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table des matières de L'ANONYME DE BYZANCE

 

STRATÉGIQUES

 

DE

 

L’ANONYME DE BYZANCE



 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

EXTRAITS DES

STRATÉGIQUES

DE

L’ANONYME DE BYZANCE

TRADUITS POUR LA PREMIÈRE FOIS DU GREC EN FRANÇAIS

 

 

NOTICE

Le traité des Stratégiques se trouve, sans nom d’auteur, dans le manuscrit LV, 4, dit de Médicis, provenant de la bibliothèque de Laurent II, à Florence, pp. 77-130, et dans le manuscrit n° 2522 de la Bibliothèque nationale de Paris, 218 v° — 280 v°.

Il se compose de trente-trois chapitres.

Le premier traite de l’organisation de la cité et de la distinction des diverses classes de citoyens. Le deuxième a pour objet les gardes (οἱ φύλακες). Le troisième concerne les signaux par le feu (οἱ πυρσοί) : l’auteur y décrit un procédé beaucoup plus primitif que celui qui est indiqué par Ænéas et Philon.

Le quatrième est intitulé : περὶ φρουρίων, des forts d’observation. Le cinquième et le sixième traitent de la fortification et de la défense des places. C’est sans doute pour ce motif que, dans le catalogue imprimé de la Bibliothèque nationale, ce traité est intitulé Anonymus de urbibus condendis et adversus hostes muniendis. Les chapitres suivants ont trait presque tous à l’armement, à l’organisation et à la manœuvre des troupes, ainsi qu’à la conduite de la guerre en général. Je signalerai néanmoins aux ingénieurs le chapitre xix qui regarde le passage des fleuves, et le chapitre xxix où il s’agit de la construction et de la garde des camps.

Ce traité a été étudié pour la première fois, en 1854, par M. Th. Henri Martin, dans sa dissertation sur les Héron. Ce savant l’a indiqué comme l’une des sources où avait puisé Héron le jeune. En 1855, MM. Kœchly et Rüstow en ont publié le texte avec une traduction allemande et des notes,

Ces érudits ont modifié la division en chapitres, et nous avons adopté leur système dans les extraits suivants.

On ne connaît pas le nom de l’auteur; mais on peut inférer de diverses allusions semées dans le cours de son ouvrage, qu’il avait composé un traité de poliorcétique et qu’il vivait sous le règne de Justinien (527-565).

On remarquera, notamment à propos du chapitre viii, combien l’art militaire avait déchu depuis l’époque de Philon; néanmoins l’Anonyme de Byzance offre, dans certaines parties, un intérêt réel pour l’ingénieur: il donne, sur le choix de l’assiette des places fortes et sur leur rôle dans la défense des frontières, les seuls détails qu’aient laissés à ce sujet les auteurs didactiques de l’antiquité.


 

EXTRAITS DES STRATÉGIQUES

DE

L’ANONYME DE BYZANCE

 

 

CHAPITRE VI

DE LA DÉFENSE DES PLACES[1]

 

1. — Lorsque l’ennemi nous menace, nous devons, en premier lieu, établir des postes et des avant-postes (φύλακας καὶ προφύλακας), allumer des feux pour servir de signaux (πυρσὸν ἀνάπτειν), et organiser des tours d’observation (φρούρια), afin d’annoncer son approche.

2. — En second lieu, pour se mettre à l’abri de ses attaques, nous élèverons des remparts (τείχη), nous construirons des fortifications avancées (προτειχίσματα), et nous creuserons des fossés (τάφρους), de sorte que, lorsque l’ennemi arrivera, nous pourrons rassembler la multitude à l’intérieur de nos murs, ou lui fournir les moyens de gagner les hauteurs, de se retirer dans les îles, dans les cavernes, ou dans tout autre lieu capable de protéger ceux qui y chercheront un refuge.

3. — En troisième lieu, il faut occuper les positions d’où il est le plus aisé de surveiller l’ennemi, et les environner de palissades (χαρακώματα), de fossés (τάφρους), de chausse-trappes (τριβόλους), de trous de loup (βόθρους), de piquets (σκόλοπας) et d’autres défenses semblables.

4. — En quatrième lieu, lorsque l’ennemi marche contre nous et que nous sommes trop faibles pour lui résister, nous devons faire diversion, soit en soulevant contre lui les peuples voisins, comme l’a fait notre roi, soit en nous montrant disposés à attaquer son propre pays; non pas que cette attaque doive se faire réellement, quoique cela ait eu lieu plus d’une fois, mais dans le seul but de l’éloigner de notre territoire. Cet artifice a souvent réussi; ainsi, il est arrivé qu’un général voulant éloigner les ennemis, leur a envoyé, sous forme de transfuges, des prisonniers ou des esclaves avec mission de leur annoncer qu’il faisait des préparatifs pour aller attaquer leur propre pays: les ennemis quittèrent alors notre territoire pour aller défendre le leur.

5. — En cinquième lieu, lorsque nous sommes dans l’impossibilité absolue de rien opposer à l’ennemi, nous devons prendre le parti de la paix, bien qu’il en résulte pour nous quelque dommage; car de deux maux il faut choisir le moindre. C’est d’ailleurs le moyen le plus sûr de conserver ce que l’on possède : aussi doit-on préférer la paix à tout le reste.

