été: il borne, dans cette partie, la course brûlante du soleil; il est un des termes de sa carrière : sa distance au cercle boréal est de cinq parties. Le troisième cercle, placé précisément au milieu du monde, voit de part et d’autre les deux pôles à des distances égales : c’est là que Phébus, ouvrant, dans sa marche rapide, les saisons tempérées du printemps et de l’automne, règle sur des mesures égales la durée du jour et de la nuit. Ce cercle divise le ciel en deux hémisphères semblables: quatre parties séparent sa trace de celle du cercle d’été. Le cercle qui suit immédiatement porte le nom de cercle d’hiver;[26] il règle les derniers pas que fait le soleil pour s’éloigner de nous; il ne laisse arriver à nous que par des rayons obliques les feux affaiblis de cet astre, qu’il retient le moins longtemps possible sur notre horizon. Mais les régions au-dessus desquelles il domine jouissent de leurs plus longs jours; une chaleur brûlante en prolonge la durée: à peine ces jours font-ils place à de courtes nuits. Deux fois deux parties écartent ce cercle de celui du milieu du ciel. Il reste encore un cercle[27] voisin de l’extrémité de l’axe, et qui, pressant les ourses australes, les entoure comme d’une ligne de circonvallation : sa distance au cercle d’hiver est de cinq parties; et il est aussi éloigné du pôle dont il est voisin, que le cercle qui lui correspond de notre côté est distant de notre pôle. Ainsi l’espace compris entre les deux pôles, divisé par le cercle du milieu en deux parties égales, forme par la réunion de ces deux parties la circonférence de l’univers, et cinq cercles, divisant cette étendue, déterminent les limites des astres, et le temps de leur séjour au-dessus de l’horizon. La rotation de ces cercles est la même que celle du monde; ils n’ont aucune inclinaison l’un vers l’autre; le lever, le coucher de tous leurs points sont réglés sur des lois uniformes. En effet, la trace de ces cercles étant parallèle a la rotation universelle de la sphère céleste, ils suivent constamment la direction du mouvement du ciel, toujours à des distances égales les uns des autres, ne s’écartant jamais des bornes qui leur sont assignées, des termes qui leur sont prescrits. |
Sunt duo, quos recipit ductos a
vertice vertex, |
Du sommet supérieur du ciel au sommet inférieur, s’étendent deux autres cercles opposé l’un à l’autre, et qui, coupant tous les cercles dont nous venons de parler, se coupent eux-mêmes en se rencontrant aux deux pôles du monde; l’axe de la sphère est leur point de réunion à chacune de ses deux extrémités. Ils distinguent les saisons de l’année, et divisent le ciel et les signes célestes en quatre parties égales, dont chacune correspond à un nombre égal de mois. Le premier, descendant de la cime la plus élevée du ciel, traverse la queue du dragon, passe entre les deux ourses, qui ne se plongent jamais dans l’océan, et entre les bassins de la balance, qui s’agitent au milieu du ciel : passant ensuite, dans la partie méridionale, sur la queue de l’hydre et par le milieu du centaure, il gagne le pôle inférieur, d’ou il se relève pour venir à la baleine; il traverse le dos écailleux de cette constellation, prolonge les premières étoiles du bélier et celles qui brillent dans le triangle, passe le long des plis de la robe d’Andromède, et près des pieds de sa mère, et se termine enfin au pôle d’où il est primitivement parti. L’autre cercle s’appuie sur ce premier, et sur l’extrémité supérieure de l’axe. De là il traverse les pattes antérieures et la tête de l’ourse, qui, grâce à l’éclat de ses sept belles étoiles, se montre la première de toutes les constellations, après la retraite du soleil, et éclaire les ténèbres de la nuit. Il sépare ensuite l’écrevisse des gémeaux, il côtoie le chien à la gueule étincelante, et le gouvernail du navire victorieux des ondes; il court de là au pôle invisible, en passant par des astérismes placés en travers de ceux sur lesquels le premier cercle a passé, et, partant de cette limite, il se dirige vers vous, signe du capricorne, et, parvenu à vos étoiles, il fixe celles de l’aigle: traversant ensuite la lyre recourbée et les nœuds du dragon, il s’approche des pattes postérieures de la petite ourse, et traverse sa queue près du pôle, où il se rejoint à lui-même, ne pouvant oublier les lieux d’où il a pris son essor. |
