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HÉROPHILE

 

TRAITÉ ALIMENTAIRE

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 



INTRODUCTION



 

TRAITÉ ALIMENTAIRE

DU MÉDECIN HÉROPHILE,

EXTRAIT

DE DEUX MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE DU ROI;

Par M. Boissonade.

 

 

Le nom d’Hérophile, dans le Catalogue des manuscrits Grecs de la Bibliothèque du Roi, avait excité ma curiosité. Je croyais qu'il nous restait quelque écrit du plus grand anatomiste de l'antiquité, ou au moins quelque extrait de ses ouvrages fait par un médecin de son école. Mais en ouvrant le volume, que MM. les conservateurs m'ont communiqué avec leur complaisance accoutumée, j'ai trouvé, au lieu d'Hérophile, le sophiste Hérophile, et, au lieu d'un bon ouvrage, un petit traité de fort légère importance sur le régime à suivre, mois par mois, pour jouir d'une bonne santé. Je le copiai pourtant, et je pris même la peine assez grande de le traduire, parce qu'il me sembla qu'il augmentait ce que nous savons des anciennes méthodes ; qu'il ajoutait aux nomenclatures plusieurs termes nouveaux ; en un mot, qu'il intéressait l'histoire de la science, et n'était pas plus mauvais que d'autres livres de médecins inférieurs, auxquels des hommes d'un tout autre mérite que moi n'ont pas dédaigné de consacrer leurs loisirs. Hérophile a même fixé l'attention du docteur Willemet, de Nancy, connu par de beaux ouvrages de botanique : il paraît avoir eu le projet d'en donner une édition.

Hérophile, qui prend ou auquel on donne, dans le titre de l'ouvrage, le nom de sophiste, c'est-à-dire de maître, de professeur (et ici ce mot est synonyme d'iatrosophiste) ; Hérophile, à en juger par son mauvais langage, a dû vivre vers les temps inférieurs de l'empire Byzantin. Les copies de son ouvrage que possède la Bibliothèque du Roi, sont, avec probabilité, attribuées, l'une au treizième siècle, l'autre au quatorzième ; et l'auteur n'a pas dû vivre bien longtemps avant la première date. Il emploie une foule de termes ignorés dans les beaux âges de la langue Grecque, et qui appartiennent à la plus complète décadence.

Rien, dans son traité, n'indique précisément sa patrie; mais, comme il donne aux constellations des noms que je crois jusqu'à présent inconnus, et qui, probablement, font partie de l'idiome populaire d'une certaine province, si l'on vient, par hasard, à découvrir dans quel endroit ils étaient ou sont encore employés, on saura en même temps dans quel pays l'auteur est né, au moins dans quel pays il écrivait.

Le traité d’Hérophile existe dans plusieurs bibliothèques : il est à Oxford, à Venise, à Vienne et à Paris, comme je le disais, il y en a deux copies, l’une dans le manuscrit 396 ; l'autre dans le manuscrit 985. Le premier est complet, à l'exception, à ce qu'il semble, d'une préface qui se trouve dans le manuscrit de Vienne……; l'autre est incomplet. Du Cange, dans la Table des auteurs inédits qu'il avait consultés pour composer son Glossaire Grec, nomme Hérophile, et le titre qu'il a transcrit prouve qu'il s'est servi du manuscrit incomplet. Il est singulier qu'il n'ait pas connu la meilleure des deux copies de Paris.

La Bibliothèque de Vienne possède du même Hérophile un Traité des facultés des aliments, qui doit avoir une grande analogie avec l'opuscule de Syméon Séthi : je regrette de ne pouvait pas le consulter. Il est presque sûr que la comparaison des deux ouvrages éclaircirait, dans celui que je vais publier, un grand nombre de difficultés.

Dans le manuscrit 396, d'où j'ai tiré le texte d'Hérophile, sont contenus une foule d'opuscules de théologie, de littérature, de médecine, en vers et en prose ; et dans le nombre j'ai rencontré un poème de Théodore Prodromus sur le sujet traité par Hérophile. C'est une courte description de chaque mois, avec quelques conseils diététiques : cette analogie m'engage à les donner ici. Je les crois encore inédits ; Kollar, qui les a trouvés aussi dans la Bibliothèque de Vienne, et Harles, le continuateur de Fabricius, n'en connaissent pas d'édition.

Théodore Prodromus a commencé son année par le mois de mars ; c'est peut-être pour faire preuve d'érudition, ainsi que le détestable Eumathius, qui, au quatrième livre des Amours de Hysménias, a commencé par le mois de mars la description des mois peints allégoriquement sur les murailles d'un jardin, dans la ville inconnue d'Aulicomis. Toutefois, il y a peut-être dans cet arrangement des mois plus de désordre que d'art : en effet, dans le manuscrit de Vienne, c'est par septembre que commence la liste. Les mots qui se trouvent dans la description de septembre, ont pu décider le copiste à le mettre à la tête de l'année.

Ceci, toutefois, n'est pas sans quelque difficulté. Je donnerai, après Théodore Prodrome, un autre calendrier médical et poétique, dont septembre est le premier mois. On trouvera aussi, plus bas, trois calendriers astrologiques, où l'année a le même commencement. Les astrologues, qui, je pense, ne mettaient pas d'érudition à commencer l'année de même que Romulus, donnaient-ils une préférence superstitieuse au premier mois de l'année Judaïque ! Au reste, je publierai un autre calendrier du même genre, où janvier est le premier mois. Je laisse à d'autres le soin de chercher l’explication de ces différences.

Le nom de Théodore n'a pas été écrit par le copiste» ou bien il n'est plus lisible ….. Et, ce qui prouve l'identité des deux copies, Kollar cite le premier vers de septembre, et ce vers se trouve au même lieu, dans le manuscrit du Roi. Dans celui de Vienne, chaque mois est décrit en six vers; dans celui-ci, avril et juin n’ont que quatre vers, par la faute du copiste assurément. Au reste, ces vers, que le titre annonce comme des iambes, sont des vers iambico-politico-dodécasyllabes, où le nombre des syllabes et l’accent de la pénultième sont les seules règles rigoureusement suivies.

…………………………………………………………………………………………………….. ;

Avant d'arriver à Hérophile, je prie les lecteurs· hellénistes de ne pas juger avec trop de rigueur la traduction que j'ai faite de son Traité. La synonymie de l'histoire naturelle est si embarrassante» que je crains bien de m’être trompé plus d'une fois : ils sauront apprécier ces difficultés. J'avais pensé à donner le texte sans traduction ·; mais un ouvrage de cette nature peut intéresser plusieurs personnes, auxquelles la langue Grecque n'est pas familière, et qui regretteraient de ne pouvoir le lire, si je m'étais· borné à y faire quelques notes. J'ai sacrifié tout amour propre personnel à cette idée d'utilité.


 

L'ANNÉE ALIMENTAIRE,

par le sophiste

HÉROPHILE;

Où sont indiqués, pour chaque mois, les aliments dont il faut user ou s'abstenir.

 

Janvier.

 

Il convient de prendre j en sortant du lit, du vin qui soit doux; de boire du conditum;[1] de manger des ragoûts, et des aliments chauds et doux[2] ; d'user d'ail et de décoction de porreau,[3] de mouton tiède et rôti, de jeune porc rôti, et de sauces assaisonnées de poivre, de nard, de cannelle,[4] de carvi oriental.[5] En faisant rôtir le porc, il faudra l'arroser de vin miellé. Parmi les autres espèces d'animaux, on pourra manger des poulets, des pigeonneaux blancs et pattus, de petits canards, des oisons, des grives, des cailles, des passereaux; en poissons, des scorpions,[6] des surmulets, des cabots,[7] des pagels,[8] des athérines,[9] des mélanures,[10] à la poêle. Il faudra manger la dorade,[11] et les autres poissons que j’ai nommés, avec un assaisonnement d'aromates. Parmi les légumes, on mangera, avec du garum[12] mêlé d'huile, le chou, les carottes,[13] le porreau, les asperges sauvages, les asperges de marais,[14] le petit houx,[15] les bryones, et l'ail,[16] mais rôti et sans huile : on en boira la décoction[17] mêlée avec du nard et du miel. Les ……. boiront du xirozème, prendront du nard, du poivre, de la cannelle, des clous de girofle,[18] du styrax, et du miel en quantité suffisante.[19] En fait d'herbes d'assaisonnements,[20] on emploiera la roquette, le porreau, le persil, les petits radis, la rue, la menthe et la livèche.[21] On pourra, pour tremper les aliments, avoir de la moutarde, du cumin, du garum au vin. Parmi les graines,[22] on peut manger des gesses et des vesces[23] en farine, assaisonnées sans huile et avec du cumin écrasé. Parmi les fruits, on choisira le raisin sec, les amandes, les pommes de pin, les pistaches et les pommes cuites. Les personnes qui ne sont pas difficiles peuvent prendre de la compote de coins et un peu de citron, de la grenade, des poires, des dattes, et de la crème mêlée de miel et de nard écrasé, et de l'eau d'alica. Il ne faudra pas se baigner plus de quatre fois ; on se fera frotter avec du nitre cuit dans du vin faible, dont on fera une pâte à friction, en y jetant trois drachmes[24] d'aloès, une drachme de myrrhe, et deux jaunes d'œuf. Cette préparation est suffisante pour une seule personne. Avant de l'employer, il est convenable d'entrer dans le bain, et de se faire jeter sur le corps deux ou trois potées d'eau ; puis, l’on sort, et on se fait bien éponger; alors, et avant la sueur, on emploie l'onguent, que l’on garde sur soi quelque temps; après quoi on le fait tomber avec un lavage de vin cuit, des jaunes d'œuf, et un mélange d'eau de rose chaude. Jusqu'à l'équinoxe de mars, on pourra, pour mettre la pituite en mouvement,[25] sacrifier à Vénus. La constellation des gémeaux est observée depuis le 11 jusqu'au 15.[26]

 

FÉVRIER.