6. — En dernier lieu, et cela est cependant le commencement et la fin de toute défense, il faut s’occuper avec le plus grand soin de tout ce qui concerne le boire et le manger, non seulement quand on est dans les camps, mais encore quand on est dans les villes.

CHAPITRE VII

DES QUALITÉS DES SENTINELLES ET DES DIFFÉRENTES POSITIONS OU ELLES DOIVENT S’ÉTABLIR

1. — Il faut que ceux à qui nous confions les postes et les avant-postes (τὰς φυλακὰς καὶ προφυλακάς) aient naturellement de la prudence et du courage, qu’ils soient habiles dans leurs conjectures et peu enclins au sommeil; qu’ils aient en partage la force du corps et qu’ils soient légers à la course. Il faut de plus qu’ils aient, à la maison, femme et enfants, et qu’ils possèdent plus de bien que les autres soldats; qu’ils prennent leur sommeil ordinairement pendant le jour et le moins possible pendant la nuit; encore faut-il qu’ils ne dorment pas tous à la fois : les tins dormiront d’abord, les autres après. Ils doivent aussi recevoir des gratifications, surtout lorsque c’est au fort de l’hiver qu’ils sont occupés à découvrir la présence de l’ennemi. Il est également nécessaire de choisir les lieux qui paraissent les plus propres à servir de postes d’observation (εἰς κατασκοπήν).

2. — Or, parmi les lieux qui se présentent, il en est qui n’ont ni arbres ni aucune espèce de végétation; d’autres ont des arbres; d’autres sont marécageux. Les lieux les plus favorables sont ceux qui offrent des espaces unis et entièrement nus; car, alors, les sentinelles ne manqueront pas de s’apercevoir de l’approche de l’ennemi. Si, au contraire, les lieux ne sont ni unis ni dépourvus de végétation, s’ils sont montueux, il faudra connaître la profondeur des vallées qui séparent les hauteurs, afin de savoir si les ennemis peuvent les franchir sans être aperçus par les postes.

3. — Les chevaux des soldats qui font la garde doivent être hongres (θλαδίας) et légers à la course : d’un côté, afin qu’ils ne hennissent point, d’un autre pour qu’ils ne se laissent point prendre. Souvent les ennemis, voulant se rendre maître des sentinelles, feignent d’être des prisonniers de notre parti; ils s’avancent, déguisés sous notre costume, et lorsqu’ils sont arrivés près de nos sentinelles, ils s’en emparent.

4. — Ensuite, d’autres ennemis, venant par une autre voie, tombent sur le dos de nos gardes et les font prisonniers. C’est là un grand danger pour ceux qui compteur sur la protection de leurs gardes.

CHAPITRE VIII

DES SIGNAUX PAR LE FEU ET DE LA MANIÈRE D’EN USER

1. — Il faut que les signaux par le feu (τοὺς πυρσούς) soient donnés autant que possible des points les plus centraux, afin que tout le reste de l’armée puisse voir de loin l’avertissement donné par la flamme ou la fumée. Cf. Philon, II, 31.

2. — Ceux qui sont chargés des signaux par le feu doivent ressembler, eux aussi, aux sentinelles, surtout par le courage, afin que la crainte de l’ennemi ne les oblige point à fuir avant le temps et ne les empêche pas de faire connaître son approche soit par le feu soit par la fumée.

3. — Ils doivent apporter à l’avance des broussailles, du chaume, des branches d’arbres, de l’herbe sèche; ils n’oublieront pas de se munir de pierre à feu (λίθον πυρίτην).

4. — L’étoupe que l’on jette sur le feu est la matière la plus propre à produire une grande flamme accompagnée d’une épaisse fumée qui s’élève fort haut.

5. — Il faut allumer deux fois les signaux lorsqu’on ne peut distinguer suffisamment si la troupe que l’on aperçoit se compose de bêtes sauvages, d’hommes qui cherchent un refuge ou d’ennemis. S’il est bien reconnu que ce sont des ennemis qui s’avancent pour nous attaquer, il faut allumer les signaux à trois ou quatre reprises, et même davantage si les ennemis sont en grand nombre.

6. — Il est, en effet, possible, ainsi que cela ressort de très anciens écrits, de faire connaître, non seulement que les ennemis approchent, mais encore quel en est le nombre; il suffit pour cela d’allumer les signaux autant de fois qu’on croit voir de milliers d’hommes.

7. — Il est bon de savoir que souvent l’ennemi se montre pendant le jour, qu’il se retire pendant la nuit et demeure alors en repos pendant quelques jours, et qu’il répète ce manège à plusieurs reprises. Les feux, que l’on allume à chacune de ses apparitions, font d’abord fuir les gens du pays; mais après avoir été trompés plusieurs fois, ceux-ci ne s’inquiètent plus des signaux et finissent par rester tranquilles chez eux; enfin, un beau jour, l’ennemi s’avance sérieusement et les fait tous prisonniers.