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Atque hæc æterna fixerunt tempora sede, |
Les anciens astronomes ont assigné aux cercles précédents des places fixes, des positions invariables entre les constellations célestes; ils en ont reconnu deux autres susceptibles de déplacement. L’un, prenant son origine à la grande ourse, coupe la route du soleil en deux parties égales; il partage le jour et détermine la sixième heure. Il est à une distance égale du lever et du coucher de tous les astres. Sa trace dans le ciel n’est pas toujours la même : allez à l’orient, allez vers l’occident, vous déterminez au-dessus de vous un cercle, passant par le point qui répond directement à votre tête et par le pôle du monde, et partageant en deux la route visible de soleil: or, en changeant ainsi de lieu, vous changez d’heure; le ciel que vous voyez n’est plus le même; chaque point que vous parcourez a son méridien propre; l’heure vole sur toute la surface de la terre. Lorsque nous voyons l’astre du jour sortir du sein des eaux, les peuples qu’il presse alors de son char étincelant comptent la sixième heure. Il est pareillement six heures pour les peuples occidentaux, lorsque lu jour pour nous fait place aux ombres de la nuit: ces deux sixièmes heures nous les comptons l’une pour la première, l’autre pour la dernière heure du jour, et les rayons extrêmes du soleil ne nous procurent qu’une lumière dépourvue de chaleur. |
Alterius fines si vis
cognoscere gyri, |
Désirez-vous connaître la trace du second cercle mobile?[28] Portez votre vue de toutes parts jusqu’où elle peut s’étendre : ce cercle, qui vous paraît être la partie la plus basse du ciel et la plus élevée de la terre, qui joint immédiatement la partie visible du ciel avec celle que nous ne voyons pas, qui reçoit comme au sein des flots et nous renvoie les astres étincelants; ce cercle ou plutôt cette ligne indivisible environne tout le ciel qu’elle divise, et cette même ligne parcourt tous les points de l’univers. De quelque côté que vous portiez vos pas inconstants, soit que vous avanciez vers un point de la terre, soit que vous marchiez vers un autre, le cercle qui termine votre vue n’est plus le même, il change à chaque pas; il vous découvre une nouvelle partie du ciel, il en dérobe une autre à votre vue; toujours il vous cache et vous montre la moitié du ciel; mais le terme qui sépare ces deux moitiés varie, et sa trace change toutes les fois que vous changez de place. Ce cercle est terrestre, parce qu’il embrasse la circonférence de la terre, et que son plan l’environne de toutes parts; et comme il sert de borne et de limite, on lui a donné le nom d’horizon. |
His adice obliquos
adversaque fila trahentis |
À ces cercles ajoutez deux cercles obliques, dont les directions sont très différentes. L’un[29] porte ces signes éclatants, sur lesquels Phébus laisse flotter ses rênes: la déesse de Délos le suit, montée sur son char agile, et les cinq étoiles errantes, emportées dans une course opposée à celle de l’univers, semblent y former des pas variés que règlent les lois de la nature. L’écrevisse en occupe le point le plus élevé, et le capricorne le point le plus bas: rencontré deux fois par le cercle qui égale le jour à la nuit, il le coupe au signe du bélier et à celui de la balance. Ainsi ce cercle, s’appuyant sur trois autres,[30] s’écarte, par une marche oblique, du mouvement direct commun à tous les astres. D’ailleurs on ne peut dire de ce cercle ce qu’on pourrait dire de tous les précédents, qu’il est imperceptible aux yeux, et que l’esprit seul peut se le figurer : il forme une ceinture qui resplendit de tout l’éclat des belles étoiles qui la décorent; le ciel est comme ciselé par la brillante lumière qu’il y répand. Sa longueur est de trois cent soixante parties, il en a douze de large; c’est dans cette zone que les étoiles errantes exécutent leurs divers mouvements. |
Alter in adversum positus
succedit ad arctos |