 

Il est bon de prendre, dès le matin, du vin vieux et odorant. En viandes, on mangera de celles qui sont indiquées pour le mois précédent. En poissons, tous les coquillages sont permis, et les poissons saxatiles, comme les lapines,[27] les scares,[28] les stromatées,[29] les goujons de mer. Les fritures se feront avec de la farine et de la moutarde. Les sauces, les fruits, les herbes à assaisonnements, et les autres légumes, comme dans le mois de janvier; et de même, nul changement pour les bains, les onctions et les plaisirs. Il faut s'abstenir de tout légume sauvage, et de chou et de betterave;[30] ne point boire de décoctions quelconques, si ce n'est celle de porreau, de persil, de fenouil, d'ail[31] ; et il en faut rehausser le goût. On observe aussi, dans ce même mois, la constellation de la Lampe.[32]

 

MARS.

 

Il est à propos d'user de boissons et d’aliments doux; de boire et de manger suffisamment et sans excès· Il faut s'abstenir de tout aliment acre, amer, et aussi de passions haineuses et de mouvements furieux.[33] On peut manger de tous les poissons, excepté ceux qui n'ont pas d'écailles : il faut surtout faire fréquent usage du loup,[34] du cabot, de la raie,[35] du smaris.[36] Parmi les graines, il faudra tremper les fèves, les faire bien bouillir, puis y mettre du sel et de l'huile d'olives vertes. Il faut aussi user de la graine de fenugrec mêlée à des lupins qui aient subi deux cuissons, et assaisonnée avec du miel et du nard. Lavez la graine de fenugrec trois fois, broyez-la avec les mains, puis faites-la cuire et bouillir légèrement, de peur que, si elle bouillait trop, elle ne devînt indigeste, astringente, en perdant son suc, c'est-à-dire son amertume, et qu'elle n'obstruât les entrailles : adoucissez-en l'amertume avec du miel.[37] Mangez les gesses et les vesces en farine, et les haricots en farine aussi, et cuits et recuits avec de l’oxymel.[38] En fait de légumes, mangez des betteraves, de la mauve,[39] de l'arrobe,[40] des asperges de toute espèce, des champignons;[41] mais point de bryone, point de petit-houx, à cause de leur amertume. En confitures, prenez par intervalle des olives confites dans la saumure, et de l'oxymel; mais absolument rien d'acre. Parmi les fruits, tous ceux qui ont été nommés déjà peuvent convenir. Pour boisson douce, buvez du conditum, mêlé de poivre, de cannelle, de girofle, et de nard en quantité. On prendra, six bains, dont trois le troisième jour de la semaine,[42] à la troisième heure, sans onction d'aloès et de myrrhe ; et les trois autres, le cinquième jour de la semaine, et sans cette onction également. Les frictions avec le nitre sont utiles. Boire des vins blancs odorants et foncés en couleur.[43] De la modération dans les plaisirs de l'amour. Manger des oignons rôtis, pour mettre la pituite en mouvement. On observe aussi la constellation de l'Hirondelle.[44]

 

AVRIL

 

Les câpres conviennent, et les raiforts, la menthe, le poivre, le basilic, la sarriette,[45] les raves, la moutarde, la rue. Il faut s'abstenir de toutes les choses acres, parce qu'elles excitent l'estomac.[46] Mangez des viandes délicates et nourries, comme de l'agneau qui paisse, non pas de l'agneau qui tète, ni du chevreau de lait ; usez en général de la chair de mouton jeune[47] et coupé, maigre et bien cuite. Faire de ces viandes des jus médiocrement assaisonnés, avec le nard, par exemple, la coriandre verte, un peu de poivre, et la foliole séminale, c'est-à-dire, la fleur du cnichaut;[48] de façon à tenir le ventre libre. On se doit abstenir de la viande de porc. Parmi les oiseaux, on mangera des poules et des poulets mâles, des pigeonneaux blancs, des oies et des canards, délicats, maigres, bouillis avec le nard, et rôtis. Il faut boire et manger doux, comme il a déjà été dit. En poissons, on mangera de petits loups, des cabots, des porcelets,[49] des dorades, des pagres, avec une courte sauce épicée. Les lapines, les serrans, les rougets-grondins,[50] les saurels,[51] les mélanures, et, en un mot, tous les poissons à chair molle et à écailles, on les mangera frits ; on en pourra bien mettre un petit nombre à la sauce, mais un petit nombre seulement. On s'abstiendra de toute espèce de graines sèches ; on mangera les graines vertes avec les viandes indiquées. En légumes, l’arroche, la laitue, l’aneth vert, la coriandre, seront modérément assaisonnés avec le garum au vinaigre scillitique. On usera, d'ail vert, mais avec discrétion, et rôti ; et on le mangera avec de l'huile et du sel dodécathée.[52] Il faut pareillement manger peu de porreau. On s'abstiendra absolument des fruits secs. On boira des vins très odorants, anisés et blancs. On respirera des parfums ; la violette, par exemple, la rose, le lis, la camomille, en un mot, toutes les fleurs odorantes, et le romarin, le musc, l'essence de rose. De la modération dans les plaisirs vénériens. Huit bains. On se frictionnera avec du savon de la Gaule.[53] On appliquera, une fois seulement dans le mois, une onction liquide, sans aloès ni myrrhe, où il entrera trois jaunes d'œuf et de l’eau de rose. On observe, depuis le sept, la constellation de la Mort.[54]

 

Mai.

 

Il faut, pour prévenir les céphalalgies subites, s'abstenir de toutes les choses sèches, de mauvais suc, bilieuses, telles que les pieds, les têtes,[55] les intestins, les nerfs, les foies,[56] les poumons, le poisson salé, le faon de mer,[57] la viande de bœuf et de fièvre, et tout ce qui épaissit les humeurs. On devra user des viandes indiquées précédemment ; et, pour la conduite, le régime et les bains, se conformer aux règles données pour le mois dernier. En légumes, on prendra les asperges de marais et le fenugrec. On évitera les aliments secs, salés et amers. On observe aussi l’astre du Vieillard.[58]

 

Juin.

 

Il est convenable d'avaler, à jeun, trois gorgées d'eau froide, et pas davantage ; de rester sans manger jusqu'à la troisième heure ; de faire un usage modéré des boissons délayantes et froides; de s'abstenir des choses sèches et acres, comme le poivre, le clou de girofle, la cannelle, et en général tous les aromates. En légumes, on évitera le persil, l'ail, l’ognon, le raifort, la roquette, le cresson, la moutarde verte, l’origan pilé,[59] l'hysope, la rue, la menthe, la sarriette, le porreau, le petit houx, et toutes les plantes chaudes, à cause de l’irrégularité de la bile. On mangera en viandes, du mouton, c'est-à-dire du bélier entier et coupée maigre, et bouilli. On laissera la graisse ; toutefois la chair devra avoir été prise d'un bélier gras. On mangera de l'agneau qui paisse et qui tète ; du chevreau de même qualité, maigre, et rôti, mais sans assaisonnement, si ce n'est de coriandre, de nard et d'anis:[60] on n'en mangera que modérément. On s'abstiendra de toute espèce de bouillons. En oiseaux, on mangera des poules, des poulets, des pigeonneaux blancs et pattus, maigres, bien cuits, tièdes et rôtis. On boira du vin vieux, blanc, odorant, anisé, non coloré, vieux surtout. Parmi les poissons, on choisira tous ceux qui ont la chair délicate, comme les lapines, les serrans, les grondins, les spares, les chrysaphes,[61] les goujons de mer, &c. ; mais on s'abstiendra des loups, des cabots, des muges, des homards, des crabes, et de tous les coquillages. La sauce des poissons sera accommodée avec le nard et la coriandre fraîche. En légumes, on mangera, avec les viandes indiquées, l'arroche, la courge, le chou marin,[62] la betterave. On fera cuire le pourpier avec de la viande;[63] on assaisonnera particulièrement avec le garum vinaigré, la laitue, la chicorée sauvage, l’ache, et le concombre[64] qu'on aura baigné dans le vinaigre scillitique, L'usage de la laitue sera modéré ; car l'abus affaiblit la vue. En fruits, on prendra, mais sans excès, des cerises blanches et des pastèques. Huit bains, sans onction et sans friction. On s'abstiendra du plaisir vénérien. On observe la constellation de l’Héliotrope depuis le vingt-un jusqu'au vingt-neuf.[65]

 

Juillet.