8. — Aussi, lorsque l’ennemi fait ses premières apparitions et ne se montre que partiellement, il faut rester tranquille, tout en allumant les feux une ou deux fois, et faire tenir la multitude prête à fuir, mais sans l’obliger à quitter ses demeures. Si l’ennemi se montre en grand nombre, il faut doubler ou multiplier les feux pendant la nuit et les fumées pendant le jour. Il est donc nécessaire que la multitude sache bien ce qu’indiquent les signaux, et qu’ainsi ces signaux soient bien connus de ceux qui les font et de ceux qui doivent fuir.

CHAPITRE IX

DES FORTS D’OBSERVATION

1. — Les forts (τὰ φρούρια)[2] sont destinés, premièrement à découvrir la présence de l’ennemi, secondement à servir de refuge aux déserteurs, troisièmement à protéger nos troupes quand elles battent en retraite, quatrièmement enfin à faciliter par leur nombre des invasions sur les frontières de nos ennemis, moins pour faire du butin que pour savoir ce qui se passe chez eux et les projets qu’ils méditent contre nous.

2. — Il faut placer ces forts dans le voisinage des frontières et pas trop loin de la base d’opération (τὴν παρόδου) de l’ennemi, pour que leurs garnisons ne puissent ignorer ses mouvements. Cette dernière condition ne doit pas cependant les faire mettre trop dans la plaine, parce qu’alors nos ennemis trouvant un terrain favorable, camperaient tout auprès de nos postes, et, s’y établissant pour longtemps, empêcheraient, si cela leur était utile, qui que ce fût d’entrer dans les forts ou d’en sortir.

3. — On ne doit pas moins les fortifier par l’art que par la nature de leur assiette; on ne doit ni y renfermer des valeurs, ni y rassembler un grand nombre de personnes, afin de ne point exciter la convoitise de l’ennemi, qui alors s’arrêterait pour les bloquer. Pendant ce temps, nous n’amènerions que très difficilement nos troupes sur le théâtre de la guerre, tandis que cela serait facile à nos adversaires, à cause des préparatifs qu’ils doivent avoir faits en vue de la retraite.

4. — Le commandant de la garnison, à qui est confié le soin de tout ce qui se trouve dans le fort, doit se distinguer entre tous par sa piété et par les autres qualités qui conviennent à un chef. Les habitants des forts ne doivent avoir avec eux ni leurs femmes ni leurs enfants, qui seront ordinairement dans une autre province; le désir de revoir les leurs les empêchera de fuir l’ennemi ou de livrer les forts.

5. — La garnison ne doit pas toujours se composer des mêmes hommes. On doit relever de temps en temps ceux-ci; et, pendant que les uns retournent dans leurs foyers, les autres arrivent de chez eux dans les forts.

6. — Quand les forts sont assez résistants pour ne pouvoir être pris d’aucune façon et que leur ravitaillement est facile, rien ne s’oppose à ce que les défenseurs y passent leur vie avec leurs familles.

7. — Il ne faut se fier pour la garde des forts à aucun homme qui aurait été prisonnier, ou qui aurait encore un de ses proches chez les ennemis, ou qui aurait été puni pour quelque méfait.

8. — Les forts doivent être abondamment pourvus d’eau, et ne manquer d’aucun des moyens d’existence nécessaires pour tout le temps que l’ennemi peut camper sous leurs murs.

CHAPITRE X

DE L’ÉTABLISSEMENT D’UNE VILLE

1. — Ceux qui veulent bâtir une ville doivent d’abord se préoccuper de l’assiette (τὸ χωρίον) et voir si, à raison de cette assiette, les remparts que l’on élèvera ne seront pas exposés aux surprises des assiégeants.

2. — Il faut, en second lieu, qu’ils songent à trouver de l’eau, et qu’ils examinent si l’on pourra s’en procurer, sans danger, pour boire et satisfaire abondamment aux besoins de la ville et de tous ceux qui, à l’occasion, viendront y chercher un refuge. Si l’eau se trouve en dehors des remparts, il faut choisir un autre emplacement, ou s’arranger de telle façon que les hommes qu’on enverra à l’eau n’en soient point empêchés quand l’ennemi arrivera dans le pays.[3]

3. — Il faut, en troisième lieu, que cet emplacement fournisse de la pierre qui puisse être exploitée facilement, ou qui le soit déjà;[4] il ne faut pas qu’on soit obligé de la faire venir de loin avec beaucoup de dangers. Il faudra de même que le bois ne soit pas éloigné et puisse être amené à travers des lieux pas trop difficiles, de telle façon que les édifices ne soient pas exposés à rester inachevés.

4. — Il faut examiner, en quatrième lieu, si le pays produit du blé, ou si l’on peut en tirer d’ailleurs, et voir de plus si ce blé pourra suffire aux habitants.

5. — Si toutes les conditions que nous venons d’énumérer sont remplies, on peut sans crainte bâtir la ville; sinon il vaut mieux y renoncer.

CHAPITRE XI

OU IL FAUT FONDER UNE VILLE

1. — Quand on a à fonder une ville, surtout dans le voisinage immédiat des frontières, il faut choisir son emplacement de préférence sur les hauteurs, de façon que les escarpements de la montagne en interdisent l’accès de toute part; ou bien auprès d’un très grand fleuve qui l’entourera naturelle ment ou par lequel on pourra la faire entourer; ou bien encore, auprès soit de la mer soit des grands fleuves, sur des isthmes qui ne se rattachent au continent que par une mince langue de terre.