L’autre cercle[31] est placé en travers du précédent; il naît dans le voisinage des ourses; sa trace est voisine du cercle polaire boréal. Il passe dans les étoiles de Cassiopée, renversée sur sa chaise; descendant obliquement, il touche le cygne, il coupe le cercle d’été, l’aigle renversée en arrière, le cercle qui égale le jour a la nuit, et celui que parcourent les coursiers du soleil; et il laisse d’un côté la queue ardente du scorpion, de l’autre la main gauche et la flèche du sagittaire. Il dirige ensuite sa marche sinueuse à travers les cuisses et les pieds du centaure, et, commençant à remonter vers nous, il parvient au sommet des mâts du navire, traverse le cercle qui occupe le milieu du ciel, couvre les étoiles les plus basses des gémeaux, entre dans le cocher, et aspirant à vous rejoindre, vous qui l’aviez vu partir, Cassiopée, il passe au-dessus de Persée, et termine son circuit dans la constellation où il l’avait commencé. Ce cercle coupe donc en deux points les trois cercles du milieu de la sphère et celui qui porte les signes, et il en est réciproquement coupé en autant de parties. Il ne faut pas se donner beaucoup de peine pour le chercher; il se présente de lui-même, on le voit sans aucun effort, il n’est pas possible de s’y tromper. Dans l’azur du ciel s’offre une bande remarquable par sa blancheur; on la prendrait pour une aurore d’où va poindre le jour, et qui doit ouvrir les portes du ciel. Telle une route, battue par le passage assidu des voitures qui la parcourent, se distingue au milieu des vertes prairies qu’elle partage; ou comme les flots de la mer blanchissent d’écume sous le sillage, et, sortis en bouillonnant du gouffre qui les vomit, déterminent le chemin que suit le navire: telle cette route céleste brille par sa blancheur au milieu des ténèbres qui couvrent l’Olympe, et projette sa vive lumière sur le fond azuré du ciel. Semblable à Iris qui tend son arc dans les nues, elle imprime au-dessus de nos têtes sa trace lumineuse, et force les mortels à la regarder avec étonnement : ils ne peuvent pas ne pas admirer cette lumière insolite qui perce les ombres de la nuit; et ils cherchent, malgré les bornes de leur intelligence, à pénétrer la cause de ces divines merveilles. Est-ce que les deux parties du ciel tendent à se désunir? leur liaison trop faible menace-t-elle de se dissoudre, et la voûte céleste, commençant à se séparer, ouvre-t-elle un passage à cette lumière nouvelle? Comment ne pas frémir à l’aspect du ciel ainsi déchiré, lorsque ces plaies de la nature frappent nos yeux épouvantés! Penserons-nous plutôt qu’une double voûte, ayant formé le ciel, trouve ici sa ligne de réunion, que les deux moitiés y sont fortement cimentées, que c’est une cicatrice apparente qui réunit pour toujours ces deux parties; que la matière céleste y étant amassée en plus grande quantité, s’y condense, forme un nuage aérien, et entasse une plus grande masse de la matière qui constitue le plus haut des cieux? En croirons nous une vieille tradition, suivant laquelle, dans des siècles reculés, les coursiers du soleil, tenant une autre route que celle qu’ils suivent aujourd’hui, avaient longtemps parcouru ce cercle? Il s’embrasa enfin, les astres qu’il portait furent la proie des flammes; à leur azur succéda cette couleur blanchâtre, qui n’est que celle de leur cendre : on peut regarder ce lieu comme le tombeau du monde. L’antiquité nous a transmis un autre fait: Phaéton conduisit autrefois le char de son père le long des signes célestes. Mais tandis que ce jeune téméraire s’amuse à contempler de près les merveilles du ciel, qu’il sourit à ces nouveaux objets, qu’il se livre tout entier au plaisir d’être porté sur le char du soleil, qu’il pense même à oser plus que lui, il abandonne la route qui lui est prescrite, et s’en ouvre une toute nouvelle. Les astres qu’il traverse ne peuvent supporter la proximité de ces feux errants auxquels ils ne sont point accoutumés; le char vole en éclats. Pourquoi nous plaindrions-nous des ravages causés par cet incendie dans toute l’étendue de la terre, devenue son propre bûcher, et qui vit toutes ses villes consumées par les flammes? Les éclats dispersés du char du soleil portèrent le feu partout; le ciel même fut embrasé; le feu gagna le monde entier; les astres voisins de la route de Phaéton en devinrent la proie, et portent encore l’empreinte de cette catastrophe. Les annales anciennes font mention d’un fait moins tragique, que je ne dois pas passer sous silence: quelques gouttes de lait, échappées de sein de la reine des dieux, donnèrent cette couleur à la partie du ciel qui les reçut; et c’est de là que vient le nom de voie lactée, nom qui rappelle la cause de cette blancheur. Ne faudrait-il