 

Il faut s'interdire le plaisir vénérien, l'excès de nourriture, tout travail, l'ivresse, la sieste,[66] les fruits secs, à cause de l'irrégularité de la bile. Les viandes seront les mêmes que dans le mois de juin. On ne mangera point de légumes acres, amers et échauffants. On choisira les poissons à chair délicate, tels que les grives, les lapines, et autres pareils, dont il a été parlé au mois de juin ; on les accommodera à l'oxymel et au garum vinaigré. Parmi les fruits, on prendra les plus aqueux ; par exemple, les melons, les figues blanches, que l'on salera, tous les raisins, le noir excepté, les poires, les pommes, les prunes, et tous les autres fruits aqueux. On boira à satiété du vin blanc odorant. La nourriture sera modérée ; le vin en grande quantité,[67] ainsi que les boissons rosées.[68] On ne prendra point de bouillons relevés, si ce n'est avec la carotte seulement, un peu de miel et de nard. Huit bains et des frictions avec la terre cimolée:[69] on restera peu dans le bain. Il ne faut point user de purgatif.[70] On observe aussi l’astre du Chien, du 13 au 16.

 

AoÛt.

 

Il convient de s'abstenir des aliments visqueux et épaississants, et de la mauve et de tout légume sauvage, et du plaisir vénérien ; de manger des betteraves, des blettes, des courges. En viandes, on mangera du mouton, du chevreau coupé. On mangera du lièvre et du chevreuil jusqu'au 15 du mois : ces viandes seront rôties, tièdes, et on y joindra de l’oxymel. Les poulets, les perdreaux,[71] les jeunes coqs, les pigeonneaux, pourront être mangés sans danger. En poissons frais, on fera usage, comme il a été indiqué au mois de juin; de tous ceux qui ont la chair délicate ; on y fera par intervalles une sauce à la moutarde. On s'abstiendra de tout poisson salé, et de tout fruit sec. On mangera des fruits nouveaux, comme figues, raisins, poires, prunes blanches, pêches mûres, et le reste. On évitera tous les légumes échauffants et secs, tels que la rue, la sarriette, l'ail, le porreau, la menthe, le cresson et le raifort. Quatre bains; une seule friction ; et cette friction, la faire après le 15. En compotes, on prendra des câpres, des olives à la saumure, avec de l'oxymel, des amandes vertes. On s'abstiendra des olives noires.[72] On boira des vins légers, odorants et rosés.[73] Les frictions se feront avec de la terre cimolée, du vinaigre et de l'huile. Du 15 au 27, on observe l'astre...[74]

 

Septembre.

 

Il est convenable de boire du fait et de manger du laitage, d'user de toutes choses douces, farineuses, de vin miellé d'eau rosée. En viandes, on mangera du mouton, des poules, des pigeons, des oies, des trogles,[75] et de petits animaux encore à la mamelle,[76] que l'on fera rôtir avec de l'oxymel. Il faut s'abstenir de bœuf, de lièvre, de cerf, de chevreuil, de perdrix, parce que, dans ce mois, la bile noire augmente. En poissons, tous les saxatiles à chair délicate et molle conviendront. On s'abstiendra des cabots et de tous les poissons sans écailles. Parmi les graines, on s'abstiendra des fèves et des lentilles. On ne fera qu'un usage rare de tous les aliments acres, tels que le raifort, le poivre, la moutarde, le girofle, le nard. En légumes, on évitera le chou. On fera bien de manger des fruits, comme on la dit au mois d'août. On boira du vin d'absinthe rosé, et du vin d'absinthe seule. Huit bains. On se frottera la tête avec de la terre cimolée (ainsi qu'il a déjà été prescrit), jointe au vinaigre et à l'huile de roses, jusqu'au 24. On usera d'onctions ordinaires et simples. Le plaisir vénérien est permis. On observe une des étoiles des Trompettes.[77]

 

Octobre.

 

Il est convenable d'user d'aliments acres. Avant tout, il faut avoir soin de ne rien manger que bouilli et cru. On boira des bouillons chauds. L'ail bouilli et relevé, le nard, le poivre, le girofle et la cannelle seront, tant solides que liquides, pris avec les aliments. En viandes, on usera de moutons, de poulets, de pigeonneaux, d'oies, de cailles, de râles,[78] et de petits qui te tient ; mais on s'abstiendra de petits canards, de tourterelles, de perdrix, de daims, de sangliers et de lièvres. En poissons, on évitera le cabot, l’agraule,[79] le surmulet, tous ceux qui sont sans écailles, et aussi les poissons salés : tous les autres sont bons. En graines, les fèves, les lentilles, les gesses, seront évitées ; en pourra manger des autres. En légumes, on s'abstiendra de choux et de raves ; les autres sont bons. On mangera des asperges de toute espèce, et des champignons blancs. En fruits, on peut manger des raisins blancs, des poires sauvages mûres, des pommes douces, des figues blanches, des nèfles, des pèches, des dattes, des coins. En fruits secs, on mangera des noix,[80] des pistaches, des amendes, des pommes de pin, des noisettes;[81] mais on s'abstiendra des baies de laurier. On boira du vin blanc, foncé en couleur, et absintho-rosé. On observe aussi la constellation du Taureau.

 

 

Novembre.

 

Il convient de s'abstenir de tous aliments humides ; de manger en viandes, du daim, du bœuf, du lièvre, du chevreau, du sanglier, de la chèvre sauvage et du chevreuil : toutes les autres viandes, oiseaux et le reste, seront mangées maigres et tièdes, bien bouillies et assaisonnées. On usera aussi de petits animaux qui tètent. On mangera de tous les poissons, excepté de ceux qui sont trop humides. On ne mangera ni grives, ni goujons de mer, ni poissons sans écailles, ainsi qu'il a été dit pour le mois d'octobre. On usera de toutes choses acres, de poivre, par exemple, et aussi des assaisonnements où il entre des aromates ; ajoutez la mauve et le porreau.[82] En graines, on évitera les fèves, les lentilles et les lupins: toutes les autres sont bonnes à manger. En fruits, on s'abstiendra des dattes et des baies de laurier. On boira du vin vieux, léger, odorant. Tous les aliments trop humides seront évités, et l'on prendra par intervalles du gâteau de fenugrec.[83] Trois bains, sans onction. L'usage du plaisir vénérien est permis.

 

DÉCEMBRE.

 

Il ne faut manger ni chou ni sisymbrium.[84] Pour les viandes, comme dans te mois de novembre ; et de même pour les poissons, les légumes, les fruits, les vins, les graines, et l’eau de porreau. Huit bains, et frictions avec l'aloès et la myrrhe. Ne pas manger du tout de lentilles. Prendre de la décoction de fenugrec, mais modérément. Eviter les câpres et les olives saumurées ; manger plutôt des olives noires avec de l'oxymel et de la moutarde. Se faire frotter avec du vin et du nitre. User du plaisir vénérien. On observe la constellation des Sept étoiles[85] depuis le 7 du mois.

 


 

[1] On appelait généralement conditum, toute sorte de vins préparés, soit avec des roses, soit avec de l'absinthe, ou du poivre, ou du miel : ces préparations prenaient le plus souvent une dénomination particulière. Les Latins appelaient mulsum le vin mêlé de miel. Il y a dans les Géoponiques ° une recette pour faire le conditum : si on lit sur cet endroit les notes de Needham et de Niclas, avec le commentaire de M. Jacobs sur la trentième épigramme de Palladas, on aura tout ce qu'il faut de renseignements sur ce vin médicinal.

[2] Cette union de qualités, chaud et doux, peut étonner.

[3] Je ne sais trop ce que c'est. Syméon Séthi dit que le porreau est utile aux estomacs froids. Il me semble que c'est à cette décoction ou à quelque mélange de ce genre qu'Hérophile donne le nom. Macer parle aussi des bons effets du jus de porreau.

[4] La traduction du mot par cannelle, a ici toute la probabilité désirable. On peut lire ce que Bogdan et Saumaise ont écrit sur le cinnamome antique; le premier, dans ses Remarques sur Syméon Séthi; l'autre, dans sa Matière médicale: celui-ci est fort abondant, selon son usage, et, selon son usage, un peu confus. En résultat, le cinnamome, dans les modernes, comme Hérophile, par exemple, est la cannelle.