2. — Mais, dans ces derniers cas, il faut que le rempart ne soit pas complètement sur le bord de l’eau; car alors il serait facile, à l’aide d’un navire, soit de le renverser en le minant par en bas, soit de s’en emparer par le haut en lui donnant l’assaut, ainsi que cela est indiqué dans les Poliorcétiques. Cf. Philon, II, 35; IV, 24.

3. — On ne doit pas l’éloigner de l’eau de moins de trente coudées (12,86 m), afin que les ennemis, après avoir élevé des tours sur leurs vaisseaux (τὰς ναῦς πυργοποιήσαντες), ne puissent se servir de machines (μηχαναῖς) pour monter sur le rempart; il ne faut pas non plus que l’espace soit de plus de cent coudées (46,20 m). Les limites que nous venons de prescrire sont avantageuses à la ville et incommodes pour les ennemis, qui s’exposeront à beaucoup de blessures en débarquant de leurs navires, et, qui ne pourront qu’avec les plus grands dangers se retourner et fuir vers ces navires. Les traits et les pierres lancés du haut des remparts ne sauraient manquer de les atteindre; car, obligés de descendre de leurs navires, d’y remonter et de battre en retraite en se couvrant de leurs boucliers, ils ne peuvent se mouvoir avec la même rapidité que s’ils couraient dans une plaine. Tout ce que nous venons de dire a trait à la force des lieux, autant que cela dépend de la nature physique du terrain.

4. — Je n’ignore point que beaucoup de gens ont surtout en vue le bien-être et pensent qu’on doit se le procurer par tous les moyens possibles. Ils se préparent alors à fonder de grandes villes, s’inquiétant beaucoup moins de la sûreté que de la beauté. C’est pourquoi on les construit souvent dans les plaines, en les ornant de jardins, de parcs et de prairies.

5. — Pour nous, qui avons égard aux incertitudes que réserve l’avenir, et pour qui la sûreté domine l’agrément, nous préférons bâtir les villes et les entourer de remparts (τείχη περιλαβεῖν) dans les endroits où les engins (μηχανήματα) des assiégeants sont impuissants.

6. — On peut néanmoins bâtir dans la plaine une ville, forte par la grandeur des pierres, le mode de construction des remparts, et aussi par le tracé (τὸ σχῆμα) et d’autres précautions, quand bien même il n’y aurait ni fleuve, ni mer, ni escarpements pour lui donner de la résistance.

7. — Mais de pareilles villes doivent, en premier lieu, être établies aussi loin que possible des frontières, afin de ne point être exposées à des attaques subites et imprévues; il faut de plus les construire de la manière suivante.

CHAPITRE XII

COMMENT IL FAUT CONSTRUIRE UNE VILLE

1. — Il faut que les remparts aient au moins cinq coudées (2,31 m) en épaisseur et vingt (9,24 m) en hauteur, afin que, d’un côté, ils ne soient point ébranlés par le choc des béliers et des pierres que lancent les machines pétroboles, et que, de l’autre, on ne puisse pas facilement appliquer des échelles au mur et arriver sans danger, grâce à elles, dans l’intérieur de la place. Cf. Philon, I, 9, 11.

2. — La force des remparts dépend beaucoup du tracé des tours et des murs. Quant aux tours, il faut leur donner, à l’extérieur, la forme d’un [parallélépipède rectangle élevé sur un] hexagone régulier dont un des angles est tourné vers l’ennemi, et dont on a remplacé les deux côtés qui forment l’angle opposé par une droite unique qui réunit les côtés parallèle de l’hexagone. A l’intérieur, les tours seront cylindriques depuis les fondements jusqu’à la hauteur du centre de la voûte hémisphérique qui sert de toit, et sur laquelle se tiendront ceux qui doivent combattre l’ennemi. Cf. Philon, I, 2, 3, 4.

3. — Il faut faire les créneaux des remparts à angles (ἐπάλξεις ἐγγωνίους), de façon à avoir des mâchicoulis (upoblejara) au moins trois spithames (0,69 m) de profondeur.[5] De la sorte, d’un côté, les créneaux seront plus solides et souffriront moins du choc des projectiles de l’ennemi; de l’autre, les défenseurs qui seront placés aux créneaux pourront se reposer à l’intérieur de ces espèces de niches, sans être dérangés par les passants et sans être eux-mêmes un obstacle à la circulation.

4. — Il faut faire autant que possible la partie inférieure de toutes les constructions, jusqu’à sept coudées (3,23 m) au-dessus du sol, en pierres de très fortes dimensions; ces pierres, très grosses et très solides, doivent être reliées les unes aux autres et avoir leur plus grande longueur dans le sens de l’épaisseur du mur, afin d’être moins facilement ébranlées par les béliers ou sapées à l’aide des tortues.

5. — Il faut aussi s’occuper avec soin des avant-murs (τῶν προτειχισμάτων), parce que, d’un côté, ils servent de refuge, aux gens des environs fuyant des campagnes vers les remparts, et qu’ils empêchent ainsi l’encombrement de la ville; parce que, d’un autre côté, ils permettent à ces fuyards de prendre part, eux aussi, à la défense de la cité; enfin et surtout parce que les béliers et les tortues viennent se heurter contre eux et ne peuvent alors s’avancer facilement vers le rempart. Cf. Philon, 35, 47; III, 2.