pas plutôt penser qu’une grande quantité d’étoiles sur ce même point y forme comme un tissu de flammes, nous renvoie une lumière plus dense, et rend cette partie du ciel plus brillante par la réunion d’un plus grand nombre d’objets lumineux? Dira-t-on enfin que les âmes des héros qui ont mérité le ciel, dégagées des liens de leurs corps après leur séjour sur la terre, sont transportées dans cette demeure; que ce ciel leur est approprié; qu’elles y mènent une vie céleste, qu’elles y jouissent du monde entier? Là sont honorés les Eacides, les Atrides, l’intrépide fils de Tydée, le souverain d’Ithaque, vainqueur de la nature et sur terre et sur mer, le roi de Pylos, célèbre par trois siècles de vie; tous les autres chefs des Grecs qui combattirent sous les murs d’Ilion, Assaracus; Ilius, tous les héros troyens qui suivaient les étendards d’Hector; le noir fils de l’Aurore, et le roi de Lycie, digne sang de Jupiter. Je ne dois pas vous oublier, belliqueuse Amazone, non plus que la ville de Pella, que la naissance d’un grand conquérant[32] a rendue si célèbre. On y voit aussi ces hommes qui se sont illustrés par l’étendue de leur génie et par l’autorité de leurs conseils, dont toutes les ressources étaient en eux-mêmes: le juste Solon, le sévère Lycurgue, le divin Platon, et celui[33] qui avait été son maître, et dont l’injuste condamnation fit retomber sur Athènes, sa patrie, l’arrêt odieux prononcé contre lui; celui qui vainquit la Perse,[34] malgré les innombrables vaisseaux dont elle avait comme pavé la mer; les héros romains, dont les rangs sont aujourd’hui si serrés; les rois de Rome, excepté Tarquin; les Horaces, illustres jumeaux, qui tinrent lieu à leur patrie d’une armée entière; Scévola, que sa mutilation a comblé de gloire; la jeune Clélie, supérieure aux hommes en courage; Cœlès a ceint de la couronne murale pour avoir protégé Rome; Corvinus, fier de ses riches dépouilles, et de ce nom glorieux conquis dans un combat où Apollon se fit son compagnon d’armes, sous l’extérieur d’un corbeau ; Camille, qui, en sauvant le Capitole, mérita d’être placé au ciel, et d’être regardé comme le second fondateur de Rome; Brutus, qui fonda la république, après avoir expulsé Tarquin; Papyrius, qui ne voulut se venger que par les armes des cruautés de Pyrrhus ; Fabricius, les deux Curius; Marcellus, qui, le troisième des Romains, remporta des dépouilles opimes et tua un roi de sa main; Cossus, qui eut le même honneur; les Décius, égaux par leurs victoires et par leur dévouement à la patrie; Fabius, qui devint invincible en temporisant; Livius, qui, secondé de Néron, vainquit le perfide Asdrubal; les deux Scipions, nés pour la ruine de Carthage; Pompée, vainqueur de l’univers, et qui se vit décoré de trois triomphes et le chef de la république avant le temps prescrit par les lois; Cicéron, que son éloquence seule éleva au consulat; la race illustre des Claudes, les chefs de la famille Emilienne, les célèbres Métellus; Caton, supérieur à la fortune; Agrippa, qui passa du sein maternel aux fatigues de la guerre. La famille des Jules, dont l’origine remonte à Vénus, et qui était descendue du ciel, a peuplé le ciel, maintenant gouverné par Auguste, que Jupiter s’est associé dans cet empire. Elle voit au milieu d’elle le grand et divin Romulus, au-dessus de cette trace lumineuse qui tapisse la voûte éthérée. Ce ciel supérieur est réservé aux dieux; la voie lactée est la demeure des héros qui, semblables aux dieux par la vertu, ont approché d’eux de plus près. |
780
[Sunt alia adverso pugnantia sidera mundo, |
[Il est d’autres astres dont la marche est contraire au mouvement de l’univers, et qui, dans leur vol rapide, sont suspendus entre le ciel et la terre ce sont Saturne, Jupiter, Mars et le Soleil. Sous eux, Mercure fait sa révolution entre Vénus et la lune.] |
Nunc, prius incipiam stellis
quam reddere vires, |
Maintenant, avant de faire connaître l’énergie des astres et le pouvoir que les signes exercent sur nos destinées, achevons de décrire ce qu’on observe dans le ciel, et ce qui fait sa richesse. [Tout objet éclatant mérite notre attention, ainsi que le temps où il brille.] |
Sunt etenim raris orti natalibus ignes