[5] Dans un endroit de sa Matière médicale, où il montre que ce n'est pas le doronic, comme Guillandini le pensait, Saumaise a fait usage de l'autorité d’Hérophile ; mais il le cite avec une grande diversité de lecture... Quoi qu'il en soit, il paraît, d'après les passages recueillis par Du Gange, que c’est un cumin. Un lexique inédit de botaniques, écrit avec une négligence excessive, m'a offert cet article : Il y a un article tout pareil dans le Glossaire de Nicomède cité par Saumaise. Reste à savoir quel est ce cumin Éthiopique ! c'est le carvi, ce me semble, le Carum Carvi de Linné, le Seseli Carvi de M. de Candolle. Le docteur Coray croit aussi que c’est notre carvi.

[6] Les Grecs donnent encore aujourd'hui le nom de scorpion à un poisson; c’est le Scorpœna Porcus, et probablement le scorpeno des Provençaux : mais sont-ils le même poisson ? Les anciens établissaient une différence sensible entre les deux. M. Coray a traité de cette synonymie ; mais toute incertitude n'est pas levée.

[7] Agapius conseille de manger le cabot en hiver et en automne : c'est au reste un aliment assez malsain, s'il faut en croire Syméon Séthi. Le cabot est le Mugil Cephalus, et il ne faut pas le confondre avec le chabot. Le chabot est un très petit poisson de rivière, le Cotte Noir de M. de Lacépède. Régnier l'a nommé dans son excellente satire XIII : ne faites, dit l’hypocrite Macette :

« Ne faites, s'il se peut, jamais présent ny don,

Si ce n'est d'un chabot, pour avoir un gardon. »

Le gardon qui est, si je ne me trompe, le Cyprinus Rutilus, n'est guère plus recherché que le chabot : ce sera donc goujon pour goujon, et le sens du vers sera, ne donnez, rien pour rien, Ou, si les jolies couleurs du gardon, dont le corps est orné d'écaillés argentées, lui donnent la supériorité sur le noir et triste chabot, le sens sera : donnez peu pour avoir beaucoup.

[8] Je lui ai donné le nom de pagel, d'après M. de Lacépède : c'est le Sparus Erythinus. Plusieurs sont appelé rouget ; mais cette dénomination est équivoque.

[9] Poisson fort petit. Les auteurs des Géoponiques c placent les athérines parmi les poissons qui servaient à la confection ou à l'infection du garum. Les modernes ont conservé le nom et le docteur Coray, si je le comprends bien, dit qu'on les mange tout entiers et avec les arêtes, comme ici les goujons. Si M. Sonnini ne s'est pas trompé, c’est l’Atherina Hepsetus de Linné, l’Athérine Joël de M. de Lacépède. M. Sonnini observe que l'on confond avec les athérines beaucoup d'autres petits poissons ; ce qui a lieu de même pour nos petits poissons d'eau douce, que l'on confond sous le nom vulgaire de goujons

[10] Les Provençaux l'appellent clavelado ou mercé de melanouros: c'est l’oblade de nos côtes de la Méditerranée s, le Spare Oblade de M. de Lacépède. Le docteur Sibthorp rapporte, au sujet du mélanure, un fait dont il fut témoin pendant son voyage eu Grèce. « Comme nos matelots, dit-il, ramaient près du cap Capro, ils firent des libations de pain qu’ils accompagnaient des paroles suivantes : A ta santé, cap Capro, avec ta Capocaprena (ta femme), et tes Capocapropoula (tes enfants). Tiens, Capro; tiens, Caprena ; tenez, Capocapropoula. Petits poissons, petits mélanures, mangez le pain d'orge. » C'est probablement quelque reste d'une ancienne coutume. Le passage près du rocher était dangereux, et le mélanure abonde dans ce parage. On voit dans M. de Lacépède que les pêcheurs ont l'habitude d'attirer ainsi le mélanure, qui est très défiant, avec du pain, du fromage, quelquefois avec des boulettes de soufre. C'est sans doute aussi l'usage des pécheurs Grecs ; et ils ont imaginé ce petit discours, qui est dans le goût de quelques phrases de ce genre que nous avons en France. Ceux qui ont vécu aux champs ont souvent entendu de ces sortes de trivialités.

[11] On ne doute pas que ce soit la dorade ; M. de A. a peut-être eu tort de désigner la constellation australe de la Dorade, par le mot Xiphias, qui ne semble pas synonyme : c'est en cet endroit de ses Géorgiques Portugaises :

Tem huma sorte igual, os que domina

Ο austral Xiphias no hemispherio opposto.

[12] Le garum était une sauce de haut goût et malsaine composée avec des intestins de poissons, que l’on faisait macérer dans le sel. On y mettait aussi divers ingrédients : du vin, et c'était l’oenogarum ; du vinaigre, de l'eau, et l'on avait l’oxygarum, l'hydrogarum; de l'huile, et c'était l’elaeogarum. Rien n'était plus recherché des gourmands que cette puante préparation. Les interprètes des Géoponiques; Witellius, dans sa Défense de Pline contre Mérula ; Magius, dans ses Miscellanées; Bogdan, sur Syméon Séthi ; Adrien de Jonghe, dans ses Adversaria; Bernhold, dans l'index d'Apicius; Naigeon, et bien d'autres, ont recueilli et expliqué les passages des anciens sur le garum. Récemment, le docteur Coray en a parlé, avec son exactitude accoutumée, dans une fort bonne remarque sur Xénocrate, il y fait usage d'un passage de Syméon Séthi.

[13] Carottes : les Grecs ont conservé cet ancien mot; ils l'abrègent aussi, comme tous les neutres. Les Géoponiques se servent de cette abréviation. Il faut lire à ce sujet Hésychius avec ses interprètes, et surtout le docteur Coray sur le César de Plutarque. Par occasion, je corrigerai le Lexique de Nicomède.

[14] Il y a effectivement une variété de l'asperge, qui croît près des marais et des rivières ; les modernes l'ont observée, et les anciens aussi ; témoin, entre autres, Athénée.

[15] Mot à mot laurier nain, ce doit être la même plante que le chamaedaphne d'Apulée. La synonymie du psendo-Dioscoride e présente les noms Latins laureola et lactago. Serait-ce le Daphne Laureola de Linné, auquel le nom de chamaedaphne convient très bien, car sa tige reste très-basse: mais peut-on manger la lauréole, qui est un purgatif très violent, un poison ? Je crois donc qu’il s’agit du Ruscus Aculeatus de Linné : et il serait ici d'autant mieux placé à côté des asperges, que l'on mange les jeunes pousses de ce ruscus comme celles des asperges, son nom vulgaire est petit houx, houx frelon.

[16] Les Grecs font encore aujourd'hui, ainsi que tous les peuples méridionaux, un grand usage de l'ail cuit et cru ; ils l'emploient même, ce qui est fort ridicule, comme amulette et préservatif contre ce qu'ils appellent le mauvais-œil.

On voit, dit M. Pouqueville, de l'ail suspendu dans une maison qui vient d'être bâtie, afin d'en éloigner le mauvais-œil... chaque vaisseau Grec est pourvu d'une gousse d'ail enfermée dans un sachet, comme d'un préservatif contre les tempêtes...

« De l'ail de l'ail ! s'écrie-t-on, quand on craint un malheur. » Cette manière d'écrire plaît aux modernes. Par occasion, j'observerai que, dans le même endroit, M. P. n'a pas écrit assez correctement une phrase populaire, mais pleine de sens, que les Grecs emploient proverbialement quand il leur arrive un malheur : Sois le bienvenu (disent-ils), ô malheur, si tu es venu seul ** ! M. Leakes rapporte ce proverbe : « le coq même d'un homme heureux a des œufs.

** Nous avons le même proverbe.

« On dit bien vray : la mauvaise fortune

Ne vient jamais qu’elle n’en apporte une,

Ou deux ou trois avecques elle. Sire! »

dit Marot au commencement de son Epître au Roi pour avoir été dérobé. Et notre vieux et excellent Satirique commence ainsi cette satire onzième, qui se sent des lieux que fréquentait l’auteur.

« Voyez que c'est du monde et des choses humaines

Toujours à nouveaux maux naissent nouvelles peines. »

[17] Décoction sèche, je ne sais ce que c'est : de plus habiles que moi y sont embarrassés. Est-ce une décoction très réduite, réduite à consistance de rob ? Sont-ce des pastilles, des tablettes ! mais avec quoi est fait ce sirop ? avec quoi ces pastilles sont-elles faites ?

[18] Agapius, dans son Géoponique en grec moderne, ouvrage peu commun et assez curieux, parle du clou de musc. Le clou de musc est notre clou de girofle.