6. — Il est bon de creuser en avant de ces avant-murs un fossé (tajron), afin que le rempart se trouve ainsi protégé par un avant-mur et un fossé. On donnera à ce fossé une largeur d’au moins quarante coudées (18,50 m), et une profondeur supérieure ou au moins égale à celle des fondations du rempart, afin que, si les ennemis tentaient quelque entreprise souterraine, ils pussent être découverts et repoussés au moment où ils auraient conduit leur travail jusqu’à l’aplomb de l’excavation ainsi préparée. Cf. Philon, III, 5.

7. — Il faut rejeter et égaliser, entre le mur et l’avant-mur, le remblai (τὸν χοῦν) que l’on retire du fossé; on formera ainsi une plate-forme, large et élevée, d’où les défenseurs pourront avantageusement combattre les ennemis. Cf. Philon, I, 46.

8. — La profondeur indiquée plus haut convient aussi aux fossés des places qui sont situées dans la plaine; mais, si ces places sont assises sur des collines dent les pentes soient abordables par les ennemis, on les protégera moins bien par un fossé que par des ouvrages dans le genre des suivants:

9. — A trente ou quarante coudées (13,85 à 18,45 m) du mur, on entoure la ville d’un remblai obtenu en creusant le sol verticalement et en rejetant les terres vers l’extérieur, de manière à obtenir un talus très raide. De la sorte, on oppose à la marche de l’ennemi deux obstacles : la coupure qui ne doit pas avoir moins de trois coudées (1,40 m) de profondeur, et le remblai qui rend le terrain adjacent plus escarpé et d’un parcours plus difficile.

 

CHAPITRE XIII

COMMENT IL FAUT METTRE UNE VILLE EN ÉTAT DE RÉSISTER

1. — Comme nous ne nous proposons pas seulement de bâtir une ville, mais bien aussi de la mettre en état de résister aux machines des assiégeants, il faut bien que vous me permettiez d’aborder encore ce sujet.

2. — Les assiégeants percent les remparts (διορύττουσιν τὰ τείχη) en enlevant les pierres par assises, ou bien, si ces pierres sont trop grandes, en faisant çà et là des brèches dans lesquelles ils placent verticalement des bois résineux ou d’autres propres à cet usage, étayant de cette manière la partie supérieure de la construction pour l’empêcher de s’ébouler sur les mineurs. Cf. Philon, IV, 25.

3. — Quand ils voient le rempart près de s’ébouler, ils mettent le feu au bois résineux et aux autres bois, et se retirent; quand le feu a consumé ces bois, le mur s’écroule.

4. — Tantôt ils procèdent à la façon des taupes, et creusent le sol jusqu’à ce qu’ils rencontrent sous terre le rempart, en ayant soin de commencer leur galerie hors de la portée des pierres lancées du haut des remparts et de tous les traits dont on peut se servir contre les assiégeants; tantôt ils préparent des tortues de sapeurs (διωρυκτῆρας χελώνας), et alors, à ciel ouvert, ils approchent ces tortues du rempart, s’en servent pour le creuser et agissent comme nous l’avons indiqué plus haut.

5. — Quand les assiégeants voient le mur s’écrouler, ils s’assemblent en poussant de grands cris devant la brèche; car c’est pour arriver à ce résultat qu’ils ont miné le mur.

6. — Je vais indiquer maintenant comment les citoyens de la ville doivent s’opposer à cette machination (τοῦ τοιούτου μηχανήματος).

7 — Il faut dire d’abord que ceux qui creusent le sol, de peur que les citoyens ne s’aperçoivent de cette machination, se servent de certains couverts (προκαλύμμασι), en avant de l’ouverture de leur galerie, pour masquer leur travail. Aussi pourrons-nous prévoir que les ennemis préparent quelque machination de ce genre, quand nous verrons soit des déblais (τὸν χοῦν) s’amonceler, soit les assiégeants se servir de tentures (προπετάσμασι).

8. — Les ennemis ne font pas toujours leur mine (τὴν διώρυξιν) en ligne droite; quelquefois ils l’obliquent de façon telle que l’assiégé ne puisse reconnaître vers quel point du rempart ils se dirigent. C’est pourquoi l’on doit, à une distance d’au moins dix coudées (4,60 m) du rempart, creuser un fossé (τάφρον)[6] parallèle à ce rempart, et dont la profondeur soit égale à celle des fondations de la partie adjacente du rempart. On surprendra ainsi certainement les mineurs, et l’on pourra soit les noyer avec de l’eau, soit les asphyxier avec de la fumée.

9. — On peut aussi faire coucher sur le sol quelqu’un qui prêtera l’oreille tantôt ici, tantôt là, afin de percevoir les bruits souterrains. Lorsqu’on aura entendu quelque chose, on devra chercher à déterminer de la façon la plus exacte possible la position des mineurs et s’efforcer de les arrêter.

10. — Cela est utile: que les mineurs soient arrivés ou non jusqu’au rempart; car alors, ou bien nous leur enlèverons l’envie d’aller plus loin, ou bien nous leur couperons la retraite s’ils persistent à avancer.