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Il est des feux répandus dans l’air, qui naissent d’une matière sans consistance. En effet, aux époques de grandes révolutions, on a vu quelquefois des comètes se dissiper en un instant, et d’autres s’enflammer subitement. La cause en est peut-être que la terre exhalant les vapeurs qu’elle renferme dans son sein, l’humidité de ces vapeurs est détruite par la sécheresse de l’air. Toute la matière des nuages s’étant dissipée dans un ciel longtemps serein, et les rayons du soleil ayant embrasé l’air, le feu, qui a franchi ses limites, s’empare de ces vapeurs comme d’en aliment qui lui est propre, et la flamme y trouve une matière prête à lu recevoir. Comme cette matière n’a aucune solidité, que ce n’est qu’une exhalaison extrêmement raréfiée et semblable à une fumée légère, l’embrasement dure peu, et cesse presque en même temps qu’il commence, on voit ainsi la comète briller d’un vif éclat, et s’éteindre presque au même instant. Si l’extinction de ces feux n’en suivait pas de près la formation, et que cet incendie se prolongeât, la nuit serait changée en jour, le jour à peine fini renaîtrait, et surprendrait la terre, ensevelie dans un profond sommeil. De plus, comme ces vapeurs sèches de la terre ne se répandent pas toujours uniformément dans l’air, et que le feu les trouve diversement ressemblées, il s’ensuit que ces flammes, que nous voyons subitement paraître dans l’obscurité de la nuit, doivent se montrer sous différentes formes. En effet, elles prennent quelquefois celle d’une chevelure éparse, et le feu lance en tous sens des rayons qui ressemblent à de longs cheveux flottants autour de la tête. Quelquefois ces mêmes rayons s’étendent d’un seul côté, sous la forme d’une barbe enflammée. On voit aussi ce feu, tantôt terminé partout également, représenter on une poutre carrée, ou une colonne cylindrique; tantôt, enflé par le milieu, offrir l’image d’un tonneau embrasé; ou se rassembler en petits pelotons, dont la flamme tremblante représente comme autant de mentons barbus, et a fait imaginer pour eux le nom de petites chèvres : d’autres fois, divisé en branches lumineuses, il ressemble à ces lampes d’où sortent plusieurs mèches. Par un ciel serein, quand les étoiles scintillent de toutes parts, on en voit qui semblent se précipiter sur la terre, ou errer çà et là dans l’espace, laissant après elles une longue trace de feu; ou bien, se transportant à de grandes distances avec la rapidité de la flèche, elles marquent pareillement d’un trait de lumière l’intervalle que leur course a embrasé. Le feu pénètre toutes les parties de l’univers. Il est dans ces nuages épais où s’élabore la foudre; il traverse les entrailles de la terre; il menace d’incendier le ciel par les bouches de l’Etna; il fait bouillonner les eaux jusque dans leurs sources; le caillou le plus dur et la verte écorce des arbres le recèlent; le bois, dans les forêts, s’embrase par le frottement : tant la nature est partout imprégnée de feu. Ne soyez donc pas étonnés de voir tant de flambeaux s’allumer subitement dans le ciel, et l’air enflammé reluire de leur éclat, quand il a reçu les exhalaisons desséchées qui s’échappent de la terre, exhalaisons dont le feu s’empare, et dont il suit et abandonne successivement la trace. Ne voyez-vous pas les feux du tonnerre s’élancer en serpentant du sein même de la pluie, et le ciel forcé de s’ouvrir devant lui? Soit donc que la terre, fournissant quelquefois au feu aérien un aliment qui lui est propre, puisse par là contribuer à la génération des comètes; soit que la nature, en créant les astres, ait en même temps produit ces feux dont la flamme est éternelle, mais que le soleil attire à lui par sa chaleur, et qu’il enveloppe dans la sphère de ses rayons, dont ensuite ils se dégagent; (tel Mercure, telle Vénus, qui après avoir éclairé le commencement de la nuit, disparaissent souvent, que l’on cherche en vain dans le ciel, et qui bientôt redeviennent visibles:) soit enfin que Dieu, sensible à nos malheurs prochains, nous donne par ces révolutions, par ces incendies du ciel, des avertissements salutaires jamais les feux célestes ne furent des menaces frivoles. Les laboureurs, frustrés de leur espérance, pleurent la perte de leurs moissons; accablés de fatigue au milieu de leurs sillons stériles, ils font plier sous un joug inutile des bœufs qui semblent partager leur tristesse. Ou bien une flamme mortelle s’empare des entrailles des hommes, et les consume