[19] C'est une formule médicale. L'auteur du Cynosophium donne cette recette pour la guérison des chiens qui ont des clous au palais : il faut entendre la galle du chêne, ou peut-être celle du cyprès. Le sens de la recette sera donc celui-ci : « S'il se manifeste des clous au palais du chien, prenez ammoniac en quantité suffisante ; trois dragées de noix: de galle ; un kération de vinaigre, du papier brûlé : écrasez, mêlez le tout, et appliquez sur le palais : la guérison suivra. » Rigault a traduit par aceti cyathum unum: mais qu'est-ce que c'est qu'un cyathus, une tasse de beurre ? Le kération était une petite monnaie et un petit poids: il y avait 24 kération dans le nomisma. On pourrait mettre approximativement un grain, une silique de vinaigre.

[20] Les Grecs modernes ont emprunté, comme on voit, aux Latins, le mot condimentum. Il m'a paru qu'ici ce devait avoir le même sens que le Latin condimenta, et s'entendre des herbes aromatiques que l'on emploie pour relever le goût des aliments.

[21] Nonnus emploie 8 drachmes dans l'onguent de calament. Le docteur Bernard ne dit pas ce que c'est.… Ce serait cette espèce d'ache que nous nommons livèche; que Dioscoride, Pline, Apicius, Macer, nomment ligusticum ; le Ligusticum Levisticum de Linné. Néophytus la confirme aussi par cet article de son Lexique. En résultat, on a, semble-t-il, trois noms synonymes d'une plante ombellifère, et fort probablement de l'angélique livèche, qu'on appelle aussi, vulgairement, livèche ou ache de montagne, et dont l'on mange quelques parties.

[22] Mot inconnu ; Il faut entendre par ce mot ces espèces de sauces hors-d’œuvre que nous employons aussi, comme la moutarde, le piment, &c.

[23] Je ne réponds pas que le mot de vesces soit tout à fait le mot propre. Stamati de Chypre appelait les pois verts qu'il voyait dans la cuisine de Crusius, par le même mot. C’est peut-être le Pisum Ochrus que les Zantiotes des montagnes mêlent dans leur pain; mais si ce n'est pas le Pisum Ochrus, la gesse à fleurs pâles, c'est quelque légumineuse voisine.

[24] J'ai traduit par drachme l'abréviation n. Je ne suis pas sûr de ne m'être pas trompé. Je ne connais pas d'exemple de ce poids dans la posologie médicale. Peut-être Hérophile aura-t-ϊl employé nomisma pour drachme, le nom d'une monnaie pour celui d'une autre monnaie.

[25] Dans le mois de mars, il recommande de manger de l'oignon, pour mettre la pituite en mouvement. Syméon Séthi dit que le thymbra émeut la pituite. Ces indications de l'ancienne médecine humorale ont aujourd'hui peu de valeur. Quant au précepte même d'user ou de s'abstenir, on le trouve fréquemment dans les anciens médecins. Dioclès, entre autres, le permet au solstice d'hiver, à l'équinoxe du printemps ; le tolère au lever des pléiades ; le défend au solstice d'été et à l’équinoxe d'automne. Le pseudo-Hippocrate, auteur de la lettre au roi Ptolémée, professe la même doctrine.

[26] Galien, au commencement de son Traité, « Que le bon médecin est aussi philosophe, » blâme les médecins de son temps, qui négligeaient l'astronomie, dont cependant leur maître Hippocrate leur avait recommandé l'étude. Hippocrate a dit en effet que « les connaissances astronomiques sont d'un grand secours pour la pratique de la médecine. » Mais Galien aurait dû blâmer plus sévèrement les médecins qui faisaient de l'astronomie une application ridicule, attribuant aux astres une influence qu'ils n'ont pas, et remplissant leur pratique de remèdes superstitieux et de préceptes puériles. Par exemple, il y avait de son temps un médecin nommé Daphnus, qui croyait que les repas nocturnes étaient on ne peut plus salutaires; et cela, parce que la digestion est une putréfaction, et que la lune est un astre putréfiant, par conséquent un astre digestif. C'est puissamment raisonné! Hérophile n'est pas beaucoup plus sage : il avait, à ce qu'il semble, quelques notions astronomiques ; et, à la fin de chaque mois, il indique une constellation visible sur l'horizon, lui attribuant probablement quelque influence secrète sur la santé. Ces constellations, il les désigne par des noms qui presque tous me sont inconnus : c'est en février, la Lampe ; l’Hirondelle, en mars ; l'astre Πανθνηταῖον, en avril ; ailleurs, le Vieillard, les Trompettes. J'ai consulté de savants Grecs, pensant que ces noms étaient peut-être populaires dans leur langue, et qu'ils pourraient les connaître ; mais ils ne les connaissaient pas. Je me suis adressé à de savants astronomes, pour qui ces noms n'ont pas été moins énigmatiques. Le célèbre M. Delambre a bien voulu, à ma prière, faire des recherches, dont le résultat, quoique peu satisfaisant, ne sera pourtant pas lu sans intérêt. Voici ce qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire:

« Je vous avouerai franchement que les constellations de votre médecin Grec me sont totalement inconnues. Je sais qu'Aldébaran, ou la Claire des Hyades, s’est appelé quelquefois Λαμπαδίας. Jamais je n'ai rencontré d'étoile Χελιδών. Ptolémée, dans son calendrier, marque les jours où apparaissent et disparaissent les hirondelles. Un vieux calendrier Romain indique en février l'arrivée de l'hirondelle le 23 ; et le même jour il fait lever Arcturus le soir. Le mot Πανθνηταῖον est tout nouveau pour moi ; je ne vois que le Scorpion dont la réputation soit assez mauvaise pour mériter ce nom ; mais je n'ai d'ailleurs aucune raison pour croire que jamais on l'ait désigné par ce mot. Il ne m'est pas plus aisé de deviner quelle est la constellation du Vieillard. Je ne connais d'Héliotrope qu'un gnomon, qui servait à observer l'arrivée du soleil au tropique, mais aucun astérisme qu'on ait ainsi nommé. Nous avons deux Chiens, Sirius et son précurseur Procyon ; quand on dit simplement le Chien, c'est de Sirius que l'on veut parler. Quant aux Trompettes, qui sont au moins deux, je ne sais où les placer. Pour l’Επτάαστρον, je serais tenté d'y voir les Pléiades, quae septem dici, sex tamen esse solent, mais qu'Hipparque assure avoir vues toutes sept, et qu'Euripide surnomme ἑπτάπορος ; mais je suis embarrassé de les voir arriver deux mois après le Taureau, dont elles font partie. Je suis également embarrassé du mot σκοπεῖται qui commence presque toutes les phrases. Ptolémée ne s'en est pas servi une seule fois dans son calendrier. Ce mot signifie-t-il simplement on aperçoit; on commence à voir t Je l'ai pris dans ce sens ; et, prenant des globes célestes à pôles mobiles, dont les pôles étaient placés pour diverses époques, j'ai fait tourner ces globes en mettant à l'horizon les Gémeaux pour janvier, et l'aiguille sur midi ou douze heures ; j'ai fait tourner ces globes, les arrêtant de deux en deux heures, pour examiner les constellations qui se voyaient au-dessus de l'horizon oriental ; j'ai vu ainsi :

                                                                                                          Suivant le médecin.

o.            Janvier.     Les Gémeaux................................................ Δίδυμων

II.           Février.     Procyon, Tête du Lion................................. Λαμπάς

IV.          Mars.        Cœur de l'Hydre et Queue du Lion............. Χελιδών

VI.          Avril.        Coupe et Arcturus........................................ Πανθνηταῖον

VIII.      Mai.          Serpent d’Ophiuchus, la Tête........ ............. Γέρων

X.           Juin.         Balance, Têtes d’Ophiuchus et d'Hercule. Ἡλιουτρόπιον

XII.        Juillet.      Le Scorpion............................................... …Κύων

XIV. Août.             Tête du Sagittaire, Dauphin..…………………………….

XVI.       Sept.         Capricorne, une des étoiles de Pégase Scheat. Σαλπίγγων

XVIII.   Octobre.   Verseau, autre de Pégase Algénib................ Ταῦρος ·

XX.        Novemb. Bélier...................................... ....................................................

XXII.     Décemb.  Pléiades et Hyades................. ………….......Ἐπτάαστρον

« Je n'ai pu éclaircir aucun de mes doutes. En commençant par les Gémeaux, je devais finir et je finis par l’astre aux sept étoiles. Mais pourquoi le Taureau se trouverait-il en octobre ? J'ai pensé que σκοπεῖται doit signifier plus qu'apercevoir ; qu'il doit signifier examiner, considérer, chercher en quel aspect il se trouve avec les différentes planètes qui ont une influence particulière sur telle ou telle partie du corps humain. Ne trouvant aucun secours chez les astronomes, j'ai eu recours aux astrologues, qui ne m'ont pas été plus utiles ; je n'y ai trouvé aucun des noms qui sont nouveaux pour moi. Il ne me reste donc aucun espoir de deviner les énigmes du médecin. Il est Grec et très moderne ; pour des recherches fondées sur les principes astronomiques, il n'eût pas été mal de savoir plus précisément l'âge où il a écrit, et le pays qu'il habitait. Mais tout cela devient presque indifférent, s'il s'agit d'astrologie et d'influences sûr le corps humain, comme il y a toute apparence. La première chose serait de savoir quelles sont les étoiles ou les astérismes qu'il a voulu désigner, et c'est précisément là ce que nous ignorons. Le médecin a probablement employé des dénominations vulgaires, et celles-là se trouvent rarement dans les livres. Vous consulteriez bien des astronomes avant d'apprendre ce que sont les Trois Rois ou la Poussinière ; vous ne trouveriez jamais que le Baudrier d'Onon et les Pléiades. Il en serait peut-être de même du Chariot, si Homère n'eût dit que l’Ourse s'appelle aussi ἅμαξα. »