11. — On ne doit pas rejeter les déblais du fossé du côté du rempart, mais sur le bord opposé, de telle manière que les sapeurs soient protégés par le remblai (ὑπὸ τοῦ χώματος) contre les traits de l’ennemi. De plus, le mur sera rendu ainsi bien plus difficilement attaquable; car les ennemis trouveront un obstacle à leur approche, d’abord, dans le remblai, ensuite dans le fossé.

12. — Nous indiquons ce procédé pour le cas où la ville n’est pas entourée d’un fossé; car, s’il y en avait déjà titi, il suffirait de l’approfondir pour surprendre facilement les mineurs.

13. — Si une partie du rempart venait à s’écrouler, par suite de la grande négligence des assiégés qui n’auraient pas su découvrir la présence de l’ennemi, nous devrions, pour nous isoler de la brèche, construire rapidement à droite et à gauche un ouvrage (τινὰ οἰκοδομὴν) qui, commençant d’un côté du mur écroulé, irait jusqu’à l’autre.

14. — La forme de ce mur doit être un triangle auquel il manque un côté représenté par la brèche, afin que si les ennemis s’emparent de la portion de rempart attaqué, ils ne deviennent point, par la même occasion, maîtres de tout le rempart; ils ne pourront se servir de pétroboles contre le nouveau mur et marcher contre lui, exposés qu’ils seraient de chaque côté aux coups des assiégés. Cf. Philon, III, 11.

15. — Nous avons exposé dans les Poliorcétiques comment on construit les tortues de sapeur; nous allons expliquer maintenant comment on doit les combattre.

16. — Nous dirons d’abord comment on les combattait avant nous : tantôt on versait dessus de l’eau bouillante, tantôt on les arrosait de poix fondue, tantôt on les couvrait de flammes. Le plus souvent on prenait des poutres à l’une des extrémités desquelles on fixait des épées, et, du haut des remparts, ou s’en servait pour frapper les tortues; quelquefois on jetait sur ceux qui les poussaient de la cendre ou de la chaux vive (ἄσνεστον) pulvérisée. Cf. Philon, III, 23.

17. — Voilà ce qu’on faisait avant nous; mais nous avons découvert quelque chose de nouveau, qui peut s’employer avec succès surtout contre les tortues; c’est pourquoi nous allons en parler.

18. — Premièrement, il faut, quand on voit les tortues de l’ennemi prêtes, prévoir vers quelles parties du rempart on pourra les approcher, et suspendre alors devant les créneaux une grande quantité de couvertures en poil, laine, ou lin, de la longueur qu’on voudra, mais d’une largeur suffisante pour pouvoir protéger contre les traits ceux qui sont sur le rempart.

19. — Nous fixons ces masques au haut des créneaux à l’aide de chevilles, puis nous rejetons l’étoffe au dehors et nous la laissons tomber sur le mur de telle manière que, d’un côté, protégés par ces couvertures, nous n’ayons rien à craindre des traits de l’ennemi, et que, d’un autre côté, elles ne nous empêchent point de combattre l’ennemi lorsqu’il s’approchera du rempart, ou lorsqu’il comblera le fossé, ou lorsqu’il amènera certaine de ses machines contre le rempart.

20. — Souvent aussi les ennemis, se couvrant de leurs boucliers, tentent de s’approcher du rempart par derrière les engins de siège (τῶν πολιορητικῶν μηχανημάτων); ils cherchent alors, les uns avec des frondes, les autres avec des arcs,[7] à chasser les défenseurs des remparts, pour que ceux-ci ne puissent s’opposer d’en haut à la marche des engins

21. — Si, alors, nous n’avons pu tendre nos masques, il faudra, de toute nécessité, avoir recours aux couvertures dont les citoyens se servent la nuit pour dormir et que l’on se procurera facilement; mais on devra auparavant faire ce qui suit.

22. — On construira la nuit un fossé à l’intérieur de celui qui existe déjà, et on rejettera les terres qui proviennent de cette excavation du côté du rempart. De la sorte, les tortues auront plus de difficulté, puisqu’elles seront ainsi arrêtées d’abord par le fossé, ensuite par le remblai.

23. — Si les assiégeants parvenaient à surmonter tous ces obstacles, et si, favorisés par la négligence des assiégés, ils préparaient le chemin à leur tortue en comblant le fossé et en coupant le remblai, ils éprouveraient à ce moment de très grandes pertes, exposés qu’ils seraient à des coups venant d’en haut et de très près. Nous devrions alors profiter du retard que ces pertes apporteraient à leur marche, pour faire certains préparatifs de défense dont jusqu’à ce moment nous ne nous étions pas occupés.

24. — Et d’abord, quand bien même la vigilance des ennemis nous aurait empêchés de creuser le fossé, nous n’en devrons pas moins nous efforcer d’opposer une digue (χῶμα) à leur tortue, en jetant de la terre du liant du rempart; car, arrêtée par cette digue, elle ne pourra avancer. Cf. Philon, IV, 46.