par des maladies cruelles ou par une langueur contagieuse des peuples entiers périssent; les villes deviennent le tombeau, le bûcher commun de tous leurs habitants. Telle fut cette peste affreuse qui, dépeuplant le royaume d’Erechthée, ne fit de l’ancienne Athènes qu’un monceau de cadavres; ses malheureux habitants périssaient sur les corps mêmes de leurs concitoyens; la science du médecin n’était d’aucun secours; on offrait en vain des vœux à la divinité; les malades étaient abandonnés, les funérailles négligées; on ne versait point de larmes sur les tombeaux; le feu, fatigué d’avoir allumé tant de bûchers, avait enfin manqué. On brûlait les corps entassés les uns sur les autres et ce peuple, autrefois si nombreux, eut à peine un héritier qui lui survécût. Tels sont les malheurs que les brillantes comètes nous annoncent souvent : des épidémies les accompagnent; elles menacent de couvrir la terre de bûchers ; le monde et la nature entière languissent, et semblent avoir trouvé comme un tombeau dans ces feux. Ces phénomènes présagent aussi des révolutions subites, des invasions clandestines, appuyées sur la fraude, et apportées par des nations étrangères, comme lorsque le féroce Germain, violant la foi des traités, fit périr le général Varus, et teignit le champ de bataille du sang de trois légions romaines. On vit alors des flambeaux menaçants errer çà et là dans toute l’étendue du ciel: la nature même semblait par ces feux nous déclarer la guerre, rassembler ses forces contre nous, et nous menacer d’une destruction prochaine. Au reste, ne soyez pas surpris de ces révolutions et de ces désastres : la cause en est souvent en nous-mêmes: mais nous sommes sourds à la voix du ciel. Quelquefois aussi ces incendies célestes annoncent des divisions intestines, des guerres civiles. Jamais ils ne furent si multipliés que quand des armées, rangées sous les drapeaux de chefs redoutables, couvrirent de leurs bataillons les campagnes de Philippes. Ces plaines étaient encore imbibées de sang romain, et le soldat, pour marcher au combat, foulait aux pieds les membres mutilés de ses concitoyens, l’empire épuisait ses forces contre lui-même. Auguste, père de la patrie, fut vainqueur aux mêmes lieux que Jules son père. Mais nous n’étions pas à la fin de nos malheurs: il fallait combattre de nouveau près d’Actium; et la mer fut le théâtre où les armes devaient décider si Rome serait la dot d’une reine, et à qui appartiendrait l’empire de l’univers. Rome incertaine craignait de tomber sous le joug d’une femme : c’était la foudre même avec laquelle les sistres d’Isis osaient se mesurer. On fut bientôt forcé de soutenir une autre guerre contre des esclaves, contre des bandits attroupés par le jeune Pompée, qui, à l’exemple des ennemis de son père, infestait les mers que le grand Pompée avait nettoyées de pirates. Mais que les destins ennemis soient enfin satisfaits! jouissons des douceurs de la paix; que la discorde, chargée de chaînes indestructibles, soit reléguée dans des cachots éternels. Que le père de la patrie soit invincible; que Rome soit heureuse sous son gouvernement; et que, lorsqu’elle aura fait présent au ciel de cette divinité bienfaitrice, elle ne s’aperçoive pas de son absence sur la terre. |
[1] César Auguste. [2] Jules César. [3] Les planètes. [4] Tel était le sentiment d’Aristote. [5] Tel était le sentiment d’Hésiode, d’Euripide, etc. [6] Id. d’Héraclite. [7] Id. de Thalès. [8] Id. d’Empédocle. [9] La grande ourse. [10] La petite ourse. [11] On la nomme aujourd’hui Hercule; les anciens l’appelaient Engonasis, terme grec qui signifie agenouillé. [12] En grec, gardien de l’ourse. [13] Belle étoile, placée au bas de la robe du bouvier. [14] Le serpentaire. [15] L’aigle. [16] Pégase. [17] Le triangle. [18] La baleine. [19] Héniochus, en grec, teneur de bride. [20] Une des plus grandes et la plus brillante des constellations qui paraissent sur notre horizon. [21] Le grand chien ou plutôt l’étoile de sa gueule, dite Sirius. [22] Ou le petit chien. [23] Le corbeau. [24] Épicure, en cela précédé par Démocrite. [25] L’équateur. [26] Le tropique du capricorne. [27] Le cercle polaire antarctique. [28] L’horizon. [29] Le zodiaque. [30] L’équateur et les deux tropiques. [31] La voie lactée. [32] Alexandre le Grand. [33] Socrate. [34] Thémistocle.
NOTES SUR MANILIUS.LIVRE I.