[27] Le docteur Sibthorp, dans son Catalogue des poissons de Thessalie, observe que le nom vulgaire est donné au Labrus Merula et au Labrus Turdus. M. de Lacépède appelle Labrus Lapina, ou Lutjan Lapine, un poisson de la Propontide.

[28] C'est le Labrus Scarus, selon le docteur Sibthorp, le Cheiline Scare, le Scarus Autorum de M. de Lacépède. On a beaucoup écrit sur ce poisson ; et qui ne lirait que les Notes de Camus sur Aristote serait dans une grande incertitude, Mais on peut, avec assurance, suivre les deux auteurs que j'ai nommés d'abord. Les Zantiotes se régalent de son foie, et ils ont fait à ce sujet ces mauvais vers:

« Ils m'appellent Scare ; ils me mangent cuit : mange mon foie, afin de voir quel aliment je suis.

[29] Sans doute le même poisson que celui dont parle Athénée, au chapitre 118 du septième livre des Deipnosophistes. Ce poisson porte sur tout le corps dé longues baguettes dorées. C'est le Stromatée Fiatole de M. de Lacépède.

[30] Théodore Prodrome a conseillé pareillement de ne pas manger de betterave en février.

[31] Doit avoir quelque analogie avec une espèce de sauce que les anciens appelaient comme qui dirait salade d'ail, ail salé, ail saumure, saumure à l’ail : elle est nommée dans ce passage des Ulysses de Cratinus; c'est l'ogre Polyphème qui parle: « En revanche, compagnons charmants, je vous saisirai tous; vous serez tous par moi mis à la poêle, sur le gril, à la broche, puis trempés dans la saumure tiède, et la saumure au vinaigre, et la saumure à l'ail. Alors, soldats, je croquerai celui d'entre vous qui me paraîtra cuit le mieux à point. »

[32] Voyez la note 26 (Lettre de M. Delambre, plus haut) et la dernière note de décembre.

[33] Il me paraît si bizarre de placer la haine et la fureur parmi les aliments acres et amers, que je ne puis croire que le texte soit correct.

[34] C’est le Perca Labrax; le Centropome Loup de M. de Lacépède.

Archestrate n'avait pas oublié le loup dans sa Gastronomie : il indiquait dans quels parages il fallait le pêcher, pour l'avoir excellent ; comment il fallait l'assaisonner. « Gardez, disait-il, quand vous accommodez ce poisson, de vous laisser approcher par quelque Syracusain, quelque Italiote. Ces gens-là ne savent pas assaisonner le poisson. »

[35] Hérophile conseille l'usage de la raie mâle au mois de mars ; Archestrate conseille de manger la raie femelle au milieu de l'hiver. Au reste, je ne pense pas qu'il faille entendre rigoureusement les mots. Il est probable qu'on les employait le plus souvent au hasard, et sans y attacher l'idée du sexe.

[36] Voyez Camus à l'article Smaris, dans ses notes sur Aristote.

[37] Aétius conseille aussi la boisson de fenugrec; il y mêle pareillement le miel, mais en petite quantité, de peur que la décoction ne devienne mordante, acre.

[38] Agapius conseille de faire cuire les haricots avec du poivre, de la moutarde, de l'huile, du vinaigre, pour en corriger les mauvaises qualités.

[39] Epicharme l'a employée dans son dialecte Dorique : « Je suis plus doux que la mauve, » disait un de ses personnages. La mauve peut être placée parmi les plantes visqueuses. Notre auteur, conseillant de s'abstenir, en août des aliments visqueux et épaississants, met la mauve de ce nombre. Dans Columelle, j'aime mieux lire avec plusieurs manuscrits et anciennes éditions :

Et moloche prono sequïtur quae vertice solem,

que malache avec Gessner et Wernsdorf.

[40] Le chrysolachanon est l’atriplex des Latins. Le chrysolachanon dit Agapius, est presque de la même nature que la betterave et l'épinard. Dioclès me place parmi les plantes sauvages bonnes à faire cuire. Les modernes ont conservé ce nom ; mais il semble chez eux plus rare que l'autre ; ajoutez les Gloses médicales citées par le docteur Bernard, sur Synésius et sur Nonnus. Synésius écrit une autre forme. Actuarius, dans le chapitre six de son livre de la Diète, traite; des légumes, dit que la chicorée fait un sang léger, mais plus pur que l'atriplex. Quelques-uns ont cru que c’était la blette, mais Synésius les distingue formellement.

[41] Ce mot est sans doute une altération d’ἀμανίτας. En octobre, Hérophile conseille les asperges. Je ne m'étonne pas de voir les champignons parmi les légumes. Je me rappelle un passage de Dioclès, dans son Hygiène, où les truffes et les champignons sont nommés avec la bette, la mauve et l’arroche. Le docteur Sibthorp observe que les Grecs actuels appellent ἀμανίτας l’Agaricus Campestris, qu'ils regardent avec raison comme la meilleure espèce de mousserons, et aussi l’Agaricus Procerus, que nous appelons vulgairement grisette. Conseillé en octobre, serait-ce l’Amanita Alba de M. de Lamark, lequel est assez bon à manger, et croît justement en automne!

[42] La superstition assez niaise de prendre trois bains le mardi, et trois le jeudi, est fort digne de ce médecin. Je vois, un semblable précepte, dans le pseudo-Dioscoride. Il rapporte que, selon les Syriens les sucs d’arnoglosson et de calament, édulcorés avec du miel, guérissent les fièvres, si on les prend le lundi, le mercredi et le vendredi. L'interprète latin traduit : si secunda et quarta parasceves (id est veneris) die exhibeatur. Cela ne fait que deux; jours ; il fallait, si secunda et quarta parasceve, id est veneris die exhiheatur L'auteur ajoute gravement: « Regardez cet effet comme un mystère ; car il est très réel et prouvé par l'expérience. » Sans cette réflexion j'aurais peut-être négligé de corriger la version du docte Sarrasin, mais on voit que la faute est de grande conséquence.

[43] A la fin d’octobre, l'auteur conseille de même l’usage d'un vin blanc, couleur de soleil. J’ai entendu foncé en couleur, tirant sur le jaune. Cette épithète donnée au vin est peu ordinaire.

[44] Voyez la note 26 (Lettre de M. Delambre, plus haut) et la dernière note de décembre.

[45] Thymbra solet graece dici, satureia latine, dit Macer

[46] Ce précepte est étrange, après l'usage conseillé si formellement du poivre, des câpres, &c

[47] Un personnage de la Ravaudeuse, d'Antiphane, ne veut pas manger du bouc âgé, mais, à ce qu'il semble, par crainte de la mauvaise odeur de cette viande, plutôt que par un motif d'hygiène.

[48] J'ai traduit littéralement, et selon l'étymologie. Le mot cnichaut, a été employé par le botaniste Duchesne ; d'autres ont dit cniquet et cnicaut. Les genres cnicus, cirsium, carduus, ont des espèces qu'il est facile de confondre. Aétius confirme, par son témoignage, la faculté laxative donnée par Hérophile : « Nous n'employons, dit-il, la graine de cnicus que pour les purgations.»

[49] Peut-être le caprisque de M. de Lacépède, qui est appelé porco, sur les côtes d'Italie. Voyez ce que dit Camus, à l'article Sanglier de mer, dans ses excellentes Notes sur Aristote.

[50] Le coucou est le Trigla Cuculus : on l'appelle aujourd'hui poisson volant et poisson hirondelle.

[51] Poisson fort incertain : j'ai pris parmi les noms vulgaires celui qui se rapprochait le plus du grec. Il faut voir Camus, à l'article Lacerto, et M. Schweighaeuser sur Athénée, VII, 120. Alexis parlait du saurel dans une de ses comédies.