25. — Si, cependant, l’ennemi vient encore à en triompher (j’admets que la négligence et le découragement des assiégés puissent arriver jusqu’à permettre de tels résultats), il faudra jeter du haut des remparts, sur la tortue, de la paille, ou des branches d’arbres, ou des roseaux secs que nous enflammerons. Les ennemis ne pourront surmonter cet obstacle, à moins qu’ils ne soient assez hardis pour braver une mort presque certaine; car, si le feu est convenablement entretenu de combustible, il durera assez pour brûler non seulement la tortue, quand bien même elle serait recouverte de laine mouillée, mais encore ceux qui se trouveront au dessous. Il conviendra d’attiser la flamme et d’en augmenter le volume d’une manière formidable, en répandant de la poix sur le foyer. Cf. Philon, III, 23.

26. — Nous amortirons le choc des pierres que lancent les machines pétroboles (αἱ πετροβόλοι μηχαναί) de la manière suivante. Nous tresserons en filets des câbles d’an moins un doigt (0,02 m) d’épaisseur, et nous les ferons pendre, d’en haut, à deux coudées (0,92 m) en avant des remparts, en ayant soin de les transporter toujours devant les points menacés. Au moyen de leur souplesse, nous pourrons amortir le choc des pierres.

27. — Les procédés que nous venons d’indiquer contre les tortues peuvent s’employer également contre les béliers. Mais ce qu’il y a encore de mieux, c’est d’avoir une très grosse pierre que l’on soulèvera avec une machine et qu’on laissera ensuite retomber sur la tortue ou sur le bélier. Cf. Philon, III, 7.

28. — Que cette machine ait la forme suivante : On aura pour base un cadre en bois mobile sur des roues; les côtés seront réunis deux à deux par des traverses. De chaque angle partiront des montants inclinés les uns vers les autres et reliés par des traverses semblables à celles de la base. Au milieu de la base s’élèvera un mât vertical, tenu en place par le plus petit des cadres formés par les traverses qui relient les montants. Sur ce mât vertical, on fixera par son milieu un autre mât incliné qui formera balance, et à l’une des extrémités duquel on attachera la pierre; il suffira alors de tirer en bas l’autre extrémité pour élever la pierre. Quand celle-ci sera arrivée aussi haut que la machine pourra le permettre, alors on la laissera retomber; mais il faudra le faire de cette manière: les câbles qui retiennent la pierre doivent se réunir en un seul et passer à la partie inférieure à travers une noix (διὰ τινὸς καρύου), de sorte qu’en tirant la corde la pierre tombe.

CHAPITRE XXIX

DES RETRANCHEMENTS ET DE LEUR GARDE

1. — Dès que les soldats ont dressé leur tente et pris leur repas, ils doivent tracer les fossés et les creuser, en ayant soin de rejeter les terres à l’intérieur, de telle manière que l’épaulement, ainsi formé à côté de l’excavation (τὸν χάρακα μετὰ τὴν διώρυγα), atteigne une hauteur de trois pieds; quant au fossé lui-même, il doit avoir cinq pieds de largeur et autant de profondeur.[8] Cf. Philon, IV, 3, 8, 69.

2. — On tracera le fossé et l’épaulement suivant un rectangle, de telle façon que les tentes (τὰς σκηνάς) soient disposées les unes à côté des autres dans l’ordre de bataille de la phalange. Tous ceux qui sont sur un des côtés du camp peuvent alors se présenter à la fois aux assaillants : ce qui ne serait pas possible si l’on conduisait circulairement le remblai, parce qu’alors ceux-là seuls contre lesquels l’attaque serait directement poussée pourraient prendre part au combat.

3. — Il est utile, en outre, de désigner, pour chacune des faces du camp, une réserve de soldats, destinée, dans le cas d’une attaque nocturne, à porter secours au point menacé et à en renforcer la garde ordinaire. On évitera ainsi que le désordre ne se mette dans les troupes, tout le monde courant çà et là sans aucune espèce de commandement.

4. — Il est encore bon de couvrir, de nuit, par un retranchement (ἀνορύττειν), les portes qui se trouvent aux extrémités des rues du camp (τῶν ὁδῶν τοῦ στρατοπέδου), de telle façon que le fossé et l’épaulement présentent un obstacle continu. L’ennemi ne sera point ainsi encouragé par la facilité de l’accès à une attaque de nuit.

5. — ………………………………………………………………………………………………………

6. — On doit aussi semer des chausse-trappes tout le long de la contrescarpe; et, à vingt-cinq coudées en avant de celles-ci, ou tendra, à l’aide de petits piquets, de minces cordelettes auxquelles seront suspendues des sonnettes. L’ennemi qui chercherait à s’approcher secrètement la nuit ne saurait manquer de les mettre en branle, et annoncerait ainsi son arrivée.