v. 38. Et natura. Il n’est pas inutile de remarquer que, dans le système de Manilius, la nature, le monde, le ciel, Dieu, ne sont qu’une seule et même chose, douée cependant d’une intelligence infinie. Outre ce Dieu universel, il admettait les dieux du paganisme; mais il paraît qu’il les regardait comme subordonnés à ce Dieu-Nature, aux lois primitives duquel ni Jupiter, ni les autres dieux, ni les hommes, ne pouvaient se soustraire. v. 140. Supra est hominemque deumque. Nous ne voyons pas qu’on puisse donner raisonnablement un autre sens à ce que dit ici Manilius. Au reste, par ce dieu ou ces dieux, dont la cause de l’existence du monde surpasse l’intelligence, il faut sans doute entendre les dieux particuliers, Jupiter, Apollon, etc., et non la souveraine intelligence, qui, suivant notre poète, anime toutes les parties de l’univers. Cette intelligence était nécessairement aussi ancienne que le monde, dont elle gouverne les ressorts; on ne peut dire la même chose de Jupiter et des autres dieux, dont on connaissait la naissance, l’éducation, l’enfance et les progrès. v. 163. Medium totius et imum est. Manilius suit ici les opinions reçues de son temps sur le système physique de l’univers. Si, comme nous n’en doutons pas, ces opinions sont erronées, au moins il faut convenir que le poète les présente sous le jour le plus favorable. On aurait pu cependant lui demander pourquoi la lune, pourquoi les planètes, corps opaques, selon lui, ainsi que la terre, ne sont pas aussi tombées par leur poids au centre de l’univers, v. 205. Canopum. Canope est une belle étoile dans le gouvernail du vaisseau, invisible en France. On a fait un crime à Manilius d’avoir dit qu’il fallait aller jusqu’en Egypte pour voir cette étoile, qu’on découvre cependant facilement sans traverser la Méditerranée. Il est vrai que l’on découvre Canope à Cadix et dans la partie méridionale de la Grèce; mais ceux qui ont fait cette objection n’ont pas fait attention que la déclinaison de cette étoile est maintenant moins australe que du temps de Manilius et d’Eudoxe. Canope pouvait alors s’élever au-dessus de l’horizon de Cadix, mais si peu, que les vapeurs de l’horizon ne permettaient pas de la distinguer. v. 218. Ultima ad Hesperios. Ce que dit ici Manilius n’est pas tout à fait exact. Partout où l’on voit une éclipse de lune, on la voit au même instant physique. Mais les peuples occidentaux, qui sont la lune éclipsée à leur orient, comptent une heure beaucoup moins avancée que les peuples orientaux, qui observent l’éclipse à leur occident. v. 237. Alligat undis. Plusieurs interprètes ont pensé que, par le verbe alligat, Manilius avait voulu désigner l’Océan comme un moyen de communication entre les deux hémisphères opposés. Nous ne pouvons être de ce sentiment : il est facile de voir que Manilius ne regardait pas cette communication comme possible. Il est du moins certain qu’elle n’existait pas de son temps. v. 248. Quæ medium obliquo prœcingunt... Les douze signes du zodiaque : c’était aux étoiles éparses dans ces douze signes que les astrologues attribuaient la plus grande influence sur les destinées des hommes; la position favorable ou défavorable des planètes dans ces constellations décidait de tous les événements. v. 250. Adverso luctantia..., Suivant l’ancien système, tout le ciel tourne autour de la terre d’orient en occident : outre ce mouvement commun, les planètes en ont un particulier d’occident en orient. v. 281. Austrinas arctos. On voit plus bas que Manilius imaginait une ressemblance parfaite entre les deux pôles que, suivant lui, il y avait près du pôle austral deux ourses semblables à celles qui sont dans le voisinage de notre pôle, que ces ourses étaient séparées par un dragon, etc. Je ne sais où Manilius avait puisé cette idée la partie du ciel que nous voyons au delà de l’équateur ne ressemble en aucune manière à celle que nous observons en deçà. v. 367 Pleiadesque hyadesque. Les Pléiades sont un amas d’étoiles au-dessus des épaules du Taureau, connu du peuple sous le nom de la poussière. Elles étaient, suivant les anciens, au nombre de sept, quoiqu’à la vue on n’en pût découvrir que six. Vues maintenant avec le télescope, elles sont sans nombre. Les hyades sont un autre groupe d’étoiles dans la tête du taureau, ayant la figure d’un L couché : on y découvre pareillement avec le télescope un grand nombre d’étoiles. v. 394. Hunc qui surgentem... Le lever héliaque des étoiles, dont il s’agit ici, est leur première apparition, lorsque, après avoir été longtemps cachées dans les rayons du soleil, elles en sortent, et redeviennent visibles du côté de l’orient. v. 414. Ara nitet. Cette constellation, connue généralement nous le nom d’autel, est appelée turibulum, ou l’encensoir, par Germanicus, Claudien et quelques autres, v. 431. Tum notius piscis. Il ne faut pas confondre ce poisson avec