[52] Je regrette qu'il ne se soit pas permis une digression, qui sans doute eût éclairci le passage d'Hérophile. Au reste, je ne doute guère que le sel δωδεκάθειον ne soit le même que le sel δωδεκάθειον, dont il est parlé dans Aétius, dans d'autres anciens médecins, et dont se servaient les calligraphes pour remédier à la fatigue des yeux.

Montfaucon pense que dans le mot il y a une allusion païenne aux douze Grands-Dieux : cela est vraisemblable. Un remède aussi merveilleux méritait un nom qui soit synonyme de divin, de céleste; qui fût même, s'il était possible, encore plus expressif.

Quelques dévots auront ajouté le nom de S. Luc pour corriger et purifier ce que δωδεκάθεος avait de païen et d'impie. Des deux formes, je préfère δωδεκάθεος, parce que je ne vois jusqu'ici, pour l'autre, que l'autorité d'Hérophile, ou même que celle de son copiste ; parce que l'étymologie devient plus facile à saisir, et que l'on ne court pas le risque de penser au mot soufre, qui, dans une composition chimique, se présente à l'esprit assez naturellement ; parce que le fameux souper d'Auguste fut nommé cœna δωδεκάθεος, et non pas δωδεκάθειος; parce que cette rare plante, dont il est parié dans Pline, et qui guérissait tous les maux, s'appelait dodecatheos herba, et non pas dodecatheios. Cette plante, selon Pline, prenait son nom des douze Grands-Dieux, dont ses vertus rappelaient la puissance, ce qui confirme l'étymologie donnée par le P. Montfaucon au sel dodécathée. Quoique je doive avoir peu affaire aux puristes dans la traduction d'un médecin, et dans l'emploi de termes techniques, je dirai pourtant, pour leur complaire, que dodécathée, qui n'a pas besoin d'autorité, qui peut s'en passer, a celle de Voiture; « Il n'y a point, écrit-il à Costar, de si petit mets qui ne vaille mieux que le dodécathée d'Auguste. »

En faisant des recherches sur le sel dodécathéè, j'ai, par occasion, recueilli des détails sur quelques autres sels; et, comme ils peuvent intéresser un peu l'histoire de la médecine, je les placerai ici. Il ne serait peut-être pas inutile de comparer ces recettes avec celles d'Aétius, qui à donné plusieurs compositions de ce genre. J'en laisse à d'autres la peine et le soin.

[53] Nonnus, dans une de ses nombreuses et inutiles recettes contre la chute des cheveux, fait entrer une livre de savon de la Gaule.

[54] Voyez la note 26 (Lettre de M. Delambre, plus haut) et la dernière note de décembre.

[55] Les têtes et les pieds des animaux sont souvent nommés ensemble par les anciens. « On apporte ensuite, dit Athénée, des plats remplis de viandes bouillies, de têtes, de pieds: »

[56] Par faute d'iotacisme, signifie le foie dans l’idiome moderne. Il y a sur ces mots une excellente note du docteur Coray, dans son Commentaire sur Élien. Eutychius, patriarche de Constantinople, fut accusé par ses ennemis, dit Eustathe, son biographe, de manger des foies de poulets.

[57] Le faon de mer est la roussette, selon Camus dans ses Notes sur Aristote, p. 221.

[58] Voyez la note 26 (Lettre de M. Delambre, plus haut) et la dernière note de décembre.

[59] L'origan est encore usité en Grèce comme assaisonnement. Les agneaux, dit M. Pouqueville, sont mis à la broche, enduits de graisse et frottés d'origan.

[60] Il faut peut-être lire aneth, et non anis. La grande ressemblance de prononciation de ces deux mots doit les faire aisément confondre. Je connais une recette où l’aneth est conseillé le vendredi; et un jour pour un autre, le jeudi, par exemple, au lieu du vendredi, dérangerait le charme. Cette recette est mêlée parmi plusieurs autres, que Syméon Séthi, si je ne me trompe, a recueillies ; et, comme elles ont toutes le même but, je les publierai toutes à la fois. Elles ne donneront une grande idée, ni du médecin qui a conseillé sérieusement de pareilles folies; ni du siècle où elles trouvaient des lecteurs ; mais il est bon que ces aberrations de l'esprit humain soient connues. Je copie même ces recettes avec un certain empressement, parce que le manuscrit du Roi 2.286, où je les ai trouvées, en contient plusieurs autres du même genre qu'un lecteur indiscrètement zélé a biffées de façon à les rendre à peu près indéchiffrables. Si sa modestie a été offensée de la nature de quelques détails, il devait penser que la médecine a le droit de parler nettement des choses de son art ; où, si sa haute et dédaigneuse raison n'a pu souffrir que de telles extravagances fussent plus longtemps lisibles, il n'a pas fait assez ; il devait rayer de la sorte une bonne moitié du volume.

Je pense que Démocrite, qui en savait long sur ces mystères, usait d'une méthode plus philosophique et plus rationnelle. Au moins sa sagacité en ce genre est prouvée par un trait que rapporte Diogène de Laërte (IX, 42).

[61] Le poisson κρυσάφιον a dû être ainsi appelé de sa couleur dorée. Est-ce le même que le χρυσόφρυον nommé dans les mois de janvier et d'avril ?

[62] Ce légume est nommé dans les Géoponiques. Un glossaire, cité par Du Cange, traduit ce mot par Holus Marinum. Ce légume paraît synonyme de celui de Dioscoride et d'Aétius. Niclas ne le croit pas, parce que celui des Géoponiques est une plante cultivée, et que celui de Dioscoride est une plante sauvage. Il me semble que cette difficulté est petite. Beaucoup de plantes de jardins et de potagers gardent, cultivées, le nom qu'elles portent dans leur état naturel. Eudémus, dans son Traité des légumes, parlait d'une espèce de chou, qui, probablement, est celui-ci.

[63] Cet endroit peut confirmer une conjecture des interprètes de Dioscoride. Cet auteur dit du chou marin qu'il est indigeste, acre, très relâchant, si on le mange cru, et qu'à cause de son âcreté on le fait cuire avec de la graisse de bélier. Les interprètes ont fort à propos pensé qu'il fallait lire : avec des viandes grasses. Aétius, de même, reconnaît au chou marin cette qualité relâchante ; il lui trouve aussi, comme Dioscoride, un goût un peu salé.

[64] Le savant M. Condos m'a tiré d'embarras en me disant qu'à Corfou on donne ce nom à notre pastèque melon d'eau, le Cucurbita Lagenaria de Linné ; le Cucurbita Anguria de Candolle. Peut-être était-il plus correct de l'appeler Cucurbita Angurium, ou Cuc. Anguri. Je sais encore, du même M. Condos, que dans quelques cantons de Chio on l’appelle une courge, qui ailleurs est de forme quadrangulaire.

[65] Voyez la note 26 (Lettre de M. Delambre, plus haut) et la dernière note de décembre.

[66] Je pense qu'il défend surtout le sommeil de midi, après avoir mangé, à cause des céphalalgies apoplectiques qu'il peut produire. Un passage d'une comédie de Phérécrate revient assez bien à ce sujet :

« Pauvre homme ! tremble la fièvre, sans t'inquiéter pour si peu; et, au cœur de l'été, l’estomac chargé de figues de Fibalée, fais à midi un long somme ; puis attrape un bon mai de tête ; brûle, crie comme un enragé. »

M. Coray les a très bien développées dans ses excellentes remarques sur Hippocrate. On peut ajouter ce qu'ont observé Giacomelli et M. Blomfield sur le Prométhée; mais cela est moins important. Dans le passage de Phérécrate, j'ai, avec vraisemblance, entendu ce terme des douleurs lancinantes du cerveau, produites par la surcharge de l'estomac. Il, y a dans Aristide une phrase qui éclaircit parfaitement le texte du comique. Ce sophiste hypocondriaque, qui, dans ses Discours sacrés,

(Sacrés ils sont, car· personne n'y touche)

nous a conservé, en style attique et pur, l'exact registre de ses rêves, de ses bains, de ses vomissements, voire de ses selles, dit que se trouvant à Hadriana, où Apollon l'avait envoyé, il ne pouvait manger, et, s'il mangeait, ne pouvait garder les aliments ; mais aussitôt un grand feu lui brûlait la gorge, sa respiration était interceptée. Chez les deux malades, cette affection a lieu dans la surcharge de l'estomac. Aristide éprouvait donc à la tête des douleurs atroces et brûlantes. Il y a une pareille alliance de mots dans S. Grégoire de Nazianze, Basile explique le sens dans ce passage qui est nécessairement vague, faute de circonstances déterminantes. On peut· traduire : « Je vous ai frappé par l'ictère, et l'inflammation; et le sphacèle ; ou, si l'on veut, par la gangrène. »

[67] Le conseil de boire beaucoup de vin en juillet, pendant les chaleurs caniculaires, s'accorde avec des vers connus d'Alcée.