7. — ………………………………………………………………………………………………………

8. — Ce sera une excellente mesure de sûreté que de faire camper un certain nombre de compagnies (ἴλας) de façon à servir en quelque sorte d’ouvrages avancés (προπύργια): on les formera de deux files (στίχους), le front tourné vers le dehors; ces files ne devront pas être isolées du retranchement, mais en communication avec lui. Il ne faut pas que les hommes qui les composent prennent leur repos au hasard; on les associera par couples pour dormir : ce sera d’abord le chef (τὸν ἰλάρχην) avec celui qui le suit dans la file, puis le troisième homme et celui qui le suit, et ainsi de suite jusqu’aux derniers serre-files. De cette façon, si l’ennemi s’avançait vers le retranchement entre ces troupes, celles-ci pourraient le frapper de droite et de gauche avec leurs traits et lui faire subir de grandes pertes. On devra, du reste, creuser un fossé autour d’elles, et prendre pour ces ouvrages les mêmes précautions que pour le camp proprement dit.[9]

9. — Il sera bon encore, pour tromper l’ennemi, de faire sortir, au coucher du soleil, par les différentes rues du camp, les troupes qui sont campées le long de ces rues. Elles iront jusqu’à deux ou trois portées d’arc; puis, lorsque la nuit sera tombée, elles rentreront chacune en silence dans leurs tentes avant que les portes du camp ne soient fermées. Cette manœuvre donnera à supposer aux ennemis qu’ils seront attaqués pendant la nuit, et leur fera craindre, s’ils marchaient eux-mêmes contre ce camp, d’être pris sur leurs derrières par les troupes qui en sont sorties le soir.

 


 

[1] Ce chapitre, sans titre dans le texte grec, n’est qu’une sorte de table où l’auteur indique ce qui lui paraît le plus intéressant à traiter relativement à la défense des places. Les chapitres vii, viii et ix ne sont que le développement du § 1; le chapitre x correspond au § 2, et ainsi des autres.

[2] Φρούρια, de πρὸ ὁράω, je vois en avant.

[3] Pausanias (X, ch. 18, 1.3) raconte que les Achéens assiégeant la ville étolienne de Phana, et ne pouvant s’en emparer, consultèrent l’oracle de Delphes. L’oracle leur répondit que, pour se rendre maîtres de la ville, il fallait observer combien d’eau les habitants consommaient. Les Achéens, n’entendant rien à l’oracle, désespéraient et allaient lever le siège, lorsqu’ils surprirent une femme qui était allée puiser de l’eau à une fontaine en dehors des murs. Cette femme leur raconta que les assiégés n’avaient plus d’eau dans la ville, et qu’ils étaient obligés de renouveler leur provision toutes les nuits. Les Achéens troublèrent alors l’eau de la source et réduisirent les habitants par la soif.

[4] A proximité des ruines d’une ville abandonnée?

[5] L’auteur entend probablement, par cette expression ἐπάλξεις ἐγγωνίους des créneaux munis de petites traverses de maçonnerie en retour, comme à Pompeïa (voir le second volume: Description des murs de Pompeïa). Peut-être aussi s’agit-il des angles que forment les supports des mâchicoulis avec le parement du mur. — Le mot ὑποβλέφαρα est nouveau il signifie littéralement qui sert à regarder au-dessous. Les anciens remplaçaient généralement ce genre de défenses par des couvertures tendues devant les créneaux, ainsi que l’indique notre auteur (ch. xiii, § 19. Cf. Philon, III, 3, 38. — On voit ci-contre un croquis des dispositions indiquées dans le texte. — Comparez avec la fortification de Nicée (2e volume).

[6] L’auteur dit plus loin (§ 12) que cette prescription ne s’applique qu’au cas où la place n’a point de fossé creusé à l’avance,

[7] En grec, avec des traits (βέλεσι).

[8] Ces dimensions sont tout à fait un minimum. — Au camp de César, sur l’Aisne, le remblai avait huit pieds de hauteur, et le fossé en forme de V dix-huit pieds de largeur sur dix de profondeur (Histoire de César, pl. 9). — D’après Végèce (I, xxiv), le fossé rapide (tumultuaria fossa), que l’on exécute lorsqu’on est pressé par le temps, doit être large de neuf pieds et profond de sept, tandis que le fossé régulier (legitima fossa) a douze pieds de largeur et neuf de profondeur. — Aujourd’hui, ce ne sont plus les dimensions du fossé, mais bien celles de l’épaulement, qui nous guident.

On trouvera un excellent mémoire du commandant Bial, sur les Camps romains, dans le 7e vol. de la 3e série des Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs (1862).

[9] A Novalaise (Savoie), M. Fivel a retrouvé les traces d’un immense camp retranché situé sur un plateau élevé: de distance en distance, des fossés normaux l’enceinte partent lu fossé principal. Ils étaient peut-être simplement destinés à abriter des défenseurs, comme l’indique ici l’Anonyme; on bien encore ils servaient de caponières pour aller à des redoutes analogues à celles que César avait établies aux abords d’un de ses camps situé sur une colline près de l’Aisne: « Ab utroque latere ejus collis transversam fossam obduxit circiter jiassoum cd et ad extremas fossas castella constituit, ibique tormenta collocavit. » (Bell. Gall.. II, viii; Histoire de César. t. II. p. 102, pl. 8 et 9. — Cf. Hirt, Bell. Afr., 38; Bell. Alex., 30.)

Ce genre d’ouvrages, outre le flanquement qu’il procurait, avait de plus l’avantage de diviser les attaques, de les cloisonner, pour ainsi dire. pendant que la défense conservait toute sa mobilité, il se retrouve non seulement dans la fortification passagère, mais encore dans la fortification de permanente des anciens: on peut en voir des exemples à Messène et à Lépréon. (Expédition scient. de Morée.)