les poissons, douzième signe du zodiaque: celui-ci, placé à l’extrémité de l’effusion du verseau, forme à lui seul une constellation. v. 444. Et versas frontibus arctos. Si quelqu’un regrettait les quatre vers que nous avons supprimés dans le texte, il pourrait ajouter ici : Nous croyons par analogie qu’elles sont séparées et environnées par un seul dragon; mais nous ne pouvons nous en assurer par le témoignage de nos yeux. C’est pour cela que, sur les cartes célestes, la partie du ciel qui nous est invisible est représentée parfaitement semblable à celle que nous voyons toujours. v. 495. Temporaque. C’est, dit-on, Palamède qui, durant le siége de Troie, apprit à distinguer les veilles de la nuit par la position des étoiles dans le ciel. Cela peut être; mais nous ne doutons pas que, longtemps avant Palamède, les Egyptiens et les Chaldéens ne sussent déterminer par les astres les heures de la nuit. v. 537. Æquali spatio texentia cœlum. Toute cette doctrine de Manilius se réduit à ceci : Dans une sphère quelconque, le diamètre est à peu de chose près égal au tiers de la circonférence d’un grand cercle de cette sphère; c’est une vérité connue de tout apprenti géomètre. Or l’univers est sphérique; la terre est au centre de cette sphère. Elle sépare donc en deux parties égales tous les diamètres : sa distance à la surface de la sphère est donc à peu près la sixième partie de la circonférence d’un grand cercle, Or, douze signes sont l’étendue de la circonférence d’un grand cercle, tel que le zodiaque. Donc la distance de la terre à la partie la plus éloignée de la sphère, ou à la surface de l’univers, est égale à la sixième partie de douze signes, ou à l’étendue de deux signes. Mais cela nous conduit-il à la connaissance de la distance absolue de la terre aux signes célestes, à celle de l’étendue absolue de ces signes. J’ose ajouter : cela méritait-il l’éloge pompeux de la raison, qui sert de préambule au raisonnement de notre poète? v. 545. Circulus ad Boream. Cercle polaire arctique, ou plutôt cercle qui renferme les étoiles qui ne se couchent jamais, dont par conséquent la distance du pôle est toujours égale à la hauteur de pôle. v. 546. Sexque. Les anciens ne divisaient la circonférence du cercle qu’en soixante parties; donc une de ces parties valait six de nos degrés; donc six parties valaient trente six degrés. Telle était en effet le hauteur du pôle à Cnide, où Eudoxe écrivait : et Manilius, tant ici que presque partout ailleurs, ne fait que copier Eudoxe, v. 547. Alter. Le tropique de l’écrevisse, dont la distance au cercle polaire était à Cnide de cinq parties ou de trente degrés en nombres ronds. v. 554. Tertius. L’équateur. Sa distance à chacun des deux tropiques est, en nombres ronds, de quatre parties ou de vingt-quatre degrés. v. 582. Sunt duo. Les deux colures: le premier est celui des équinoxes, le second celui des solstices. Colure est un mot grec qui signifie « mutilé de la queue ». On a donné ce nom à ces deux cercles, non qu’ils soient réellement mutilés; mais parce qu’une partie de leur circonférence ne s’élève jamais au-dessus de l’horizon, à moins qu’on habite sous l’équateur même. On ne les voit donc point entiers, même successivement. v. 589. Siccas et dividit arctos. Scaliger prétend qu’il n’est pas possible qu’un colure traverse en même temps la queue du dragon et les deux ourses ; et il ajoute que le reste de la description est assez exact : reliqua satis bene habent. Deux pages après, presque tout ce que dit Manilius des colures est faux, suivant Scaliger, falsa sunt maximam partem : nais, ajoute-t-il, cela ne vaut pas la peine qu’on s’y arrête. Il faut rapporter le ciel de Manilius au temps d’Eudoxe de Cnide; et alors on trouvera que la description que notre poète nous donne des colures est non pas absolument précise, mais approchante au moins de la vérité. Huet remarque que Manilius ne dit pas que le colure traverse les deux ourses, mais qu’il les sépare, qu’il passe entre elles. Je vais plus loin, et j’ose assurer que Scaliger était distrait en avançant qu’il n’est pas possible qu’un colure traverse la queue du dragon et les ourses. Quelques siècles avant celui d’Eudoxe, le colure des solstices rasait de tout près l’étoile b de la petite ourse, traversait la queue du dragon entre k et l, et passait un peu à l’occident de l’étoile Dubhé ou a, et entre les pattes antérieures et postérieures de la grande ourse. v. 613. Consurgens helice. Plus exactement : prenant naissance au pôle du monde. Il s’agit ici du méridien qui passe par les pôles et le zénith, et qui coupe à angles droits l’équateur et tous les arcs diurnes des astres, v. 614. Sextamque examinat horam. Les anciens divisaient le jour, soit d’hiver, soit d’été, en douze heures ainsi la sixième heure chez eux était toujours celle de midi.
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