Et Eupolis, dans sa comédie des Flatteurs, racontait que Protagoras avait obligé, Callias de boire, afin qu'il eût, avant la canicule, le poumon bien lavé.

[68] Une sorte; de julep, de sirop, dans lequel l'eau de roses entre comme ingrédient principal. Voyez le docteur Bernard sur Nonnus, et le Glossaire de Du Cange.

[69] C'est confondre deux terres différentes. La terre cimolée, que l'on tire principalement de l'île de l'Argentière, est une argile dont les anciens se servaient comme de savon pour le blanchissage, et que les modernes emploient encore au même usage : elle a aussi quelque utilité chirurgicale. La terre de Samos s'employait comme dessiccatif: la ressemblance de propriétés, et l'apparence, extérieure, ont dû produire quelque confusion dans les dénominations. Néophytus a bien distingué la terre cimolée et celle de Samos.

[70] Il est à peu près impossible que ce soit ici du vin pur, puisque plus haut on a recommandé l'usage, même excessif, du vin. Dans la langue du Bas-Empire, c’est souvent du beau pain, du pain blanc ; mais conseiller de n e pas manger de pain, parce que l'on est au mois du juillet, serait un étrange conseil. Au reste, les Grecs, aujourd'hui, vivent assez de cette manière. « En été, dit M. Pouqueville, le peuple de l'Orient renonce presque à l'usage du pain, pour ne faire sa nourriture que de courges, de melons, et de fruits froids et aqueux. » Mais ce n'est pas, je pense par ordonnance du médecin qu'ils s'abstiennent de pain. Effectivement, les purgatifs deviennent inutiles, les entrailles étant déjà relâchées par l'usage des aliments aqueux, que le médecin a prescrits pendant ce mois. Ils sont même dangereux dans les chaleurs.

[71] « Il sort, et s'avance vers ces lieux, léger comme une perdrix. » Homère compare à des colombes Junon et Minerve marchant au secours des Grecs. « Elles s'avancent, et leurs pas ressemblent à ceux des colombes », c'est-à-dire, d'un pas léger, rapide, effleurant le sol. « Les Arabes, dit Kazwini, comparent la démarche des femmes bien faites à celle du kata. Une des qualités qu'on attribue au kata, c'est d'avoir une démarche agréable, parce qu'ils font de petits pas. » Le kata est un tétras, oiseau élégant. Les Persans tirent une pareille comparaison d'un autre oiseau, dont M. de Chézy a rendu le nom approximativement par perdrix. Le Pétrarque Persan, Djami, dit en parlant de Léïla, semblable à la perdrix élégante, elle s'avançait avec grâce »; et l'ingénieux traducteur a rapproché, avec beaucoup d'à-propos, du vers de Djami, une comparaison toute pareille de Bernardin de Saint-Pierre : « Si tu marches vers.la maison de nos mères, la perdrix, qui court vers ses petits a un corsage moins beau, une démarche moins légère. » Voilà, je crois, l'explication rendue fort plausible ; toutefois, dans un fragment d'un seul vers, il est toujours plus sûr de ne rien changer sans une absolue nécessité.

[72] Syméon Séthi a fait sur les qualités nuisibles des olives noires, une observation qu'Agapius a reproduite dans son style barbare. Il donne ensuite, pour les rendre, très agréables et très salubres, une recette merveilleuse que l'on peut chercher dans son livre. Diphile avait déjà observé que les olives étaient indigestes et rendaient la tête pesante. Tournefort trouvait les olives noires de bon goût: ce qui n'est pas contradictoire. M. Pouqueville remarque que l'on prépare à Coron une quantité considérable d'olives noires, qui se vendent dans les Échelles du Levant : cela ne prouve rien non plus en faveur de leur salubrité.

[73] Les vins rosés se faisaient avec un mélange de roses, de safran, d'anis, de miel, selon les Géoponiques, dont il sera bon de consulter les interprètes.

[74] Le nom de la constellation a été oublié par le copiste.

[75] Je ne sais ce qu'il entend par là: des passereaux, peut-être.

[76] C'est le mot latin lactentia : ce mot reviendra dans les deux mois suivants. Peut-être que cet adjectif, ainsi employé sans substantif, désignait particulièrement une certaine espèce d'animaux.

[77] Voyez la note 26 (Lettre de M. Delambre, plus haut) et la dernière note de décembre.

[78] J'ai suivi l'usage. On traduit ordinairement par râle, et Buffon appuie cette synonymie de son autorité; mais les remarques de Camus sur Aristote prouvent que la question n'est pas décidée.

[79] Je ne sais pas quel est ce poisson, à moins, peut-être, que ce ne soit une espèce d'anchois. On peut consulter M. Coray sur Xénocrate, et ce que j'ai indiqué sur les Épimérismes d'Hérodien

[80] Les noix royales, nos noix vulgaires, s'appelaient, plus anciennement, noix Persiques, {voyez Bernard sur Nonnus, chap. ix) ; et elles avaient aussi le nom de noix communes. Si feu M. de Malon, qui nous a laissé un livre sur les dangers de la saignée, « toujours pernicieuse et souvent mortelle, revenait au monde et lisait cette note, il me trouverait bien impoli de nommer si lestement l’archiatre de l'empereur de Byzance, lui qui l'a cité d'une façon si respectueuse : « Enfin, dit-il, Messieurs Actuarius, Sérapion, Mézué, Jean Fernel, Silvius, Mathiole, Chomel et Tournefort, font chacun un éloge particulier du séné. « Il n'y a pas moins de civilité dans cette phrase d'un traducteur de Stace : « La critique consultera aussi la collection immense des Commentaires de Gaspar Barthius, de Lutatius Bernatius, et d'autres savants en us, qui ont consacré leurs veilles à interpréter, à éclaircir le texte de Stace. Le travail de ces MESSIEURS n'a guère abrégé le mien. » L'ancien scholiaste Placidus Lactantius, ou Luctatius, et Bernartius, et Barthius; ne s'attendaient guère, après quelques centaines d'années, à cette politesse d'un traducteur Français. Vauvilliers, qui savait du grec, et n'avait point de littérature ni d'érudition, a fait ainsi de Manuel Moschopulus un clarissimus Moschopule, le prenant pour un monsieur Moschopule, professeur apparemment dans quelque université Batave ou Germanique. Brunck, qui aimait fort à rire, et surtout du professeur Vauvilliers, ne lui a pas, à cette occasion, épargné les sarcasmes et les duretés. Voyez sa Note sur le vers 708 des Guêpes.

[81] Noix Pontiques, vulgairement noisettes.

[82] Désigne-t-il deux végétaux par un seul mot, ou une seule plante ? la première opinion m'a paru plus vraisemblable. Le stoïcien Chrysippe, dans son Traité du beau, donnait cet utile conseil : « Ne mangez jamais d'olives quand vous avez des orties. En hiver, mangez des « lentilles aux oignons ». Οn ne s'attend guère à trouver un tel précepte dans un tel livre ; mais les stoïciens se piquaient, de s'entendre en cuisine. C'était un de leurs dogmes, que le sage fera bien tout ce qu'il fera, qu'il accommodera même parfaitement les lentilles ; et Zénon voulait que l'on mît dans les lentilles un douzième de coriandre, s'il en faut croire Timon, qui, peut-être a voulu s'amuser aux dépens de cette grave et sévère école.

[83] Pour les modernes, ce que les anciens appelaient « gâteau au miel » selon l'expression de Pausanias En cet endroit, Nonnus conseille, pour les crudités, l’hydrogarum froid, le vin de coin. Ce Nonnus employait encore contre l'indigestion un remède moins commun, sinon plus efficace ; c'était d'appliquer sur l'estomac un petit enfant bien dodu.

[84] Les glossaires cités par les interprètes traduisent par cunila, ou conila. Je ne sais de quelle espèce il s'agit, ni même de quel genre.

[85] Euripide a plus d'une fois désigné cette constellation par l’épithète de ἑπτάπορος. L'auteur aurait dû écrire ἕπταστρον. Voyez la Lettre de M. Delambre, note 26.

J'ai été assez heureux pour obtenir du savant M. Caussin quelques observations sur ces noms inconnus de constellations, et il a bien voulu me permettre de les communiquer à mes lecteurs ; les voici littéralement:

« Ἄστρον τῆς Λαμπάδος (en février) me paraît faire allusion au passage de Virgile (G. I, 393):

………………Testa cum ardente viderent

Scintillare olcum.

« Ces observations superstitieuses pouvaient avoir passé dans la médecine, et être en usage à l'époque d'Hérophile.

« L'στρον τῆς Χελιδόνος indique, je crois, le retour du printemps.

«Τὸ ἄστρον τὸ Πανθνηταῖον pourrait indiquer la planète de Mars, comme ἄστρον τοῦ Γέροντος me paraît signifier la planète de Saturne: